par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 2, 23 novembre 2017, 16-24700
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
23 novembre 2017, 16-24.700
Cette décision est visée dans la définition :
Fonds d'indemnisation des victimes de l'Amiante
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 53, I, et 53, IV, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que la victime d'une maladie due à une exposition à l'amiante peut obtenir la réparation intégrale de ses préjudices ; que, selon le second, l'indemnisation due par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante doit tenir compte des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., atteint d'une maladie occasionnée par l'amiante, a subi une aggravation de son état de santé dont la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la CPAM) a reconnu le caractère professionnel en ayant fixé le taux d'incapacité à 15 % à compter du 18 décembre 2013 et en lui allouant la prestation correspondante ; que refusant l'offre d'indemnisation de cette aggravation présentée par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA), laquelle retenait, notamment, un taux d'incapacité de 100 % à compter du 20 juin 2012, puis de 25 % à compter du 20 décembre 2012, il a formé un recours devant une cour d'appel ;
Attendu que, pour fixer à la somme de 2 201,67 euros le montant de l'indemnisation de l'aggravation du déficit fonctionnel permanent de M. X..., l'arrêt, après avoir énoncé que le FIVA refuse à juste titre de "scinder le calcul entre les arriérés et les rentes futures dans la mesure où seule compte l'évaluation de l'indemnisation globale avant et après la date de sa décision", constate que les sommes susceptibles d'être versées par le FIVA s'élèvent au total à 52 941,44 euros au titre des arriérés de rente échus du 21 juin 2012 au 29 septembre 2016, date de la décision de la cour d'appel, et du capital représentatif de la rente devant être versée après cette date, et que celles à déduire, correspondant aux prestations perçues ou à percevoir de la CPAM, se montent à 50 739,77 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, pour évaluer l'indemnisation due par le FIVA au titre de l'aggravation du déficit fonctionnel permanent de M. X..., de comparer les arrérages échus dus par le FIVA jusqu'à la date à laquelle elle statuait et ceux versés par la CPAM pendant la même période, puis, pour les arrérages à échoir à compter de sa décision, de calculer et comparer les capitaux représentatifs des deux rentes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il alloue à M. X... la somme de 2 201,67 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent du fait de l'aggravation de son état de santé, l'arrêt rendu le 29 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité à un montant de 2.201,67 € la somme allouée à M. X... en réparation de son déficit fonctionnel permanent du fait de l'aggravation de son état de santé ;
AUX MOTIFS QUE sur le préjudice fonctionnel et d'abord sur le mode de calcul, M. X... soutient que le point de départ de l'indemnisation est constitué par la date de constatation du dommage donc que l'indemnisation de l'incapacité devra comprendre un arriéré de rente pour la période entre la date de constatation de la maladie et la date de l'offre, et une rente future viagère, éventuellement capitalisée ; que c'est pourquoi, il retient l'assiette et le taux de la rente qui a été adopté par le conseil d'administration du FIVA, soit 18.939 € pour l'année 2015 pour un taux de 100% et 2.866 € pour un taux de 25% dont il convient de déduire la rente de 5% précédemment versée et qui a fait l'objet d'une capitalisation dans l'offre du 12 octobre 2004, soit 406 €, et il obtient de ce fait, 18.533 € pour un taux de 100% et 2.460 € pour un taux de 25% ; que le FIVA soutient qu'en cas d'aggravation, il procède au calcul du déficit fonctionnel subi par la victime en faisant la différence entre la valeur de la rente allouée pour le dernier taux d'incapacité à savoir 100% à compter du 21 juin 2012 et 25% à compter du 20 décembre 2012, et celle allouée au titre du premier taux d'incapacité à savoir 5%, revalorisée chaque année puisqu'il convient ici d'indemniser la seule aggravation ; qu'ainsi, dans ses dernières écritures, M. X... adopte la même méthode de calcul que le FIVA mais omet de revaloriser chaque année le montant de la rente servie pour un taux d'incapacité de 5%, soit 465 € à compter du 21 juin 2012, 471 € à compter du 1er avril 2013 et enfin 473 € à compter du 1er avril 2014 ; que c'est le montant revalorisé qui doit être retenu ; qu'en outre, le FIVA soutient à juste titre le refus de scinder le calcul entre les arriérés et les rentes futures dans la mesure où seule compte l'évaluation de l'indemnisation globale avant et après la date de décision du FIVA ; que de plus, le principe de la réparation intégrale s'oppose à ce que le calcul des indemnités puisse être effectué par périodes dans la mesure où cela permettrait de mettre en exergue artificiellement des soldes positifs alors que l'observation « virentière » permet au contraire d'apprécier de manière neutre et prévisible l'étendue des propositions indemnitaires du FIVA et l'organisme social ; qu'à défaut, serait encouru le risque d'une surindemnisation du préjudice, voire même d'une rupture d'égalité dans le traitement de chaque demandeur ; que c'est pourquoi, dans son offre du 9 juin 2015, le FIVA réservait sa proposition au titre de ce préjudice dans l'attente de la décision de prise en charge de l'aggravation de l'état de santé de M. X... par son organisme de sécurité sociale ; que M. X... a communiqué cette décision et que le FIVA propose donc au regard de la note en délibéré rectificative en date du 10 juin 2016, la somme de 2.201,67 € qui doit être retenue ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur le quantum, M. X... soutient que sur les arrérages de rente, pour la période du 21 juin 2012 au 19 décembre 2012 avec un taux d'incapacité de 100%, il en résulte un capital de 9.190,34 € et pour la période du 20 décembre 2012 au 31 décembre 2015 avec un taux d'incapacité de 25%, il en résulte un capital de 9.287,35 €, soit un total de 18.477,69 € dont on déduit pour la même période les sommes qu'il a reçues de son organisme social à savoir 8.153,01 € ; que dès lors, le FIVA devra verser 10.324,68 € à M. X... au titre des arriérés de rente pour la période du 21 juin 2012 au 29 septembre 2016 ; qu'en outre, sur la rente annuelle future, à compter du 30 septembre 2016, M. X... retient qu'il ne peut prétendre au versement d'une rente annuelle sachant que son organisme social lui verse déjà une rente de 2.937,80 € et que la somme proposée par le FIVA est nettement inférieure ; que le FIVA soutient également que la rente de 18.939 € et de 2.866 € doivent servir de base de calcul de l'indemnité due à M. X... dont les arriérés de rente sont arrêtés au dernier jour du trimestre précédent celui au cours duquel il est établit son offre d'indemnisation ; que de plus, il convient de retenir la table de capitalisation à compter du 1er avril 2015, fondée sur des projections pour l'année 2012 établies par l'INSEE dans la table 2007-2060 et un taux d'intérêt de 1,97% ; que de ce fait, l'évaluation du préjudice fonctionnel lié à l'aggravation de son état de santé se détaille comme suit : indemnités dues par le Fonds = 52.951,44 €, soit 18.276,58 € au titre des arriérés du 21 juin 2012 au 29 septembre 2016 et 34.664,86 € à compter du 30 septembre 2016 ; indemnités dues par la CPAM = 50.739,77 €, soit 8.165,17 € au titre des arriérés de CPAM et 42.574,60 € à compter du 30 septembre 2016 ; solde (52.461,32 - 50.084,32) = 2.201,67 € ;
ALORS QUE le principe de réparation intégrale impose d'actualiser l'indemnité allouée à la victime au titre du déficit fonctionnel au jour où la cour d'appel statue ; qu'il appartient donc à la cour d'appel saisie d'un recours juridictionnel à l'encontre de l'offre présentée par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, pour évaluer l'indemnisation due au titre du déficit fonctionnel subi par le demandeur, de comparer les arrérages échus dus par le Fonds jusqu'à la date de sa décision et ceux versés par l'organisme de sécurité sociale pendant la même période, puis, pour les arrérages à échoir à compter de sa décision, de calculer et comparer le capital représentatif de ceux dus par le Fonds et par l'organisme social ; qu'en procédant dès lors à une évaluation globale de l'indemnisation allouée à M. X... au titre du déficit fonctionnel, au motif qu'il n'y avait pas lieu de « scinder le calcul entre les arriérés et les rentes futures dans la mesure où seule compte l'évaluation de l'indemnisation globale avant et après la date de décision du FIVA » (arrêt attaqué, p. 6, in fine), la cour d'appel de Bordeaux a méconnu le principe précité et a violé les articles 53 I et 53 IV de la loi nÂș 2000-1257 du 23 décembre 2000.
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Fonds d'indemnisation des victimes de l'Amiante
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.