par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 5 novembre 2009, 08-18056
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
5 novembre 2009, 08-18.056
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Apparence
Mandat
Notaire
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1998 du code civil ;
Attendu que par acte sous seing privé du 4 juillet 2003, les époux X... ont souscrit auprès de la société Bellechasse aux droits de laquelle se présente la société Coralian un contrat de réservation de deux appartements en l'état futur d'achèvement sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt qui devait se réaliser avant le 15 septembre suivant ; qu'il était convenu que la vente serait authentifiée par Mme Y..., notaire du réservant, avec le concours de M. Z..., notaire des réservataires, à une date non encore fixée ; que le contrat de réservation est devenu caduc le 15 septembre 2003, à défaut d'obtention du prêt ; qu'à la demande de M. Z..., Mme Y... a cependant établi un projet d'acte authentique de vente qui a été notifié le 3 juin 2004 aux époux X..., lesquels ont été conviés à se présenter à l'étude le 15 novembre suivant pour signature ; qu'à la suite d'échanges entre les deux notaires, le projet a été modifié, faisant apparaître la société Famax comme acquéreur et les époux X... en qualité de cautions ; que la société Coralian, par le truchement de la société Constructa chargée de la construction de l'ensemble immobilier, s'est opposée à la régularisation de la vente, faisant valoir que le contrat de réservation était caduc, qu'aucune faculté de substitution n'était prévue et que le projet avait été modifié sans instructions de sa part ; que la société Famax a, dans ces conditions, engagé une action en exécution de la vente à laquelle sont intervenus volontairement les époux X... ;
Attendu que pour faire droit à la demande, l'arrêt attaqué retient que l'existence d'un mandat apparent était caractérisé dès lors que les époux X... et leur notaire avaient légitimement pu croire que la société Coralian était représentée par l'officier public qu'elle avait chargé d'instrumenter la vente ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le mandat apparent ne peut être admis pour l'établissement d'un acte par un notaire instrumentaire avec le concours d'un confrère, les deux officiers publics étant tenus de procéder à la vérification de leurs pouvoirs respectifs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Famax et les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Famax et des époux X..., les condamne, ensemble, à payer à la société Coralian la somme de 2 500 euros;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE à la décision
Moyen produit par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour la société Coralian
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, constatant l'accord de la SCI CORALIAN sur les conditions de vente à la SCI FAMAX, ordonné la réalisation forcée de la vente à cette dernière de différents biens immobiliers, et ce avec l'allocation de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, sur la chronologie des faits et la genèse du litige, suivant un acte sous seing privé du 4 juillet 2003, Monsieur Michel X... et Madame Margareth A..., son épouse, ont souscrit auprès de la SA BELLECHASSE, aux droits de laquelle vient à présent la SCI CORALIAN, un contrat préliminaire de réservation pour deux appartements et deux parkings en l'état futur d'achèvement dans une résidence située à SAINTE-MAXIME, sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt qui devait se réaliser avant le 15 septembre 2003 ; qu'il était notamment stipulé que l'acte de vente, pour laquelle aucune date n'était fixée, serait reçu par l'Office notarial de Maître Y..., avec la participation de Maître Z..., notaire du réservataire, et que les acquéreurs devraient verser un dépôt de garantie de 13.500 ; que les époux X... ont effectivement remis un chèque de ce montant qui n'a pas été encaissé par le réservant ; qu'il est certain qu'à la date du 15 septembre 2003, date à laquelle devait être réalisée la condition suspensive d'obtention du prêt, les époux X... n'avaient procédé à aucune diligence, étant cependant précisé que ce n'est que le 6 octobre 2003 que la société de construction a adressé à Maître Y..., notaire chargé de la rédaction de l'acte de vente, ce contrat de réservation ; que, corrélativement, par un courrier en date du 30 septembre 2003, Maître Z..., notaire des réservataires, a demandé à sa consoeur de lui transmettre le projet d'acte ; que, par un courrier en date du 4 juin 2004, Maître Y... a notifié aux époux X..., conformément aux dispositions de l'article R. 261-30 du Code de la construction et de l'habitation, le projet d'acte de vente ; que, par courrier recommandé avec accusé de réception du 29 octobre 2004, ayant semble-t-il oublié qu'elle devait passer cet acte en concours avec son confrère, Maître Z..., elle les a convoqués pour venir signer en son étude l'acte d'acquisition le 15 novembre 2004 à 11 h 00 ; qu'après avoir été contactée téléphoniquement par Maître Z..., elle a écrit à ce confrère le 9 novembre 2004 pour lui indiquer qu'elle avait pris acte de ce que les époux X... feraient régulariser une procuration par son intermédiaire, ajoutant : « j'ai demandé à Monsieur B... de vous faxer copie de l'offre de prêt car il résulte de ce document que l'acquéreur est une SCI dénommé FAMAX et que Michel X... et Margareth A... épouse X... sont cautions solidaires et indivisibles » ; que, par un courriel du 16 novembre 2004, elle lui a adressé en pièce jointe le projet d'acte mentionnant la SCI en qualité d'acquéreuse, ajoutant : « je viens de recevoir un appel téléphonique de la société venderesse qui me demande de lui produire dans l'après-midi un courrier précisant la date du rendez-vous de signature afin de ne pas procéder à l'annulation de la vente » ; que néanmoins, par courrier du lendemain, soit le 17 novembre 2004, elle a fait connaître à Maître Z... que la SCI CORALIAN considérait que les époux X... avaient été défaillants aux motifs qu'aucune somme n'avait été encaissée au titre du contrat de réservation, qu'aucune faculté de substitution n'avait été prévue à ce contrat, qu'ils s'étaient engagés à déposer dans le délai de 15 jours du contrat de réservation une demande de prêt ce qu'ils n'avaient pas fait, que la vente leur avait été notifiée le 3 juin 2004, qu'ils avaient été convoqués pour régulariser l'acte acquisition le 15 novembre 2004 et qu'en conséquence, elle n'entendait plus donner suite à la vente ; que, par un acte du 9 décembre 2004, la SCI FAMAX a fait assigner la SCI CORALIAN en réalisation forcée de la vente en application des dispositions de l'article 1583 du Code civil ; que les époux X... sont intervenus volontairement à l'instance pour solliciter, à titre subsidiaire, la réalisation de cette vente à leur profit ; que, sur l'existence d'une vente, il ne peut être contesté que le contrat de réservation est devenu caduc dès le 15 septembre 2003 en l'état, semble-t-il, d'une inaction commune des parties qui, cependant, n'ont pas entendu se prévaloir de cette caducité, préférant poursuivre leurs relations contractuelles ; qu'ainsi, par un courrier du 6 octobre 2003, soit postérieurement à cette date, la société de construction a chargé Maître Y..., notaire désigné, de la rédaction de l'acte de vente en lui adressant ce contrat de réservation, pourtant caduc ; que, par un courrier du 4 juin 2004, ce notaire a notifié aux époux X... le projet d'acte de vente en exécution des dispositions de l'article R. 261-30 du Code de la construction et de l'habitation, formalité qui a pour effet de fixer définitivement les conditions de la vente et d'engager irrévocablement le réservant jusqu'à la date prévue pour la signature ; que la SCI CORALIAN entend soutenir que Maître Y... a agi de sa propre initiative et qu'elle ne saurait être tenue par cet envoi, ni par les suivants (courrier portant convocation à la signature de l'acte de vente, courriel contenant projet d'acte au profit de la SCI FAMAX) ; qu'il convient cependant d'objecter que ce professionnel a agi alors qu'il avait été précédemment désigné par le réservant pour recevoir l'acte de vente et qu'à cette fin, il lui avait été adressé le contrat de réservation ; que, par ailleurs la teneur des courriers et courriel échangés tant avec son confrère, Maître Z..., qu'avec les époux X... démontrent qu'il était en relation constante avec sa cliente ; que ces éléments permettent à l'évidence de caractériser l'existence d'un mandat apparent au profit de Maître Y... pendant toute cette période, aucun élément ne permettant de mettre en doute le fait que tant son confrère, chargé de représenter les intérêts des époux X..., que ces derniers, ont pu légitimement croire qu'elle avait le pouvoir d'engager le réservant sur l'ensemble des conditions de la vente et particulièrement sur le fait que la SCI FAMAX, société familiale dont il est parfaitement justifié de l'existence et du fait qu'elle disposait d'une offre de prêt, serait substituée aux réservataires en qualité d'acquéreuse ; que, dans ces conditions, il ne peut être reproché aux époux X... de ne pas s'être présentés en l'étude de Maître Y... le 15 novembre 2004 pour procéder à la signature de l'acte de vente, alors même que dès le 9 novembre 2004, ce notaire prenait acte du fait que ceux-ci feraient établir une procuration par leur propre notaire, l'acquéreur étant en tout état de cause une SCI dénommé FAMAX pour laquelle ils se porteraient cautions ; que, dès lors, il apparaît que la SCI CORALIAN se trouve engagée à l'égard de la SCI FAMAX dans les termes du projet d'acte de vente adressé le 16 novembre 2004 à Maître Z..., étant précisé que son revirement du 17 novembre 2004 ne repose que sur des motifs infondés ou erronés qui ne peuvent justifier celui-ci ; qu'il convient donc de faire droit à la demande en réalisation de la vente contre paiement du prix, mais au profit de la SCI FAMAX et non des époux X... ; que le jugement sera donc infirmé en ce sens et par voie de conséquence, en ce qu'il a fait droit à la demande en dommages-intérêts de la SCI CORALIAN à l'encontre de la SCI FAMAX ; que, sur la demande en dommages-intérêts de la SCI FAMAX à l'égard de la SCI CORALIAN, il est certain que le fait pour la SCI FAMAX de n'avoir pu prendre possession des lieux lui a causé un préjudice de jouissance qui sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 1.200 par mois à compter du jour de l'assignation jusqu'à la remise des clés (arrêt, p. 3 à 5) ;
1°) ALORS QUE les juges ne sauraient dénaturer les documents qui leur sont soumis ; qu'en retenant que « par courrier du 6 octobre 2003 (..) la société de construction a chargé Maître Y..., notaire désigné, de la rédaction de l'acte de vente en lui adressant (1)e contrat de réservation, pourtant caduc », quand par ce courrier, adressé par la SAS CONSTRUCTA, cette dernière se bornait à transmettre le contrat de réservation sans demander au notaire de rédiger l'acte de vente, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QUE le mandant n'est tenu d'exécuter que les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné ; que le tiers qui entend rechercher le mandant peut se prévaloir de l'existence d'un mandat apparent ; qu'au demeurant, en retenant que Maître Z... et les époux X... avaient pu légitiment croire que Maître Y... disposait d'un pouvoir pour engager la SCI CORALIAN vis-à-vis de la SCI FAMAX, la Cour d'appel a violé l'article 1998 du Code civil ;
3°) ALORS QUE le mandat apparent ne peut être admis au titre d'un acte conclu entre des parties disposant chacune d'un notaire, les notaires étant tenus de procéder à la vérification de leurs pouvoirs respectifs ; qu'au surplus, en retenant l'existence d'un mandat apparent du notaire de la SCI CORALIAN, Maître Y..., pour juger parfaite la vente conclue avec la SCI FAMAX, tout en constatant que cette dernière était assistée par son propre notaire, Maître Z..., au titre de l'acte de vente litigieux, la Cour d'appel a violé l'article 1998 du Code civil ;
4°) ALORS QUE le mandant n'est tenu d'exécuter que les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné ; qu'en toute hypothèse, en déduisant l'existence d'un mandat apparent de Maître Y... pour faire signer un acte de vente au profit de la SCI FAMAX avec la SCI CORALIAN, de ce que cette dernière avait chargé Maître Y... de la rédaction de l'acte de vente au nom des époux X..., de ce que ce notaire avait adressé le projet d'acte aux époux X... et de ce qu'il résultait des courriers et courriels échangés par ledit notaire tant avec l'autre notaire, Maître Z..., qu'avec les époux X..., qu'il était en relation constante avec la SCI CORALIAN, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un mandat apparent donné par la SCI CORALIAN pour conclure un acte avec la SCI FAMAX, a violé l'article 1998 du Code civil ;
5°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, dans ses conclusions d'appel, la SCI CORALIAN faisait valoir que la SCI FAMAX ne justifiait nullement du fondement juridique de ses droits au regard des époux X..., dès lors notamment que le contrat de réservation ne prévoyait aucune faculté de substitution ; qu'en tenant pour acquise la circonstance que la SCI FAMAX s'était substituée aux époux X... en qualité d'acquéreur, sans répondre à ce moyen pertinent, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Apparence
Mandat
Notaire
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.