par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 23 juin 2010, 09-41607
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Cour de cassation, chambre sociale
23 juin 2010, 09-41.607
Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 4122-1, L. 1232-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X..., engagé le 21 février 2000 par la société Frans Bonhomme en qualité de chef magasinier, a été promu chef du magasin de Montauban, le 21 décembre 2001 ; que dans le cadre de ses nouvelles fonctions, une délégation de pouvoir lui a été donnée à l'effet de prendre toutes mesures et toutes décisions en vue d'appliquer et de faire appliquer les prescriptions d'hygiène et de sécurité pour le personnel et les tiers dans le dépôt ; qu'il a fait l'objet d'un avertissement, le 4 octobre 2002 aux motifs que l'issue de secours était obstruée par des marchandises et que le dispositif de sécurité du portillon était hors d'usage ; qu'il a été licencié pour faute grave, le 21 janvier 2004, dans les termes suivants : "Lors de sa prise de fonction, votre chef d'agence a constaté que la mezzanine -montée depuis 2002 au dépôt de Montauban- présentait une oscillation suspectée dangereuse pour les salariés appelés à évoluer sur ou sous cette mezzanine, et ce, probablement depuis plusieurs mois. Non seulement vous n'avez pas pris en temps utile les mesures de sécurité élémentaires pour éviter tout risque d'accident -comme interdire l'accès de cette mezzanine au personnel et en retirer les marchandises si besoin était- mais vous n'avez ni tenu informé votre hiérarchie de cette situation de risque, ni fait procéder aux travaux nécessaires pour la sécuriser" ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour contester la validité de l'avertissement et le bien-fondé du licenciement et pour demander le paiement de diverses sommes ;
Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et à titre d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la mesure de licenciement fait suite à un message du chef d'agence en date du 19 janvier 2004 adressé à la direction régionale faisant état d'une non fixation de la mezzanine à des points fixes de nature à supprimer les phénomènes de flambage, l'absence d'haubanages de celle-ci, le tout provoquant une oscillation douteuse lors des déplacements des magasiniers sur son plancher non fixé, que le chef d'agence ajoute qu'à aucun moment une quelconque mesure palliative n'a été prise par la personne en charge du dépôt, M. X..., que la société Frans Bonhomme produit un compte rendu de visite du fabricant de la mezzanine en date du même jour faisant état "d'importants problèmes de stabilité" sur cette structure récupérée du site de Perpignan et annonçant une offre pour rétablir la stabilité de cet élément, que le représentant du fabricant avait transmis à M. X... un fax le 1er décembre 2003 énonçant "Suite à notre visite de votre installation, nous vous signalons que la mise en conformité de votre plate-forme nécessite impérativement la mise en place d'éléments de stabilité, à savoir deux croisillons raidisseurs", que le document chiffre la fourniture de ces éléments à la somme hors taxes de 180 euros, qu'il ressort de ces éléments que M. X... n'avait pas négligé la difficulté constatée, mais avait au contraire pris l'initiative de contacter le fabricant de la mezzanine pour obtenir un devis pour la mise en conformité de la stabilité de celle-ci, que, d'autre part, la nature et la modicité de l'intervention préconisée font naître un doute sérieux sur le niveau de danger invoqué par l'employeur pour procéder au licenciement du salarié, que dans ces conditions le licenciement n'est justifié ni par une faute grave ni par une cause réelle et sérieuse ;
Attendu, cependant, que selon l'article L. 4122-1 du code du travail, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ;
Qu'en statuant comme elle a fait par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses constatations qu'une mezzanine sur laquelle étaient entreposées des marchandises et où circulaient des salariés présentait d'importants problèmes de stabilité et nécessitait impérativement la mise en place d'éléments pour la stabiliser et que le salarié, titulaire d'une délégation de pouvoirs en vue d'appliquer et faire appliquer les prescriptions en matière d'hygiène et de sécurité, s'était borné à s'enquérir du coût des réparations sans prendre aucune mesure pour prévenir un accident ni faire procéder aux réparations qui s'imposaient, ce dont il résultait qu'il avait commis un manquement grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société au paiement de sommes à titre d'indemnités de rupture et à titre d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 13 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Frans Bonhomme
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société FRANS BONHOMME à verser à Monsieur X... diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à titre de congés payés sur préavis, à titre d'indemnité de licenciement et à titre de frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE « La lettre de licenciement pour faute grave du 3 février 2004 reproche à M. X... les fait suivants : « Lors de sa prise de fonction, votre chef d'agence a constaté que la mezzanine - montée depuis 2002 au dépôt de Montauban - présentait une oscillation suspectée dangereuse pour les salariés appelés à évoluer sur ou sous cette mezzanine, et ce, probablement depuis plusieurs mois. Non seulement vous n'avez pas pris en temps utile les mesures de sécurité élémentaires pour éviter tout risque d'accident - comme interdire l'accès de cette mezzanine au personnel et en retirer les marchandises si besoin était - mais vous n'avez ni tenu informé votre hiérarchie de cette situation de risque, ni fait procéder aux travaux nécessaires pour la sécuriser ». La mesure de licenciement fait suite à un message du chef d'agence en date du 19 janvier 2004 adressé à la direction régionale faisant état d'une non fixation de la mezzanine à des points fixes de nature à supprimer les phénomènes de flambage, l'absence d'haubanages de celle-ci, le tout provoquant une oscillation douteuse lors des déplacements des magasiniers sur son plancher non fixé. Le chef d'agence ajoute qu'à aucun moment une quelconque mesure palliative n'a été prise par la personne en charge du dépôt, M. X.... La SA FRANS BONHOMME produit un compte rendu de visite du fabricant de la mezzanine en date du même jour faisant état « d'importants problèmes de stabilité » sur cette structure récupérée du site de Perpignan et annonçant une offre pour rétablir la stabilité de cet élément. Aucune offre du fabricant n'est cependant versée aux débats, de telle sorte que la nature exacte des mesures prises pour remédier à la difficulté reprochée à M. X... n'est pas connue. Le même représentant du fabricant PROVOST, M. Stéphane Y..., avait transmis à M. X... un fax le 1er décembre 2003 énonçant : « Suite à notre visite de votre installation, nous vous signalons que la mise en conformité de votre plate-forme nécessite impérativement la mise en place d'éléments de stabilité, à savoir deux croisillons raidisseurs ». Le document chiffre la fourniture de ces éléments à la somme hors taxes de 180 . Il ressort de ces éléments que M. X... n'avait pas négligé la difficulté constatée, mais avait au contraire pris l'initiative de contacter le fabricant de la mezzanine pour obtenir un devis pour la mise en conformité de la stabilité de celle-ci. D'autre part, la nature et la modicité de l'intervention préconisée font naître un doute sérieux sur le niveau de danger invoqué par l'employeur pour procéder au licenciement du salarié. Dans ces conditions, dès lors notamment que le grief est pour partie inexact, le licenciement n'est justifié ni par une faute grave ni par une cause réelle et sérieuse. La cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à 12 000 le montant des dommages-intérêts revenant à M. X.... Il sera par ailleurs fait droit à ses demandes relatives aux indemnités de rupture. » ;
1) ALORS QUE selon l'article L. 4122-1 du Code du travail, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ; que les manquements du salarié à son obligation de prendre soin de sa sécurité et de celle d'autrui engagent sa responsabilité et peuvent constituer une faute grave ; que de tels manquements sont d'autant plus graves lorsque le salarié a reçu une délégation de pouvoirs dans le domaine de la sécurité ; qu'en l'espèce, il était constant que Monsieur X... avait reçu, en vertu d'une délégation d'autorité expresse, tout pouvoir pour assurer le respect des règles d'hygiène et de sécurité dans l'entrepôt de MONTAUBAN et qu'il lui était reproché non seulement de n'avoir pris aucune mesure de sécurité élémentaire pour prévenir tout risque d'accident, alors qu'une mezzanine installée dans le magasin, sur laquelle était entreposé du matériel et circulaient des salariés, présentait une oscillation dangereuse, mais également de n'avoir ni prévenu sa hiérarchie de cette situation de risque, ni fait procéder aux travaux nécessaires pour sécuriser cette mezzanine ; qu'après avoir relevé que le fabricant de cette mezzanine avait constaté l'existence d' « importants problèmes de stabilité » sur cette structure et qu'il avait informé Monsieur X..., depuis plusieurs mois, que « la mise en conformité (de cette installation) nécessitait impérativement la mise en place d'éléments de stabilité » peu coûteux, la cour d'appel a néanmoins jugé que le grief reproché à Monsieur X... ne constituait ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'elle a ainsi violé les articles L. 4122-1 (ancien article L. 230-3), L. 1232-1 (ancien article L. 122-14-3, alinéa 1er), L. 1234-5 (ancien article L. 122-8, alinéa 1er) et L. 1234-9 (ancien article L. 122-9, alinéa 1er) du Code du travail ;
2) ALORS QUE le salarié investi d'une délégation de pouvoir en matière de sécurité et tenu, à ce titre, de veiller au respect des règles de sécurité dans un établissement, doit prendre toute mesure nécessaire pour assurer le respect de ces règles et prévenir tout accident du travail ; qu'en particulier, en présence d'une installation non-conforme aux règles de sécurité, il doit prendre toute mesure nécessaire pour remédier à cette défectuosité et, dans l'attente de la mise en conformité de cette installation, prévenir tout accident en interdisant l'accès à cette installation ; qu'en se fondant sur le motif inopérant qu'il existait une doute sur le « niveau de danger » présenté par l'instabilité de la mezzanine, dont l'installation était jugée non-conforme aux normes de sécurité par le fabricant lui-même, la cour d'appel a, par fausse application, violé les articles L. 4122-1 (ancien article L. 230-3), L. 1232-1 (ancien article L. 122-14-3, alinéa 1er), L. 1234-5 (ancien article L. 122-8, alinéa 1er) et L. 1234-9 (ancien article L. 122-9, alinéa 1er) du Code du travail ;
3) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la dangerosité d'une installation ne dépend ni de la nature, ni du coût des travaux nécessaires pour la mettre en conformité avec les normes de sécurité ; que, dès lors qu'une mezzanine servant à entreposer des marchandises, sur et sous laquelle des salariés sont amenés régulièrement à circuler, n'est pas stable, ni conforme aux règles de sécurité, elle crée un risque certain pour la sécurité du personnel ; qu'en se fondant sur le motif inopérant que la nature et la modicité des travaux préconisés par le fabricant de cette mezzanine faisaient naître un doute sur le niveau de danger présenté par l'installation défectueuse de la mezzanine, la cour d'appel a privé sa décision de motif au regard des articles L. 4122-1 (ancien article L. 230-3), L. 1232-1 (ancien article L. 122-14-3, alinéa 1er), L. 1234-5 (ancien article L. 122-8, alinéa 1er) et L. 1234-9 (ancien article L. 122-9, alinéa 1er) du Code du travail ;
4) ALORS, ENFIN, QUE le salarié qui dispose, en vertu d'une délégation d'autorité expresse, du pouvoir de prendre toute mesure nécessaire pour assurer le respect des prescriptions d'hygiène et de sécurité dans un établissement doit, en présence d'une installation non-conforme aux normes de sécurité, non seulement s'enquérir auprès du fabricant des travaux nécessaires pour remédier à cette défectuosité, mais aussi et surtout commander ces travaux de réparation et, dans l'intervalle, prendre toute mesure pour prévenir un accident, par exemple en interdisant l'accès à cette installation ; qu'à tout le moins doit-il, s'il estime n'avoir pas la capacité ou les moyens de commander ces travaux, en avertir ses supérieurs hiérarchiques ou la personne responsable qui lui a délégué ses pouvoirs ; qu'en se bornant à relever que Monsieur X... avait pris l'initiative de contacter le fabricant de la mezzanine et de solliciter un devis pour la mise en conformité de la stabilité de celle-ci, pour en déduire qu'il n'avait pas « négligé la difficulté », cependant qu'il lui était reproché de n'avoir ni commandé ces travaux de mise en conformité après l'obtention du devis, ni alerté sa hiérarchie sur la non-conformité de cette mezzanine, ni pris de mesure pour prévenir un accident, par exemple en interdisant l'accès à cette mezzanine ou en faisant procéder au retrait des marchandises qui y étaient entreposées, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L. 4122-1 (ancien article L. 230-3), L. 1232-1 (ancien article L. 122-14-3, alinéa 1er), L. 1234-5 (ancien article L. 122-8, alinéa 1er) et L. 1234-9 (ancien article L. 122-9, alinéa 1er) du Code du travail.
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Licenciement
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.