par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 17 novembre 2009, 07-21157
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, chambre commerciale
17 novembre 2009, 07-21.157
Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été mise en liquidation judiciaire le 7 novembre 2001 ; que par jugement du 9 avril 2003, le tribunal a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation ; que le 29 décembre 2004, M. et Mme Y... ont assigné Mme X... en paiement de dommages-intérêts représentant l'équivalent de leur créance éteinte pour défaut de déclaration de la créance résultant des prêts consentis à la débitrice antérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. et Mme Y... le montant de la créance éteinte en principal et intérêts à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que la règle selon laquelle la clôture d'une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf en cas de fraude de celui-ci, ne s'applique qu'aux créanciers qui ont produit et dont la créance n'est pas éteinte ; qu'après avoir constaté que la créance des prêteurs était éteinte faute par eux de l'avoir déclarée, le juge ne pouvait faire droit aux prétentions des créanciers au prétexte que Mme X... avait commis une fraude ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 622-32 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
2°/ que l'omission de la créance sur la liste dressée par le débiteur ou le défaut d'envoi de l'avertissement prévu à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 n'ont pas pour effet de dispenser le créancier retardataire de démontrer que, avant l'expiration du délai de déclaration, sa défaillance n'était pas due à son fait, toutes les créances devant être déclarées, qu'elles soient ou non liées à l'activité professionnelle du débiteur personne physique, de sorte qu'est défaillant le créancier qui ne produit pas sous prétexte qu'il croit que sa créance n'a aucun lien avec l'activité professionnelle de son débiteur ; qu'après avoir retenu que les créanciers précisaient avec raison avoir toujours estimé que leurs prêts intervenaient à titre personnel et en aucun cas dans le cadre de l'activité professionnelle de la débitrice, et avoir ignoré qu'elle exploitait son fonds de commerce en tant qu'entrepreneur individuel tandis qu'ils pensaient qu'elle avait constitué, comme eux, une société, le juge se devait d'en déduire que l'extinction de la créance des prêteurs était imputable à leur propre faute, peu important qu'elle eût procédé d'une erreur de droit ayant consisté à croire qu'une créance non liée à l'activité professionnelle de leur débitrice personne physique n'avait pas à être déclarée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ainsi les articles L. 621-43, L. 621-45 et L. 621-46 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ainsi que 66 du décret du 27 décembre 1985 ;
Mais attendu, d'une part, qu'un créancier n'ayant pas bénéficié de l'avertissement aux créanciers connus d'avoir à déclarer leur créance par suite de son omission de la liste certifiée des créanciers et du montant des dettes est recevable à agir contre le débiteur, après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, en réparation du préjudice lié à l'extinction de sa créance sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à charge pour lui d'établir que le débiteur a commis une fraude en dissimulant intentionnellement sa dette ; que l'arrêt, après avoir retenu que Mme X... a volontairement dissimulé au liquidateur judiciaire l'existence des sommes dont elle était redevable envers M. et Mme Y... qui n'ont en conséquence pas pu bénéficier de l'avertissement d'avoir à déclarer leur créance, en déduit exactement, abstraction faite de la référence erronée mais surabondante à l'article L. 622-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que la débitrice a commis une faute constitutive d'une fraude engageant sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1382 précité ;
Attendu, d'autre part, que les motifs critiqués à la deuxième branche, loin de fonder une décision relevant de manière erronée les créanciers de la forclusion, répondent pour l'écarter à la prétention de Mme X... selon laquelle l'extinction de leur créance résultait de la seule faute de M. et Mme Y... pour établir que cette extinction est consécutive à la fraude commise par la débitrice ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour confirmer le jugement ayant condamné Mme X... à payer à M. et Mme Y... le montant de leur créance à titre de dommages-intérêts , l'arrêt retient que ces derniers sont en droit d'obtenir à titre de dommages-intérêts le paiement de l'équivalent de leur créance éteinte par la fraude du débiteur sans considération du montant de l'insuffisance d'actif ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice lié à l'extinction de la créance ne correspond pas nécessairement au montant de cette créance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, après avoir constaté qu'une créance était éteinte faute pour les créanciers (les époux Y...) de l'avoir déclarée à la procédure collective de la débitrice (Mme Z..., l'exposante), clôturée pour insuffisance d'actif, d'avoir condamné cette dernière à payer aux premiers le montant de la créance en principal et intérêts, à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE les époux Y... fondaient leur action sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil ; que la faute de Mme Z... était constituée en l'espèce par une attitude frauduleuse au sens de l'article L. 622 - 32 du Code de commerce ; qu'il résultait des éléments objectifs de la cause que la débitrice avait dissimulé à ses différents créanciers l'existence des sommes dont elle était redevable envers les intéressés, lesquels n'avaient pu bénéficier de l'avertissement d'avoir à déclarer leur créance ; que la dissimulation de l'exposante était volontaire et ne résultait pas d'une simple omission ; qu'il était démontré qu'elle n'avait pas entendu user des sommes prêtées pour les besoins de son commerce ; qu'à défaut elle avait opéré une confusion de patrimoine mais qu'en toute hypothèse elle avait agi en fraude des droits des époux Y... ; qu'elle avait volontairement omis de déclarer leur créance auprès du représentant des créanciers, de sorte qu'ils ne pouvaient obtenir aucun remboursement ; que la fraude était caractérisée et engageait la responsabilité délictuelle de la débitrice sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; que le préjudice des époux Y... résidait dans l'extinction de leur créance car ils n'avaient pu, conformément aux dispositions de l'article L.622-3 du nouveau Code de commerce, produire à la liquidation judiciaire ; que, du fait de l'exposante, leur créance antérieure à l'état de cessation des paiements était éteinte ; que l'insuffisance d'actif n'avait pas à être prise en compte ; qu'il n'y avait pas lieu de raisonner ainsi que le faisait la débitrice sur la base de l'extinction de la créance ; que l'exposante prétendait à tort que cette extinction résultait de la seule faute des créanciers ; que ceux-ci précisaient avec raison avoir toujours estimé que leurs prêts au profit de Mme Z... intervenaient à titre personnel et en aucun cas dans le cadre de son activité professionnelle, d'autant plus qu'ils ignoraient qu'elle exploitait son fonds de commerce en tant qu'entrepreneur individuel, les prêteurs ayant supposé que leur débitrice avait, comme eux, constitué une société ; qu'ils n'avaient jamais été détrompés sur ce point par l'exposante qui avait abusé de leur confiance, si bien qu'ils avaient consenti à lui remettre des sommes importantes ; que celle-ci n'avait jamais laissé entendre que les prêts qui lui étaient accordés pouvaient bénéficier à son activité ; que les prêts en cause avaient donc toujours été étrangers à l'activité de la débitrice ; que, n'ayant bénéficié d'aucun avertissement aux créanciers, les époux Y... ne pouvaient par conséquent qu'ignorer les conditions d'exercice et la situation de précarité de l'activité de la débitrice ; que celle-ci ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude ; que si la créance des époux Y... était éteinte au regard de la liquidation judiciaire, ceux-ci demeuraient néanmoins bien fondés à solliciter une indemnisation à hauteur du montant de 94.518,39 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice subi du fait de la fraude à leurs droits de créanciers ;
ALORS QUE, d'une part, la règle selon laquelle la clôture d'une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf en cas de fraude de celui-ci, ne s'applique qu'aux créanciers qui ont produit et dont la créance n'est pas éteinte ; qu'après avoir constaté que la créance des prêteurs était éteinte faute par eux de l'avoir déclarée, le juge ne pouvait faire droit aux prétentions des créanciers au prétexte que l'exposante avait commis une fraude ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L.622-32 du Code de commerce ;
ALORS QUE, d'autre part, l'omission de la créance sur la liste dressée par le débiteur ou le défaut d'envoi de l'avertissement prévu à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 n'ont pas pour effet de dispenser le créancier retardataire de démontrer que, avant l'expiration du délai de déclaration, sa défaillance n'était pas due à son fait, toutes les créances devant être déclarées, qu'elles soient ou non liées à l'activité professionnelle du débiteur personne physique, de sorte qu'est défaillant le créancier qui ne produit pas sous prétexte qu'il croit que sa créance n'a aucun lien avec l'activité professionnelle de son débiteur ; qu'après avoir retenu que les créanciers précisaient avec raison avoir toujours estimé que leurs prêts intervenaient à titre personnel et en aucun cas dans le cadre de l'activité professionnelle de la débitrice, et avoir ignoré qu'elle exploitait son fonds de commerce en tant qu'entrepreneur individuel tandis qu'ils pensaient qu'elle avait constitué, comme eux, une société, le juge se devait d'en déduire que l'extinction de la créance des prêteurs était imputable à leur propre faute, peu important qu'elle eût procédé d'une erreur de droit ayant consisté à croire qu'une créance non liée à l'activité professionnelle de leur débitrice personne physique n'avait pas à être déclarée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ainsi les articles L. 621-43, L. 621-45 et L. 621-46 du Code de commerce ainsi que 66 du décret du 27 décembre 1985 ;
ALORS QUE, enfin, toute action en responsabilité suppose l'existence d'un préjudice, et la réparation ne peut excéder le dommage effectivement subi ; qu'en relevant, pour allouer aux prêteurs, à titre de dommages-intérêts, une somme équivalant à leur créance éteinte, que le préjudice résidait dans l'extinction de leur créance qu'ils n'avaient pu déclarer à la liquidation judiciaire de la débitrice et que l'insuffisance d'actif n'avait pas à être prise en compte, érigeant ainsi en principe que l'extinction de la créance entraînait un préjudice nécessairement égal à la créance perdue, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si, compte tenu de l'insuffisance d'actif qui était telle qu'aucun créancier, même privilégié, n'avait pu être désintéressé, la créance des prêteurs aurait pu être payée si elle avait été déclarée, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
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Sauvegarde des entreprises
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.