par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 30 juin 2016, 15-11424
Dictionnaire Juridique
site réalisé avec Baumann Avocats Droit informatique |
Cour de cassation, chambre sociale
30 juin 2016, 15-11.424
Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1235-1, L. 1235-3 du code du travail, la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Garden service le 15 mars 2000 en qualité d'ouvrier jardinier, a été élu délégué du personnel en 2002, et désigné délégué syndical en 2003 ; que son licenciement pour faute lui a été notifié le 23 octobre 2003, après autorisation de l'inspecteur du travail donnée le 17 octobre 2003 ; que cette autorisation a été annulée par jugement du tribunal administratif de Bastia du 26 janvier 2006 ; que, par arrêt du 25 juin 2009, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête en annulation formée par la société, et que le pourvoi formé contre cette décision a été déclaré non admis par arrêt du Conseil d'Etat du 9 avril 2010 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir notamment des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et pour discrimination syndicale ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'octroi d'une réparation complémentaire à celle prévue par l'article L. 2422-4 du code du travail est subordonné à l'absence de cause réelle et sérieuse qu'il appartient au juge de rechercher et qui ne résulte pas, en soi, de la seule annulation de l'autorisation administrative de licenciement, que les motifs de l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement retenus par le tribunal administratif et la cour administrative d'appel reposent, non pas sur l'absence de démonstration que les faits reprochés au salarié étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, mais sur le fait que « la demande d'autorisation de licenciement devait être regardée comme n'étant pas sans lien avec les mandats détenus par l'intéressé », compte tenu du conflit existant alors entre M. X... et la direction de la société Garden service concernant les salaires et indemnités des salariés, de sorte que « l'inspecteur du travail était tenu de refuser l'autorisation de licenciement, quand bien même le comportement du salarié était d'une gravité suffisante pour le justifier », qu'il ressort des pièces produites par la société que M. X... a bien commis des fautes d'une gravité suffisante justifiant son licenciement ;
Attendu cependant que si l'absence de cause réelle et sérieuse ne résulte pas, en soi, de l'annulation de l'autorisation de licenciement, la décision du juge administratif qui annule l'autorisation en raison du lien existant entre la procédure de licenciement et les fonctions représentatives exercées par l'intéressé s'oppose à ce que le juge judiciaire considère que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que le juge administratif avait annulé l'autorisation de licenciement au motif que la demande n'était pas sans lien avec les mandats de l'intéressé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne l'annulation par voie de conséquence du chef de l'arrêt qui a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination, au motif que le licenciement était justifié par les manquements fautifs de ce dernier ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, l'arrêt rendu le 15 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société Garden service aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Garden service à payer à la SCP Richard la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Yves X... de sa demande tendant à voir juger qu'il a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à voir, en conséquence, condamner la Société GARDEN SERVICE à lui payer la somme de 13. 766, 52 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la Cour adopte ; qu'en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelle preuves, le jugement sera confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il est constant que le salarié protégé licencié en vertu d'une autorisation administrative annulée peut prétendre, outre à l'indemnisation de son préjudice depuis le licenciement et jusqu'à l'expiration du délai de deux mois qui suit la notification de la décision annulant l'autorisation de licenciement, au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du Code du travail, s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que toutefois, l'octroi d'une réparation complémentaire à celle prévue par l'article L. 2422-4 du Code du travail est subordonné à l'absence de cause réelle et sérieuse qu'il appartient au juge de rechercher et qui ne résulte pas, en soi, de la seule annulation de l'autorisation administrative de licenciement ; qu'il sera observé en premier lieu que les motifs de l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement retenus par le Tribunal administratif et la Cour administrative d'appel reposent, non pas sur l'absence de démonstration que les faits reprochés à Monsieur X... étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, mais sur le fait que « la demande d'autorisation de licenciement devait être regardée comme n'étant pas sans lien avec les mandats détenus par l'intéressé », compte tenu du conflit existant alors entre Monsieur X... et la direction de la SARL GARDEN SERVICE concernant les salaires et indemnités des salariés, de sorte que « l'inspecteur du travail était tenu de refuser l'autorisation de licenciement, quand bien même le comportement du salarié était d'une gravité suffisante pour le justifier. » ; qu'en second lieu, il importe de relever que la SARL GARDEN SERVICE a, par cinq courriers recommandés en date des 28 juin 2002, 6 septembre 2002, 12 novembre 2002, 13 novembre 2002 et 3 mars 2003, notifié à Monsieur X... des mises en garde et avertissement mettant en cause la qualité de sa prestation de travail, et lui reprochant notamment un désintérêt pour ses fonctions de chef d'équipe, un refus d'obéir à certains ordres de la société, le non-respect d'instructions transmises par son supérieur hiérarchique, des retards et absences injustifiés, la délivrance d'informations volontairement erronées à une cliente de la société, le non-respect de certaines consignes en matière d'entretien et d'utilisation du matériel, et de sécurité, et qu'à aucun moment Monsieur X... n'a contesté la véracité des fautes qui lui étaient ainsi imputées, pas plus qu'il n'a répliqué aux affirmation de l'employeur ; que de même, dans le cadre de la présente procédure, il ne démontre pas, ni même n'allègue, que les fautes susvisées n'ont aucune réalité, se contentant de soutenir que l'absence de caractère réel et sérieux du licenciement dont il a été l'objet résulte ipso facto de l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement ; qu'enfin, il ressort des pièces produites par la SARL GARDEN SERVICE, et notamment l'ensemble des courriers précités, que Monsieur X... a bien commis des fautes d'une gravité suffisante justifiant son licenciement ; qu'ainsi, il est établi qu'il a reconnu s'être rendu quelques fois en retard sur son lieu de travail, sans motif légitime, entraînant ainsi des perturbations dans l'organisation du travail de son équipe ; qu'il a contesté le 28 août 2003 auprès de Monsieur Y..., son supérieur hiérarchique, en présence de son équipe, l'opportunité de se rendre sur un chantier, alors que son contrat de travail ne prévoyait pas de chantiers fixes, et a ensuite contacté plusieurs clients que leurs jardins cesseraient d'être entretenus en raison de cet autre chantier, portant ainsi atteinte au crédit de la direction à l'égard de ses collègues, ainsi qu'à l'image de marque de l'entreprise et causant un risque de perte de marché ; qu'enfin, il a reconnu avoir commis des erreurs dans l'établissement des feuilles d'heures du mois d'août 2002 concernant un collègue de travail ; que l''ensemble de ces manquements à ses obligations professionnelles, dont il n'a pas contesté, lors de leur notification et lors de la présente instance, la réalité et la gravité constituent bien un comportement fautif et préjudiciable à la bonne marche de l'entreprise, justifiant la mesure de licenciement dont il a été l'objet, de sorte que sa demande d'indemnité de ce chef sera rejetée ;
ALORS QUE si l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ne résulte pas, en soi, de l'annulation de l'autorisation de licenciement, la décision du juge administratif se prononçant sur les faits fautifs invoqués par l'employeur ayant retenu que ces faits, soit n'étaient pas établis, soit ne justifiaient pas la mesure de licenciement, celle-ci s'oppose à ce que le juge judiciaire, appréciant les mêmes faits, décide qu'ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en décidant néanmoins que le licenciement de Monsieur X... par la Société GARDEN SERVICE reposait sur une cause réelle et sérieuse, après avoir pourtant constaté que le juge administratif avait annulé la décision d'autorisation de licenciement en ce que celui-ci n'était pas sans lien avec les mandats détenus par Monsieur X..., de sorte que le juge administratif avait décidé que les fautes reprochées n'étaient pas de nature à justifier le licenciement, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1235-1, L. 1235-3 du Code du travail, la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Yves X... de sa demande tendant à voir condamner la Société GARDEN SERVICE à lui payer la somme de 27. 533, 04 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la Cour adopte ; qu'en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, le jugement sera confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il résulte de l'application combinée des dispositions des articles L. 2141-5, d'ordre public, et L. 2141-8 du Code du travail, qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat ; de travail ; que toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts ; qu'il est constant qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et qu'il incombe à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que contrairement à ce que soutient la SARL GARDEN SERVICE, l'atteinte éventuelle au principe de non-discrimination en raison de l'appartenance syndicale ou de l'exercice d'une activité syndicale n'est pas réparée dans le cadre de l'article L. 2422-4 du Code du travail précité, dès lors que l'indemnité prévue par ce dernier texte est destinée à compenser la perte de salaires subie par le salarié licencié en vertu d'une autorisation administrative par la suite annulée, alors que les dommages et intérêts visés à l'article L. 2141-8 sanctionnent la discrimination syndicale ; qu'en l'espèce, le lien entre le licenciement et l'exercice par Monsieur X... d'une activité syndicale n'est pas établie, dès lors que, comme cela a été examiné ci-dessus, le licenciement a été justifié par les manquements fautifs de ce dernier à ses obligations professionnelles ; qu'il y a donc lieu de le débouter de cette demande ;
1°) ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le premier moyen de cassation, du chef du dispositif de l'arrêt ayant décidé que le licenciement de Monsieur X... par la Société GARDEN SERVICE n'était pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt par lequel la Cour d'appel a débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir condamner la Société GARDEN SERVICE à lui verser des dommages-intérêts pour discrimination syndicale, motifs pris que le lien entre le licenciement et l'exercice par Monsieur X... d'une activité syndicale n'était pas établi, et ce, en application de l'article 625 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, la décision du juge administratif se prononçant sur les faits fautifs invoqués par l'employeur ayant retenu que ces faits, soit n'étaient pas établis, soit ne justifiaient pas la mesure de licenciement, s'oppose à ce que le juge judiciaire procède à une appréciation différente des mêmes faits ; qu'en décidant néanmoins que les faits de discrimination syndicale invoqués par Monsieur X... n'étaient pas établis, bien que le juge administratif ait considéré que la demande d'autorisation de licenciement devait être regardée comme n'étant pas sans lien avec les mandats détenus par Monsieur X..., ce dont résultait nécessairement la discrimination syndicale invoquée par celui-ci, la Cour d'appel a violé les articles L. 2141-5 et L. 2141-8 du Code du travail, la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs ;
3°) ALORS QUE, subsidiairement, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter Monsieur X... de sa demande tendant à voir condamner la Société GARDEN SERVICE à lui verser des dommages-intérêts pour discrimination syndicale, que le lien entre le licenciement et l'exercice par Monsieur X... d'une activité syndicale n'était pas établi, dès lors que le licenciement était justifié par des manquements fautifs, sans rechercher si Monsieur X... avait subi une discrimination syndicale de la part de la Société GARDEN SERVICE, peu important que son licenciement ait été, en toute hypothèse, justifié par des fautes qu'il aurait commises, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du Code du travail.
site réalisé avec Baumann Avocat Contrats informatiques |
Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.