par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 6 septembre 2017, 16-18524
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
6 septembre 2017, 16-18.524

Cette décision est visée dans la définition :
Notaire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, lorsque le notaire reçoit un acte de cession de fonds de commerce de débit de boissons, il n'engage sa responsabilité, au regard des déclarations erronées du cessionnaire sur sa capacité à l'exploiter résultant de l'absence de condamnation pénale, que s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte reçu le 7 août 2009, par M. X... (le notaire), la société L'Académie de billard (le cédant) a cédé, à M. Y... (le cessionnaire), un fonds de commerce comprenant un débit de boissons de 3e catégorie, moyennant un prix payable en vingt-quatre mois ; que, par jugement du 2 février 2010, un tribunal correctionnel a déclaré le cessionnaire coupable d'ouverture d'un débit de boissons de 3e catégorie, en dépit de l'interdiction de plein droit résultant de quatre condamnations, entre 2005 et 2006, pour vol, faux, recel de vol et escroquerie, ordonné la fermeture définitive de l'établissement et annulé la licence ; que, par jugement du 11 juin 2010, un tribunal de commerce a prononcé la résolution de la cession du fonds de commerce pour défaut de paiement du prix ; que le cédant, reprochant au notaire d'avoir commis une faute ayant causé la perte de son fonds de commerce, l'a assigné en responsabilité et indemnisation ;

Attendu que, pour dire que le notaire a commis un manquement dans l'établissement de l'acte de cession du fonds de commerce et le condamner à payer des dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'il pouvait, préalablement à la vente, en sa qualité de rédacteur d'acte et de mandataire des parties, s'adresser au procureur de la République, dès lors que les dispositions de l'article L. 3332-4-1 du code de la santé publique prévoient l'obligation, pour toute personne voulant ouvrir un débit de boissons, de faire une déclaration transmise à ce dernier, et lui demander d'indiquer si la personne qui se proposait d'acquérir le fonds et la licence remplissait les conditions légales et réglementaires pour l'exploiter ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le cessionnaire avait déclaré ne se trouver dans aucun des cas d'incapacité prévus par la loi pour l'exploitation d'une licence de 3e catégorie, sans constater que le notaire disposait d'éléments de nature à faire douter de la véracité ou de l'exactitude des déclarations erronées du cessionnaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société L'Académie de billard aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR dit que M. Arnaud X... avait commis un manquement dans l'établissement de l'acte de cession de fonds de commerce en date du 7 août 2009, d'AVOIR dit qu'il devrait indemniser les préjudices subis par la SARL L'Académie de Billard et d'AVOIR condamné M. Arnaud X... à payer à ce titre la somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler en droit qu'il appartient au notaire avant de dresser un acte de procéder à la vérification des faits et des conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité de son acte, que son devoir de conseil lui impose d'informer son client des différentes exigences qui conditionnent la validité et l'efficacité de l'acte qu'il envisage de conclure et de vérifier qu'elles sont satisfaites ; qu'en l'espèce, pour confirmer le jugement entrepris en ces dispositions retenant la responsabilité du notaire il suffira de rappeler que l'article L. 55 du Code des débits de boissons disposait que les personnes condamnées pour crimes de droit commun ou pour l'un des délits prévus aux articles 334,334-1,335,335-5 et 335-6 du Code pénal sont frappées d'une incapacité perpétuelle d'exploiter et que la sanction encourue en cas de violation de ces dispositions pouvait être la fermeture du débit de boissons et par voie de conséquence la suppression de la licence ; que Me X... ne pouvait ignorer ces dispositions d'ordre public et devait procéder à des vérifications pour s'assurer que les cessionnaires remplissaient les conditions nécessaires pour exploiter le fonds et la licence y attachée ; que les premiers juges ont justement énoncé que Me X... ne pouvait se satisfaire de l'attestation établie par M. Y..., selon laquelle il n'avait jamais fait l'objet d'une condamnation pénale et qu'il avait l'obligation de procéder à des vérifications et de se renseigner sur les antécédents pénaux de Franck Y... ; que la lecture des réponses faites par le procureur de la République d'Auch et le Directeur des Douanes aux demandes de renseignement que leur avait adressées Me X... met en évidence que celui-ci avait sollicité des renseignements sur l'existence et la cessibilité de la licence de débits de boisson litigieuse, mais n'avait pas sollicité de renseignements sur la situation personnelle de M. Y... et sur sa capacité à exploiter le fonds et la licence que la SARL L'Académie voulait lui céder ; que c'est vainement que Me X... objecte qu'il ne pouvait solliciter la délivrance d'un extrait du casier judiciaire de M. Y... portant mention de ces condamnations, qu'en effet, il pouvait parfaitement à tout le moins, préalablement à la vente et en qualité de notaire chargé de la rédaction de l'acte et de mandataire des parties, s'adresser au procureur de la République dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 3332-4 du Code de la santé publique qui prévoit l'obligation pour toute personne voulant ouvrir un débit de boissons de faire une déclaration, transmise au procureur de la République et demander à celui-ci de lui indiquer si la personne qui se proposerait d'acquérir le fonds et la licence remplissait les conditions légales et réglementaires pour l'exploiter ; que s'il avait procédé aux vérifications qui s'imposaient, Me X... aurait pu informer les parties et notamment la SARL L'Académie de l'impossibilité pour M. Y... d'exploiter ; qu'en omettant de procéder aux vérifications il a manqué à ses obligations et que sa responsabilité professionnelle a été à bon droit retenue ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le notaire est tenu d'un devoir de conseil qui lui impose, avant de dresser les actes, de procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité de ces actes ; qu'il s'ensuit qu'avant de dresser un acte de cession de fonds de commerce, il doit vérifier l'absence de condamnation pénale des parties pour un délit leur interdisant d'exploiter le fonds de commerce objet de l'acte ; qu'en l'espèce, Me X... a vérifié auprès des services du procureur de la République et de l'administration des douanes que l'établissement « L'Académie de Billard » possédait toujours une licence de 3ème catégorie (cf courriers du parquet en date du 3 août 2009 et de la direction des douanes du 7 mai 2009) ; qu'en revanche, il n'a pas vérifié si M. Franck Y... avait été condamné à une peine entraînant l'interdiction d'exploiter des débits à consommer sur place, ce qui était le cas puisqu'il avait été condamné le 30 mars 2006 par le Tribunal correctionnel de Poitiers à des peines entraînant de plein droit l'interdiction d'exploiter de tels établissements ; que compte tenu de l'importance de cette information, il aurait dû solliciter la production par l'intéressé du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, sur lequel ces peines étaient mentionnées ; que les simples déclarations de M. Franck Y... ne pouvaient constituer une vérification suffisante ; que Me X... a donc commis un manquement à son devoir de conseil avant d'établir l'acte de cession du fonds de commerce ;

1°) ALORS QUE le Procureur de la République ne peut divulguer à un notaire les informations qui ne figurent que sur les bulletins n° 1 et 2 qui ne peuvent être transmis qu'aux autorités judiciaires et militaires et à certaines administrations ; qu'en affirmant que si M. X... avait interrogé le Procureur de la République à cette fin, il aurait su que M. Y... qui entendait acquérir un fonds de commerce de débit de boissons ne remplissait pas les conditions légales pour ce faire, dès lors qu'il avait été condamné pour un crime de droit commun ou pour l'un des délits prévus aux articles 334, 334-1, 335, 335-5 et 335-6 du Code pénal, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si les condamnations prononcées contre cet acquéreur n'étaient pas mentionnées sur le bulletin n° 3 qui seul peut être communiqué à la personne concernée de sorte que le Procureur de la République ne pouvait les porter à la connaissance de l'officier ministériel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 774 à 777 du Code de procédure pénale ;

2°) ALORS QU'un notaire ne saurait être tenu de solliciter d'une autorité la délivrance d'une information qu'il est interdit à cette dernière de divulguer ; qu'en affirmant si M. X... avait interrogé le Procureur de la République à cette fin, il aurait su que M. Y... qui entendait acquérir un fonds de commerce de débit de boissons, ne remplissait pas les conditions légales pour ce faire, dès lors qu'il avait été condamné pour un crime de droit commun ou pour l'un des délits prévus aux articles 334, 334-1, 335, 335-5 et 335-6 du Code pénal, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si les condamnations prononcées contre cet acquéreur n'étaient pas mentionnées sur le bulletin n° 3 qui seul peut être communiqué à la personne concernée, de sorte qu'il était interdit au Procureur de la République de transmettre une telle information et que le notaire ne pouvait en solliciter la communication, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et 774 à 777 du Code de procédure pénale ;


3°) ALORS QUE le bulletin n° 2 du casier judiciaire n'est délivré qu'aux autorités militaires et aux administrations publiques et n'est pas délivrée à la personne concernée ; qu'en imputant à faute à M. Arnaud X..., par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, de ne pas avoir exigé la délivrance par M. Y... de son bulletin n° 2, qui mentionnait les condamnations prononcées contre lui, la Cour d'appel a méconnu les articles 776 et 777 du Code de procédure pénale.



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Cette décision est visée dans la définition :
Notaire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.