par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 3, 1er décembre 2010, 09-16126
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
1er décembre 2010, 09-16.126
Cette décision est visée dans la définition :
Rachat (Pacte de- )
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 avril 2009), rendu sur renvoi après cassation (3e civile, 6 mai 2008 n° 07-12.329), que la commune de La Tour-en-Faucigny a vendu le 1er janvier 1972 un terrain à bâtir à la Société d'études, placements et finances (SEPF) avec l'obligation pour cette dernière d'y édifier des constructions dans un délai de quatre ans ; qu'en 2000, la SEPF a engagé une action en justice pour voir reconnaître son droit de propriété sur ce terrain ; que la Commune a demandé la restitution du terrain en application du droit de préférence mentionné au contrat ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SEPF fait grief à l'arrêt d'ordonner la rétrocession des parcelles avec exercice, par la commune, de son droit de préférence alors, selon le moyen :
1°) que le pacte de préférence est l'acte par lequel le propriétaire du bien s'engage envers le bénéficiaire, pour le cas où il vendrait ce bien, à lui donner la préférence s'il paye le même prix que celui offert par le tiers intéressé ; qu'en décidant que la clause de l'acte de vente du 1er janvier 1972 permet à la Commune d'exercer un droit de préférence à l'occasion de l'exécution par la SEPF de son obligation de rétrocéder à un tiers le terrain objet de cette vente si cette dernière n'a pas édifié dans le délai de quatre ans suivant la date de cette vente au moins un des bâtiments d'habitation dont elle avait le projet, que la Commune est bien fondée à demander que la SEPF soit contrainte d'exécuter son obligation de rétrocession, pour le prix initialement payé, ce qui excluait tout pacte de préférence dès lors que la SEPF avait l'obligation de rétrocéder le bien à la Commune venderesse pour le prix de vente initial ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
2°) qu'un pacte de préférence n'existe que pour autant que l'acquéreur est libre de céder ou non le bien vendu et qu'il réserve simplement à son vendeur de lui offrir en priorité le bien s'il décidait de le vendre ; qu'en décidant que la clause de l'acte de vente n'institue pas un droit de réméré au profit de la commune mais lui permet seulement d'exercer un droit de préférence à l'occasion de l'exécution par la SEPF de son obligation de rétrocéder à un tiers le terrain, objet de la vente, si cette dernière n'y a pas édifié dans le délai de quatre ans suivant la date de cette vente au moins un des bâtiments d'habitation dont elle avait le projet ; que le droit de préférence institué au profit de la Commune n'est pas soumis au délai prévu par l'article 1660 du Code civil de sorte que la SEPF est mal fondée à soutenir que la clause susvisée serait caduque ; qu'il est constant qu'aucun bâtiment n'a été édifié sur ce terrain ; qu'en revanche la Commune est bien fondée à demander que la SEPF soit contrainte d'exécuter son obligation de rétrocession, pour décider que doit être donnée à la SEPF injonction de rétrocéder le terrain, ce dont il résultait que cette dernière était contractuellement contrainte de vendre le bien à la Commune si elle le souhaitait, ce qui excluait la qualification de droit de préférence, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3°) que la vente à réméré est celle dans laquelle le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue moyennant restitution du prix et des frais qui ont augmenté la valeur du fonds ; que l'exercice du réméré peut être subordonné à des conditions sans que la clause ne change de nature ; qu'en l'espèce, le contrat prévoyait que la SEPF étant tenue de céder les parcelles si elle n'avait pas construit dans un délai de quatre ans et que la Commune pouvait les acquérir par priorité au prix qu'elle avait perçu de la SEPF, de sorte que la Commune pouvait librement décider de reprendre la propriété des parcelles moyennant restitution du prix, même si l'exercice du réméré était conditionné à l'absence de construction des parcelles ; qu'en affirmant que la stipulation litigieuse ne constituait pas une vente à réméré, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1659 du code civil ;
4°) que l'acte de vente prévoyait que «si, à l'expiration du délai de quatre ans (à compter du jour de l'acte) l'acquéreur n'a pas édifié au moins un des bâtiments qu'il se propose de construire sur les parcelles acquises et qu'il se trouve pour des raisons majeures dans l'impossibilité de poursuivre les travaux prévus, il sera obligatoirement tenu dans un délai d'une année de rétrocéder ces terrains ainsi que les constructions en cours à une personne physique ou morale susceptible de terminer les constructions projetées et cela en plein accord et avec l'agrément de la commune( ). Etant expressément convenu que ladite commune se réserve un droit de préférence pour la rétrocession de ces parcelles et constructions moyennant le remboursement du prix de vente perçu par elle » ; que cette clause permettant au vendeur d'imposer la rétrocession, lorsque les conditions en sont réunies, pour exercer son droit de préférence exclut toute liberté de décision du propriétaire et caractérise une vente à réméré au profit du vendeur tenu seulement de rembourser le prix d'acquisition ; qu'en décidant que cette clause constitue un pacte de préférence, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1659 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'acte de vente stipulait que la SEPF s'engageait à édifier des bâtiments d'habitation sur le terrain dans le délai de quatre ans et qu'à défaut elle serait tenue, dans le délai d'une année, de rétrocéder ce terrain à une personne physique ou morale susceptible de terminer les constructions projetées et retenu que la Commune ne pouvait exercer son droit de préférence qu'à l'occasion de l'exécution, par la SEPF, de cette obligation de rétrocession, ce dont il résultait la nécessité d'une seconde vente, la cour d'appel en a exactement déduit que le contrat n'instituait pas de faculté de rachat au profit de la Commune ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société études et placements et finances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société études et placements et finances à payer la somme de 2 500 euros à la Commune de la Tour-en-Faucigny ;
Rejette la demande de la Société études et placements et finances ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux conseils pour la Société études et placements et finances ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR rejeté les demandes de la SEPF, d'avoir donné injonction à la SEPF de rétrocéder dans les deux mois suivant la notification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 200 par jour de retard, les parcelles n° 2463, 2465, 2466, 2468, 2469, 2471, 2474, 2476, 2480 et 2483, qui lui ont été vendues par la Commune de La Tour en Faucigny le 1er janvier 1972, et d'avoir dit qu'en contrepartie de l'exercice, à l'occasion de la rétrocession de ces parcelles, de son droit de préférence, la Commune devra verser à la SEPF l'équivalent en euros de trois cent vingt trois mille cent trente six francs, prix payé ;
AUX MOTIFS QUE la clause de l'acte de vente du 1er janvier 1972 transcrite au début de cet arrêt n'institue pas un droit de réméré au bénéfice de la Commune mais lui permet seulement d'exercer un droit de préférence à l'occasion de l'exécution par la SEPF de son obligation de rétrocéder à un tiers le terrain objet de cette vente si cette dernière n'y a pas édifié dans le délai de quatre ans suivant la date de cette vente au moins un des bâtiments d'habitation dont elle avait le projet ; que le droit de préférence institué au profit de la Commune n'est pas soumis au délai prévu par l'article 1660 du Code civil de sorte que la SEPF est mal fondée à soutenir que la clause susvisée serait caduque ; qu'il est constant qu'aucun bâtiment n'a été édifié sur ce terrain ; qu'en revanche la Commune est bien fondée à demander que la SEPF soit contrainte d'exécuter son obligation de rétrocession ; que doit être donnée à la SEPF injonction de rétrocéder le terrain et que, pour en assurer l'exécution, il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
ALORS D'UNE PART QUE le pacte de préférence est l'acte par lequel le propriétaire du bien s'engage envers le bénéficiaire, pour le cas où il vendrait ce bien, à lui donner la préférence s'il paye le même prix que celui offert par le tiers intéressé ; qu'en décidant que la clause de l'acte de vente du 1er janvier 1972 permet à la Commune d'exercer un droit de préférence à l'occasion de l'exécution par la société exposante de son obligation de rétrocéder à un tiers le terrain objet de cette vente si cette dernière n'a pas édifié dans le délai de quatre ans suivant la date de cette vente au moins un des bâtiments d'habitation dont elle avait le projet, que la Commune est bien fondée à demander que la SEPF soit contrainte d'exécuter son obligation de rétrocession, pour le prix initialement payé, ce qui excluait tout pacte de préférence dès lors que le a société exposante avait l'obligation de rétrocéder le bien à la Commune venderesse pour le prix de vente initial ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QU'un pacte de préférence n'existe que pour autant que l'acquéreur est libre de céder ou non le bien vendu et qu'il réserve simplement à son vendeur de lui offrir en priorité le bien s'il décidait de le vendre ; qu'en décidant que la clause de l'acte de vente n'institue pas un droit de réméré au profit de la commune mais lui permet seulement d'exercer un droit de préférence à l'occasion de l'exécution par la SEPF de son obligation de rétrocéder à un tiers le terrain, objet de la vente, si cette der dernière n'y a pas édifié dans le délai de quatre ans suivant la date de cette vente au moins un des bâtiments d'habitation dont elle avait le projet ; que le droit de préférence institué au profit de la Commune n'est pas soumis au délai prévu par l'article 1660 du Code civil de sorte que la SEPF est mal fondée à soutenir que la clause susvisée serait caduque ; qu'il est constant qu'aucun bâtiment n'a été édifié sur ce terrain ; qu'en revanche la Commune est bien fondée à demander que la SEPF soit contrainte d'exécuter son obligation de rétrocession, pour décider que doit être donnée à la SEPF injonction de rétrocéder le terrain l'espèce, ce dont il résultait que l'exposante était contractuellement contrainte de vendre le bien à la Commune si elle le souhaitait, ce qui excluait la qualification de droit de préférence, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE la vente à réméré est celle dans laquelle le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue moyennant restitution du prix et des frais qui ont augmenté la valeur du fonds ; que l'exercice du réméré peut être subordonné à des conditions sans que la clause ne change de nature ; qu'en l'espèce, le contrat prévoyait que l'exposante étant tenue de céder les parcelles si elle n'avait pas construit dans un délai de quatre ans et que la Commune pouvait les acquérir par priorité au prix qu'elle avait perçu de l'exposante, de sorte que la Commune pouvait librement décider de reprendre la propriété des parcelles moyennant restitution du prix, même si l'exercice du réméré était conditionné à l'absence de construction des parcelles ; qu'en affirmant que la stipulation litigieuse ne constituait pas une vente à réméré, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1659 du Code civil.
ALORS ENFIN QUE l'acte de vente prévoyait que « si, à l'expiration du délai de quatre ans (à compter du jour de l'acte) l'acquéreur n'a pas édifié au moins un des bâtiments qu'il se propose de construire sur les parcelles acquises et qu'il se trouve pour des raisons majeures dans l'impossibilité de poursuivre les travaux prévus, il sera obligatoirement tenu dans un délai d'une année de rétrocéder ces terrains ainsi que les constructions en cours à une personne physique ou morale susceptible de terminer les constructions projetées et cela en plein accord et avec l'agrément de la commune ( ). Etant expressément convenu que ladite commune se réserve un droit de préférence pour la rétrocession de ces parcelles et constructions moyennant le remboursement du prix de vente perçu par elle » ; que cette clause permettant au vendeur d'imposer la rétrocession, lorsque les conditions en sont réunies, pour exercer son droit de préférence exclut toute liberté de décision du propriétaire et caractérise une vente à réméré au profit du vendeur tenu seulement de rembourser le prix d'acquisition ; qu'en décidant que cette clause constitue un ^pacte de préférence, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1659 du Code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
LE POURVOI FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR rejeté les demandes de la SEPF, d'avoir donné injonction à la SEPF de rétrocéder dans les deux mois suivant la notification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 200 par jour de retard, les parcelles n° 2463, 2465, 2466, 2468, 2469, 2471, 2474, 2476, 2480 et 2483, qui lui ont été vendues par la Commune de La Tour en Faucigny le 1er janvier 1972, et d'avoir dit qu'en contrepartie de l'exercice, à l'occasion de la rétrocession de ces parcelles, de son droit de préférence, la Commune devra verser à la SEPF l'équivalent en euros de trois cent vingt trois mille cent trente six francs, prix payé en 1972,
AUX MOTIFS QUE certes, selon l'acte de vente de 1972 le prix que la commune devra, si elle exerce son droit de préférence, restituer à la SEPF est égal à celui qu'elle a perçu en 1972 ; que ce prix est sans commune mesure avec la valeur actuelle du terrain, mais que telle est la convention des parties et qu'il n'est pas démontré que leur consentement a été vicié ; qu'il ne peut être reproché à la Commune d'agir de mauvaise foi en demandant l'exécution de cette convention ; que d'ailleurs en admettant que, à raison des circonstances économiques de l'époque, la SEPF s'est trouvée dans l'impossibilité d'exécuter son obligation d'édifier un bâtiment dans le délai de quatre années, il n'est pas établi qu'il lui a également été impossible jusqu'à ce jour de rétrocéder le terrain litigieux comme la convention lui en faisait l'obligation,
ALORS D'UNE PART QUE les conventions doivent s'exécuter selon la commune intention des parties ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les parties avaient voulu que la clause prévoyant la restitution du prix s'applique en ces termes près de 30 ans plus tard, bien que le contrat n'ait envisagé la possibilité de son versement que dans un délai maximum de cinq ans après la vente, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1135 du Code civil, ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les conventions doivent être exécutées de bonne foi et les parties adopter un comportement empreint de loyauté ; qu'en l'espèce, en considérant que le prix à restituer ne pouvait pas être réévalué, bien qu'un délai beaucoup plus long (30 ans) que celui envisagé par les parties (5 ans) se soit écoulé avant que la restitution du prix de vente ne soit demandée et bien que l'écoulement de ce délai résulte en partie de la passivité de la Commune qui n'avait pas exécuté ses propres obligations et avait accepté que le projet soit mis en sommeil, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1135 du Code civil, ensemble l'article 1er du Premier protocole additionnel ;
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Rachat (Pacte de- )
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.