par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 21 juin 2017, 15-25423
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Cour de cassation, chambre commerciale
21 juin 2017, 15-25.423

Cette décision est visée dans la définition :
Contrepartie




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X...a conclu, en avril et novembre 2010, avec la société Bianc'& Neru Prod (la société Bianc'), un accord de partenariat aux termes duquel elle s'engageait à commercialiser les produits de sa marque ; que la société Bianc'ayant obtenu contre elle une injonction de payer des factures, Mme X... a fait opposition en invoquant la nullité du contrat pour absence de cause du fait d'une contrepartie insuffisante à son obligation d ‘ approvisionnement exclusif et, subsidiairement, pour imposition de prix de revente par le fournisseur, et demandé des dommages-intérêts ;

Attendu que pour écarter le moyen d'annulation du contrat pour pratique de prix imposés et dire mal fondée l'opposition, l'arrêt retient que le distributeur bénéficie, en vertu du contrat qui le lie à son fournisseur, de la liberté de fixer le prix de revente de ses produits ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat prévoyait que les prix de vente publics étaient fixés à la livraison et communs à toutes les boutiques, « sacs packaging » en tissu inclus, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la société Bianc'& Neru Prod aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR infirmé le jugement entrepris ayant prononcé la nullité du contrat et d'AVOIR déclaré recevable et mal fondée l'opposition formée par Mlle X... contre l'ordonnance d'injonction de payer prise le 29 novembre 2011 par le président du tribunal de commerce d'Ajaccio ;

AUX MOTIFS QUE Mlle X... invoque deux moyens à l'appui de sa demande de nullité : à titre principal, l'absence de cause au sens des dispositions de l'article 1131 du code civil, en ce qu'il y a aurait un déficit de contrepartie par la société contractante de l'obligation d'approvisionnement exclusif, et à titre subsidiaire, la violation des normes européennes en matière de fixation de prix, l'intimée lui ayant imposé des prix de revente ; que, sur le premier moyen, il se déduit des « accords de partenariat » passés successivement en avril et novembre 2010 entre les parties, qualifiés de contrat de distribution exclusive à juste titre par le tribunal, que l'appelante s'engageait, en contrepartie de l'exclusivité que lui concédait Mlle X... aux obligations suivantes qui n'apparaissent, a priori, ni dérisoires ni déséquilibrées
-mettre à disposition l'enseigne de la marque,
- lui faire bénéficier de la communication sur la marque contre rémunération de 500 euros,
- communiquer son savoir-faire et ses techniques de vente (agencement, tenue de boutique,
- lui proposer l'appui d'une agence de conseil en développement commercial contre participation de 1 000 ou 1 500 euros,
- lui assurer « un dialogue permanent » pour recueillir partager et traiter les informations,
- livrer dans les délais selon le référencement déterminé,
- sous réserve de possibilité de déstockage, reprendre les fins de séries en état à raison de 2 euros TTC la pièce,
- sous certaines conditions, reprendre les invendus ;
que le tribunal ne pouvait annuler le contrat au seul motif que Mlle X... n'aurait pas bénéficié de l'action commerciale de l'agence de conseil, bien qu'elle prétende, sans d'ailleurs en justifier, qu'elle ait payé 500 euros à cette fin, en considération du paiement a minima très partiel de cette prestation, de la visite le 17 juin 2011 sur site de ladite agence dont il est produit le compte rendu, et surtout, s'agissant d'une obligation de « proposition » de la part de la société, du caractère facultatif de cette prestation ; qu'il n'est pas, par ailleurs, justifié d'un retard de livraison de la SARL Bianc'& Neru, qui démontre que 3459 articles des 4705 commandés pour la saison estivale 2011 avaient été livrés avant Pâques, et même, pour la moitié d'entre eux, avant le 23 mars 2011, alors encore qu'il est pareillement justifié que les commandes de Mlle X... se sont étalées pour la même saison du 8 février jusqu'au 26 mai 2011 ; que le second moyen sera également écarté, puisque l'article 4a du règlement 330/ 2010 de la Commission du 20 avril 2010, qui interdit les accords qui restreignent la capacité de l'acheteur de déterminer son prix de vente « sans préjudice de la possibilité pour le fournisseur d'imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n'équivalent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l'effet de pressions exercées ou d'initiatives par l'une des parties » ne s'applique pas lorsque, comme en l'espèce, le distributeur bénéficie, en vertu du contrat qui le lie à son fournisseur, de la liberté de fixer le prix de revente de ses produits, et que les circonstances de l'espèce n'apportent pas la preuve de l'existence d'une contrainte, exercée par le fournisseur, dans la fixation du prix de revente par son distributeur, cette contrainte n'étant ni justifiée ni même invoquée ; que le jugement qui a prononcé la nullité du contrat sera donc infirmé ;

1°) ALORS QU'il est fait interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant, pour écarter le moyen fondé sur l'article 4 a du règlement 330/ 2010 de la Commission européenne du 20 avril 2010, que l'exposante bénéficiait en l'espèce, en vertu du contrat la liant à son fournisseur, de la liberté de fixer le prix de revente de ses produits cependant que le contrat prévoyait que « les prix de vente publics sont fixés à la livraison et communs à toutes les boutiques, sacs packaging en tissu inclus » (Charte et contrat de partenariat 2011, p. 7, Marchandises, 2ème tiret), la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs de cette convention, a violé l'article 1134 du code civil ;

2°) ALORS QU'il est interdit au fournisseur d'imposer à son distributeur des prix fixes de revente de ses produits ; que le distributeur n'a pas à apporter la preuve supplémentaire d'une contrainte exercée sur lui par le fournisseur ; qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de l'imposition par le fournisseur des prix de revente, sur le motif impropre selon lequel la contrainte exercée par le fournisseur dans la fixation du prix n'était ni justifiée ni même invoquée par l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 4 a du règlement 330/ 2010 de la Commission européenne du 20 avril 2010 ;

3°) ALORS QU'il est fait interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ; que, pour écarter le moyen de nullité du contrat pour absence de cause, la cour d'appel a énoncé que « il se déduit des accords de partenariat passés successivement en avril et novembre 2010 entre les parties, qualifiés de contrat de distribution exclusive à juste titre par le tribunal, que l'appelante s'engageait, en contrepartie de l'exclusivité que lui concédait Mlle X... aux obligations suivantes qui n'apparaissent, a priori, ni dérisoires ni déséquilibrées, notamment à mettre à disposition l'enseigne de la marque » (arrêt attaqué, p. 4, § 2) ; que le contrat prévoyait cependant que « la sarl Bianc'et Neru prod. met à la disposition du partenaire l'enseigne de la marque Bianc'et Neru déposée à l'INPI » aussi bien pour « le partenaire de type 1, en concession exclusive » que « pour le partenaire de type 2, en concession partagée », « l'intégration au réseau sans enseigne » n'étant prévu que « pour le partenaire de type 3, en corner-shop » (charte et contrat de partenariat 2011, p. 6, 1er tiret) ; qu'en affirmant cependant que le contrat faisait de la mise à disposition de l'enseigne la contrepartie de l'exclusivité accordée par le distributeur, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs de la convention et violé l'article 1134 du code civil ;

4°) ALORS QU'il est fait interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ; que, pour écarter le moyen de nullité du contrat pour absence de cause, la cour d'appel a énoncé que « il se déduit des accords de partenariat passés successivement en avril et novembre 2010 entre les parties, qualifiés de contrat de distribution exclusive à juste titre par le tribunal, que l'appelante s'engageait, en contrepartie de l'exclusivité que lui concédait Mlle X... aux obligations suivantes qui n'apparaissent, a priori, ni dérisoires ni déséquilibrées », notamment à lui faire bénéficier de la communication sur la marque contre rémunération de 500 euros et à lui proposer l'appui d'une agence de conseil en développement commercial contre participation de 1 000 ou 1 500 euros (arrêt attaqué, p. 4, § 2) ; que le contrat prévoyait cependant que ces deux obligations incombaient au fournisseur aussi bien vis-à-vis des distributeurs exclusifs que des autres distributeurs détenteurs de l'enseigne, seule leur participation variant « comme suit :
-1500 euros pour les concessionnaires de type 1 + 500 euros de budget de communication.
-1000 euros pour les concessionnaires de type 2 + 500 euros de budget de communication » (charte et contrat de partenariat 2011, p. 6 bis, § 2) ; qu'en affirmant cependant que le contrat faisait des prestations de communication la contrepartie de l'exclusivité accordée par le distributeur, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs de la convention et violé l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR prononcé la résolution du contrat passé entre la SARL Bianc'et Neru et Mlle X... aux torts de celle-ci et, en conséquence, d'AVOIR condamné cette dernière à payer à la société la somme de 24. 750, 69 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2011 ; de l'AVOIR encore condamnée à payer la somme de 211, 38 euros à titre de dommages et intérêts et d'AVOIR ordonné la restitution à la société Bianc'et Neru de la marchandise inventoriée le 5 avril 2014 par Me Y..., contre paiement par cette société de la somme de 5. 485, 45 euros ;

AUX MOTIFS QU'il est établi et non contesté par les parties que le contrat de partenariat qu'elles ont conclu n'a pas survécu au-delà du refus de paiement des lettres de changes survenus au cours de l'été 2011 ; que la SARL Bianc'& Neru en demande la résolution, en considération de l'inexécution fautive par Mlle X... de son obligation de payer les marchandises livrées ; qu'elle poursuit en effet, le paiement deux factures demeurées partiellement impayées, correspondant à des livraisons de commandes non discutées par l'intimée :
- l'une, du 3 mai 2011, d'un montant de 46. 065, 88 euros pour le paiement de laquelle, seules deux lettres de change de 9. 213, 17 euros chacune, ont été payées, la troisième du même montant ayant été rejetée le 16 août 2011 pour provision insuffisante, et les autres non payées, soit un solde de 27. 639, 54 euros,
- l'autre, du 22 juin 2011, d'un montant de 19. 795, 74 euros, payée à l'aide de trois lettres de change de 6. 598, 58 euros chacune, la première ayant été rejetée le 27 juillet 2011 pour provision insuffisante, et les autres non payées, soit un solde de 19. 795, 74 euros ; qu'il convient de déduire du solde de ces deux factures demeurées impayées :
- l'avoir de 19. 684, 59 euros établi le 8 septembre 2011 après retour d'invendus 2011,
- la somme de 3. 000 euros payée le 26 septembre 2011 par Mlle X... ;
qu'il est donc justifié que Mlle X..., qui, au demeurant, ne conteste ni le principe ni le montant de sa dette dans un courrier du 15 septembre 2011 adressé à la SARL. Bianc'& Neru (exception faite de la valeur des marchandises 2010 non reprises soit la somme de 2. 143, 11 euros), reste redevable envers la société appelante de la somme de 24. 750, 69 euros, productive des intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 23 septembre 2011 ; qu'il sera donc fait droit à la demande de résolution du contrat, aux torts de Mlle Marie-Pierre X..., la remise en état des parties comme si le contrat n'avait jamais existé impliquant, notamment, la restitution par celle-ci des marchandises conservées, à savoir celles qui ont fait l'objet de l'inventaire contradictoire de Me Janie Y..., huissier de justice, commis par ordonnance du 2 janvier 2014 du conseiller de la mise en état, contre déduction, après restitution effective, de la valeur de cet ultime stock, évalué par l'appelante à la somme, non discutée par Mlle X..., de 5. 485, 45 euros ; qu'enfin, la résolution fautive aux torts de Mlle X... du contrat justifie qu'il soit fait droit à la demande en paiement de 211, 38 euros à titre de dommages intérêts, dont il est justifié par l'appelante au titre des frais d'huissier engagés ;

1°) ALORS QUE lorsqu'un contrat synallagmatique est résolu pour inexécution par l'une des parties de ses obligations, les choses doivent être remises au même état que si les obligations nées du contrat n'avaient jamais existé ; que la créance de restitution en valeur d'un bien, est égale, non pas au prix convenu, mais à la valeur effective, au jour de la vente, de la chose remise ; qu'en condamnant Mlle X... à payer la somme de 24. 750, 69 euros correspondant au montant des factures impayées, établies au tarif contractuellement prévu, tandis qu'elle avait retenu que le contrat était résolu rétroactivement du fait même de ce non-paiement, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil ;

2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en prononçant la résolution du contrat aux torts de l'exposante sans se prononcer sur le moyen sérieux de cette dernière selon lequel la société Bianc'et Neru avait commis une faute en lui imposant le prix de revente de ses produits, ce qui l'avait empêchée d'adapter sa tarification (conclusions d'appel pour l'exposante, p. 6 in fine et p. 7), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS subsidiairement QU'il est fait interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant, pour écarter le moyen fondé sur l'article 4 a du règlement 330/ 2010 de la Commission européenne du 20 avril 2010, que l'exposante bénéficiait en l'espèce, en vertu du contrat la liant à son fournisseur, de la liberté de fixer le prix de revente de ses produits cependant que le contrat prévoyait que « les prix de vente publics sont fixés à la livraison et communs à toutes les boutiques, sacs packaging en tissu inclus » (Charte et contrat de partenariat 2011, p. 7, Marchandises, 2ème tiret), la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs de cette convention, a violé l'article 1134 du code civil ;

4°) ALORS subsidiairement QU'il est interdit au fournisseur d'imposer à son distributeur des prix fixes de revente de ses produits ; que le distributeur n'a pas à apporter la preuve supplémentaire d'une contrainte exercée sur lui par le fournisseur ; qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de l'imposition par le fournisseur de ses prix de revente, sur le motif impropre selon lequel la contrainte exercée par le fournisseur dans la fixation du prix n'était ni justifiée ni même invoquée par l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 4 a du règlement 330/ 2010 de la Commission européenne du 20 avril 2010.



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Contrepartie


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.