par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 6 décembre 2011, 10-25689
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Cour de cassation, chambre commerciale
6 décembre 2011, 10-25.689
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Liquidation judiciaire
Propriété commerciale
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 16 juin 2010), rendu en matière de référé, que la société Pho'Mai (la débitrice) a été mise en liquidation judiciaire le 10 juin 2009, M. X... étant désigné liquidateur ; que la SCI Quentin, propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail à la débitrice, a fait délivrer au liquidateur le 12 août 2009 un commandement d'avoir à payer des loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture et visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail ; que le 17 septembre 2009, la SCI Quentin a assigné le liquidateur aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire ;
Attendu que la SCI Quentin fait grief à l'arrêt d'avoir accordé au liquidateur un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt pour s'acquitter des loyers et charges échus postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et d'avoir suspendu pendant ce délai les effets de la clause résolutoire et dit que cette dernière sera censée n'avoir jamais joué si le débiteur se libère à l'expiration de ce délai alors, selon le moyen :
1°/ que le spécial déroge au général ; que, par suite, la règle prévue à l'article L. 622-14 , 2° du code de commerce, selon laquelle, en cas de mise en oeuvre de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, le liquidateur dispose d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture pour régler la créance impayée, déroge à la règle générale, prévue à l'article L. 145-41 du même code, permettant à tout débiteur de solliciter des délais de paiements ; que ces deux règles ne peuvent donc se cumuler ; qu'au cas présent, pour décider que les effets de la clause résolutoire devaient être suspendus pendant un délai de quatre mois, la cour d'appel a fait application de l'article L. 145-41 du code de commerce ; qu'en statuant, cependant que l'article L. 622-14 , 2° du code de commerce, qui déroge à l'article L. 145-41 du même code, était seul applicable, et que le délai de trois mois qu'il prévoit était écoulé, la cour d'appel a violé les articles L. 145-41 et L. 622-14 , 2° du code de commerce ;
2°/ que subsidiairement, qu'excède ses pouvoirs, le juge qui accorde des délais de paiement pour permettre au liquidateur de céder le fonds de commerce et non directement pour régler les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire ; qu'en effet, les délais de grâce prévus par les articles L. 145-41 du code de commerce et 1244-1 du code civil ne peuvent servir qu'à permettre au débiteur de régler sa dette et non à optimiser une opération financière telle que la cession du fonds ;
qu'au cas présent, la cour d'appel s'est bornée à observé que le liquidateur tentait de céder le fonds à un repreneur et que l'octroi d'un délai de grâce l'y aiderait ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs au regard des articles L. 145-41 du code de commerce et 1244-1 du code civil ;
Mais attendu d'une part, que l'article L. 622-14 du code de commerce n'interdit pas au liquidateur de se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-41 du même code et de solliciter des délais de paiement ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée ;
Attendu d'autre part, que la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à observer que le liquidateur tentait de céder le fonds à un repreneur et que l'octroi de délai de grâce l'y aiderait, mais qui a relevé que le liquidateur a fait diligence pour céder les éléments du fonds de commerce et permettre de désintéresser le bailleur, n'a pas commis le grief évoqué à la seconde branche ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Quentin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société Quentin.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir accordé à Maître X..., ès-qualités, un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt pour s'acquitter des loyers et des charges échus postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, et d'avoir suspendu pendant le cours de ce délai les effets de la clause résolutoire et dit que cette dernière sera censée n'avoir jamais joué, si le débiteur se libère à l'expiration du ce délai ;
Aux motifs que « selon l'article L. 622-14 du Code de commerce, la résiliation du bail des immeubles loués à un débiteur placé en redressement ou liquidation judiciaire peut intervenir lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture ; que le bailleur ne peut agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement et, si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation ; qu'ainsi que le soutient la SCI QUENTIN, ce texte se borne à interdire au bailleur d'agir avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture, de sorte que l'action, qui se définit comme le droit pour l'auteur d'une prétention de la soumettre à un juge, ne peut être confondue avec un commandement de payer qui n'a pas pour objet de saisir le juge, même s'il constitue une formalité susceptible d'influer sur le fondement de l'action et les modalités de saisine de ce juge ; que tout commandement de payer visant à mettre en oeuvre une clause résolutoire de plein droit pour défaut de paiement des loyers à l'expiration d'un délai d'un mois doit nécessairement avoir été délivré plus de deux mois après l'ouverture du jugement de redressement ou liquidation judiciaire, faute de quoi l'action aurait pour objet de faire constater l'acquisition de la résiliation à une date à laquelle le preneur était encore en droit de s'acquitter de sa dette ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces communiquées que la SCI QUENTIN a fait délivrer le 13 août 2009 à maître X..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL PHO MAI, un commandement de payer la somme de 2166,59 représentant les loyers échus du 10 juin 2009 au 31 août 2009, ainsi que le coût de l'acte, et lui a rappelé en outre la clause résolutoire de plein droit pour défaut de paiement du loyer à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la délivrance du commandement ; que la résiliation n'a été acquise de plein droit qu'à la date du 12 septembre 2009, soit postérieurement à l'expiration du délai de trois mois à compter de l'ouverture, le 10 juin 2009, de la procédure de liquidation judiciaire, et le bailleur était donc recevable à introduire, par assignation du 17 septembre 2009, une action tendant à voir constater cette résiliation de plein droit du bail ; que contrairement à ce que prétend la SCI QUENTIN, les dispositions de l'articles L. 622-14 du Code de commerce, en ce qu'elles instaurent une période de trois mois au cours de laquelle la résiliation du bail ne peut être ni demandée ni produire ses effets, ne dérogent pas à celles, constituant le droit commun en la matière, de l'article L. 145-41 du Code de commerce, selon lesquelles le juge peut toujours accorder au locataire, dans les formes et conditions prévues à l'article 1244-1 du Code civil, des délais et suspendre les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces derniers, et ce tant qu'il n'a pas été statué sur la résiliation ; qu'il résulte des éléments du dossier que, devant l'impossibilité de poursuivre l'exploitation du fonds, le liquidateur a trouvé, dès le 17 juillet 2009, une personne susceptible de se porter acquéreur, moyennant le prix de 35.000 , du droit au bail, de l'enseigne, du matériel et du mobilier ainsi que de la licence II, que le juge commissaire a autorisé cette cession par ordonnance du 10 septembre 2009 et que la tierce opposition formée par la SCI QUENTIN a été déclarée mal fondée par jugement du tribunal de commerce d'Orléans en date du 6 janvier 2010, signifié le 7 avril 2010 à l'adresse du siège social et non frappé d'appel à l'issue du délai d'un mois ; qu'il apparaît ainsi que le liquidateur, confronté aux difficultés du débiteur, a fait diligence pour céder les éléments du fonds de commerce et permettre de désintéresser le bailleur avant l'expiration même du délai de trois mois prévu par l'article L. 622-14 du Code de commerce, et que seule la poursuite par le bailleur de la résiliation du bail est à l'origine du préjudice qu'il invoque, ce préjudice étant au demeurant appelé à cesser par l'obligation dans laquelle se trouve le liquidateur de régler les échéances de loyers postérieures à la liquidation ; qu'en conséquence, il sera accordé à M. X..., ès-qualités, un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt pour s'acquitter des sommes dues au titre des loyers et charges, les effets de la clause résolutoire étant suspendus pendant le cours de ce délai de sorte que cette dernière sera censée n'avoir jamais joué, s'ils sont respectés » (arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;
1°) Alors que le spécial déroge au général ; que, par suite, la règle prévue à l'article L. 622-14 , 2° du Code de commerce, selon laquelle, en cas de mise en oeuvre de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, le liquidateur dispose d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture pour régler la créance impayée, déroge à la règle générale, prévue à l'article L. 145-41 du même Code, permettant à tout débiteur de solliciter des délais de paiements ; que ces deux règles ne peuvent donc se cumuler ; qu'au cas présent, pour décider que les effets de la clause résolutoire devaient être suspendus pendant un délai de quatre mois, la cour d'appel a fait application de l'article L. 145-41 du Code de commerce ; qu'en statuant, cependant que l'article L. 622-14 , 2° du Code de commerce, qui déroge à l'article L. 145-41 du même Code, était seul applicable, et que le délai de trois mois qu'il prévoit était écoulé, la cour d'appel a violé les articles L. 145-41 et L. 622-14 , 2° du Code de commerce ;
2°) Alors subsidiairement qu'excède ses pouvoirs, le juge qui accorde des délais de paiement pour permettre au liquidateur de céder le fonds de commerce et non directement pour régler les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire ; qu'en effet, les délais de grâce prévus par les articles L. 145-41 du Code de commerce et 1244-1 du Code civil ne peuvent servir qu'à permettre au débiteur de régler sa dette et non à optimiser une opération financière telle que la cession du fonds ; qu'au cas présent, la cour d'appel s'est bornée à observé que le liquidateur tentait de céder le fonds à un repreneur et que l'octroi d'un délai de grâce l'y aiderait ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs au regard des articles L. 145-41 du Code de commerce et 1244-1 du Code civil.
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Liquidation judiciaire
Propriété commerciale
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.