par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 7 octobre 2008, 05-16142
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Cour de cassation, chambre commerciale
7 octobre 2008, 05-16.142
Cette décision est visée dans la définition :
Transposition (Droit communautaire)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mars 2005) et la procédure, que la société Laboratoires de biologie Yves Rocher a recherché devant les tribunaux de l'ordre judiciaire la responsabilité de l'Etat à raison de la perception, du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995, du droit de fabrication sur les produits alcooliques prévu par les dispositions de l'article 406 A du code général des impôts abrogé à compter du 1er janvier 1999, qu'elle estime incompatibles avec les directives communautaires des 25 février 1992 et 19 octobre 1992, dont le délai de transposition expirait le 1er janvier 1993 ; qu'elle a en conséquence demandé au juge judiciaire la réparation du préjudice qui lui aurait été causé par le maintien de ces dispositions législatives incompatibles avec ces directives ; qu'elle a demandé à titre subsidiaire la restitution des droits versés ;
Attendu que la société Laboratoires de biologie Yves Rocher fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite l'action en restitution qu'elle a dirigée à l'encontre de l'administration des douanes, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Yves Rocher, dont l'action principale, fondée sur le droit commun de la responsabilité extra-contractuelle, avait pour objet de faire constater la responsabilité de l'Etat pour violation de deux directives communautaires posant une règle d'exonération des droits de fabrication qu'elle avait acquittés et d'obtenir la condamnation de l'administration des douanes au paiement d'une indemnité destinée à compenser le préjudice subi du fait de cette violation, exposait qu'au cours d'une période comprise entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1995, elle avait dû verser une somme globale de 4 301 319,41 euros au titre d'une disposition de droit interne -l'article 406-A du code général des impôts- qui n'était pas conforme au droit communautaire ; qu'elle ajoutait, aux même fins, en s'appropriant les motifs du jugement dont elle sollicitait la confirmation, que le lien de causalité entre le "préjudice financier" qu'elle avait subi pour avoir dû payer cette somme et la violation, par l'Etat français, de la règle d'exonération issue des deux directives communautaires précitées, était incontestable, et que ce préjudice procédait, très précisément, de la sortie, de son patrimoine, des sommes versées au cours de cette période, là où le respect par l'Etat du droit communautaire aurait dû lui permettre de les conserver par devers elle; qu'en se bornant à énoncer, en dépit des termes clairs et précis des conclusions dont elle était saisie, que la société Yves Rocher se bornait à postuler la restitution des sommes versées "sans faire état d'un chef de préjudice précis lié à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat de façon générale", et en faisant ainsi abstraction des moyens articulés par cette société pour établir l'existence, la nature et le caractère réparable de son préjudice économique et financier, la cour d'appel les a dénaturés, par omission, a méconnu les termes du litige et de ce chef violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se déterminant par les mêmes motifs, sans répondre au moyen, pris par la société Yves Rocher, du préjudice économique et financier que lui avait causé la violation, par l'Etat français et ses organes, de la règle d'exonération prévue par le droit communautaire, préjudice que constituait, en l'occurrence, le paiement d'un droit de fabrication entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1995 sur le fondement d'un texte incompatible avec deux directives, là où le respect de ces dernières aurait dû lui permettre de conserver les sommes dont elle s'était dessaisie, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le paiement d'un droit de fabrication effectué sur le fondement d'une disposition de droit interne non conforme à la règle d'exonération effective posée par une directive communautaire constitue un préjudice certain, personnel, légitime et directement lié à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat pour non transposition de cette directive en droit interne ; qu'en estimant que la société Yves Rocher ne faisait état d'aucun "chef de préjudice précis lié à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat en général", après avoir pourtant relevé que cette société avait "dû s'acquitter sur la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995 d'un droit de fabrication d'un montant global de 28 214 805,76 francs (soit 4 301 319,41 euros) au titre de son activité de fabrication de produits de parfumerie et de toilette par stricte application de l'article 406-A du code général des impôts ( ) en vigueur jusqu'au 31 décembre 1998", et approuvé les motifs du jugement entrepris quant à "la chronologie, la teneur et l'économie des directives ou avis de droit communautaire ayant abouti à l'abrogation de l'article 406-A susvisé par l'article 47A-I de la loi du droit interne n° 98-1266 du 30 décembre 1998", la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, et violé les articles 1382 et 1383 du code civil, par refus d'application ;
4°/ qu'en se bornant à énoncer qu'à l'appui de son action en réparation, la société Yves Rocher ne faisait état d'aucun "chef de préjudice précis lié à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat en général", sans rechercher, ainsi qu'elle y était clairement invitée, si le versement, par cette société, du droit de fabrication litigieux entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1995 n'était pas de nature à constituer un tel préjudice, dès lors que la somme de globale de 4 301 319,41 euros dont elle réclamait le paiement était bien sortie de son patrimoine du fait de la violation par l'Etat français du droit communautaire et que le respect de celui-ci aurait permis à la société Yves Rocher de conserver ce montant par devers elle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;
Mais attendu que lorsque le contribuable choisit de rechercher la responsabilité de l'Etat du fait de la méconnaissance de l'obligation qui incombe au législateur d'assurer le respect des conventions internationales, notamment faute d'avoir réalisé la transposition, dans les délais qu'elles ont prescrits, des directives communautaires, une telle action relève de la responsabilité de l'Etat du fait de son activité législative et que la juridiction administrative est compétente pour en connaître ; que si la cour d'appel a décidé à tort qu'elle n'était saisie que d'une demande en restitution, la société Laboratoires Yves Rocher est sans intérêt à critiquer l'arrêt, en ce qu'il a refusé de statuer sur sa demande indemnitaire, dès lors que le fait générateur à l'origine du préjudice qu'elle alléguait résultait de l'absence de transposition immédiate par l'Etat d'une directive communautaire ayant exonéré du droit de fabrication les produits alcooliques litigieux, de sorte que la juridiction judiciaire n'était pas compétente pour en connaître ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Laboratoires de biologie Yves Rocher aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille huit.
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Cette décision est visée dans la définition :
Transposition (Droit communautaire)
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.