par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
RAPPORT SUCCESSORAL DEFINITION
Dictionnaire juridique
Définition de Rapport successoral
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Dans le droit des successions, le "rapport" est la restitution à laquelle se trouve obligé l'héritier non réservataire qui, en présence d'héritiers réservataires a reçu une valeur qui excède la quotité disponible attachée à sa qualité. Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant. Le rapport en moins prenant constitue une modalité de règlement tant des rapports que des réductions de libéralités, il se présente comme une technique de règlement (1ère chambre civile 1, 12 octobre 1999, pourvoi : 97-15717, Legifrance). qui permet de simplifier les opérations de partage. Dans ce cas, la créance s'éteint par confusion. Cet avantage n'est offert qu'à l'héritier réservataire et légataire après imputation de sa libéralité sur la quotité disponible, puis subsidiairement sur sa réserve (Cour d'appel de Dijon, ct0347, 23 octobre 2008, Legifrance) et la condition encore qu'il ait accepté la succession et qu'il n'ait pas renoncé à sa part de réserve par exemple à l'occasion de l'établissement d'un pacte successoral. En moins-prenant l'héritier conserve les biens donnés ou légués mais ses droits héréditaires sont diminués à due concurrence.
L'héritier bénéficiaire d'un avantage particulier, legs ou donation, dont la valeur excéde la quotité disponible dont disposait le disposant, le ou les autre héritiers peuvent engager devant le Tribunal, une action dite "action en réduction". Cette procédure tend à faire réintégrer dans la masse partageable au profit du ou des réservateires lèsés la valeur des legs ou des donations excèdant la quotité disponible dont le taux est fixé par la Code civil.
Le legs est réductible en valeur et non en nature, de sorte qu'il n'existe aucune indivision entre le légataire universel et l'héritier réservataire. Une cour d'appel en a déduit, que, le patrimoine du légataire universelle, lui ayant été transmis au décès de celle-ci, la fille de la testatrice qui était réservataire, ne pouvait prétendre ni à l'attribution préférentielle ni à la licitation des parcelles dépendant de la succession (1ère Chambre civile 11 mai 2016, pourvoi n°14-16967, BICC n°850 du 1er novembre 2016 et Legifrance). .
Les textes gouvernant l'indivision sont étrangères au rapport des libéralités, lesquelles supposent l'existence d'une intention libérale (1ère Chambre civile 18 janvier 2012, pourvoi n°10-25685, BICC n°761 du 1er mai 2012 et Legifrance). Consulter les notes de M. Beigner et de M. Paulin référencées dans la Bibliographie ci-après. C'est aux cohéritiers qui alléguent l'existence d'une donation déguisée de prouver que les parents du donataire avaient financé l'acquisition par celui-ci avec une intention libérale (1ère Chambre civile 26 septembre 2012, pourvoi n°11-10960, BICC n°774 du 15 janvier 2013 et Legifrance).
Seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession (1ère Chambre civile 18 janvier 2012, pourvoi n°09-72542, BICC n°761 du 1er mai 2012 et Legifrance). Lorsqu'une épouse séparée de biens a opté pour le quart en pleine propriété des biens laissés par son mari décédé et qu'elle est donataire de la plus large quotité disponible entre époux, il n'existe aucune indivision en jouissance entre elle et les enfants nés de son union avec ce dernier. L'épouse a alors seule qualité à percevoir les fruits de l'appartement que cette dernière et son époux décédé ont acquis indivisément par moitié. Il incombe dans ce cas au juge du fond de rechercher si les avantages consentis par celle-ci à son fils légataire de la quotité disponible constituent des libéralités rapportables à la succession dont la reconnaissance exige la preuve de l'intention libérale. (1ère Chambre civile 18 janvier 2012, pourvoi n°10-27325, BICC n°761 du 1er mai 2102 et Legifrance). Consulter les deux notes de M. Paulin référencées dans la Bibliographie ci-après.
Sauf le cas où le disposant l'a expressément stipulé, le bénéficiaire d'une donation qu'il a reçue en "avancement d'hoirie", doit opérer une remise en nature, alors que le bénéficiaire d'un legs est réputé bénéficier du droit d'en rapporter la valeur en moins prenant. On dit que, dans ce cas, le legs est "rapportable", ou encore "réductible". L'acte de donation peut écarter la faculté offerte à l'héritier de rapporter en nature. Le juge du fond ne saurait se limiter a considérer que l'acte litigieux se borne à reproduire les dispositions légales du rapport en moins prenant pour en déduire si le rapport doit avoir lieu en nature ou en valeur. Il lui appartient, mais c'est une question de fait qui ne peut faire l'objet d'un pourvoi, de rechercher la commune intention des parties à l'acte, sur le point de savoir si en reproduisant les termes de l'article 858 du Code Civil sur le rapport, le donateur n'avait pas entendu imposer le rapport en valeur. (1ère Chambre civile 12 janvier 2011 pourvoi n°09-15298, LexisNexis et Legifrance)
Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, en tenant compte de son état à l'époque de la donation Il n'y a donc pas lieu, pour fixer, en vue de son rapport, la valeur d'un immeuble objet d'une donation déguisée, d'actualiser à la date la plus proche du partage la valeur retenue par l'expert lequel, après avoir évalué l'immeuble dans son état à la date de l'expertise, a minoré cette valeur pour tenir compte des travaux réalisés qui, ainsi, prenait en compte l'état de l'immeuble avant travaux. Il incombait au contraire au juge du fond de rechercher la valeur que le bien aurait eue à l'époque du partage dans l'état où il se trouvait au moment de la donation, sans qu'il y ait lieu de s'attacher aux travaux qu'avait pu réaliser le donataire. (1ère Chambre civile 14 janvier 2015, pourvoi n°13-24921, BICC n°820 du 15 avril 2015 et Legifrance). On trouve un commentaire de M. Christophe Vernières dans la revue AJ Famille 2015, p. 111.
En cas de recel de biens de la communauté conjugale par l'un des époux, lorsque les biens recelés ne se retrouvent pas entre les mains de l'époux coupable du recel, la restitution en valeur s'effectue, en principe, par voie de rapport en moins prenant sur l'actif de l'indivision communautaire, et non par la condamnation de l'époux coupable au versement de la valeur des biens recelés au profit de son conjoint (1ère Chambre civile, 12 novembre 1998, pourvoi : 96-21221, Legifrance).
Consulter les rubriques "Action en réduction", "Préciput" et "Retranchement".
Textes
Bibliographie