par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 20 janvier 2010, 08-43476
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Cour de cassation, chambre sociale
20 janvier 2010, 08-43.476
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Démission
Licenciement
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 avril 2008) que M. X... a été engagé par la société Adonis à compter du 15 juillet 2003, en qualité d'ouvrier polyvalent ; qu'il a été en arrêt de travail pour maladie du 25 au 29 août 2004 puis à compter du 14 septembre 2004 ; que par lettre du 27 septembre 2004 il a démissionné avec effet au 11 octobre 2004 en reprochant à son employeur divers manquements ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour voir dire que sa démission s'analysait en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Adonis fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... une indemnité pour travail dissimulé alors selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel ne pouvait considérer que l'employeur faisait figurer dans les bulletins de paie les heures de transport, qu'il rémunérait comme temps de travail effectif (page 4 §4) et dire en même temps que c'est volontairement qu'il n'avait pas pris en compte les heures de trajet comme heures de travail ; qu'en se prononçant de la sorte, elle a procédé par contradiction de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que dès lors que les heures de trajet figuraient bien sur les bulletins de paie comme temps de travail effectif, même si elles ne figuraient pas sur la même ligne que la durée mensuelle du travail, aucune dissimulation n'était caractérisée ; que la cour d'appel a violé les articles L. 324-10 et suivants anciens devenus L. 8221-3 et suivants nouveaux du code du travail ;
3°/ que la seule circonstance que l'employeur n'ait pas payé certaines heures supplémentaires qu'il contestait, est insuffisante pour caractériser l'intention de dissimulation ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 324-10 et suivants anciens devenus L. 8221-3 et suivants du code du travail ;
Mais attendu que la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'une telle intention ; que le moyen qui ne tend qu'à remettre en cause cette appréciation souveraine de la cour d'appel, ne peut dès lors être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Adonis fait grief à l'arrêt d'avoir requalifié la démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir en conséquence condamnée à payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité de préavis alors selon le moyen, que pour décider si la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'une démission ou d'un licenciement, le juge doit apprécier la réalité et la gravité des manquements que le salarié impute à l'employeur à l'appui de la rupture ; que la seule condamnation de l'employeur à payer des rappels de salaire à son salarié n'implique pas, à elle seule, un manquement suffisamment sérieux et grave pour justifier la rupture aux torts de l'employeur ; qu'en s'abstenant d'effectuer toute recherche de réalité et de gravité des manquements allégués, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4, L. 122-5 et L. 122-14-3 anciens devenus L. 1231- 1, L. 1237-1 et L. 1232-1 nouveaux du code du travail ;
Mais attendu que lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte qui produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;
Et attendu qu'ayant relevé, par une appréciation souveraine, que le fait pour l'employeur de ne pas rémunérer l'intégralité des heures de travail effectuées par le salarié, de ne rémunérer que partiellement les heures supplémentaires et de ne pas régler intégralement les indemnités de repas caractérisait un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte, la cour d'appel a, par ce motif, légalement justifié sa décision ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Adonis fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une indemnité de préavis d'un mois, alors selon le moyen, qu'elle faisait valoir dans ses conclusions que M. X... ne pouvait prétendre à la totalité de l'indemnité de préavis, puisque la raison pour laquelle il n'avait pu accomplir son préavis de 15 jours était le fait exclusif de son arrêt maladie pour lequel il avait perçu des indemnités journalières ; que la cour d'appel s'est totalement abstenue de répondre à ce moyen en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu d'abord que la prise d'acte de la rupture entraîne la cessation immédiate du contrat de travail ;
Attendu ensuite, que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ; qu'il s'ensuit que le juge qui décide que les faits invoqués justifiaient la rupture doit accorder au salarié qui le demande, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement et les dommages-intérêts auxquels il aurait eu droit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Et attendu que la cour d'appel qui a décidé que la prise d'acte de la rupture était justifiée de sorte qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en a déduit à bon droit que le salarié était fondé à obtenir paiement de l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, peu important son état de maladie au cours de cette période ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Adonis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Adonis ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Adonis
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Adonis à payer à Monsieur X... une indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE la société Adonis n'a pas toujours porté sur les bulletins de paie l'intégralité des heures de travail effectuées, mais il apparaît qu'elle mentionnait à part les heures bonifiées et les heures de trajet (35ème à 39ème heures) qui s'ajoutaient à l'horaire normal, alors qu'elle disposait toutes les semaines d'une fiche hebdomadaire de présence lui permettant de connaître parfaitement le nombre d'heures de travail effectué par le salarié et notamment ses heures supplémentaires ; que c'est volontairement qu'elle n'a pas pris en compte les heures de trajet comme des heures de travail et qu'elle n'a pas mentionné sur les bulletins de paie l'intégralité des heures de travail effectuées ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la Cour d'appel ne pouvait considérer que l'employeur faisait figurer dans les bulletins de paie les heures de transport, qu'il rémunérait comme temps de travail effectif (page 4 §4) et dire en même temps que c'est volontairement qu'il n'avait pas pris en compte les heures de trajet comme heures de travail (page 5 §8) ; qu'en se prononçant de la sorte, elle a procédé par contradiction de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE dès lors que les heures de trajet figuraient bien sur les bulletins de paie comme temps de travail effectif, même si elles ne figuraient pas sur la même ligne que la durée mensuelle du travail, aucune dissimulation n'était caractérisée ; que la Cour d'appel a violé les articles L.324-10 et suivants anciens devenus L.8221-3 et suivants nouveaux du Code du travail ;
ALORS, EGALEMENT, QUE la seule circonstance que l'employeur n'ait pas payé certaines heures supplémentaires qu'il contestait, est insuffisante pour caractériser l'intention de dissimulation ; que la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.324-10 et suivants anciens devenus L.8221-3 et suivants nouveaux du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR requalifié la démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et D'AVOIR en conséquence condamné la société Adonis à payer à Monsieur X... des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité de préavis ;
AUX MOTIFS QUE la société Adonis ne rémunérait pas l'intégralité des heures de travail de Monsieur X... ; qu'elle décomptait à part les heures de trajet en ne les intégrant pas dans la durée mensuelle de travail et qu'elle ne rémunérait que partiellement les heures supplémentaires et ne réglait pas intégralement les indemnités de repas ; que ces manquements sont suffisants pour justifier une rupture de contrat de travail à ses torts ;
ALORS QUE pour décider si la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'une démission ou d'un licenciement, le juge doit apprécier la réalité et la gravité des manquements que le salarié impute à l'employeur à l'appui de la rupture ; que la seule condamnation de l'employeur à payer des rappels de salaire à son salarié n'implique pas, à elle seule, un manquement suffisamment sérieux et grave pour justifier la rupture aux torts de l'employeur ; qu'en s'abstenant d'effectuer toute recherche de réalité et de gravité des manquements allégués, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4, L. 122-5 et L. 122-14-3 anciens devenus L. 1231-1, L.1237-1 et L. L. 1232-1 nouveaux du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Adonis à payer à Monsieur X... une indemnité de préavis d'un mois ;
AUX MOTIFS QU'il est fondé à demander le paiement de l'indemnité de préavis ;
ALORS QUE la société Adonis faisait valoir à la page 13 de ses conclusions d'appel que Monsieur X... ne pouvait prétendre à la totalité de l'indemnité de préavis d'un mois, puisque la raison pour laquelle il n'avait pu accomplir son préavis de 15 jours était le fait exclusif de son arrêt maladie pour lequel il avait perçu des indemnités journalières ; que la Cour d'appel s'est totalement abstenue de répondre à ce moyen en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.
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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Démission
Licenciement
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.