par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 18 juin 2014, 13-13553
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
18 juin 2014, 13-13.553
Cette décision est visée dans la définition :
Agent immobilier
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1371 du code civil, ensemble les articles 6-I de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;
Attendu que les règles de l'enrichissement sans cause ne peuvent tenir en échec les dispositions d'ordre public de ces deux derniers textes, lesquels subordonnent la licéité de l'intervention d'un agent immobilier dans toute opération immobilière, et partant, son droit à rémunération comme à indemnisation, à la détention d'un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l'une des parties à l'opération ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Central immobilier qui, en exécution d'un mandat de recherche non exclusif reçu de la société Patrimoine compagnie, avait cherché, découvert et présenté à son mandant un terrain constructible conforme aux caractéristiques convenues, puis rédigé un projet d'acte de vente non suivi d'effet, a, après qu'elle eut appris que la société Fonta avait acheté ce terrain, sans intermédiaire, aux prix et conditions du projet qu'elle avait établi, assigné celle-ci en paiement de ses prestations de recherche et de négociation, en se prévalant, principalement, d'un accord autonome de reprise par l'acquéreur des engagements du mandant, devenu la société Kaufman et Broad Pyrénées, et subsidiairement de l'action de in rem verso ;
Attendu qu'ayant écarté, faute de preuve, l'existence d'un accord de reprise des engagements du mandant, l'arrêt, pour condamner la société Fonta à payer à la société Central immobilier la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'action de in rem verso, retient que l'exercice de cette action, seul moyen juridique dont l'agent immobilier dispose pour obtenir de la société Fonta la rémunération de son travail, n'a pas vocation à contourner les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 puisque les parties ne pouvaient pas être liées par un mandat, le bénéfice que l'acquéreur a tiré gratuitement du travail de l'agent immobilier lui ayant été transmis par un tiers, la société Kaufman et Broad Pyrénées ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par fausse application, les deux derniers par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Central immobilier aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Central immobilier à payer à la société Fonta la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Fonta.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR accueilli l'action en enrichissement sans cause qu'un agent immobilier, la société CENTRAL IMMOBILIER, avait exercée contre l'acquéreur d'un terrain, la société FONTA, en l'absence de tout mandat conclu entre ces deux parties, et D'AVOIR condamné en conséquence la société FONTA à payer à la société CENTRAL IMMOBILIER la somme de 50 000 € représentant le montant de son appauvrissement ;
AUX MOTIFS QUE le tribunal a considéré que la S.A.S FONTA ne pouvait être tenue contractuellement au respect des engagements pris par la société KAUFMAN & BROAD MIDI-PYRÉNÉES dans le cadre d'un compromis de vente qui n'est pas signé ; que d'autre part la preuve d'un engagement autonome de la S.A.S FONTA de reprendre les engagements contractés par la société KAUFMAN & BROAD MIDI-PYRÉNÉES auprès de la S.A.R.L CENTRAL IMMOBILIER ne pouvant reposer sur la seule attestation de M. X..., ancien directeur salarié de la SAS PATRIMOINE COMPAGNIE devenue société KAUFMAN & BROAD MIDI-PYRÉNÉES, au regard des prescriptions de l'article 1341 du code civil qui exigent la production d'un écrit pour tout engagement excédant une valeur de 1.500 € ; que l'appelante se prévaut de faction de in rem verso ; qu'il est de principe que celui qui s'est appauvri sans cause au bénéfice d'une autre personne est fondé à obtenir restitution du montant de cet appauvrissement, à condition qu'il n'ait commis aucune faute, et qu'il ne dispose d'aucune autre action lui permettant d'obtenir satisfaction ; qu'en l'espèce, les pièces produites par la S.A.R.L CENTRAL IMMOBILIER établissent : que c'est par son intermédiaire que son mandant, la SAS PATRIMOINE COMPAGNIE devenue société KAUFMAN & BROAD MIDI-PYRÉNÉES, a trouvé le terrain des consorts Y..., que celle-ci a envisagé d'acquérir au prix de 1.000.000 €, selon projet de compromis de vente du 9 novembre 2006 (cf. courrier du 11 mars 2005 de M. X..., responsable développement de la S.A.S PATRIMOINE COMPAGNIE, projet de compromis daté du 9 novembre 2006), une demande de permis de construire étant même déposée par la société KAUFMAN & BROAD MIDI-PYRÉNÉES pour ce terrain le 9 mars 2007 auprès des services d'urbanisme (cf. bordereau des dépôts de demande de permis de construire émanant des services de l'urbanisme), - que la S.A.S FONTA a bénéficié de la prestation de service de la S.A.R.L CENTRAL IMMOBILIER : d'une part le compromis de vente la concernant ne mentionne aucun négociateur, d'autre part on relève que les conditions essentielles de la vente, et notamment le prix, sont identiques, de plus M. X... atteste de ce que la S.A.S FONTA a obtenu cette affaire de la société KAUFMAN & BROAD MIDI-PYRÉNÉES qui la lui a présentée, enfin, la S.A.S FONTA qui ne prétend pas le contraire admet implicitement dans son courrier du 24 juillet 2008 avoir tiré profit de la recherche de ce terrain réalisée par la S.A.R.L CENTRAL IMMOBILIER pour le compte de la société KAUFMAN BROAD MIDI-PYRÉNÉES ; elle conditionne simplement le paiement des honoraires de la S.A.R.L CENTRAL IMMOBILIER pour ce terrain à la fourniture d'une nouvelle prestation ; qu'il apparaît ainsi que la SAR.L CENTRAL IMMOBILIER s'est appauvrie en effectuant sans la moindre contrepartie une prestation de service, d'une valeur de 5% du bien trouvé, et que corrélativement la S.A.S FONTA a tiré pleinement profit de ce travail sans le rémunérer ; que cet enrichissement est dépourvu de toute cause, puisque la S.A.R.L CENTRAL IMMOBILIER n'était débitrice d'aucune obligation de ce type à son égard ; que de plus, la S.A.R.L CENTRAL IMMOBILIER ne peut se voir reprocher aucune faute de nature à justifier son appauvrissement, c'est-à-dire la perte d'un droit à commission envers la S.A.S FONTA sur cette opération ; qu'elle ne disposait en effet d'aucun moyen juridique autre que l'action de in rem versa pour contraindre cette société à rémunérer son travail ; que son action n'a pas vocation en l'espèce à contourner les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 puisque les parties ne pouvaient être liées car un mandat, le bénéfice tiré gratuitement par la SAS FONTA du travail de la S.A.R.L CENTRAL IMMOBILIER lui ayant été transmis par un tiers, la société KAUFMAN & BROAD MIDI-PYRÉNÉES ; qu'en conséquence, la S.A.R.L CENTRAL IMMOBILIER est fondée, en vertu de la théorie de l'enrichissement sans cause, à obtenir de la S.A.S FONTA le paiement de la valeur de son appauvrissement, qui correspond à la valeur de son travail, soit la somme de 50.000 ¿, sans qu'il y ait lieu de le majorer de la T.V.A, s'agissant d'une indemnisation, celle-ci étant appréciée au jour de l'arrêt, c'est à compter de cette date que courront les intérêts légaux ;
1. ALORS QU'il résulte de la combinaison de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et des articles 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 que l'agent immobilier ne peut réclamer une commission ou rémunération à l'occasion d'une opération visée à l'article 1er de la loi que si, préalablement à toute négociation ou engagement, il détient un mandat écrit, délivré à cet effet par l'une des parties et précisant la condition de détermination de la rémunération ou commission ainsi que la partie qui en aura la charge ; qu'il s'ensuit que la théorie de l'enrichissement sans cause ne permet pas à l'agent immobilier d'obtenir de l'acquéreur le paiement d'une indemnité fondée sur l'enrichissement sans dès lors que l'absence de mandat écrit préalable le prive de son droit à commission ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé qu'aucun mandat écrit n'avait été conclu entre la société CENTRAL IMMOBILIER et la société FONTA qui avait seulement reçu un mandat de recherche de la société PATRIMOINE COMPAGNIE devenue la société KAUFMAN & BROAD COMPAGNIE sans que la société FONTA soit tenue contractuellement au respect des engagements que la société KAUFMAN & BROAD COMPAGNIE avait contractés à l'égard de la société CENTRAL IMMOBILIER dans un mandat conclu pour une durée déterminée comme dans un compromis de vente qui n'était pas signé et qui, du reste, était devenu caduc ; qu'en retenant cependant que la société CENTRAL IMMOBILIER était fondée à obtenir une somme de 50 000 ¿ sur le fondement de l'enrichissement sans cause dès lors que la société FONTA avait trouvé le terrain des consorts Y... par l'intermédiaire de la société KAUFMAN & BROAD MIDI-PYRENNEES et qu'elle aurait ainsi profité de la prestation de service accomplie par l'agent immobilier dans l'intérêt de la société KAUFMAN & BROAD IMMOBILIER, même si elle n'avait pas conclu un mandat avec lui, bien que la société CENTRAL IMMOBILIER n'ait reçu de la société FONTA aucun mandat écrit préalable dont dépendait son droit à rémunération, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article 1371 du Code civil et les principes régissant l'enrichissement sans cause ;
2. ALORS QUE l'action en enrichissement sans cause est subsidiaire : qu'elle ne peut donc être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur si bien qu'elle ne peut l'être pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut intenter par suite d'une prescription, d'une déchéance ou forclusion ou par l'effet de l'autorité de la chose jugée ou parce qu'il ne peut apporter les preuves qu'elle exige ou par suite de tout autre obstacle de droit ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé qu'aucun mandat écrit n'avait été conclu entre la société CENTRAL IMMOBILIER et la société FONTA qui avait seulement reçu un mandat de recherche de la société PATRIMOINE COMPAGNIE devenue la société KAUFMAN & BROAD IMMOBILIER sans que la société FONTA soit tenue contractuellement au respect des engagements contractés par la société KAUFMAN & BROAD COMPAGNIE dans un compromis de vente qui n'était pas signé et qui, du reste, était devenu caduc ; qu'en décidant cependant que l'exercice par la société CENTRAL IMMOBILIER d'une action de in rem verso n'aurait pas vocation à contourner les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 dès lors que les parties n'étaient pas liées par un mandat, bien que l'absence de mandat écrit faisait obstacle à toute rémunération de l'agent même sur le fondement de l'enrichissement sans cause qui est subsidiaire, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et les articles 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, ensemble l'article 1371 du Code civil et les principes régissant l'enrichissement sans cause ;
3. ALORS QUE les règles gouvernant l'enrichissement sans cause ne peuvent être invoquées dès lors que l'appauvrissement et l'enrichissement allégués trouvent leur cause dans l'exécution ou la cessation de la convention conclue entre les parties ; qu'en retenant, pour accueillir l'action en enrichissement sans cause, que la société FONTA avait tiré profit des prestations accomplies par la société CENTRAL IMMOBILIER dans l'intérêt de la société KAUFMAN & BROAD IMMOBILIER, en exécution du mandat que cette dernière lui avait consenti, quand l'appauvrissement de la société CENTRAL IMMOBILIER et le prétendu enrichissement de la société FONTA trouvaient leur cause dans l'exécution du mandat que la société KAUFMANN & BROAD IMMOBILIER avait consenti à la société CENTRAL IMMOBILIER en vue de rechercher un terrain à vendre, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et les articles 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, ensemble l'article 1371 du Code civil et les principes régissant l'enrichissement sans cause.
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Agent immobilier
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.