par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 21 novembre 2012, 10-17365
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
21 novembre 2012, 10-17.365

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Legs De residuo
Testament




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Ordonne la jonction des pourvois H 10-17.365 et J 10-30.845 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Sultana X..., de nationalité marocaine, veuve de Simon Y..., mort à Casablanca en 1978, est décédée en 1995 à Nice, où elle résidait depuis 1992, en laissant trois enfants Armand, Sonia et Nicole, nés respectivement en 1926, 1928 et 1935 ; que, le 2 mai 1976, devant deux notaires rabbiniques à Casablanca, Simon et Sultana Y... avaient pris des dispositions testamentaires pour se transmettre mutuellement l'universalité de leurs biens en cas de prédécès et, au-delà, organiser la vie de leur dernière fille, handicapée, Nicole, confiée entièrement à leur autre fille, Sonia qui devait recevoir le restant des biens disponibles ; que, le 28 janvier 1985, Sultana Y... avait donné procuration à sa fille Sonia, devant les "rabbins-notaires" à Casablanca, pour agir en son nom ; que, par acte du 22 septembre 1992, Sonia Y... vendait pour le compte de sa mère, en vertu de cette procuration, un terrain situé au Maroc, pour un prix de 36 millions de dirhams, dont la moitié seulement fut payée le jour de la signature et versée sur un compte ouvert à son nom ; que par deux jugements du 15 juin 1995, le juge des tutelles prononçait la mise sous tutelle de Nicole Y..., et la curatelle renforcée de Sonia Y... ; que, les 4 et 5 juillet 2007, M. Armand Y... assignait ses deux soeurs devant un tribunal français en ouverture des opérations de partage et de liquidation de la succession de leur mère ; que, par jugement du 17 mars 2009, le tribunal a annulé le testament et partagé en trois les biens successoraux ;

Attendu que Sonia Y... étant décédée le 8 février 2011 et Nicole Y..., le 6 août 2011, Mme Jelena Z..., légataire de Sonia Y..., a repris l'instance ;

Sur le pourvoi H 10-17.365 :

Attendu que les moyens invoqués ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le pourvoi J 10-30.845 :

Sur le premier moyen pris en ses deux premières branches :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en nullité du testament alors, selon le moyen :

1°/ qu'en ce qu'il porte atteinte à l'exercice de la faculté de révocation de ses dispositions testamentaires, appartenant à chacun des testateurs, la prohibition du testament conjonctif prévue par l'article 968 du code civil, relève de la conception française de l'ordre public international ; qu'en validant un testament fait dans le même acte par deux époux, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;

2°/ que la prohibition du testament conjonctif relève du fond de la loi successorale ; qu'après avoir constaté que la défunte était décédée le 29 novembre 1995 à Nice où elle résidait depuis 1992 et que la succession ne concernait que des biens meubles, la cour d'appel devait retenir la prohibition du testament conjonctif qu'elle avait rédigé au Maroc avec son mari ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 968 du code civil et fausse application l'article 1er de la convention de la Haye du 5 octobre 1961 ;

Mais attendu que, dans l'ordre international, les règles qui gouvernent l'établissement d'un testament conjonctif sont des règles de forme ; que faisant exactement application de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 relative à la forme des testaments et ayant relevé que les dispositions testamentaires du 2 mai 1976 avaient été établies selon les formes du droit marocain du lieu de rédaction, la cour d'appel a, à bon droit, déclaré valable le testament quant à sa forme ; que le moyen, inopérant dans sa première branche, n'est pas fondé dans la seconde ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu les articles 8 et 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;


Attendu qu'ayant constaté que le testament litigieux contenait une clause ainsi rédigée : "A la mort du dernier survivant des époux susdits, de tous les biens qui se trouveront disponibles au moment de leur décès, lesdits enfants prélèveront la somme de cent dirhams pour chacun d'eux... Le restant des biens disponibles, comme mentionné ci-dessus, revient de droit à la célibataire Sonia A..., dès maintenant et une heure après la mort du dernier survivant des époux susdits la nue-propriété et l'usufruit, mais à la condition expresse qu'elle s'occupera de sa soeur Nicole B..., soit au Maroc soit à l'étranger... A la mort de la dernière fille, tous les biens disponibles, biens meubles et immeubles et tout ce qui pourra avoir une valeur quelconque, revient de droit à leur fils aîné Armand mais à la condition que sa femme et ses enfants soient déjà convertis à la religion juive. Au cas où il n'exécuterait pas cette clause, toute la succession sera dévolue à la Koupa de Rabby Simon C... D......", la cour d'appel a rejeté la demande de M. Y... en nullité de ce testament, sans rechercher comme il le lui était demandé si la clause précitée ne portait pas atteinte à l'ordre public interne, notamment au regard des deux premiers des textes susvisés, méconnaissant ainsi les exigences du troisième de ces textes ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

DECLARE non admis le pourvoi H 10-17.365 ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° H 10-17.365 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Sonia Y... et autres

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement « en ce qu'il a débouté Armand Y... de sa demande tendant à ce que Sonia Y... rende compte de sa gestion en tant que mandataire de Sultana X... suivant une procuration du 28 janvier 1985 » ;

AUX MOTIFS QU' en date du 28 janvier 1985, madame X... donnait procuration à sa fille Sonia, devant les « rabbins-notaires » à Casablanca, dans les termes suivants : « (...) à qui elle donne les pleins pouvoirs pour, afin de l'assister auprès des juridictions compétentes et gérer tous ses biens, elle peut notamment vendre, louer etc...faire toute opération des entrées et sorties des fonds déposés en banque et apposer pour elle toute signature qui lui est nécessaire en ses lieu et place. En conséquence, elle habilite son dit mandataire d'agir et de parler en son nom, ses actes, ses paroles, son assistance devant les juridictions compétentes, ses entrées et sorties de fonds déposés en banque, sa vente, sa signature...tous ces actes sont considérés comme les siens propres. De telle sorte que ledit mandant reconnaisse que tout ce qui sera fait en son nom devra être accepté et ratifié par lui sans critiques, ni reproches quelconques de sa part, sous prétexte d'avoir agi à l'encontre de ses intérêts. C'est en ces termes que ledit mandant s'adresse à son mandataire : « représentez-moi, agissez en mon nom, j'accepte d'ores et déjà les suites et les conséquences des actes accomplis par vous en vertu du présent mandat » (...) » ; que, par acte du 22 septembre 1992, Sonia Y... vendait pour le compte de sa mère, en vertu de la procuration, un terrain situé au Maroc pour un prix de 36 millions de dirhams dont la moitié payée le jour de la signature et l'autre payable en 18 échéances du 30 septembre 1992 au 28 février 1994 (arrêt, p. 3 alinéas 3 à 5) ; que, s'il ne peut être fait grief par ses cohéritiers à Sonia Y..., en vertu des termes précités de la procuration du 28 janvier 1985, de la façon dont elle a exécuté le mandat, cela ne vaut qu'autant que ladite procuration a eu un effet, c'est-à-dire jusqu'au décès de madame Sultana Y... et cela n'est nullement incompatible ou non contradictoire, contrairement à ce qu'elle soutient, avec l'obligation qui lui est faite de justifier à ses cohéritiers (ce qui n'entraîne en soi aucune mise en cause se rapportant à l'exercice de son mandat) qui doivent être mis en mesure de connaître l'étendue de leurs droits, des opérations et actes qui ont conduit à ce que les sommes perçues au titre de la vente du terrain en 1992 ne se retrouvent plus, ainsi qu'elle l'affirme, dans l'actif de succession (arrêt, p.5 alinéa 5) ;

ALORS QUE nul ne peut avoir plus de droits que ceux qui lui ont été transférés ; qu'en particulier, les héritiers ne peuvent avoir plus de droits que leur auteur ; qu'en retenant que Sonia Y... était tenue de justifier auprès de ses cohéritiers des sommes perçues en qualité de mandataire à la suite de la vente du terrain conclue en 1992, après avoir elle-même cité la stipulation expresse de la procuration du 28 janvier par laquelle Sultana Y..., auteur commun des parties, avait, de son vivant, expressément dispensé sa fille Sonia de toute reddition de comptes et lui avait donné par anticipation un entier quitus de sa gestion, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1134 du Code civil et du principe suivant lequel nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet.

SECOND MOYEN DE CASSATION

II est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que Sonia Y... était débitrice envers l'indivision successorale de la somme de 18 millions de dirhams marocains, évaluée d'abord en francs français au taux de change applicable à la date du 29 novembre 1995, puis en euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' en date du 28 janvier 1985, madame X... donnait procuration à sa fille Sonia, devant les «rabbins-notaires » à Casablanca, dans les termes suivants : « (...) à qui elle donne les pleins pouvoirs pour, afin de l'assister auprès des juridictions compétentes et gérer tous ses biens, elle peut notamment vendre, louer etc...faire toute opération des entrées et sorties des fonds déposés en banque et apposer pour elle toute signature qui lui est nécessaire en ses lieu et place. En conséquence, elle habilite son dit mandataire d'agir et de parler en son nom, ses actes, ses paroles, son assistance devant les juridictions compétentes, ses entrées et sorties de fonds déposés en banque, sa vente, sa signature...tous ces actes sont considérés comme les siens propres. De telle sorte que ledit mandant reconnaisse que tout ce qui sera fait en son nom devra être accepté et ratifié par lui sans critiques, ni reproches quelconques de sa part, sous prétexte d'avoir agi à l'encontre de ses intérêts. C'est en ces termes que ledit mandant s'adresse à son mandataire : « représentez-moi, agissez en mon nom, j'accepte d'ores et déjà les suites et les conséquences des actes accomplis par vous en vertu du présent mandat » (...) » ; que, par acte du 22 septembre 1992, Sonia Y... vendait pour le compte de sa mère, en vertu de la procuration, un terrain situé au Maroc pour un prix de 36 millions de dirhams dont la moitié payée le jour de la signature et l'autre payable en 18 échéances du 30 septembre 1992 au 28 février 1994 (arrêt, p. 3 alinéas 3 à 5) ; qu'il n'est allégué l'existence d'aucun immeuble dépendant de l'actif de la succession et qui serait situé à l'étranger ( et à cet égard, Sonia Y... n'est pas fondée à prétendre que les sommes issues de la vente en 1992, soit avant le décès, du terrain situé au Maroc, si elles étaient retenues comme ayant donné lieu à une libéralité rapportable, conféreraient ipso facto un caractère immobilier à la succession) et, Madame Sultana X... étant décédée à Nice où elle avait son domicile établi depuis 1992, la loi française est seule applicable au règlement au fond de sa succession (arrêt, p. 4 avant-dernier alinéa) ; que, s'il ne peut être fait grief par ses cohéritiers à Sonia Y..., en vertu des termes précités de la procuration du 28 janvier 1985, de la façon dont elle a exécuté le mandat, cela ne vaut qu'autant que ladite procuration a eu un effet, c'est-à-dire jusqu'au décès de madame Sultana Y... et cela n'est nullement incompatible ou non contradictoire, contrairement à ce qu'elle soutient, avec l'obligation qui lui est faite de justifier à ses cohéritiers (ce qui n'entraîne en soi aucune mise en cause se rapportant à l'exercice de son mandat) qui doivent être mis en mesure de connaître l'étendue de leurs droits, des opérations et actes qui ont conduit à ce que les sommes perçues au titre de la vente du terrain en 1992 ne se retrouvent plus, ainsi qu'elle l'affirme, dans l'actif de succession ; que la cour, adoptant les motifs des premiers juges à cet égard, et relevant en particulier que la perception par Sonia Y... en sa qualité de mandataire de la somme de 18 millions de dirhams est établie par la mention figurant à l'acte de vente du 22 septembre 1992, (...), (retient que sa) résistance doit conduire (...), dès lors que sa réception du paiement de la somme de 18 millions de dirhams est avérée, à la tenir pour débitrice envers l'indivision d'une dette égale à cette somme, évaluée en francs au taux de change applicable à la date du 29 novembre 1995, puis en euros (...), le tout avec intérêts au taux légal à compter du décès, soit le 29 novembre 1995, en application de l'article 866 du Code civil (dans sa version issue de la loi du 23 juin 2006 applicable à l'espèce, compte tenu de la date de l'introduction de l'instance) ;

Et AUX MOTIFS PARTIELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE Sonia Y... reconnaît elle-même avoir, au bénéfice de la procuration dont s'agit, vendu le terrain précité au Maroc et encaissé le prix versé par l'acquéreur ; que, par hypothèse, cet argent ainsi encaissé appartenait à sa mère (...) et qu'elle n'a donc pas pu le conserver et éventuellement le placer que pour le compte de celle-ci et qu'ainsi cet argent doit figurer dans la masse active de la succession de Sultana X... veuve Y... (motifs du jugement, p.11) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le rapport suppose l'existence d'une dette ou d'une libéralité sujettes à rapport ; que, par ailleurs, les héritiers ne peuvent pas avoir plus de droits que leur auteur ; qu'en présence de la dispense de reddition de comptes, dûment constatée par elle, figurant dans la procuration du 28 janvier 1985, la Cour d'appel ne pouvait retenir que Sonia Y... était débitrice d'une quelconque somme à l'égard de la succession au titre de l'exécution de son mandat et, notamment, au titre de la vente d'un terrain situé au MAROC, réalisée en 1992 en vertu de ladite procuration ; qu'en retenant que Sonia Y... était tenue de justifier auprès de ses cohéritiers des sommes perçues en qualité de mandataire à la suite de la vente du terrain conclue en 1992 et que ces sommes devaient figurer à l'actif de la succession, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1134 du Code civil et du principe suivant lequel nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE, la Cour d'appel n'a nullement caractérisé non plus l'existence d'une libéralité rapportable ; qu'elle a dès lors privé sa décision de base légale au regard de l'article 829 ancien du Code civil, applicable au litige en raison de la date d'ouverture de la succession (29 novembre 1985) ;

ALORS, ENFIN, QUE la donation d'un immeuble relève de la loi du lieu de situation de l'immeuble ; qu'en l'espèce, à supposer que la portée des pouvoirs conférés par la procuration du 28 janvier 1985 pût s'analyser en libéralité, la Cour d'appel ne pouvait écarter la loi judéo - marocaine qui, ainsi qu'elle l'a constaté, était invoquée par Sonia Y..., sans rechercher, par une interprétation nécessaire de cette procuration, si la portée des pouvoirs conférés par Sultana Y... à sa fille Sonia pour accomplir tous actes relatifs à son patrimoine, en sorte que « tous ces actes sont considérés comme les siens propres », ne traduisait pas la volonté de la mère de donner à sa fille Sonia l'immeuble situé au MAROC, à la date de sa vente réalisée, en 1992, en vertu de la procuration précitée ; qu'en l'absence de cette recherche, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de l'application de la loi du lieu de situation de l'immeuble, objet de la libéralité, ensemble l'article 3 du Code civil.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits au pourvoi n° J 10-30.845 par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour M. Armand Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE d'avoir débouté Monsieur Armand Y... de sa demande en nullité d'un testament conjonctif;


AUX MOTIFS QUE Madame Sultana X..., de nationalité marocaine, veuve de Monsieur Simon Y... pré décédé à CASABLANCA en 1978, décédait le 29 novembre 1995 à NICE où elle résidait depuis 1992, laissant trois enfants, Armand né le 23 juin 1926, de nationalité française, Sonia née le 4 janvier 1928 et Nicole née le 26 janvier 1935; que suivant un testament conjonctif reçu par deux notaires rabbiniques, à CASABLANCA, le 2 mai 1976, les Époux Y... - X... avaient notamment prévu : « A la mort du dernier survivant des époux susdits, de tous les biens qui se trouveront disponibles au moment de leur décès, lesdits enfants prélèveront la somme de cent dirhams pour chacun d'eux...« Le restant des biens disponibles, comme mentionné ci-dessus, revient de droit à la célibataire Sonia A..., dès maintenant et une heure après la mort du dernier survivant des époux susdits la nue propriété et l'usufruit, mais à la condition expresse qu'elle s'occupera de sa soeur Nicole B..., soit au Maroc soit à l'étranger... « A la mort de la dernière fille, tous les biens disponibles, biens meubles et immeubles et tout ce qui pourra avoir une valeur quelconque, revient de droit à leurs fils aîné Armand mais à la condition que sa femme et ses enfants soient déjà convertis à la religion juive. Au cas où il n'exécuterait pas cette clause, toute la succession sera dévolue à la Koupa de Rabby Simon C... D...... » ; que la prohibition par l'article 968 du code civil du testament conjonctif relève des conditions de validité de forme et non de fond d'un testament, contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, et l'appréciation de la validité en la forme d'un testament doit s'effectuer au regard des règles de droit international privé énoncées à la convention de la Haye du 5 octobre 1961, selon la loi interne, notamment du lieu ou le testateur a disposé, soit en l'espèce, ce point n'étant pas en discussion au Maroc; qu'il s'ensuit, sachant qu'il n'est pas allégué que la loi marocaine connaisse la même prohibition et que le jugement rabbinique du tribunal de première instance de Casablanca du 15 août 1978 a, après avoir énoncé que la lecture du testament litigieux avait été faite au « conseil d'Armand Y... et aux deux filles Sonia A... Y... et Nicole B... Y... » qui avaient ensemble sans la moindre contestation, homologué cet acte », déclaré que « l'ensemble de la succession du défunt (Simon Y...) (revenait) à la veuve Sultana X... », qu'Armand Y... n'est pas fondé en sa prétention de voir annuler ledit testament pour ce motif;
1 / ALORS QU'en ce qu'il porte atteinte à l'exercice de la faculté de révocation de ses dispositions testamentaires, appartenant à chacun des testateurs, la prohibition du testament conjonctif prévue par l'article 968 du code civil, relève de la conception française de l'ordre public international; qu'en validant un testament fait dans le même acte par deux époux, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil;

2 / ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la prohibition du testament conjonctif relève du fond de la loi successorale; qu'après avoir constaté que la défunte était décédée le 29 novembre 1995 à NICE où elle résidait depuis 1992 et que la succession ne concernait que des biens meubles, la Cour d'appel devait retenir la prohibition du testament conjonctif qu'elle avait rédigé au Maroc avec son mari; qu'en jugeant du contraire, la Cour d'appel a violé par refus d'application les articles 968 du code civil et fausse application l'article 1er de la convention de la Haye du 5 octobre 1961;

3 / ALORS TRES SUBSIDIAIREMENT QU'il appartient au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande de la partie qui l'invoque, la teneur avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la solution litigieuse une solution conforme au droit étranger; que la prohibition par l'article 968 du code civil, du testament conjonctif relève des conditions de forme soumises selon l'article ler de la convention de la Haye du 5 octobre 1961 dont il résulte qu'une disposition testamentaire est valable quant à la forme si celle-ci répond à la loi interne a) du lieu où le testateur a disposé, ou b) d'une nationalité possédée par le testateur, soit au moment ou il a disposé, soit au moment de son décès, ou c) d'un lieu dans lequel le testateur avait son domicile, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou d) du lieu dans lequel le testateur avait sa résidence habituelle, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou e) pour les immeubles, du lieu de leur situation; qu' il résulte des constatations de l'arrêt que le testament conjonctif aurait été rédigé au Maroc, par une marocaine y ayant son domicile lorsqu'elle a disposé mais ayant sa résidence habituelle en France au moment de son décès; qu'en écartant la prohibition du testament conjonctif en l'état de ces seules constatations, sans s'interroger sur les dispositions du droit marocain, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés, ensemble l'article 3 du Code civil;

4/ ALORS PLUS SUBSIDIAIREMENT QU'il incombe à la partie qui se prévaut d'une loi étrangère de faire la preuve de la disposition qu'elle invoque ; qu'en déclarant qu'il n'était pas allégué que la loi marocaine connaisse la prohibition du testament conjonctif dont Monsieur Armand Y... contestait la validité au regard des dispositions de l'article 968 du code civil, cependant que celui-ci avait également élevé une contestation sur la validité de ce testament au regard du droit marocain, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil, ensemble l'article 1315 du même code et l'article 4 de code de procédure civile;

5/ ET ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE si elle peut être tacite la renonciation doit être dépourvue de toute équivoque; que le consentement donné par Monsieur Y... devant un juge rabbinique d'un tribunal marocain à l'exécution du testament conjonctif de ses parents après le décès de son père, ne pouvait valoir renonciation à se prévaloir de la nullité de ce testament devant le juge français après le décès de sa mère dès lors que celle-ci avait sa résidence habituelle en France au moment de son décès et que la succession était uniquement mobilière; qu'en admettant implicitement la renonciation, la cour d'appel a violé l'article 1134 ensemble l'article 1315 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION,

Il est fait grief à la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE d'avoir débouté Monsieur Armand Y... de sa demande en nullité d'un testament conjonctif, infirmant en cela le jugement ayant jugé que Sultana X... veuve Y... était censée être décédée en France intestat;


AUX MOTIFS QUE Madame Sultana X..., de nationalité marocaine, veuve de Monsieur Simon Y... pré décédé à CASABLANCA en 1978, décédait le 29 novembre 1995 à NICE où elle résidait depuis 1992, laissant trois enfants, Armand né le 23 juin 1926, de nationalité française, Sonia née le 4 janvier 1928 et Nicole née le 26 janvier 1935; que suivant un testament conjonctif reçu par deux notaires rabbiniques, à CASABLANCA, le 2 mai 1976, les Époux Y... - X... avaient notamment prévu : « A la mort du dernier survivant des époux susdits, de tous les biens qui se trouveront disponibles au moment de leur décès, lesdits enfants prélèveront la somme de cent dirhams pour chacun d'eux...« Le restant des biens disponibles, comme mentionné ci-dessus, revient de droit à la célibataire Sonia A..., dès maintenant et une heure après la mort du dernier survivant des époux susdits la nue propriété et l'usufruit, mais à la condition expresse qu'elle s'occupera de sa soeur Nicole B..., soit au Maroc soit à l'étranger... « A la mort de la dernière fille, tous les biens disponibles, biens meubles et immeubles et tout ce qui pourra avoir une valeur quelconque, revient de droit à leurs fils aîné Armand mais à la condition que sa femme et ses enfants soient déjà convertis à la religion juive. Au cas où il n'exécuterait pas cette clause, toute la succession sera dévolue à la Koupa de Rabby Simon C... D...... »; que le testament se heurte à l'évidence à la disposition de fond d'ordre public de l'article 912 du Code civil applicable en l'espèce au regard de la date des assignations introductives d'instance instituant la réserve, que ce soit à l'égard d'Armand Y... ou de sa soeur Nicole Y...; mais il ne s'ensuit ni que le testament doive être annulé, il y aura simplement lieu le cas échéant à réduction, ni, comme l'ont décidé à tort les premiers juges, que la succession devra être partagée de manière égale entre les trois enfants;

1/ ALORS QU'est contraire à la conception française de l'ordre public international instituant la réserve héréditaire, un testament reçu par deux notaires rabbiniques au Maroc comportant des clauses indivisibles d'exhérédation au demeurant illicites au regard du respect de la vie familiale et de la liberté religieuse, ainsi libellé : « A la mort du dernier survivant des époux susdits, de tous les biens qui se trouveront disponibles au moment de leur décès, lesdits enfants prélèveront la somme de cent dirhams pour chacun d'eux... Le restant des biens disponibles, comme mentionné ci-dessus, revient de droit à la célibataire Sonia A..., dès maintenant et une heure après la mort du dernier survivant des époux susdits la nue propriété et l'usufruit, mais à la condition expresse qu'elle s'occupera de sa soeur Nicole B..., soit au Maroc soit à l'étranger... A la mort de la dernière fille, tous les biens disponibles, biens meubles et immeubles et tout ce qui pourra avoir une valeur quelconque, revient de droit à leurs fils aîné Armand mais à la condition que sa femme et ses enfants soient déjà convertis à la religion juive. Au cas où il n'exécuterait pas cette clause, toute la succession sera dévolue à la Koupa de Rabby Simon C... D...... »; Qu'en refusant de mettre à néant ce testament, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil, ensemble l'article 912 et 913 du même code et des article 8 et 9 de la convention européenne des droits de l'homme posant le principe du respect de la vie familiale et de la liberté religieuse;

2/ ALORS QUE dénature les clauses claires et précises de ce testament comportant lui-même le terme d'exhérédation, la cour d'appel qui considère qu'il confère à Madame Sonia Y... un legs universel soumis, le cas échéant à réduction; qu'en se déterminant de la sorte pour refuser de mettre à néant ce testament, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil;

3/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU ', après avoir constaté que la loi de la succession devait être régie par la loi du dernier domicile de la défunte, la Cour d'appel devait s'interroger sur la licéité des clauses du testament consacrant l'exhérédation d'héritiers réservataires et les privant du respect de la vie familiale et rechercher si elles formaient ensemble un tout indivisible; qu'en refusant de mettre à néant ce testament sans procéder à ces recherches, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au, regard de l'article 3 du code civil, ensemble les articles 912 et 913 du même code et l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme posant le principe du respect de la vie familiale.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE d'avoir débouté Monsieur Armand Y... de sa demande tendant à voir juger Madame Sonia Y... coupable de recel successoral, avec toutes conséquences de droit;

AUX MOTIFS PROPRES QUE faisant siens les motifs des premiers juges sur l'absence d'intention frauduleuse de Sonia Y... en raison des termes du testament qui l'instituait seule héritière de ses parents, la cour déboute Armand Y... de sa demande;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le recel suppose l'existence de faits matériels manifestant l'intention de porter atteinte à l'égalité du partage et c'est à celui qui invoque le recel d'en prouver l'existence; qu'Armand Y... cependant ne rapporte pas cette preuve se contentant de soutenir que le recel doit se déduire du fait que Sonia aurait frauduleusement utilisé la procuration précitée de 1992 pour vendre le terrain peu ou prou à l'insu de sa mère, et en conserver le prix de vente; que cette affirmation dont d'ailleurs il a été fait litière plus haut puisque Sonia Y... a contractuellement reçu quitus par anticipation, ne concerne en rien le problème successoral en cause et est donc sans incidence sur l'existence d'un éventuel recel; qu'elle l'est d'autant plus que dès 1993, donc deux ans avant le décès de sa mère, Armand Y... a perçu 2.350.000 francs au titre de sa part dans la vente du terrain ce qui revient à dire que non seulement il savait que le terrain avait été vendu mais qu'en plus il reconnaissait la validité de cette vente, et donc son caractère non frauduleux; que le recel allégué par Armand Y... pourrait quant même se concevoir s'il était soutenu, ce qui est plus ou moins le cas, qu'à la mort de leur mère en 1995, Sonia lui aurait délibérément caché qu'elle détenait encore de fortes sommes d'argent appartenant à la défunte et encore à partager entre eux; mais que cette situation ne caractériserait pas Sonia receleur; que le recel suppose en effet la mauvaise foi, laquelle est d'autant moins prouvée en l'espèce que Sonia Y... pouvait légitimement se croire titrée par le testament de 1976; que pharmacienne de formation et donc non juriste, elle pouvait légitimement croire aux vertus de ce testament, lequel avait été reconnu valable lors du décès du père en 1978 et lequel lui donnait droit à la quasi intégralité de la succession et excluait de celle-ci Armand; qu' ainsi il n'apparaît pas qu'au décès de sa mère en 1995, Sonia Y... ait pu commettre un recel successoral en, éventuellement, ne renseignant pas, ou en renseignant insuffisamment, son frère, sur le montant de la succession;

ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Monsieur Armand Y... avait fait valoir que le recel et le divertissement caractérisant le recel successoral
imputé à Sonia Y..., afférents à la conservation du prix de la vente du terrain au Maroc, s'étaient poursuivis après l'ouverture de la succession et durant la poursuite de la procédure devant la cour d'appel, en offrant en preuve la volonté de Sonia Y... de rompre l'égalité du partage au détriment de sa soeur, Nicole Y... et de son frère, Armand Y..., par sa demande d'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'avait condamnée à rapporter à la succession l'équivalent de 18 millions de dirhams marocains; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions avant de rejeter la demande de constatation du recel allégué faute d'élément intentionnel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE d'avoir tout à la fois jugé qu'il y avait lieu de déduire de la somme dont Madame Sonia Y... devait rapport envers l'indivision successorale, une somme de 358.255 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 1995 et qu'il y avait lieu de condamner Monsieur Armand Y... à rapporter à la succession la même somme de 358.255 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 1995;

AUX MOTIFS QUE la réception du paiement initial à Madame Sonia Y... de 18 millions de dirhams est avérée; qu'elle doit être tenue pour débitrice envers l'indivision d'une dette égale à cette somme, évaluée au taux de change applicable au 29 novembre 1995 puis en euros diminuée de la somme de 358.255 euros dont il est constant qu'elle a été remise par elle à son frère Armand par prélèvement sur le prix de la vente avant le décès de leur mère, ce dont il doit de son coté le rapport à la succession, le tout avec intérêts au taux légal à compter du jour du décès le 29 novembre 1995;


ALORS QUE sont contraires entre eux mêmes, les deux chefs du dispositif de l'arrêt ayant jugé qu'il y avait lieu de déduire de la somme dont Madame Sonia Y... devait rapport envers l'indivision successorale, une somme de 358.255 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 1995 et qu'il y avait lieu de condamner Monsieur Armand Y... à rapporter à la succession la même somme de 358.255 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 1995; d'où une méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Legs De residuo
Testament


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.