par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 6 octobre 2010, 08-20563
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
6 octobre 2010, 08-20.563
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Arbitrage
Juge d'appui (arbitrage)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Dit n'y avoir lieu à jonction des pourvois S 08-20. 563 et H 09-10. 530 ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que MM. Edwin, Albert et Joseph X... ont signé le 1er mai 1979 un protocole prévoyant la création d'une société holding au Liechtenstein rassemblant leurs activités dans le monde entier, chaque partie pouvant attribuer ses parts à une fondation familiale ; que les statuts de la holding, Albert X... corporation (AAC), comportaient une convention d'arbitrage ; que MM. Joseph et Albert X... ont chacun constitué une fondation familiale, Joseph X... Family Foundation (JAFF) et Albert X... Family Foundation (AAFF) et racheté les parts de leur frère Edwin ; qu'à la suite du décès d'Albert X..., des divergences importantes ont opposé ses fils, MM. Albert Martin et Marlon X... et leur mère, Mme B€rbel X... (les consorts X...) qui ont signé le 26 avril 2000 une " convention de règlement ", ratifiée également par la AAFF, soumise, en son principe, au conseil d'administration de la AAC et à l'assemblée générale ; que l'exécution de cette convention, notamment par les consorts X..., a abouti à la cession des actifs de la AAC ; que la JAFF ayant engagé une procédure d'arbitrage et une première sentence partielle ayant statué sur la loi applicable et sur l'arbitrabilité du litige, une seconde sentence partielle du 22 mai 2008 a dit que les consorts X... n'étaient pas liés par la convention d'arbitrage, le tribunal étant incompétent à leur égard ; que la JAFF a formé un recours en annulation ;
Attendu que la AAFF, la AAC, la Roundhill trust, la Rosehill foundation, et les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2008) d'avoir annulé la sentence partielle du 22 juin 2006 alors, selon le moyen, que :
1°) en matière d'arbitrage international, une sentence ne peut être annulée pour non-respect par les arbitres de leur mission qu'en cas de violation d'obligations résultant de clauses expresses et précises de la convention d'arbitrage ; qu'il n'appartient pas au juge étatique saisi d'un recours en annulation de procéder à la révision au fond de la correcte application de la loi de procédure ou de celle applicable au fond du litige ; qu'en l'espèce, la clause d'arbitrage couvrait « tout différend susceptible de survenir entre les actionnaires et la Société ou entre les actionnaires eux-mêmes » ; que les arbitres, faisant application du droit et interprétant cette clause, ainsi que le règlement du 26 avril 2006 et le comportement de la famille Albert X... dans l'exécution de ce règlement, avaient jugé que B€rbel, Marlon et Albert Martin X... n'étaient pas liés par la convention d'arbitrage ; qu'en procédant à la révision de cette interprétation et de l'application faite par les arbitres du droit français applicable à l'arbitrage pour conclure qu'en jugeant que ces trois personnes physiques n'étaient pas liées par la convention d'arbitrage, les arbitres n'avaient pas respecté leur mission, la cour d'appel a violé les articles 1502-3° et 1504 du code de procédure civile ;
2°) si la procédure arbitrale peut être étendue à des personnes non signataires, mais qui sont impliquées dans l'exécution du contrat et dont le consentement peut de ce fait être présumé, il en va autrement lorsque les circonstances démontrent la volonté des parties signataires de limiter à elles seules les effets obligatoires de la convention d'arbitrage ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir qu'aux termes de l'article 4 du protocole du 1er mai 1979, les trois frères fondateurs avaient exprimé l'intention de chacun d'eux de créer une fondation familiale à laquelle seraient attribuées les parts de la société Albert X..., et que ce choix fait par chacun des trois frères d'apporter ses parts dans la SAA à une fondation familiale qui deviendrait seule actionnaire révélait leur volonté d'interposer ces fondations entre eux-mêmes et leurs ayants-droit, personnes physiques, et la société Albert X... et de s'exclure à titre individuel de la convention d'arbitrage, celle-ci n'ayant d'effet qu'à l'égard des actionnaires au sens strict ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si le choix des trois associés fondateurs de la société Albert X... n'était pas d'exclure les personnes physiques du champ d'application de la convention d'arbitrage, quels que fussent leurs intérêts et leurs responsabilités au travers des fondations actionnaires de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2059 du code civil et des articles 1502-2° et 1504 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage et d'en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée aux arbitres ; que l'arrêt relève, d'une part, qu'en vue d'une vente de la AAC, la convention de règlement prévoit la désignation d'un comité spécial par Mme B€rbel X... et MM. Albert Martin et Marlon X... et celle d'un comité consultatif par ces deux derniers ainsi que la sélection d'un banquier chargé d'organiser la vente des actions d'autre part, que la convention a été entérinée, en son principe, par le conseil d'administration de la AAC et approuvée, alors qu'elle était en cours d'exécution, par l'assemblée générale ; que la cour d'appel a exactement retenu, d'abord, que cette convention ayant conduit à la liquidation de fait de la AAC, était un acte inclus dans les prévisions de la convention d'arbitrage comme relatif à la vie ou à la liquidation de la société, puis, qu'en signant la convention à titre personnel, les consorts X... s'étaient comportés comme les véritables actionnaires de la société, désignant même des membres du conseil d'administration, s'accordant sur la désignation du président et se disant eux mêmes actionnaires dans des documents officiels ; qu'elle en a justement déduit qu'ils ne pouvaient légitimement prétendre être étrangers à la clause compromissoire, dont ils ne pouvaient ignorer la teneur et qu'ils avaient implicitement acceptée compte tenu de leur immixtion dans le fonctionnement de la AAC ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la AAFF, la AAC, la Roundhill trust, la Rosehill foundation, Mme B€rbel X... et MM. Albert Martin et Marlon X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la AAFF, la AAC, la Roundhill trust, la Rosehill foundation, Mme B€rbel X... et MM. Albert Martin et Marlon X... à payer une somme de 3 000 euros à la JAFF ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux conseils pour la Fondation Albert X... family foundation, la société Albert X... corporation, Mme X..., M. Marlon Pietro X..., M. Albert Martin X..., la société la Rondhill trust et la Fondation Rosehill foundation ;
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence partielle rendue à PARIS le 22 juin 2006 par MM. Crespi Reghizzi, Président, et MM. W. Boesch et Günther J., Horvath, arbitres, Aux motifs que le recours en annulation qui reproche au tribunal arbitral de s'être déclaré incompétent à l'égard des personnes physiques lui fait en réalité grief de ne pas s'être conformé aux termes de sa mission (article 1502-3° du CPC) ; qu'il est recevable sur ce fondement ; que le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence en recherchant tous les éléments de droit et de fait tels qu'ils résultent du dossier permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage et d'en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée aux arbitres ; que la convention de règlement signée le 26 avril 2000 entre les consorts X... et la Albert X... Family Foundation dit en préambule que la fondation et la société croient qu'il est de leur intérêt d'établir des procédures et accords pour mettre sur pied un mécanisme conduisant à une vente ou à une division de la société ; qu'il prévoit notamment la création d'un comité spécial composé de trois membres nommés respectivement par B€rbel, Marlon et Albert Martin X... ayant pour mission de sélectionner un banquier à même de parvenir sous 12 mois à la vente des actions ou des activités de la société ou à une division de ses activités (article 3. 6), puis celle d'un comité consultatif, composé de membres désignés respectivement par Marlon et Albert Martin X... et par le président-directeur-général de la société, chargé de faire des recommandations sur la gestion courante de la société et de ses filiales et stipule (article 4. 6. 1) qu'à réception de l'évaluation et de l'avis du banquier une procédure de cession sera entamée à moins que la fondation et la société ne conviennent d'un plan de partage avec l'accord unanime des X... ; que cette convention a été entérinée " en son principe " par le conseil d'administration qui n'a pas eu connaissance de son contenu exact, puis par l'assemblée des actionnaires alors qu'elle était en cours d'exécution puisque les membres du comité spécial avaient été désignés, étant rappelé que la Albert X... Family Foundation, actionnaire majoritaire à 85 %, en était déjà signataire ; qu'elle a effectivement abouti à la vente de l'essentiel des actifs du groupe ; que la Joseph X... Family Foundation soutient qu'en signant cette convention de règlement qui tend à la liquidation de la société les consorts X... ont usurpé les droits réservés à l'assemblée des actionnaires concernant la liquidation et la dissolution de la société, d'autant que cette convention ne prévoyait la réunion de l'assemblée générale que pour permettre l'élection de B€rbel X... à la présidence du conseil d'administration et l'élection des personnes désignées par Marlon et Albert Martin X... pour y siéger selon ce que prévoyait la dite convention ; qu'elle souligne que les consorts X... n'ont pas signé la convention de règlement en qualité de dirigeants de la société, mais à titre personnel comme bénéficiaires économiques de la fondation Albert X... ; que les défendeurs opposent que les consorts X... ne sont pas actionnaires et n'ont pas consenti à la clause d'arbitrage même tacitement, la volonté des trois frères fondateurs étant à cet égard indifférente ; qu'ils soulignent que la convention de règlement mettait en place une procédure destinée à étudier de façon approfondie les diverses options permettant de résoudre le conflit ente les X... à travers un organe indépendant et professionnel, le comité spécial composé d'hommes d'affaires expérimentés chargé de désigner une banque d'affaires pour l'évaluation de la société ; que ce processus devait permettre à la société et à l'Albert X... Familier Fondation de prendre une décision sans qu'à aucun moment les personnes physiques n'aient dans l'exécution de cette convention usurpé les droits et attributions des organes sociaux compétents ; que la convention de règlement qui a conduit en fait à la liquidation de la société puisque l'essentiel des actifs ont été vendus et qu'aucune autre hypothèse que la dissolution n'est sérieusement envisagée, est un acte inclus dans les prévisions de la clause d'arbitrage comme relatif à la vie ou à la liquidation de la société ; qu'à cette occasion les consorts X... ont désigné seuls les trois membres du comité spécial chargé de sélectionner avec pouvoir discrétionnaire le banquier d'affaires à même d'évaluer la société et de parvenir à lavent des actions ou des activités ou à une division des activités si la société et la fondation l'acceptent-dans ce cas sous réserve de l'accord unanime des X..., toutes les parties consentant par ailleurs à se conformer aux décisions du comité spécial en définitive seul apte à accepter ou rejeter l'évaluation et l'avis du banquier au demeurant choisi sur une liste où Marlon et Albert Martin X... avaient préalablement exprimés leurs préférences ; que le " concept " de cet accord (concept of the agreement) resté confidentiel a été accepté par le conseil d'administration qui donc sans en connaître la teneur a donné pouvoir à B€rbel X..., devenue président-directeur-général, de le signer pour la société ; que, certes, l'assemblée générale a été appelée à en connaître, mais formellement puisque l'accord était déjà signé par l'Albert X... Family Foundation détentrice de 85 % des actions ; qu'ainsi les consort X... en signant à titre personnel cette convention de règlement qui de fait a scellé le sort de la société puisqu'elle stipulait qu'elle avait force obligatoire entre ses signataires et qu'elle donnait en définitive tous pouvoirs au comité spécial désigné par les seuls X..., se sont comportés comme les véritables actionnaires de la société, désignant même à cette occasion des membres du conseil d'administration et s'accordant sur la désignation du président qu'ils ont ainsi exercé des prérogatives réservées aux actionnaires, l'acceptation formelle de cette convention par le conseil d'administration et l'assemblée générale ne changeant rien à leur degré d'implication ; qu'il convient par ailleurs de relever que si le " comité des protecteurs de la fondation Albert X... " était chargé statutairement de donner au conseil de la Fondation, son organe de gestion et de représentation, des instructions quant à la façon d'exercer son droit de vote dans les assemblées d'actionnaires ou les conseils d'administration des sociétés dans lesquelles la fondation détenait une participation, il apparaît que ce comité qui s'est réuni le l9 avril 2000 pour statuer sur l'acceptation de la convention de règlement était composé de B€rbel X..., de son frère, d'un candidat de Marlou X... et d'un candidat d'Albert Mania X... et qu'à l'évidence il n'avait guère d'autonomie, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal arbitral, au regard de l'influence exercée par les consorts X..., en réalité véritables détenteurs du pouvoir social ; qu'il faut encore souligner d'une part, que les statuts de l'Albert X... Family Foundation habilitaient B€rbel X..., après le décès du fondateur, à exercer périodiquement des droits de vote à hauteur de 17 % aux assemblées générales de la société, d'autre part, qu'Albert Martin X... s'est présenté dans une lettre du 18 février 1999 comme l'un des actionnaires majoritaires de la société, qu'enfin B€rbel, Marlon et Albert Martin X... étaient bien considérés comme actionnaires puisque convoqués le 24 juillet2001 33 parle comité d'organisation de la société à une assemblée d'actionnaires où il était impératif " que tous les actionnaires soient présents " ou encore lorsqu'il est dit lors du conseil d'administration du 26 avril 2000 " M. Haddad a expliqué que Joseph X... et la FFJA Family Foundation Joseph X... étaient inclus dans la Convention la convention de règlement pour que tous les actionnaires puissent l'être (.,,) " ; qu'ainsi B€rbel, Marlon et Albertino X... ne peuvent légitimement prétendre être étrangers à la clause compromissoire dont ils ne peuvent avoir ignoré la teneur et qu'ils ont implicitement acceptée compte tenu de leur immixtion dans le fonctionnement et la liquidation de la société à l'occasion de laquelle ils se sont comportés sous le couvert de l'Albert X... Family Foundation comme les véritables actionnaires majoritaires de la holding ; que la sentence est donc annulée pour non respect de la mission par les arbitres ;
Alors d'une part qu'en matière d'arbitrage international, une sentence ne peut être annulée pour non-respect par les arbitres de leur mission qu'en cas de violation d'obligations résultant de clauses expresses et précises de la convention d'arbitrage ; qu'il n'appartient pas au juge étatique saisi d'un recours en annulation de procéder à la révision au fond de la correcte application de la loi de procédure ou de celle applicable au fond du litige ; qu'en l'espèce, la clause d'arbitrage couvrait « tout différend susceptible de survenir entre les actionnaires et la Société ou entre les actionnaires eux-mêmes » ; que les arbitres, faisant application du droit et interprétant cette clause, ainsi que le règlement du 26 avril 2006 et le comportement de la famille Albert X... dans l'exécution de ce règlement, avaient jugé que B€rbel, Marlon et Albert Martin X... n'étaient pas liés par la convention d'arbitrage ; qu'en procédant à la révision de cette interprétation et de l'application faite par les arbitres du droit français applicable à l'arbitrage pour conclure qu'en jugeant que ces trois personnes physiques n'étaient pas liées par la convention d'arbitrage, les arbitres n'avaient pas respecté leur mission, la Cour d'appel a violé les articles 1502-3° et 1504 du Code de procédure civile ;
Alors d'autre part que si la procédure arbitrale peut être étendue à des personnes non signataires, mais qui sont impliquées dans l'exécution du contrat et dont le consentement peut de ce fait être présumé, il en va autrement lorsque les circonstances démontrent la volonté des parties signataires de limiter à elles seules les effets obligatoires de la convention d'arbitrage ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir qu'aux termes de l'article 4 du protocole du 1er mai 1979, les trois frères fondateurs avaient exprimé l'intention de chacun d'eux de créer une fondation familiale à laquelle seraient attribuées les parts de la Société Albert X..., et que ce choix fait par chacun des trois frères d'apporter ses parts dans la SAA à une fondation familiale qui deviendrait seule actionnaire révélait leur volonté d'interposer ces fondations entre eux-mêmes et leurs ayants-droit, personnes physiques, et la Société Albert X... et de s'exclure à titre individuel de la convention d'arbitrage, celle-ci n'ayant d'effet qu'à l'égard des actionnaires au sens strict ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si le choix des trois associés fondateurs de la Société Albert X... n'était pas d'exclure les personnes physiques du champ d'application de la convention d'arbitrage, quels que fussent leurs intérêts et leurs responsabilités au travers des fondations actionnaires de la société, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2059 du Code civil et des articles 1502-2° et 1504 du Code de procédure civile.
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Arbitrage
Juge d'appui (arbitrage)
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.