par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



INTERVENTION DEFINITION
Dictionnaire juridique

Définition de Intervention

en partenariat avec
Baumann Avocats Droit informatique

On dit "payer par intervention" pour, alors qu'elle n'y était pas légalement ou conventionnellement tenue, exprimer qu'une personne s'entremet volontairement pour régler une dette au lieu et place du débiteur. Le créancier peut refuser l'intervention s'il a un intérêt légitime à s'y opposer, ou encore, si la prestation attendue était faite en vertu d'un contrat conclu intuitu personae. Celui qui a sciemment acquitté la dette d'autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier, doit démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait, pour le débiteur, l'obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées. (1re Chambre civile 12 janv. 2012, pourvoi n° 10-24512, LexisNexis et Legifrance).

L'intervention est également le fait pour une personne qui jusque là était restée étrangère à un procès en cours, estime devoir protéger ses intérêts en devenant une partie dans cette procédure. Elle prends deux formes : elle est, soit volontaire, soit forcée. Dans le premier cas, la personne qui estime ses droits en danger intervient volontairement à l' instance lorsqu'elle est encore pendante. C'est notamment le cas lorsque le garant, sans attendre d'être appelé dans la cause où dans laquelle jusque là, il ne se trouvait pas partie, décide d'y intervenir. Par exemple un assureur a intérêt à intervenir dans le procès en responsabilité opposant d'une part, un de ses client et d'autre part, la victime qui demande à ce dernier une réparation de son préjudice prenant la forme de dommages-intérêts. Le second cas, d'intervention vise l'hypothèse inverse dans laquelle une partie assigne une personne pour la contraindre à devenir une partie au procès auquel jusque là elle était restée étrangère. Le cas le plus fréquent d'intervention forcée, est celui où une partie diligente un appel en garantie. Si le juge estime que le tiers a été assigné à tort, ce dernier est "mis hors de cause" et il peut obtenir un dédommagement pour le couvrir du dommage que lui a causé le fait qu'il a dû engager des frais pour suivre sur la procédure.

L'intervention volontaire dans une instance étant une demande en justice, son auteur devient, par cette seule intervention, partie à cette instance et peut, en cette qualité, accomplir les diligences de nature à interrompre, à l'égard de tous, le délai de péremption de l'instance. Il appartient à l'intervenant de conclure ou de solliciter la fixation de l'affaire en vue d'interrompre le délai de péremption, s'il n'a pas lui-même accompli ces diligences, son préjudice, s'il devait être démontré, ne résulterait que de sa propre négligence (2e Chambre civile 20 avril 2017, pourvoi n°16-16891, BICC n°869 du 15 octobre 2017 et Legifrance).

Les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense. Elles sont faites à l'encontre des parties défaillantes ou des tiers dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance. En appel, elles le sont par voie d'assignation. L'intervention est une demande incidente, laquelle, selon l'article 68 du même code, est formée à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense et à l'encontre des parties défaillantes ou des tiers dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance. Ces dispositions, qui figurent dans le livre premier du code de procédure civile, sont communes à toutes les juridictions. (3e Chambre civile 1er octobre 2020, pourvoi n°18-15670, Legifrance).

L'article 555 du Code de procédure civile subordonne la recevabilité de l'intervention forcée à la constatation que l'évolution du litige implique la mise en cause du tiers en raison de la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieur à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige. L'action directe du tiers lésé contre l'assureur de responsabilité est une action autonome qui trouve son fondement dans le droit de ce tiers à réparation de son préjudice. Si des tiers appelés en garantie pouvaient, dès la première instance, assigner leur compagnie d'assurances, il convient d'en déduire qu'un refus de garantie opposé par cette dernière après le jugement n'avait pas pour effet de modifier les données juridiques du litige et ne constituait pas une évolution de celui-ci impliquant la mise en cause de cet assureur. (3e Chambre Civile 15 décembre 2010., pourvoi n°09-68894, BICC n°740 du 15 avril 2011 et Legifrance). Sur la notion d'évolution du litige, consulter aussi : Ch. mixte, 9 novembre 2007, pourvoi n°06-19508, Bull.2007 ; Ch. mixte, n°10, et l'arrêt cité ; 3e Civ., 28 janvier 2009, pourvoi n°07-19240, Bull. 2009, III, n°21.

Les deux types d'intervention peuvent avoir lieu pour la première fois en cause d'appel et devant la Cour de Cassation. A cet égard, elle a estimé que l'intervention forcée d'un tiers en cause d'appel restait recevable dès lors qu'elle était motivée par une circonstance de fait ou de droit révélée née du jugement ou postérieurement au jugement entrepris et modifiant les données juridiques du litige (2e Chambre civile 11 avril 2013 pourvoi n°12-14476, BICC n°788 du 1er octobre 2013 et Legifrance) L'intervention volontaire se fait devant le tribunal judiciaire à l'égard des parties comparantes, par des conclusions comportant les demandes de l'intervenant, qui ne sont soumises à aucun formalisme particulier (2°chambre civile, 2 juillet 2009, pourvoi n°08-17741 BICC n°714 du 15 janvier 2010 et Legifrance).

Selon l'article 554 CPC, peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité. A cette condition liée à l'intérêt à agir, s'ajoute celle résultant de l'article 325 du même code selon lequel l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. A cet égard, la chambre mixte de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 9 nov. 2007, (n° 06-19508), que l'appréciation de l'intérêt à agir de l'intervenant volontaire à une instance et celle du lien suffisant qui doit exister entre ses demandes et les prétentions originaires relèvent du pouvoir souverain des juges du fond. Voir aussi : Ch. Com., 13 juin 1984, Bull. 1984, IV, n° 196 ; 3e Ch. Civ.,1er juillet 1987, Bull. 1987, III, n° 137 ; 3e Ch. Civ., 9 octobre 1991, Bull. 1991, III, n° 236 ; 3e Ch. Civ., 30 juin 1993, pourvoi n° 91-14210 ; 1ère Ch. Civ., 21 novembre 1995, Bull. 1995, I, n° 419 ; Ch. Com., 16 décembre 1997, pourvoi n° 95-12312 ; 3e Ch. Civ., 12 juin 2001, pourvoi n° 99-19814 ; 3e Ch. Civ., 4 avril 2002, Bull. 2002, II, n° 79 ; 1ère Ch. Civ.,10 janvier 2006, Bull. 2006, I, n° 6). En revanche, la Cour de cassation se réserve, comme toujours, la possibilité de censurer une absence ou insuffisance de motifs sur ce lien (3e Ch. Civ., 30 juin 1999, Bull. 1999, III, n° 151 ; Ch. Com., 28 avril 2004, pourvoi n° 01-14927).

Textes

  • Code de procédure civile, articles 7, 63 et s., 169, 325. et s., 554 et s.
  • Code de commerce, articles L511-65 et s., L512-3.
  • Bibliographie

  • Fischer (E.), La notion d'évolution du litige et la politique de la Cour de cassation quant au double degré de juridiction. Dalloz 2005, p.2368).
  • Legier (G.), L'intervention forcée en appel et l'évolution du litige (article 555 du nouveau code de procédure civile). Dalloz, 1978, Ch. XXXI.
  • Serinet (Y-M.), Observations sous Ch. mixte,9 novembre 2007, Bull. 2007, Ch. mixte, n°10, Semaine juridique, éd. G, 9 avril 2008, n°15, p.30-33. (Intervention en appel -Intervenant ni partie ni représenté en première instance).

  • Liste de toutes les définitions