par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 21 novembre 2012, 11-15057
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Cour de cassation, chambre sociale
21 novembre 2012, 11-15.057

Cette décision est visée dans la définition :
Syndicat




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles R. 211-3 du code de l'organisation judiciaire, 86, 96 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et la procédure, que des salariés de la société Equipement pour la construction électrique (l'employeur) ont, en 2008, saisi, chacun séparément, la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaires sur le fondement d'accords d'entreprise portant sur la réduction du temps de travail ; que l'employeur a assigné, le 2 avril 2009, les syndicats signataires de ces accords, dont l'Union départementale CGT des Deux-Sèvres (UD-CGT), devant le tribunal de grande instance pour qu'il soit statué sur l'interprétation de ces accords ; que par des jugements du 20 mai 2009, le conseil de prud'hommes a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance ; que le syndicat UD-CGT a saisi le juge de la mise en état de diverses exceptions de procédure ;

Attendu que pour confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état ayant ordonné le renvoi de l'affaire devant le conseil de prud'hommes, l'arrêt retient que, dans la mesure où le litige ne porte pas sur l'établissement, la révision ou le renouvellement d'une convention collective, mais uniquement sur son interprétation à l'occasion de litiges individuels relatifs à des contrats de travail existants, la demande de renvoi, quelle que soit la répercussion pratique étendue de ladite interprétation, relève de la compétence du conseil de prud'hommes, que, par ailleurs, la compétence du tribunal de grande instance ne serait pas de nature à éliminer le risque de contrariété de décision avec le conseil de prud'hommes, et qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à l'exception de connexité ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le litige entre un employeur et des syndicats quant à l'interprétation d'accords collectifs relève de la compétence du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne les syndicats UD-CGT, CGC et UD-CFTC aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Equipement pour la construction électrique (ECE) ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Equipement pour la construction électrique (ECE).

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de NIORT qui avait renvoyé, pour connexité, l'examen de l'affaire devant le conseil de prud'hommes de NIORT, qui s'était déclaré incompétent à connaître du présent litige et qui avait renvoyé l'examen au conseil de prud'hommes de NIORT

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société ECE ne contestent pas la compétence du conseil de prud'hommes pour statuer sur les litiges individuels relatifs à l'application aux salariés requérants, dans le cadre de leur contrat de travail, des accords litigieux, dès lors que la juridiction prud'homale est saisie de demandes de rappels de salaire pour chacun des salariés, et non d'une demande générale d'application ou non des accords d'entreprise ; que cependant, la solution de ces litiges dépend de la conception de l'application de ces accords ; que demeurent en litige à titre principal la connexité et à titre subsidiaire la litispendance ; qu'il convient de rappeler que par jugement du 22 mai 2009, le conseil de prud'hommes a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance, dont il admet qu'elle peut avoir une incidence sur la sienne, quand bien même les procédures individuelles dont il est saisi ne sont pas entre les mêmes parties ; que si cette décision ne lie pas la compétence du tribunal de grande instance, il ne peut en être fait abstraction quant à l'appréciation par la juridiction prud'homale de l'opportunité d'attendre la décision du tribunal de grande instance et il ne paraît pas envisageable que la société ECE applique les accords de manière différente aux salariés selon que ceux-ci ont ou non saisi le conseil de prud'hommes, de sorte que le litige, s'il n'est pas une action collective, a de fait pour elle une portée collective ; qu'il peut être observé que la CGT n'a pas sollicité du premier président de la cour l'autorisation de relever appel de la décision du conseil de prud'hommes ;

Que s'agissant de la connexité, l'article 101 du code de procédure civile dispose que s'il existe entre des affaires portées devant des juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une des juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction ; que cependant dans la mesure où le litige ne porte pas sur l'établissement, la révision ou le renouvellement d'une convention collective, mais uniquement sur son interprétation à l'occasion de litiges individuels relatifs des contrats de travail existants, la demande, quelle que soit la répercussion pratique étendue de ladite interprétation, relève de la compétence du conseil de prud'hommes ; que par ailleurs, la compétence du tribunal de grande instance ne serait pas de nature à éliminer le risque de contrariété de décision avec le conseil de prud'hommes ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à l'exception de connexité ;

qu'il n'y a pas davantage matière à application subsidiaire de l'exception de litispendance dès lors que l'article 100 du code de procédure civile vise l'hypothèse du même litige pendant devant deux juridictions également compétentes pour en connaître, hypothèse non réalisée en l'espèce puisque les parties sont distinctes, salariés devant le conseil de prud'hommes et syndicats devant le tribunal de grande instance et que le premier n'est compétent que pour les litiges individuels s'élevant à l'occasion du contrat de travail entre les employeurs et les salariés relatifs au contrat de travail, quand le second est incompétent pour connaître de ces actions ; que l'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le conseil de prud'hommes, compétent (article L. 511-1 du code du travail) pour connaître des différends s'élevant à l'occasion du contrat de travail, est également compétent pour connaître de l'interprétation d'un accord collectif lorsque celle-ci est nécessaire à la solution du litige lié au contrat de travail d'un salarié ; qu'en l'espèce, si l'action en interprétation d'accord collectif engagée par la société ECE, en ce qu'elle n'est pas dirigée contre ses adversaires à l'instance poursuivie devant le conseil des prud'hommes, ne constitue pas un moyen de défense à l'action des salariés, elle se rattache cependant à celle-ci par un lien nécessaire requérant que les deux affaires soient jugées par la même juridiction, à savoir le conseil de prud'hommes, préalablement saisi, et seul compétent à connaître du conflit prud'homal à l'occasion duquel cette interprétation est nécessaire ; qu'il convient, en conséquence, faisant droit à l'exception de connexité, en conséquence de renvoyer la connaissance du présent litige au conseil de prud'hommes de NIORT ;

1°) ALORS QUE le litige existant entre un employeur et des syndicats quant à l'interprétation d'un accord collectif relève de la compétence du tribunal de grande instance, exclusive de celle du conseil de prud'hommes, peu important que le problème d'interprétation soit posé à l'occasion de litiges individuels survenus entre l'employeur et des salariés et dont est saisi par ailleurs un conseil de prud'hommes ; que le tribunal de grande instance ainsi saisi d'une action formée par l'employeur contre des syndicats ne peut se dessaisir au profit du conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, il était constant que l'action formée par la société ECE devant le tribunal de grande instance était dirigée non contre les salariés mais contre trois syndicats signataires et que les actions devant le Conseil de Prud'hommes contre l'employeur avaient été intentées par les seuls salariés ; que dès lors, en se dessaisissant et en renvoyant au conseil de prud'hommes un litige qui relevait de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé les articles 86, 96 et 101 du code de procédure civile, l'article R. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et l'article L. 1411-1 du Code du travail ;


2°) ALORS QUE le juge ne peut tout à la fois se déclarer incompétent et renvoyer l'affaire pour connexité ; qu'en confirmant en toutes ses dispositions l'ordonnance par laquelle le juge de la mise en état s'était « déclaré incompétent » en même temps qu'il avait « renvoyé pour connexité » l'examen de l'affaire devant le conseil de prud'hommes de NIORT, la cour d'appel a violé les articles 86, 96 et 101 du code de procédure civile.



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Syndicat


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.