par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 2, 29 septembre 2011, 10-14968
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
29 septembre 2011, 10-14.968
Cette décision est visée dans la définition :
Exequatur
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 janvier 2010) et les productions, que, par déclaration en date du 19 février 2007, le greffier en chef du tribunal de grande instance de Senlis a, en application du règlement CE n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000, constaté le caractère exécutoire en France d'une ordonnance de la High Court de Londres du 9 décembre 2005, condamnant M. X... et la Clinique vétérinaire équine de Chantilly, aujourd'hui la société Clinique vétérinaire équine des docteurs D...et E... (la société) à payer une certaine somme à M. Y... ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de confirmer la déclaration, alors, selon le moyen :
1°/ que la requête aux fins de reconnaissance ou de constatation de la force exécutoire sur le territoire de la République, des titres exécutoires étrangers, en application du règlement CE n 44/ 2001 doit être présentée au greffier en chef du tribunal de grande instance par un avocat inscrit au barreau dudit tribunal ; qu'en l'espèce, la requête a été formée au nom de M. Y... devant le tribunal de grande instance de Senlis, par un avocat inscrit au barreau de Paris ; qu'en décidant qu'aucune disposition n'imposait la représentation obligatoire et la postulation pour l'obtention d'un acte de greffe, quand un avocat domicilié en dehors du ressort du tribunal de grande instance ne pouvait toutefois pas exercer devant ce tribunal, la cour d'appel a violé les articles 509-2 du code de procédure civile et 5, alinéa 2, de la loi n 71-130 du 31 décembre 1971 ;
2°/ que le principe de la contradiction impose aux parties d'apporter aux débats une traduction en langue française des pièces qu'elles produisent au soutien de leurs prétentions ; qu'en considérant que la procédure n'était pas viciée, bien que pas moins de quinze pièces n'avaient pas fait l'objet d'une traduction complète, et ce contrairement à l'injonction du conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel retient exactement que la requête soumise au greffier en chef d'un tribunal de grande instance aux fins de déclaration constatant la force exécutoire en France d'un jugement étranger n'a pas à être présentée par un avocat ;
Et attendu que la cour d'appel n'a pas méconnu le principe de la contradiction en décidant que la régularité de la procédure n'était pas affectée par le défaut de traduction de pièces non retenues pour sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres branches du moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Clinique vétérinaire équine des docteurs D...et E... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Clinique vétérinaire équine des docteurs D...et E... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société Clinique vétérinaire équine des docteurs D...et E...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la déclaration du greffe de SENLIS du 19 février 2007 en ce qu'elle avait donné force exécutoire sur le territoire français à l'ordonnance en date du 9 décembre 2005 de la High Court of Justice de Londres ;
Aux motifs que « par acte du 1er juin 2007, la Selarl Clinique Vétérinaire Équine des Drs D...et E..., venue aux droits de la Clinique Vétérinaire Équine de Chantilly, dite ci-après « la Clinique », a exercé un recours (improprement nommé « appel ») en application de l'art 43 de ce règlement communautaire contre cette déclaration du greffé de SENLIS. M. X... s'est joint à ce recours.
A l'appui de leur recours la Clinique et M. X... invoquent divers moyens, fondés sur les articles 34 et 35 du règlement communautaire, tendant à l'annulation de cette déclaration. Ces moyens seront étudiés successivement.
Non représentation (de M. Y...).
Tirant argument a contrario de l'art 509-2 ai 2 du cpp, qui réglemente l'application en France du règlement communautaire précité, qui dispense du ministère d'avocat dans le cas d'une requête déposée en vue de la reconnaissance en France d'une décision étrangère rendue en matière matrimoniale, la, Clinique invoque qu'une telle représentation s'impose « dans les matières autres ».
La cour observe que l'alinéa 2 visé par la Clinique concerne une requête présentée devant « le président du tribunal », ce qui justifie la dispense explicite de représentation posée par ce texte, le ministère d'avocat étant, exigé en principe pour de telles requêtes (art 813 cpc). En revanche, l'alinéa 1er de cet article, réglementant ces « matières autres », prévoit que la requête est présentée « au greffier en chef du tribunal de grande instance ». Or aucun texte du cpc n'impose un principe général de représentation judiciaire pour l'obtention d'un acte du greffe.
II suit de là que le moyen n'est pas pertinent.
Election de domicile.
Il est fait grief à Mr Y... d'avoir constitué un avocat non domicilié dans le ressort du tribunal de SENLIS dans sa requête en vue d'obtention de la déclaration du 19 février 2007, la domiciliation ayant été effectuée en l'étude de Me Simon, avocat à Paris.
La cour observe que l'art 40 du règlement communautaire précité est ainsi libellé :
« 1- les modalités du dépôt de la requête sont déterminées par la loi dé l'Etat membre requis.
2- Le requérant doit faire élection de domicile dans le ressort de la Juridiction saisie. »
En l'occurrence la loi de procédure française n'imposant pas, comme il a été vu, la postulation pour l'obtention d'un acte du greffe, l'élection de domicile, destinée à préserver les droits de la défense de la personne à qui l'acte doit être opposé, dans le silence du législateur sur la date à laquelle elle doit intervenir, n'a pas, s'agissant d'une procédure sur requête donc non susceptible de contradiction, à être imposée avant l'obtention de cette requête. Cette domiciliation peut donc validement être effectuée au moment de la signification de l'acte ainsi obtenu, cette signification étant l'opération qui ouvre les droits de la défense pour le destinataire de cet acte.
Or la déclaration du greffe du tribunal de Senlis du 19 février 2007 a été notifiée, à la demande de M. Y..., le 29 mai 2007, tant à la Clinique qu'à M. X..., par le ministère de Me B... huissier à Chantilly (60), l'acte de notification mentionnant expressément que M. Y... fait élection de domicile en l'étude de cet huissier. Cette étude étant située dans le ressort du tribunal de SENLIS, il s'en suit que Mr Y... a satisfait à son obligation de domiciliation.
Non-reconnaissance en France du jugement du 25 juillet 2005.
Selon la Clinique, le jugement du 25 juillet 2005 n'ayant pas fait l'objet d'une reconnaissance en France ou d'une procédure tendant à lui conférer force exécutoire sur notre territoire, l'ordonnance du 9 décembre 2005, qui n'en constitue qu'une mesure d'application, ne saurait se voir accorder d'effet exécutoire en France.
La cour observe que l'ordonnance du 9 décembre 2005 qui prévoit que M. X... et la Clinique devront rembourser M. Y... à hauteur de 85 % de la somme de 350 000 livres mentionnée dans l'assignation qu'il a réglée à Mme C..., se suffit à-elle même de sorte qu'il n'est nul besoin que l'arrêt du 25 juillet 2005 ait fait également l'objet d'une demande de reconnaissance ou d'exécution forcée en France, dès lors qu'il figure, pour la compréhension générale du litige, comme c'est le cas, dans les pièces de M Y... (pièce 31).
Non-représentation (de la clinique).
La clinique prétend n'avoir pas été représentée devant le juge Forbes qui a rendu le jugement du 25 juillet 2005 et dénie qu'elle ait donné mandat à M. X... de l'y représenter.
La cour observe que le jugement du 25 juillet 2005 fait expressément apparaître que M. X... et la Clinique étaient conjointement représentés par le cabinet « Fatgate Filder », de sorte que cette affirmation de non-représentation n'est pas fondée.
Non-notification des actes introductifs.
La Clinique invoque n'avoir pas été signifiée des actes introductifs des instances anglaises ayant donné lieu aux décisions des 25 juillet et 9 décembre 2005.
La cour observe qu'en ce qui concerne l'arrêt du 25 juillet 2005, tant la Clinique que M. X... étaient représentés, comme il a été vu, par le cabinet « Fatgate Fider ». Il est donc indifférent de savoir de quelle manière ils ont été assignés.
S'agissant de l'ordonnance du 9 décembre 2005, rendue quant à elle en leur absence, il apparaît qu'ils ont été dûment assignés par exploit du 2 novembre 2005 de la SCP d'huissiers Gossart Bérat et Forestier, M. X... à mairie, la clinique à personne habilitée (pièce 37 de M. Y...). L'exploit transmettait l'assignation, en date du 17 octobre 2005, rédigée en langue anglaise mais accompagnée d'une traduction en langue française. Cette assignation expose clairement les motifs de cette convocation.
Ainsi le moyen apparaît également dépourvu de fondement.
Délai insuffisant.
La clinique invoque que le délai écoulé entre la réception de cette assignation et la date à laquelle l'audience ayant donné lieu à l'ordonnance, le 9 décembre 2005, est insuffisant pour lui avoir permis de préparer sa défense.
Elle invoque à ce sujet l'art 19 du règlement CE n° 1348/ 2000 auquel renvoie expressément l'art 26 du règlement précité qui impose, selon elle, un délai minimum de 6 mois en cas de non comparution du défendeur.
La cour observe que la Clinique n'expose nullement en quoi ce délai, prévu pour des circonstances étrangères à la situation qui la concerne, serait applicable à la présente affaire, alors au surplus que ce règlement, abrogé par le règlement CE n° 139312007, ne saurait avoir la valeur d'un principe général du droit judiciaire européen.
Le fait que le juge anglais n'ait pas respecté le délai de deux mois imposé par la procédure française en cas d'assignation à l'étranger, dont il n'est pas établi par la clinique qu'il soit imposé par les lois de procédure anglaises qui ne prévoient, selon cette assignation, qu'un délai de 14 jours, ne saurait constituer, comme allégué, un manquement à l'ordre public français. En l'occurrence, le délai, respecté par le juge anglais, de l'ordre d'un mois et demi, permettait largement à la Clinique de saisir son avocat anglais et de faire assurer sa défense ou à tout le moins de demander un délai pour y pourvoir.
Au surplus la cour observe que la Clinique n'a exercé aucune voie de recours en Angleterre contre cette décision du 9 décembre 2005, lorsque la signification de la déclaration du greffe de Senlis lui en a été faite 29 mai 2007, en tout cas ne justifie pas qu'un recours intenté peu après cette signification lui ait été refusé par un juge anglais.
Ainsi la Clinique ne saurait invoquer n'avoir pas été en mesure d'assurer sa défense, tant au regard du droit français que de la Convention Européenne du 4 novembre 1950, comme elle le prétend.
Non-traduction.
La clinique tend à faire annuler la présente procédure au motif que toutes les pièces produites par M. Y... n'ont pas été traduites.
La cour observe que les pièces retenues par le présent arrêt pour répondre aux moyens de la Clinique (jugement du 25 juillet 2005, ordonnance du 9 décembre 2005, assignation du 17 octobre 2005) apparaissent toutes en traduction officielle. Les pièces non traduites visées par la clinique sont ainsi surabondantes et à ce titre insusceptibles de vicier la procédure. Ainsi le moyen ne saurait être retenu » ;
Alors, d'une part, que la requête aux fins de reconnaissance ou de constatation de la force exécutoire sur le territoire de la République, des titres exécutoires étrangers, en application du règlement CE n° 44/ 2001 doit être présentée au greffier en chef du tribunal de grande instance par un avocat inscrit au barreau dudit tribunal ; qu'en l'espèce, la requête a été formée au nom de M. Y... devant le tribunal de grande instance de Senlis, par un avocat inscrit au Barreau de Paris ; qu'en décidant qu'aucune disposition n'imposait la représentation obligatoire et la postulation pour l'obtention d'un acte de greffe, quand un avocat domicilié en dehors du ressort du tribunal de grande instance ne pouvait toutefois pas exercer devant ce tribunal, la Cour d'appel a violé les articles 509-2 du code de procédure civile et 5 alinéa 2 de la loi n° 71-130 du 31 décembre 1971 ;
Alors, d'autre part, que la notification de la déclaration du greffe par un huissier dont l'étude se trouve dans le ressort du tribunal de grande instance ne peut couvrir l'irrégularité de la requête pour non-respect des règles relatives à la postulation et à la domiciliation des avocats devant le tribunal de grande instance ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 121 et 509-2 du code de procédure civile, ensemble l'article 5 alinéa 2 de la loi n° 71-130 du 31 décembre 1971 ;
Alors qu'en outre le principe de la contradiction impose aux parties d'apporter aux débats une traduction en langue française des pièces qu'elles produisent au soutien de leurs prétentions ; qu'en considérant que la procédure n'était pas viciée, bien que pas moins de quinze pièces n'avaient pas fait l'objet d'une traduction complète, et ce contrairement à l'injonction du Conseiller de la mise en état, la Cour d'appel a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile ;
Alors que, par ailleurs, la reconnaissance de la force exécutoire d'une décision étrangère se bornant à statuer sur la contribution à la dette entre coobligés ne peut être obtenue indépendamment de la reconnaissance préalable de la force exécutoire de la décision étrangère portant condamnation des coobligés à l'égard de la victime, à raison du lien de dépendance nécessaire ; qu'en décidant le contraire, aux motifs inopérants que la décision du 25 juillet 2005, non reconnue, figurait dans les pièces du requérant, la Cour d'appel a violé l'article 509-2 du code de procédure civile, ensemble l'article 34 du règlement CE n° 44/ 2001 ;
Alors qu'enfin une décision étrangère n'est pas reconnue si l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au débiteur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse de défendre ; qu'en l'espèce, l'exposante montrait que l'assignation délivrée le 11 août 2004 à la clinique vétérinaire était rédigée en langue anglaise et accompagnée d'aucune traduction en langue française et qu'elle n'avait pas été représentée à l'instance ayant donné lieu à la décision du 25 juillet 2005 ; qu'en considérant qu'il importait peu de savoir de quelle manière elle avait été assignée, en affirmant que le jugement du 25 juillet 2005 faisait expressément apparaître que M. X... et la clinique étaient conjointement représentés par le Cabinet « Fatgate Filder », sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si l'avocat avait reçu un mandat de l'exposante pour la défendre devant les juridictions britanniques, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 34 du règlement CE n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000 et 8 du règlement CE n° 1348/ 2000, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Exequatur
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.