par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 4 mai 2017, 15-29158
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
4 mai 2017, 15-29.158
Cette décision est visée dans la définition :
Arbitrage
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 novembre 2015), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 12 octobre 2011, pourvoi n° 10-14.687), que la société libanaise Groupe Antoine Y... (le GAT), qui a pour activité le financement de travaux publics, notamment en Afrique, a passé, en 1992 et 1993, des conventions de financement avec la République du Congo ; que celle-ci a chargé une société pétrolière, TEP Congo, qui l'a accepté, de payer les échéances du prêt ; qu'un différend est né, la République du Congo estimant avoir trop payé ; que la société pétrolière a été condamnée, par les juridictions judiciaires suisses, à payer au GAT une somme supérieure à 64 millions de francs suisses ; que ces décisions ayant été déclarées exécutoires en France, les pourvois ont été rejetés par deux arrêts du 4 juillet 2007 ; que, parallèlement, la République du Congo a mis en oeuvre une procédure d'arbitrage à Paris, sous l'égide de la Chambre de commerce internationale, sollicitant le remboursement par le GAT des sommes versées, selon elle, sans cause ; que, par une première sentence du 30 mars 2000, le tribunal arbitral a statué sur sa compétence ; que, par une deuxième, du 4 juin 2002, il a, notamment, dit y avoir lieu à intérêts, les parties devant les calculer dans un certain délai, et condamné la République du Congo au paiement d'une somme supérieure à 16 millions d'euros, sans astreinte ; qu'une troisième sentence, du 8 décembre 2003, ordonnant en particulier au GAT de verser sur un compte séquestre les sommes qui pourraient lui être versées par la société pétrolière excédant la provision de 16 millions d'euros, a été frappée d'un recours en annulation rejeté par arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 mai 2006 ; que, par ordonnance de procédure du 11 décembre 2003, le président du tribunal arbitral a ordonné au GAT, en l'attente de la signature de la convention de séquestre, de consigner les sommes versées au-delà de la somme de 16 millions d'euros entre les mains du bâtonnier ; qu'une quatrième sentence du 27 février 2008, a, en particulier, rejeté le recours en rétractation partielle de la sentence n° 2, dit que le solde du compte résultant des paiements faits en exécution de la convention de 1993 donnait droit à un intérêt au taux contractuel de 10 % jusqu'au 31 décembre 2004, et au-delà à un intérêt de 4,5 % et dit qu'en réparation du dommage causé à la République du Congo par l'inexécution des mesures provisoires ordonnées par la troisième sentence, le GAT serait privé du bénéfice d'intérêts pour un montant de 449 889,30 euros ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le GAT fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation de la sentence n° 4 rendue le 27 février 2008, tirée de l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral, alors, selon le moyen :
1°/ que l'indépendance de l'arbitre est de l'essence même de sa fonction juridictionnelle ; que lorsque l'une des parties à l'arbitrage stipule ne pas souhaiter d'un arbitre qui a ou aurait eu des relations d'affaires avec certaines sociétés concernées, à raison d'un possible conflit d'intérêts direct et indirect qu'elle redouterait, tout arbitre nommé ou désigné doit impérativement révéler l'existence de telles relations sans avoir à en apprécier la pertinence ou le bien-fondé ; qu'en l'espèce, il est constant que le GAT avait fait savoir ne pas vouloir qu'un intervenant à la procédure d'arbitrage ait ou ait pu avoir des liens avec le groupe Total ou l'une quelconque de ses filiales, à raison d'un possible conflit d'intérêt direct et indirect, la société TEP Congo, concernée par le résultat de l'arbitrage quant à l'exécution de certaines obligations financières, étant contrôlée à 100 % par le groupe Total ; qu'en retenant, pour juger que M. D... C... , qui a entretenu et entretient encore de nombreuses relations d'affaires avec des sociétés du groupe Total, n'avait pas à révéler l'existence de telles relations, que l'issue de la procédure arbitrale n'aurait aucun retentissement sur la situation financière de TEP Congo et que l'appréciation de l'indépendance et de l'impartialité de l'arbitre devait s'effectuer objectivement et non au regard des attentes particulières du GAT, la cour d'appel a violé l'ancien article 1452, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble les articles 1456 et 1520, 2°, du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en jugeant que l'absence de révélation par M. D... C... de ses relations d'affaires avec le groupe Total n'était pas de nature à provoquer, dans l'esprit des parties, un doute raisonnable sur ses qualités d'impartialité et d'indépendance, cette appréciation devant s'effectuer objectivement et non au regard des attentes particulières invoquées par le GAT qui, en accord avec la République du Congo, tenait pour essentiel l'absence de tout lien de l'arbitre avec le groupe Total, la cour d'appel a méconnu le fondement contractuel de la justice arbitrale et les attentes légitimes spécialement stipulées par le GAT quant aux conditions d'indépendance et d'impartialité des différents arbitres et a ainsi violé l'ancien article 1452, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble les articles 1456, 1507, 1511 et 1520, 2°, du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ qu'en ne procédant à aucune analyse du fait spécialement soulevé par le GAT du lien direct qu'entretenait le président du tribunal arbitral avec une filiale du groupe Total (filiale qui de plus intervenait dans le commerce du pétrole congolais, objet du litige arbitral), quand un potentiel conflit d'intérêt direct appelle pourtant une obligation de révéler de résultat de la part de l'arbitre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1452, alinéa 2, du code de procédure civile et des articles 1456 et 1520, 2°, du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'issue de la procédure arbitrale n'aura aucun retentissement sur la situation financière de TEP Congo, qui n'est pas partie à l'arbitrage, et que l'existence d'un éventuel conflit d'intérêt pouvant engendrer un risque de défaut d'indépendance et d'impartialité du président du tribunal arbitral apparaît donc exclue ; que, par ces seuls motifs, dont elle a exactement déduit que l'absence de révélation par le président de ses relations d'affaires avec le groupe Total n'était pas de nature à provoquer dans l'esprit des parties un doute raisonnable sur ses qualités d'impartialité et d'indépendance, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen :
Attendu que le GAT fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation de la sentence n° 4 rendue le 27 février 2008, tiré de la violation par le tribunal arbitral de sa mission de révision des sentences n° 2 et n° 3, alors, selon le moyen :
1°/ que le recours en annulation est ouvert si le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent, ce qui implique, pour la cour d'appel, d'examiner l'appréciation portée par les arbitres sur l'existence avérée ou non d'une éventuelle fraude ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas procédé à cette recherche pourtant nécessaire, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1520, 1°, du code de procédure civile ;
2°/ que le recours en annulation de la sentence arbitrale est ouvert si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; que le GAT faisait valoir que le tribunal arbitral avait méconnu la mission qui lui avait été confiée en ne procédant à aucune analyse de la lettre déconfidentialisée du 20 octobre 1994, qui avait pourtant été dissimulée par le Congo aux fins de fraude, et qui était de nature à révéler la nature contractuelle et immuable de l'échéancier de remboursement litigieux ; qu'en ne vérifiant pas précisément si le tribunal arbitral avait effectivement examiné cette pièce déterminante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1520, 3°, du code de procédure civile ;
3°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motif ; qu'en l'espèce, le GAT demandait à la cour d'appel de constater l'existence d'une fraude ourdie par le Congo lors de la dissimulation de la lettre du 22 octobre 1994 qui révélait le caractère contractuel et immuable de l'échéancier litigieux ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que le GAT a introduit un recours en révision, en soutenant qu'après la reddition de la sentence n° 4 il avait découvert de nouvelles pièces dissimulées par la République du Congo, notamment la lettre déconfidentialisée du 20 octobre 1994 adressée par celle-ci à TEP Congo et à laquelle était annexé l'échéancier de remboursement du prêt, l'arrêt relève que la sentence énonce, d'une part, aux paragraphes 70 à 75, les raisons pour lesquelles les pièces produites ne sont pas pertinentes au regard de la demande en rétractation, d'autre part, aux paragraphes 76 à 80, les motifs ayant conduit à considérer comme non immuable l'échéancier de remboursement, estimant qu'il s'agissait d'un compte courant, et à lui préférer un autre mode de calcul des créances entre les parties ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante, a fait ressortir l'absence de fraude résultant de la dissimulation alléguée de la lettre déconfidentialisée du 20 octobre 1994 et en a déduit que le tribunal avait respecté sa mission ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe Antoine Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Groupe AntoineY... t
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation de la sentence n° 4 rendue le 27 février 2008, tirée de l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral ;
Aux motifs que, « Sur la régularité de la composition du tribunal arbitral
Considérant que GAT soutient, pour la première fois dans le cadre du présent recours en annulation, que le tribunal arbitral n'aurait pas été régulièrement composé, tant au regard de l'article 7.2 du règlement de la CCI qu'au regard de l'article 1456, alinéa 2 du code de procédure civile, en raison du défaut de révélation, ni spontanée lors de sa désignation, ni à la demande de GAT lors de la procédure de récusation introduite devant la CCI à son encontre, par le président du tribunal arbitral, M. D... C... , de l'ensemble des liens qu'il entretenait avec le Groupe Total, lequel contrôle TEP Congo à 100 % ;
Que ces liens consistent pour l'essentiel dans le fait que M. D... C... :
- a occupé jusqu'en 2005 un poste d'administrateur au sein de la société de droit belge Compagnie nationale de Portefeuilles (CNP), actionnaire de Total SA à hauteur de 1,4 %, cette participation représentant 47 % de son portefeuille,
- a été le conseil du premier actionnaire privé du Groupe Total, à savoir le concert CNP/GBL (Groupe Bruxelles-Lambert), lequel détient 4 % du Groupe Total, cette participation représentant 46 % de son portefeuille ;
- est un des conseils personnels de M. Albert B...,
- appartient à un cabinet d'avocats qui a intégré en 2005 le cabinet DLA PIPER, lequel est le conseil du Groupe Total, ainsi que de sa très importante filiale, la société Totsa (Total Oil and Trading SA, ex Elf Trading), et a représenté une multitude de filiales de ce groupe dans le monde, notamment dans le cadre d'un projet en Angola en 2007 ou à l'occasion de procédures pénales en Angleterre ;
Que, selon GAT, M. D... C... ne pouvait pas ignorer l'étendue de l'implication de TEP Congo dans le litige arbitral, et ce, dès sa désignation ; qu'il ne pouvait davantage ignorer la préoccupation des parties concernant le choix d'un arbitre qui ne soit pas français, compte tenu de la place de la société française Total dans le présent litige ; qu'il ne pouvait davantage ignorer que TEP Congo avait un intérêt direct et propre à la solution du litige ;
Que M. D... C... a, certes, reconnu dans le cadre de la procédure de récusation engagée à son encontre devant la CCI qu'il avait occupé un siège d'administrateur non exécutif au sein de la CNP dix-huit mois avant sa nomination en tant qu'arbitre, mais s'est abstenu de révéler les autres éléments que GAT déclare avoir ultérieurement découverts ;
Que ce défaut d'information suivi d'une information incomplète et perlée est de nature, selon GAT, à faire raisonnablement douter de l'indépendance de l'arbitre ;
Qu'elle ajoute que TEP Congo, bien que n'étant pas partie à la procédure arbitrale, est directement concernée par son issue ; qu'en effet, en vertu d'accords confidentiels conclus entre la République du Congo et TEP Congo, celle-ci s'engage à verser à titre transactionnel, en règlement de dettes préexistantes sur lesquelles il y aurait au demeurant lieu, selon elle, de s'interroger, une somme de 70 millions de dollars US, soit à la République du Congo, soit à GAT, en fonction de l'issue de l'arbitrage ; que contrairement aux affirmations de la République du Congo, l'issue de l'arbitrage n'est pas neutre pour TEP Congo, en ce sens que l'intérêt de cette dernière est de verser ces sommes à la République du Congo, plutôt qu'à GAT, de façon à entretenir avec les autorités congolaises des rapports propices au maintien et à l'obtention de permis d'exploration pétrolière ;
Qu'ainsi, M. D... C... aurait dû révéler toutes les circonstances susceptibles de faire naître un doute sur son indépendance à l'égard de la société Total Groupe, tiers intéressé à la procédure arbitrale ;
Considérant qu'en réponse, la République du Congo oppose tout d'abord l'irrecevabilité de ce moyen pour cause de tardiveté ; qu'elle relève que l'article 11 (2) du Règlement d'arbitrage de la CCI dispose qu'une demande de récusation doit être formée dans le délai de 30 jours à compter de la date à laquelle la partie requérante a été informée des faits et circonstances qu'elle invoque à l'appui de sa demande ;
Qu'elle rappelle que faute d'y avoir procédé dans ce délai, la partie requérante est réputée avoir renoncé à solliciter l'annulation subséquente de la sentence, sauf à rapporter la preuve de ce qu'elle n'aurait pas pu avoir connaissance des faits antérieurement ;
Qu'en l'espèce, la République du Congo constate que GAT ne démontre pas qu'elle n'aurait pu avoir connaissance plus tôt des faits et circonstances sur lesquelles elle se fonde ; qu'au contraire, les liens pouvant exister entre M. D... C... et la société CNP et donc, indirectement, avec la société Total étaient de notoriété publique, et aisément accessibles ;
Que, sur le fond, la République du Congo soutient que l'importance de ces relations serait exagérée et ne serait pas de nature à affecter l'indépendance du président du tribunal arbitral ;
Qu'elle constate que TEP Congo n'est pas partie à la procédure arbitrale et que les enjeux de celle-ci seraient neutres en ce qui la concerne et a fortiori en ce qui concerne sa société mère, Groupe Total ; qu'il résulte, en effet, d'accords confidentiels conclus entre TEP Congo et la République du Congo et se rapportant à de nombreuses matières sans lien avec le présent arbitrage, que la République du Congo supporte seule les enjeux financiers de cet arbitrage ; que, d'une part, un protocole général d'accord (PGA) signé en 2001 stipule expressément que la République du Congo s'engage à rembourser à TEP Congo toutes sommes que cette société serait amenée à payer à GAT, au titre notamment de décisions judiciaires ou arbitrales ; que, d'autre part, un accord général transactionnel (AGT), signé en 2003, rappelle que TEP Congo était débiteur de la République du Congo à hauteur de 70 millions de dollars (au titre de diverses dettes fiscales) et prévoit que le paiement de cette somme devrait intervenir par le règlement, par TEP Congo, auprès de GAT, du montant de la condamnation que pourrait fixer le tribunal arbitral au terme de la procédure, et ce, à hauteur du montant de 70 millions de dollars ;
Qu'ainsi, les engagements de TEP Congo envers la République du Congo sont constants, et que seule la République du Congo supporte l'intégralité des risques financiers résultant de la procédure arbitrale ; que c'est, du reste, en ce sens qu'a statué la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 17 mars 2011, sur le recours en annulation formé à l'encontre de la sentence finale (sentence n° 5) ; que cet arrêt a été frappé d'un pourvoi comportant un moyen tiré du défaut d'impartialité de M. C..., qui a été rejeté par arrêt du 25 juin 2014 ;
Qu'ainsi, M. D... C... n'était nullement tenu d'une obligation de révélation à l'endroit des faits révélés par GAT ;
Considérant que l'article 4.2.1 du Protocole général d'accord (PGA) signé en 2001 entre la République du Congo et TEP Congo est ainsi rédigé :
La République du Congo déclare que toute la quantité de Pétrole Brut objet de la vente visée au présente Article est libre, et restera libre pendant toute la durée de l'Accord, de tout gage, charge, garantie, sûreté ou autre engagement au profit d'un tiers et le demeurera pour toute la durée de l'Accord, à l'exception des engagements pris en faveur du Groupe Antoine Y... par conventions n° 560 du 24.4.92 et n° 569 du 9.3.93, ainsi que de l'accord en date du 19.1.96 dont TEP a connaissance et auxquels les dispositions du présent accord n'apporte (sic) aucune altération, sous réserve de l'issue des procédure judiciaires et arbitrales en cours et sous réserve, enfin, de tout accord transactionnel avec le Groupe Antoine Y..., dûment notifié à TEP Congo et ayant pour effet d'annuler ou de réduire les gages existants.
La République du Congo fera en conséquence son affaire de tous recours que pourraient exercer à l'encontre de TEP Congo ou des sociétés qui lui sont affiliées, tous tiers à raison de la participation de cette dernière au présent Accord et à ce titre prendra en charge toutes les conséquences financières qui pourraient résulter pour TEP Congo et ses sociétés affiliées de tels recours. Tout différend relatif à l'exécution de cet Accord par les Parties sera traité conformément aux dispositions de l'article 10 ci-après.
Dans l'hypothèse où TEP Congo ou toute société affiliée de TEP Congo serait amenée à effectuer (ou à retenir) des paiements en vertu de toute décision judiciaire ou toute décision arbitrale exécutoire ou d'un accord transactionnel, ou supporterait des frais, liés aux dettes de la République du Congo envers les sociétés du Groupe Antoine Y... ou envers tout autre créancier, alors, TEP Congo en informera immédiatement la République du Congo qui ne s'opposera pas aux dits paiements (ou aux retenues) et dédommagera TEP Congo (pour compte propre ou pour le compte de sa société affiliée) des dits frais dans les 15 jours calendaires suivant la réception d'une demande de TEP Congo en ce sens, accompagnée de la justification des paiements effectués.
Considérant qu'il résulte des dispositions ainsi rappelées que la République du Congo s'engage à dédommager TEP Congo des paiements auxquels cette dernière pourrait être amenée à procéder envers GAT à raison de procédures judiciaires ou arbitrales engagées au titre des divers accords en vigueur intéressant les entités concernées ;
Que le mécanisme ainsi mis en place a pour effet que l'issue des procédures arbitrales qui pourraient être engagées entre GAT et la République du Congo est neutre pour TEP Congo ;
Considérant que l'Accord général transactionnel (AGT) conclu en 2003 comporte deux articles ainsi rédigés :
3.5.2 Litige GAT
Dans le cadre du litige Groupe Antoine Y... ("GAT"), TEP Congo et/ou ses Affiliées ou la RC pourraient être amenées, à l'occasion de procédure judiciaires ou arbitrales en cours où elles sont impliquées, à devoir supporter des condamnations pécuniaires.
En effet, GAT a ainsi obtenu de la Cour de justice de Genève une décision de septembre 2002 confirmant la condamnation de TEP Congo à payer à GAT la somme d'environ 57 millions d'euros en principal. Cette décision fait l'objet de recours devant le Tribunal fédéral. Pour sa part, la RC a été condamnée, à titre provisionnel à payer à GAT la somme d'environ 17 millions d'euros par une sentence intérimaire du 4 juin 2002. La procédure est toujours en cours.
TEP Congo, à titre transactionnel et de façon exceptionnelle, accepte de prendre à sa charge soixante-dix (70) millions de dollars US au titre des frais encourus et des condamnations pécuniaires susceptibles d'être prononcées contre TEP Congo et/ou ses Affiliées ou la RC au profit de GAT en conséquence d'une procédure judiciaire ou arbitrale, exécutoire et non susceptible de recours ou d'opposition.
Dès qu'un ou plusieurs paiements par TEP Congo seront intervenus au titre de ces soixante-dix (70) millions de dollars US, qui valent pour toutes causes confondues du litige GAT (principal, frais ou indemnités judiciaires, dommages et intérêts, dépens...), TEP Congo constatera une créance sur la RC à due à concurrence desdits paiements dans les comptes de son établissement comptable dit "moyens communs".
3.3.3 Abandon de créance
En complément des dispositions visées à l'article 3.5.2 ci-après, la RC demande par les présentes à TEP Congo, à titre transactionnel, de s'abstenir de demander à la RC le remboursement, selon les dispositions du PGA, du ou des paiements visés à l'alinéa de l'article 3.5.2, ce que TEP accepte à titre transactionnel également. En conséquence, TEP Congo procédera à l'abandon de cette créance pars tiers au cours des trois exercices fiscaux qui suivront sa constatation.
En outre, au cas où, à l'issue des procédures judiciaires et arbitrales en cours, les montants respectivement supportés par TEP Congo et/ou ses Affiliées au titre du litige "GAT" :
I. dépasseraient soixante-dix (70) millions de dollars US tels que définis à l'article 3.5.2, alors, TEP Congo sera en droit d'obtenir le remboursement par la RC de ces montants et d'appliquer à cet effet la procédure décrite au PGA,
II. ne dépasseraient pas soixante-dix (70) millions de dollars US tels que définis à l'article 3.5.2, alors TEP Congo paiera à la RC, à titre d'indemnité transactionnelle, la différence entre soixante-dix (70) millions de dollars US et les dits montants. Cette somme constituera une charge qui sera traitée dans les mêmes conditions que celles décrites au premier paragraphe du présent article 3.3.3.
Considérant que le mécanisme ainsi mis en place par l'AGT prévoit que TEP Congo accepte, à titre transactionnel, de prendre en charge les condamnations prononcées à l'encontre de la République du Congo à hauteur de 70 millions de dollars US, dont elle renonce à réclamer le remboursement, et prévoit qu'au cas où les condamnations seraient inférieures à ce montant, TEP Congo aurait à verser la différence à la République du Congo ; qu'il s'ensuit que les résultats de la procédure d'arbitrage sont neutres pour TEP, cette dernière ne pouvant être tenue au-delà du montant de 70 millions d'euros auquel elle s'est engagée à titre transactionnel, ni en deçà, et ce, quel que soit le montant des condamnations mises à la charge de la République du Congo ; que ce constat suffit, sans qu'il soit utile de rechercher les causes de cet accord confidentiel ;
Qu'il résulte des éléments qui précèdent que l'issue de la procédure arbitrale n'aura aucun retentissement sur la situation financière de TEP Congo dont il sera rappelé qu'elle n'est pas partie à la procédure d'arbitrage ; que l'existence d'un éventuel conflit d'intérêt susceptible d'engendrer un risque de défaut d'indépendance et d'impartialité de M. D... C... apparaît donc exclue ; que l'absence de révélation, par celuici, de ses relations d'affaires avec le groupe Total n'était pas de nature à provoquer, dans l'esprit des parties, un doute raisonnable sur ses qualités d'impartialité et d'indépendance, cette appréciation devant s'effectuer objectivement et non au regard des attentes particulières invoquées par GAT qui soutient que l'absence de tout lien avec le groupe Total était un point de première importance pour elle ;
Qu'en conséquence, le grief - à le supposer recevable - tenant à un possible conflit d'intérêts entraînant un risque de défaut d'indépendance et d'impartialité de M. D... C... n'est pas établi ;
Que le moyen doit être rejeté » ;
Alors que, d'une part, l'indépendance de l'arbitre est de l'essence même de sa fonction juridictionnelle ; que lorsque l'une des parties à l'arbitrage stipule ne pas souhaiter d'un arbitre qui a ou aurait eu des relations d'affaires avec certaines sociétés concernées, à raison d'un possible conflit d'intérêts direct et indirect qu'elle redouterait, tout arbitre nommé ou désigné doit impérativement révéler l'existence de telles relations sans avoir à en apprécier la pertinence ou le bien-fondé ; qu'en l'espèce, il est constant que le GAT avait fait savoir ne pas vouloir qu'un intervenant à la procédure d'arbitrage ait ou ait pu avoir des liens avec le groupe Total ou l'une quelconque de ses filiales, à raison d'un possible conflit d'intérêt direct et indirect, la société TEP Congo, concernée par le résultat de l'arbitrage quant à l'exécution de certaines obligations financières, étant contrôlée à 100 % par le Groupe Total ; qu'en retenant, pour juger que M. D... C... , qui a entretenu et entretient encore de nombreuses relations d'affaires avec des sociétés du Groupe Total, n'avait pas à révéler l'existence de telles relations, que l'issue de la procédure arbitrale n'aurait aucun retentissement sur la situation financière de TEP Congo et que l'appréciation de l'indépendance et de l'impartialité de l'arbitre devait s'effectuer objectivement et non au regard des attentes particulières du GAT, la Cour d'appel a violé l'ancien article 1452, alinéa 2 du code de procédure civile, ensemble les articles 1456 et 1520,2° du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Alors que, d'autre part, en jugeant que l'absence de révélation par M. D... C... de ses relations d'affaires avec le groupe Total n'était pas de nature à provoquer, dans l'esprit des parties, un doute raisonnable sur ses qualités d'impartialité et d'indépendance, cette appréciation devant s'effectuer objectivement et non au regard des attentes particulières invoquées par GAT qui, en accord avec la REPUBLIQUE DU CONGO, tenait pour essentiel l'absence de tout lien de l'arbitre avec le groupe Total, la Cour d'appel a méconnu le fondement contractuel de la justice arbitrale et les attentes légitimes spécialement stipulées par le GAT quant aux conditions d'indépendance et d'impartialité des différents arbitres et a ainsi violé l'ancien article 1452, alinéa 2 du code de procédure civile, ensemble les articles 1456, 1507, 1511 et 1520,2° du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. ;
Alors que, enfin, en ne procédant à aucune analyse du fait spécialement soulevé par le GAT du lien direct qu'entretenait le président du tribunal arbitral avec une filiale du Groupe Total (filiale qui de plus intervenait dans le commerce du pétrole congolais, objet du litige arbitral), quand un potentiel conflit d'intérêt direct appelle pourtant une obligation de révéler de résultat de la part de l'arbitre, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1452, alinéa 2 du code de procédure civile et des articles 1456 et 1520,2° du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation de la sentence n° 4 rendue le 27 février 2008, tiré de la violation par le tribunal arbitral de sa mission de révision des sentences n° 2 et n° 3 ;
Aux motifs que, « Sur la violation par le tribunal arbitral de sa mission de révision des sentences n° 2 et 3
Considérant que GAT rappelle qu'elle a introduit un recours en révision, objet de la sentence n° 4, des sentences nos 2 & 3 à la suite de la découverte de nouvelles pièces qui auraient été dissimulées par la République du Congo ; que, selon elle, le tribunal arbitral, tout en se reconnaissant compétent pour connaître de ce recours en révision, aurait violé sa mission en se livrant à une analyse incomplète et superficielle des documents révélés, lesquels auraient dû conduire le tribunal arbitral à considérer que la convention 569 ne pouvait s'analyser en une convention de compte courant, qualification qui, au demeurant, n'avait été demandée par aucune des parties ; qu'ainsi le tribunal n'a tiré aucune conséquence des documents déconfidentialisés qu'elle produisait aux débats, à savoir une lettre adressé par la République du Congo à TEP Congo et à laquelle était annexée l'échéancier que la sentence n° 2 avait qualifié de théorique pour l'écarter, préférant ainsi fermer les yeux sur les erreurs qu'il avaient commises dans sa sentence n° 2 en raison des dissimulations frauduleuses de la République du Congo ;
Que, d'autre part, le tribunal arbitral aurait statué ultra petita en se prononçant sur la faute imputée à la GAT du fait de l'inexécution des mesures provisoires prononcées, objet de la sentence n° 3, tout en excluant la révision demandée de cette sentence, dont il a reporté l'examen éventuel à une autre instance arbitrale, ce qui sera l'objet de la sentence n° 5 ; qu'en d'autres termes, alors qu'il était seulement demandé au tribunal arbitral de rétracter la sentence n° 3, celui-ci non seulement ne l'a pas fait en renvoyant cette question à une sentence distincte, mais en plus a jugé que l'inexécution par la GAT de cette sentence n° 3 présentait un caractère fautif, privant cette société du bénéfice des intérêts à hauteur de 449.889,30 euros pour ce défaut d'exécution ;
Qu'enfin, le tribunal arbitral n'aurait pas motivé la sentence sur ces deux points ;
Qu'en réponse, la République du Congo soutient que le tribunal arbitral n'a violé ni sa mission de révision des sentences n° 2 & 3, ni l'ordre public international ; que, d'une part, le tribunal arbitral a apprécié l'ensemble des pièces produites par GAT, de sorte que le grief tiré de l'analyse insatisfaisante des pièces soumises à l'appréciation du tribunal relève de la révision au fond de la sentence, révision qui est prohibée dans le cadre d'un recours en annulation ;
Que, d'autre part, le grief consistant à avoir statué infra ou ultra petita n'est pas fondé et, le serait-il qu'il ne constitue pas une violation de l'ordre public international ;
Qu'enfin, GAT ne démontre pas une insuffisance de motivation, laquelle, à la supposer établie, ne saurait constituer une violation flagrante, effective et concrète de l'ordre public international français ;
Considérant que le tribunal s'étant déclaré compétent pour connaître du recours en révision concernant la sentence n° 2, c'est en vain que GAT soutient qu'il aurait méconnu sa mission ; qu'il a par ailleurs examiné les pièces produites par GAT au soutien de son recours, dont il a donné une analyse qui ne saurait être remise en cause à l'occasion du présent recours en annulation ;
Que le moyen suivant lequel la sentence ne serait pas motivée sur ce point manque en fait ; qu'en effet, aux paragraphes 70 à 75, la sentence précise les raisons pour lesquelles les pièces produites ne sont pas pertinentes au regard de la demande en rétractation de la sentence n° 2 ; qu'aux paragraphes 76 à 80, la sentence énonce les motifs ayant conduit le tribunal arbitral à considérer comme non immuable l'échéancier de remboursement litigieux et à lui préférer un autre mode de calcul des créances entre les parties, et précise également que les parties ont eu la possibilité de s'expliquer contradictoirement sur l'existence d'un compte avec compensation périodique des dettes et créances et intérêts réciproques, cette existence étant invoquée, fût-ce implicitement mais de manière certaine, par la République du Congo ; que la demanderesse à la saisine ne saurait, sous couvert d'une absence de motivation de la sentence remettre en cause les motifs par lesquels les arbitres ont estimé que le recours en révision formé à l'encontre de la sentence n° 2 n'était pas fondé ;
Que c'est également à tort que GAT reproche tribunal arbitral d'avoir statué ultra petita en la privant du bénéfice des intérêts dus au titre de la convention 569, la République du Congo ayant expressément demandé au tribunal de se prononcer sur les conséquences de l'inexécution par GAT de la sentence n° 3 ;
Qu'enfin, le tribunal arbitral n'a pas méconnu sa mission ni violé l'ordre public international en renvoyant à une sentence ultérieure les demandes réciproques des parties concernant les mesures provisoires, le recours en révision n'ayant pas d'effet suspensif ; qu'au demeurant, il n'est pas discuté que le tribunal arbitral a vidé sa saisine sur ce point dans le cadre de la sentence finale ;
Que les griefs relatifs à la révision des sentences n° 2 & 3 seront rejetés » ;
Alors que, d'une part, le recours en annulation est ouvert si le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent, ce qui implique, pour la Cour d'appel, d'examiner l'appréciation portée par les arbitres sur l'existence avérée ou non d'une éventuelle fraude ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel n'a pas procédé à cette recherche pourtant nécessaire, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1520, 1° du code de procédure civile ;
Alors que, d'autre part, le recours en annulation de la sentence arbitrale est ouvert si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; que le GAT faisait valoir que le tribunal arbitral avait méconnu la mission qui lui avait été confiée en ne procédant à aucune analyse de la lettre déconfidentialisée du 20 octobre 1994, qui avait pourtant été dissimulée par le CONGO aux fins de fraude, et qui était de nature à révéler la nature contractuelle et immuable de l'échéancier de remboursement litigieux (conclusions, § 206 et s., spéc. §222 et s.) ; qu'en ne vérifiant pas précisément si le tribunal arbitral avait effectivement examiné cette pièce déterminante, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1520, 3° du code de procédure civile ;
Alors qu'enfin, le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motif ; qu'en l'espèce, le GAT demandait à la Cour d'appel de constater l'existence d'une fraude ourdie par le CONGO lors de la dissimulation de la lettre du 22 octobre 1994 qui révélait le caractère contractuel et immuable de l'échéancier litigieux (conclusions, §229 et s.) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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Cette décision est visée dans la définition :
Arbitrage
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.