par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 28 avril 2011, 10-16403
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
28 avril 2011, 10-16.403

Cette décision est visée dans la définition :
Assurance




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en août et octobre 2000 des incidents ont affecté une station de pompage construite par la société Sogea Nord, devenue Sogea Caroni (la société) ; que le maître de l'ouvrage lui ayant réclamé le paiement d'indemnités contractuelles, elle a déclaré le sinistre à son assureur responsabilité civile, la société Axa Corporate solutions (l'assureur) ; que le 3 avril 2001 la société a indemnisé le maître de l'ouvrage par déduction des pénalités de retard du montant des travaux ; que l'assureur ayant refusé de prendre en charge le sinistre, au motif notamment que la réclamation ne concernait pas un préjudice immatériel subi par le tiers lésé, la société l'a fait assigner par acte du 15 septembre 2003 ;

Attendu que la seconde branche du moyen unique n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais, sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article R. 112-1 du code des assurances ;

Attendu qu'aux termes de ce texte les polices d'assurance relevant des branches 11 à 17 de l'article R. 321-1 du code des assurances doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II, du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance ; qu'il en résulte que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du même code, les différents points de départ du délai de la prescription biennale prévus à l'article L. 114-2 de ce code ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action engagée par la société contre l'assureur, l'arrêt retient que le titre VII des conditions générales de la police d'assurance souscrite, intitulé "prescription", stipule "toute action dérivant du présent contrat est prescrite par deux ans. Ce délai commence à courir du jour de l'événement qui donne naissance à cette action, dans des conditions déterminées par l'article L. 114-1 du code des assurances. La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'un expert à la suite d'un sinistre. L'interruption de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception adressée par la société apéritrice au souscripteur en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par le souscripteur à la société apéritrice en ce qui concerne le règlement de l'indemnité" ; que l'article 8.6 des conditions particulières de ce contrat informe, quant à lui, l'assuré de l'existence de cette prescription biennale propre au droit des assurances en renvoyant aux dispositions des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances ; que par cette information sur la prescription encourue l'assureur a satisfait à la volonté du législateur ; que le délai de prescription a donc couru à compter de l'indemnisation du tiers lésé, le 3 avril 2001 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat ne rappelait pas que, quand l'action de l'assuré contre l‘assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription court du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Axa Corporate solutions aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Axa Corporate solutions ; la condamne à payer à la société Sogea Caroni la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société Sogea Caroni.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, déclaré irrecevable, comme prescrite, l'action de la société Sogea Caroni à l'encontre de la société Axa Corporate Solutions ;

Aux motifs propres que, « s'agissant du moyen tiré du défaut de reproduction dans le contrat des dispositions relatives à la prescription, que le titre VII des conditions générales de la police d'assurance souscrite, intitulé "Prescription" stipule :
"Toute action dérivant du présent contrat est prescrite par deux ans. Ce délai commence à courir du jour de l'événement qui donne naissance à cette action, dans les conditions déterminées par l'article L 114-1 du code des assurances. La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'un expert à la suite d'un sinistre. L'interruption de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception adressée par la société apéritrice au souscripteur en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par le souscripteur à la société apéritrice en ce qui concerne le règlement de l'indemnité" ;
que l'article 8.6 des conditions particulières de ce contrat informe, quant à lui, l'assuré de l'existence de cette prescription biennale propre au droit des assurances en renvoyant aux dispositions des articles L 114-1 et L 114-2 du code des assurances ; que la société SOGEA CARONI qui se prévaut de la nécessaire reproduction intégrale dans le contrat d'assurance de ces dispositions en considérant qu'une reproduction incomplète équivaut à une absence d'information ne peut, sauf à ajouter à l'article R 112-1 du code des assurances qui prévoit que les contrats d'assurance "doivent rappeler les dispositions (…) concernant (…) la prescription des actions dérivant du contrat", être considéré comme fondée en ce moyen dès lors qu'il ne s'en évince aucune obligation de reproduction in extenso, à la différence d'autres dispositions légales ou réglementaires qui le prévoient à peine de nullité – tels, en matière de démarchage, l'article L 121-3 du code de la consommation ou, en matière de fixation du loyer du bail renouvelé, l'article 17c de la loi du 06 juillet 1989 – ou à peine d'inopposabilité du délai de recours – telles, en matière de copropriété, les dispositions combinées des articles 42 de la loi du 10 juillet 1965 et 18 du décret du 17 mars 1967 – ; qu'il y a lieu de considérer qu'en informant comme il l'a fait l'assuré sur la prescription encourue dans la police d'assurance, l'assureur a satisfait à la volonté du législateur en sorte que la fin de non-recevoir opposée par la société SOGEA CARONI ne saurait être accueillie ; … que, s'agissant du moyen tiré de l'envoi, à l'assureur, de deux lettres simples datées des 27 septembre 2001 et 16 juillet 2002 revêtues du tampon dateur de l'assureur aux dates du 1er octobre 2001 et du 18 juillet 2002, que la société SOGEA CARONI argue, cumulativement, du caractère indifférent de la réception puisque l'effet interruptif est réalisé par le seul envoi, des lettres prévues par les dispositions des articles L. 112-2 et R. 113-1 du code des assurances qui produisent effet sans être accompagnées d'un accusé de réception, du paradoxe de la situation lorsque le destinataire reconnaît avoir reçu le pli et le produit et, pour finir, de la libéralisation de l'acheminement postal que contredit l'exigence d'une lettre recommandée avec accusé de réception acheminée par La Poste ; qu'il importe, cependant, peu qu'il soit établi que l'assureur ait été rendu destinataire de ces courriers ou que le point de départ d'un nouveau délai de prescription ne se situe pas à la date de leur réception ou encore que des textes étrangers au présent litige en disposent autrement dès lors qu'en l'état de la législation régissant la matière au jour du présent arrêt et, plus précisément, de l'article L 114-2 du code des assurances, l'exigence légale, qui n'a pas seulement pour objet de procurer à l'expéditeur une preuve de la réception de sa lettre mais constitue une formalité substantielle, doit être satisfaite ; que la société SOGEA CARONI échoue, en conséquence, en ce dernier moyen ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le tribunal a, à bon droit, estimé que le délai de prescription ouvert par l'indemnisation du tiers lésé le 03 avril 2001 avait fait courir, en application de l'article L 114-1 alinéa 3 du code des assurances un délai de prescription venant à échéance le 03 avril 2003 et que la prescription devait être opposée à l'action de la société SOGEA CARONI, qui n'a attrait son assureur responsabilité civile en justice que le 15 septembre 2003 » (arrêt attaqué, p. 4, pénultième § à p. 5, 1er § et p. 6, § 3 à 6 ) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « SOGEA NORD soutient au vu de l'article L 114-2 du Code des Assurances que la prescription a été valablement interrompue par les deux lettres ordinaires de demande d'indemnisation qu'elle a adressée à AXA CORPORATE SOLUTIONS les 27/09/01 et 16/07/02 et dont celle-ci lui a accusé réception ; que pourtant le dit article impose l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ; que cette règle ne peut être que d'application stricte, compte tenu de l'importance de la matière, conformément d'ailleurs à une jurisprudence constante de la Cour de Cassation selon laquelle "l'envoi d'une lettre simple, même s'il en est accusé réception par l'assureur, ne peut avoir l'effet interruptif prévu par l'article L 114-2, alinéa 2 du Code des Assurances" ; … que les conditions générales et particulières de la police d'assurance contiennent la clauses habituelles en la matière, notamment en ce qui concerne la prescription, aucun texte n'imposant d'y faire figurer l'intégralité des articles du Code Civil et du Code des Assurances ayant trait à la prescription ; qu'en conséquence le Tribunal dira irrecevable, car étant prescrite l'assignation délivrée le 15/09/03 par SOGEA NORD soit postérieurement au délai de prescription ayant expiré le 3/04/03 » (jugement entrepris, p. 5, 1er § et p. 6, § 3 et 4) ;

Alors d'une part qu'aux termes de l'article R. 112-1 du code des assurances, les polices d'assurance de responsabilité civile doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance ; qu'il en résulte que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai biennal de prescription édicté à l'article L. 114-1 du code des assurances, le point de départ de la prescription fixé par ce dernier texte ; qu'au cas présent, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué (p. 4, pénultième §) que la police d'assurance souscrite par la société Sogea ne rappelait pas que lorsque l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai biennal de prescription court à compter du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par celui-ci ; qu'en jugeant néanmoins la prescription biennale opposable à la société Sogea, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article R. 112-1 du code des assurances ;

Alors d'autre part que la prescription biennale édictée à l'article L. 114-1 du code des assurances est valablement interrompue par l'envoi à l'assureur d'une lettre simple dont celui-ci a accusé réception et par laquelle l'assuré lui demande d'honorer sa garantie ; qu'en déniant toute valeur interruptive de prescription aux lettres de réclamation adressées par le courtier de la société Sogea à la société Axa le 27 septembre 2001 et le 16 juillet 2002, et revêtues du tampon de l'assureur aux dates respectives du 1er octobre 2001 et du 18 juillet 2002, motif pris de ce que ces courriers n'avaient pas été envoyés en recommandé avec accusé de réception, la cour d'appel a violé l'article L. 114-2 du code des assurances.



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Assurance


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