par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 9 novembre 2010, 09-70726
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, chambre commerciale
9 novembre 2010, 09-70.726
Cette décision est visée dans la définition :
Fusion et scission
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société X... cuir et la société du 2 rue de Sault ont consenti à la société Beauté esthétique un bail commercial stipulant au profit du preneur un droit de préférence en cas de vente, d'échange ou d'apport en société de l'immeuble loué ; que la société X... cuir, après avoir absorbé la société du 2 rue de Sault, a été elle-même absorbée par la société X... et compagnie SAS-Les Menaux, devenue la société X... et compagnie-Les Menaux ; que la société Beauté esthétique, soutenant que cette seconde fusion constituait une violation du pacte de préférence stipulé à son profit, a demandé l'annulation de l'apport de l'immeuble ainsi réalisé ; que cette même société, invoquant la rupture abusive des pourparlers qu'elle conduisait en vue de l'acquisition de ce même immeuble, a en outre demandé le paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Beauté esthétique fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement ayant constaté la violation du pacte de préférence, prononcé l'annulation de l'apport de l'immeuble et ordonné sa substitution dans les droits et obligations issus du transfert de propriété de cet immeuble alors, selon le moyen, que la fusion de société réalise un apport de patrimoine ; que la cour d'appel qui, pour refuser de sanctionner la violation du pacte de préférence consenti à la société Beauté esthétique sur les locaux loués en cas de vente, d'échange ou d'apport en société, a retenu que l'opération de fusion, qui n'était pas limitée à une partie de l'actif, avait eu pour effet une transmission universelle du patrimoine qui n'était ni une vente, ni un échange ni un simple apport en société du bien objet du pacte de préférence, a violé les articles L. 236-1 du code de commerce et 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'opération de fusion-absorption, qui entraîne la dissolution sans liquidation de la société absorbée et la transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante et n'a pas pour contrepartie l'attribution à la société absorbée de droits sociaux au sein de la société absorbante, ne constitue pas un apport fait par la première à la seconde ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu, pour dire que la fusion n'était pas intervenue en violation du pacte de préférence, que cette opération n'était pas un apport en société ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour débouter la société Beauté esthétique de sa demande de dommages-intérêts pour rupture fautive des pourparlers, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que les parties étaient effectivement parvenues à un accord sur le prix d'acquisition de l'immeuble et qu'en l'absence d'un tel accord, la société X... restait libre de poursuivre ou non les pourparlers relatifs à la vente de l'immeuble ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par un motif impropre à exclure l'existence d'une faute commise dans la rupture des pourparlers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Beauté esthétique de sa demande de dommages-intérêts pour rupture fautive des pourparlers, l'arrêt rendu le 24 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société Beauté esthétique
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'avoir infirmé le jugement qui constatait la violation du pacte de préférence, prononçait la nullité des apports de l'immeuble sis 2 rue de Sault à Grenoble par voie de fusions par absorption des sociétés du 2 rue de Sault et X... Cuir au bénéfice de la SARL X... et Cie-Les Menaux, ordonnait la communication par X..., dans le délai de deux mois à partir de la signification du jugement, de la valorisation de l'apport de l'immeuble selon les détails donnés par le traité de fusion du 25 novembre 2005, décidait qu'à défaut de communication dans les délais de cette valeur d'apport, il serait tenu compte du calcul de l'apport réalisé par Beauté Esthétique et se montant à 624. 279, 32 , ordonnait la substitution de la société Beauté Esthétique dans tous les droits et obligations liés au transfert de propriété de l'immeuble, et disait qu'en conséquence la propriété de l'immeuble serait transférée à Beauté Esthétique après complet paiement de la somme correspondant à la valeur de cet apport communiquée par X... ou, à défaut de communication, de la somme de 624. 279, 32 , et a débouté la société Beauté Esthétique de ses demandes fondées sur la violation du pacte de préférence ;
Aux motifs que l'opération de fusion, qui n'était pas limitée à une partie de l'actif, a eu pour effet une transmission universelle du patrimoine qui n'est ni une vente, ni un échange ni un simple apport en société du bien objet du pacte de préférence. La société X... ET COMPAGNIE, issue de la fusion, s'est substituée de plein droit aux sociétés bailleresses originelles dans les droits et obligations de celles-ci. La société BEAUTE ESTHETIQUE reste par voie de conséquence soumise aux clauses et conditions du contrat de bail commercial et elle continue de bénéficier des termes du pacte de préférence auquel il n'a pas été mis fin, étant observé que c'est ce qui met fin au pacte de préférence qui le met en jeu. Elle ne pouvait donc invoquer à son profit, du simple fait de la fusion, le pacte de préférence et soutenir la violation de ce dernier par la société X... ET COMPAGNIE, la nullité " de l'apport " de l'immeuble et le transfert à son profit de la propriété dudit immeuble et il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la violation du pacte de préférence, prononcé la nullité des apports, ordonné la substitution de la société BEAUTE ESTHETIQUE dans tous les droits et obligations liés au transfert de propriété de l'immeuble en cause et dit que la propriété de cet immeuble sera transféré à BEAUTE ESTHETIQUE après paiement à la société X... ET COMPAGNIE de la somme correspondant à la valeur de l'apport, la société BEAUTE ESTHETIQUE étant déboutée de ses demandes tendant à voir appliquer le pacte de préférence ;
Alors que la fusion de société réalise un apport de patrimoine ; que la Cour d'appel qui, pour refuser de sanctionner la violation du droit de préférence consenti à la société Beauté Esthétique sur les locaux loués en cas de vente, d'échange ou d'apport en société, a retenu que l'opération de fusion, qui n'était pas limitée à une partie de l'actif, avait eu pour effet une transmission universelle du patrimoine qui n'était ni une vente, ni un échange ni un simple apport en société du bien objet du pacte de préférence, a violé les articles L. 236-1 du Code de commerce et 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'avoir débouté la société Beauté Esthétique de sa demande de dommages et intérêts pour rupture fautive des pourparlers ;
Aux motifs que sur la rupture abusive des pourparlers. La société BEAUTE ESTHETIQUE fait valoir que les parties se sont rencontrées à six reprises pour examiner les conditions financières et fiscales de la cession de l'immeuble et, alors que Madame X... avait donné son accord pour une cession de l'immeuble au prix de 1. 350. 000 , que ces pourparlers ont été rompus sans motif légitime par Madame X..., après réalisation des fusions, en invoquant un prétexte fallacieux. Il n'est cependant pas établi qu'au cours de ces réunions les parties soient effectivement parvenues à un accord sur le prix alors que Monsieur Y..., expert-comptable, qui assistait Madame Z..., gérante de la société BEAUTE ESTHETIQUE, indique qu'au cours de la réunion du 4 novembre 2005, au cours de laquelle selon l'intimée les parties seraient parvenues à un accord sur le prix, « le prix d'acquisition des murs avait été établi aux alentours de 1. 375. 000 », formule qui ne peut, en l'absence de tout autre élément, autre que les seules affirmations des époux Z..., démontrer l'existence d'un accord réel sur le prix. La société X... restait dès lors libre de poursuivre ou non les pourparlers relatifs à la vente de l'immeuble. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société BEAUTE ESTHETIQUE de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive de pourparlers, ces motifs se substituant à ceux exprimés par les premiers juges » ;
Alors que la rupture de pourparlers peut être source de responsabilité civile ; que la Cour d'appel qui, pour rejeter la demande d'indemnisation formée par la société Beauté Esthétique à raison de la rupture des pourparlers relatifs à la vente des biens qui lui étaient loués, s'est fondée sur l'absence de preuve d'un accord des parties sur le prix d'acquisition des murs, a violé l'article 1382 du Code civil ;
Alors que la société Beauté Esthétique a fait valoir que son préjudice avait consisté dans le fait de mobiliser son temps et son énergie mais aussi de faire intervenir son expert comptable (Monsieur Y...), un consultant (Monsieur A...) et deux banques (Banque Rhône Alpes et BNP Paribas), alors que Madame Roberte X... savait qu'elle n'entendait plus vendre son immeuble (conclusions, p. 16) ; que la Cour d'appel, qui a rejeté la demande d'indemnisation de la société Beauté Esthétique, sans s'expliquer sur les conséquences des conditions dans lesquelles la société bailleresse avait mis fin aux pourparlers, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
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Cette décision est visée dans la définition :
Fusion et scission
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.