par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 8 janvier 2015, 13-26657
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
8 janvier 2015, 13-26.657

Cette décision est visée dans la définition :
Anatocisme




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 septembre 2013), que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) ayant fait délivrer, en vertu d'un acte notarié, un commandement de payer valant saisie immobilière à M. et Mme X..., ceux-ci l'ont contesté devant un juge de l'exécution ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt infirmatif de valider le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 14 décembre 2011 et publié le 10 février 2012 à la conservation des hypothèques volume 2012 S n° 18, alors, selon le moyen :

1°/ qu' à peine de nullité, le commandement de payer aux fins de saisie immobilière doit faire apparaître, à l'attention du saisi, la ventilation des sommes qui lui sont réclamées ; que, pour juger valable le commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré le 14 décembre 2011, l'arrêt retient que, l'anatocisme conventionnel prévu par les parties à l'acte de prêt ayant pour effet que les intérêts capitalisés constituent un nouveau capital qui s'ajoute au premier, le commandement de payer intègre dès lors valablement dans le capital échu les intérêts courus au taux contractuel sur la durée du prêt non remboursé à son échéance; qu'en statuant ainsi, cependant que l'information des saisis imposait de faire apparaître dans le commandement de payer une distinction entre le capital échu et les intérêts capitalisés, qui procédaient tous deux de faits générateurs différents, la cour d'appel a violé les articles R. 321-1 et R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 114 du code de procédure civile ;

2°/ que la saisie-vente est subordonnée à l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible sur le débiteur ; que, à la supposer certaine en son principe, l'indemnité constitutive d'une clause pénale, que le juge de l'exécution forcée ne peut lui-même fixer, ne constituant pas une créance liquide et exigible du créancier sur le débiteur, la cour d'appel, en jugeant valable le commandement de payer qui faisait apparaître à la charge des saisis une « indemnité de recouvrement au taux de 7 % » pour un montant de 46 029,64 euros qui n'était, ni liquide, ni exigible, a méconnu les articles L. 111-6 et L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu qu'ayant rappelé que les intérêts capitalisés ne constituaient plus des intérêts, mais un nouveau capital s'ajoutant au premier, la cour d'appel a exactement retenu que les dispositions de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution n'imposaient pas qu'ils soient distingués du capital échu dans le commandement de payer ;

Et attendu qu'ayant relevé que l'indemnité de recouvrement au taux de 7 % des sommes restant dues, évaluée à la somme de 46 029,65 euros dans le commandement de payer, était expressément convenue par les parties en cas de défaillance de l'emprunteur, faisant ainsi ressortir le caractère liquide et exigible de la créance, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'a pas procédé à la fixation de la clause pénale, a rejeté la demande d'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt infirmatif de fixer la créance de la banque à leur encontre aux sommes de 641 893,34 euros au titre du capital échu, de 46 029,64 euros au titre de l'indemnité contractuelle au taux de 7 %, de 15 673,12 euros au titre des intérêts arrêtés au 25 octobre 2011, ainsi qu'aux intérêts au taux contractuel de 5 % l'an courus depuis cette date sur le capital échu et d'ordonner la vente forcée des biens immobiliers visés au commandement de payer, alors, selon le moyen, que pour écarter la faute de la banque dans les conditions d'octroi du prêt, l'arrêt retient que l'acte notarié du 2 juin 2009 prévoyait une durée initiale d'emprunt de 24 mois et une « durée maximale compte tenu des options » de 60 mois, et qu'il appartenait donc aux emprunteurs, dès lors que l'état d'avancement du projet immobilier prenait du retard, de faire usage des options qui étaient de nature à proroger la durée maximale du prêt ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater, et ni même rechercher, si les emprunteurs remplissaient, du fait du retard constaté dans la vente de leurs terrains, les conditions pour mettre en oeuvre les options contractuelles de report de l'échéance de remboursement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 311-9 du code de la consommation ;

Mais attendu qu'ayant relevé que si les revenus de M. et Mme X... étaient limités, il n'en demeurait pas moins que leur patrimoine immobilier était évalué à 1 130 000 euros, que l'acte notarié de prêt fixait une « durée initiale » de remboursement de 24 mois et une « durée maximale compte tenu des options » de 60 mois et retenu qu'il appartenait à M. et Mme X... de faire usage de ces options en cas de retard dans leur opération immobilière, la cour d'appel, qui a caractérisé l'absence de faute de la banque et n'était pas tenue de procéder à la recherche prétendument omise, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR validé le commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré le 14 décembre 2011 aux époux X... et publié le 10 février 2012 à la conservation des hypothèques volume 2012 S n°18 ;

AUX MOTIFS QUE : « M. et Mme X... soutiennent, en premier lieu, que le commandement de payer valant saisie immobilière qui leur a été signifié le 14 décembre 2011, n'est pas conforme aux dispositions de l'article R. 321-1 du code des procédures civiles d'exécution qui prescrivent, à peine de nullité, que le commandement de payer doit comporter le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires ; qu'ils font observer à cet égard que le décompte figurant au commandement fait apparaître une somme de 641 393,24 € au titre du capital échu, alors que le montant du capital prêté et qui devait être remboursé en une seule fois à l'échéance du 25 juin 2011, s'élevait en réalité à la somme de 585 000 € ; que l'acte authentique de prêt en date du 2 juin 2009 énonce toutefois expressément que pendant la période de différé d'amortissement et d'intérêts, les intérêts calculés et différés seront capitalisés et produiront intérêts au taux du prêt (page 3 de l'acte authentique et page 3 de l'offre de prêt annexé à l'acte authentique) ; que cet anatocisme conventionnel que les parties ont convenu entre elles, comme les y autorisait l'article 1154 du code civil, a pour effet que les intérêts capitalisés constituent un nouveau capital qui s'ajoute au premier, et qui suit, du reste, le régime de la prescription de droit commun ; que c'est dès lors à juste raison que le décompte intègre dans le capital échu les intérêts courus au taux contractuel sur la durée du prêt de 24 mois, non remboursé à son échéance du 25 juin 2011 et ne fait figurer dans le décompte, au titre des intérêts, que ceux courus postérieurement (soit les sommes de 8 280,73 € avant la déchéance du terme et de 7 392,39 € après la déchéance du terme intervenue suivant lettre du 4 août 2011) ; qu'il s'ensuit que le commandement de payer ne contrevient nullement aux dispositions de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution et que, contrairement à ce qu'a estimé à tort le premier juge, il n'encourt aucune nullité de ce chef ; que le décompte figurant dans le commandement de payer n'a pas non plus pour effet d'entraîner la nullité de cet acte par le fait qu'il y est mentionné, comme poste supplémentaire, une "indemnité de recouvrement au taux de 7%" pour un montant de 46 029,64 € ; qu'en effet, comme l'a indiqué, cette fois à juste titre, le premier juge, cette indemnité a été expressément convenue par les parties en cas de défaillance de l'emprunteur, dans l'offre de prêt annexé à l'acte authentique de prêt, les annexes ayant, selon les termes mêmes de l'acte notarié (page 6), "le caractère authentique comme faisant partie intégrante de la minute" » (arrêt, pp. 5 et 6) ;

1°) ALORS QUE, à peine de nullité, le commandement de payer aux fins de saisie immobilière doit faire apparaître, à l'attention du saisi, la ventilation des sommes qui lui sont réclamées ;

Que, pour juger valable le commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré le 14 décembre 2011, l'arrêt retient que, l'anatocisme conventionnel prévu par les parties à l'acte de prêt ayant pour effet que les intérêts capitalisés constituent un nouveau capital qui s'ajoute au premier, le commandement de payer intègre dès lors valablement dans le capital échu les intérêts courus au taux contractuel sur la durée du prêt non remboursé à son échéance ;

Qu'en statuant ainsi, cependant que l'information des saisis imposait de faire apparaître dans le commandement de payer une distinction entre le capital échu et les intérêts capitalisés, qui procédaient tous deux de faits générateurs différents, la cour d'appel a violé les articles R. 321-1 et R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 114 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la saisie-vente est subordonnée à l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible sur le débiteur ;

Que, à la supposer certaine en son principe, l'indemnité constitutive d'une clause pénale, que le juge de l'exécution forcée ne peut lui-même fixer, ne constituant pas une créance liquide et exigible du créancier sur le débiteur, la cour d'appel, en jugeant valable le commandement de payer qui faisait apparaître à la charge des saisis une « indemnité de recouvrement au taux de 7 % » pour un montant de 46 029,64 euros qui n'était, ni liquide, ni exigible, a méconnu les articles L. 111-6 et L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc à l'encontre des époux X... aux sommes de 641 893,34 euros au titre du capital échu, de 46 029,64 euros au titre de l'indemnité contractuelle au taux de 7 %, de 15 673,12 euros au titre des intérêts arrêtés au 25 octobre 2011, ainsi qu'aux intérêts au taux contractuel de 5 % l'an courus depuis cette date sur le capital échu, ordonné la vente forcée des biens immobiliers visés au commandement de payer ;

AUX MOTIFS QUE : « M. et Mme X... ont encore soutenu que la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc avait commis une faute engageant sa responsabilité en leur accordant un prêt d'une telle importance et sur une durée aussi courte, de sorte que la réparation pécuniaire de leur préjudice était de nature à compenser les sommes dont ils sont redevables au titre du prêt ; que toutefois, il résulte des pièces produites ainsi que des débats que le prêt litigieux était un prêt de restructuration de deux autres prêts consentis à des SCI dont les époux X... étaient les associés ; que s'il est possible que leurs revenus aient été à ce moment-là limités, comme ils l'indiquent, du fait de la cessation de leur activité apicole, il n'en demeure pas moins qu'ils reconnaissent eux-mêmes (cf. courrier au médiateur en date du 24 novembre 2011) que leur patrimoine immobilier était évalué à 1 130 000 ¿ ; que, par ailleurs, comme le mentionne expressément l'acte authentique de prêt dans la rubrique "objet du financement", il s'agissait de la consolidation de leurs encours dans l'attente de ventes de terrains ; que si le projet était, comme l'indiquent les époux X..., de vendre les terrains dont ils étaient propriétaires, dans le cadre d'une opération immobilière de création d'un complexe thermal envisagée par la municipalité de Pézenas, il sera fait observer que l'acte notarié de prêt (p. 3) fixe expressément une "durée initiale" de 24 mois et une "durée maximale compte tenu des options" de 60 mois, les modalités d'exercice de ces options étant exposées dans les conditions particulières de l'offre de prêt annexées à l'acte authentique, sans que rien ne vienne étayer le caractère "illisible" dont les époux X... qualifient ces dispositions dans leurs conclusions ; que, dans ces conditions, si - alors que M. X... était conseiller municipal et ainsi à même de s'informer sur l'état d'avancement du projet immobilier - les emprunteurs estimaient que cette opération susceptible de valoriser leurs terrains prenait du retard, il leur appartenait de faire usage des options qui étaient de nature à porter la durée maximale du prêt à 60 mois ; qu'en conséquence, il n'apparaît pas qu'une faute ait été commise par la banque, susceptible d'ouvrir droit à une réparation qui viendrait compenser les sommes dues par les époux X... en vertu du prêt, à la suite de la déchéance du terme prononcée par lettre recommandées du 4 août 2011 dans les conditions prévues à la convention de prêt » (arrêt, pp. 6 et 7) ;

ALORS QUE pour écarter la faute de la banque dans les conditions d'octroi du prêt, l'arrêt retient que l'acte notarié du 2 juin 2009 prévoyait une durée initiale d'emprunt de 24 mois et une « durée maximale compte tenu des options » de 60 mois, et qu'il appartenait donc aux emprunteurs, dès lors que l'état d'avancement du projet immobilier prenait du retard, de faire usage des options qui étaient de nature à proroger la durée maximale du prêt ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater, et ni même rechercher, si les emprunteurs remplissaient, du fait du retard constaté dans la vente de leurs terrains, les conditions pour mettre en oeuvre les options contractuelles de report de l'échéance de remboursement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 311-9 du code de la consommation.



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Cette décision est visée dans la définition :
Anatocisme


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.