par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 5 juillet 2017, 15-28114
Dictionnaire Juridique
site réalisé avec Baumann Avocats Droit informatique |
Cour de cassation, chambre commerciale
5 juillet 2017, 15-28.114
Cette décision est visée dans la définition :
Marque de fabrique
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Reçoit l'Association nationale des éleveurs de reines et des centres d'élevage apicoles en son intervention volontaire, au soutien des prétentions de M. X...;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété à la lumière de l'article 6, paragraphe 1 sous b), de la directive n° 89/ 104/ CEE du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, ensemble l'article 620 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte du premier texte susvisé que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, d'indications relatives à l'espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l'époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d'autres caractéristiques de ceux-ci, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 24 juin 2014, pourvoi n° 13-19. 651), que M. Y..., titulaire, pour l'avoir acquise de M. Z..., de la marque française « Buckfast » déposée le 8 avril 1981, régulièrement renouvelée depuis et enregistrée pour désigner notamment des produits et services relatifs à l'élevage de reines et d'abeilles, ainsi que des reines, abeilles et plus généralement des animaux vivants, a assigné M. X..., apiculteur, en contrefaçon de cette marque ; que la société Buckfast France, cessionnaire de la marque, est intervenue aux débats ;
Attendu que pour accueillir l'action de M. Y... et de la société Buckfast France en contrefaçon, l'arrêt retient que M. X... a utilisé le terme buckfast, ainsi que l'appellation buck, sans l'autorisation de son titulaire, pour désigner et proposer à la vente des produits identiques à ceux énumérés dans l'enregistrement de marque ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... n'avait pas fait un usage honnête d'un signe indispensable à la désignation du produit vendu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties conformément à l'article 1015, alinéa 2, de ce code ;
Attendu, selon les constatations des juges du fond, que M. X... a fait paraître en 2003 dans les revues spécialisées « Abeilles et fleurs » et « L'abeille de France et l'apiculteur » des annonces mettant en vente des ruches peuplées « Buckfast », ainsi que des essaims et reines sélectionnées issus des élevages « Buck » et qu'à l'époque de ces parutions, les termes buckfast et buck étaient devenus usuels pour désigner un certain type d'abeilles ;
Qu'il en résulte qu'en indiquant, dans le cadre d'une offre de transaction entre spécialistes de l'apiculture, l'espèce des abeilles en question, M. X... a utilisé le signe en se conformant aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, en faisant ainsi un usage que le titulaire de la marque n'était pas en droit d'interdire, de sorte que l'action en contrefaçon n'est pas fondée ;
Et attendu qu'aucune faute précise n'étant reprochée à M. Y... et à la société Buckfast France, la demande de M. X... tendant au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ne peut être accueillie ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de M. X... en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 6 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Déboute M. Y... et la société Buckfast France de leur action en contrefaçon de marque ;
Condamne M. Y... et la société Buckfast France aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que Monsieur X... avait commis des actes de contrefaçon de la marque Buckfast, D'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à Monsieur Y..., aux droits duquel se trouve aujourd'hui la S. A. S. BUCKFAST FRANCE, la somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts, D'AVOIR ordonné la confiscation des produits portant les termes Buckfast ou Buck mis dans le commerce par Monsieur X..., et identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque Buckfast, D'AVOIR ordonné, aux frais de Monsieur X..., la publication du dispositif du jugement dans les revues « L'abeille de France et l'apiculteur » et « Abeilles et Fleurs », et D'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « 1) Le moyen tiré de la déchéance de la marque. L'article 1. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose en son premier alinéa qu'encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. S'agissant de la règle de preuve applicable, le même texte précise en son avant-dernier alinéa que la preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée, et qu'elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance de la marque litigieuse " buckfast " déposée pour les produits et services relatifs à l'élevage des abeilles ainsi qu'au miel, pollen et autres produits de la niche a été soulevée pour la première fois le 25 janvier 2012. Il convient donc de rechercher si durant les cinq années qui ont précédé cette date, M. Y... a fait un usage sérieux de cette marque. Pour illustrer cet usage, il est versé aux débats, pour l'ensemble de cette période de nombreuses factures établies par M. Y... au nom de divers clients dans toute la France qui lui achetaient, sous la marque " Buckfast ", soit des essaims dont le nombre variait entre un et cent, soit des reines fécondées dont le nombre variait entre un et cent cinquante. Ces factures sont au nombre de cinquante-deux pour l'année 2007, cinquante-trois pour l'année 2008, cinquante-quatre pour l'année 2009, cinquante-cinq pour l'année 2010, cinquante-six pour l'année 2011, et cinquante-sept pour l'année 2012. Parmi ces factures, plusieurs sont aussi relatives à la vente de ruches peuplées, de miel et de propolis, substance recueillie par les abeilles à partir de certains végétaux, et utilisée par elles comme mortier et anti-infectieux pour assainir la ruche. Il est aussi produit des extraits de revues spécialisées, destinées aux apiculteurs, qui établissent qu'en 2008 et 2012, M. Y... a fait paraître des annonces ainsi libellées : « D. Y..., éleveur sélectionneur de l'abeille Buckfast, vend à partir de juin ESSAIMS sur cadres Dadant avec jeunes reines 2008 » ; « Dominique Y... éleveur sélectionneur de l'abeille Buckfast vend ruches peuplées Dadant 12 C. Fabrication soignée ». D'autres extraits démontrent qu'au cours de l'année 2013, il a continué à diffuser des annonces de même nature. A l'encontre de ces pièces, M. X... produit six attestations selon lesquelles leurs auteurs avaient acquis pendant plusieurs années des reines " Buckfast " auprès de M. Y..., puis, à partir de 1999, chez d'autres éleveurs, parce qu'il leur avait déclaré son intention d'arrêter l'élevage de reines. M. X... fournit également le numéro du mois de janvier'2000 de la revue " L'abeille de France et l'apiculteur " dans lequel est insérée l'annonce suivante : Vends marque déposée Buckfast avec clientèle pour commerce de reines ». Y... D. Tél. 05 49 93 02 44 ». Toutefois, en 2005, M. Denis A..., M. Daniel B..., M. Richard C...et M. Jean-Claude D...ont attesté que depuis plusieurs années, les deux premiers depuis les années 1988 et 1989, le dernier depuis environ vingt ans, ils achetaient régulièrement des essaims et des reines d'abeilles''Buckfast''auprès de M. Y.... Il résulte de ces éléments que si, à un moment donné, ce dernier a envisagé la perspective de ne plus exploiter la marque " Buckfast ", et même de la céder, il n'a pas persisté dans cette intention, et qu'il a fait au contraire, auprès de nombreux clients en France un usage régulier de la marque déposée " Buckfast ", c'est-à-dire un usage sérieux au sens de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle. Le moyen tiré de la déchéance de la marque " Buckfast " doit donc être rejeté. 2) Le moyen tiré de la dégénérescence de la marque. L'article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle dispose : « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait : a) La désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ». L'article 12 paragraphe 2 de la directive européenne n° 89/ 104 précise qu'encourt la déchéance la marque devenue usuelle par le fait de l'activité ou de l'inactivité de son titulaire. La partie appelante verse aux débats des extraits du livre intitulé " L'abeille Buckfast en question ", paru pour la première fois en 1987, puis réédité par la suite, dont il ressort que l'abeille ainsi dénommée n'existe pas naturellement, mais est le fruit d'un croisement de races et d'un travail de sélection qui lui confèrent certaines qualités, notamment celle principalement recherchée initialement par le frère ADAM, à savoir la résistance à la maladie qu'est l'acariose, mais aussi d'autres qualités telles que l'absence d'agressivité. Il résulte aussi des extraits de ce livre que le frère ADAM n'ayant jamais pu élever dans les conditions climatiques de sa région les reines qui lui étaient commandées, il a demandé à quelques éleveurs, dans plusieurs pays, d'assurer la multiplication à partir des géniteurs fournis par lui, et de livrer les reines produites à des distributeurs dans les différents pays ; qu'ainsi, en FRANCE, il a placé sa confiance en M. Z..., puis en M. Y..., et leur a réservé la vente exclusive de reines " Buckfast " issues d'une fécondation pure ; que toutefois, dans de nombreux autres pays en EUROPE, s'est développée toute une gamme d'éleveurs de l'abeille " Buckfast ", et que cette tendance va en s'accentuant au point que M. Olivier E..., président de l'association des éleveurs de reines et des centres d'élevages apicoles (A. N. E. R. C. E. A.) a attesté, le 4 février 2008, après consultation du bureau de cette association, que le mot " Buckfast " est employé communément dans le milieu apicole pour désigner une race d'abeilles, au même titre que la Caucasienne, l'Arnica ou l'Italienne. Cette attestation est confirmée par des échanges recueillis au cours des années 2012 et 2013 sur des sites consacrés à l'apiculture, et dont les termes permettent de constater que les termes " Buckfast " et " Buck " sont employés de manière usuelle et courante par les amateurs qui s'intéressent à l'apiculture pour désigner un type d'abeilles qui présentent des qualités propres. Dans l'extrait de l'article du mois d'octobre 2005, intitulé " Analyse de la biodiversité de l'abeille en FRANCE ", il est indiqué que des abeilles de la souche synthétique Buckfast sont également présentes en grand nombre en SUISSE et au LUXEMBOURG, et que cette souche résulte de croisements entre plusieurs races avec une forte prédominance de races appartenant à la lignée C (centre et nord de l'EUROPE). Par ailleurs, des extraits d'annonces parues dans des revues spécialisées durant les années 2003 et 2004 révèlent que des apiculteurs exerçant au DANEMARK ou au LUXEMBOURG vendaient des ruches peuplées Buckfast ou des reines Buckfast. Pour démontrer que ce phénomène n'est pas de son fait, M. Y... produit des pièces tendant à établir qu'il a toujours défendu sa marque et réagi face à cette vulgarisation des termes qui en constituent le support, ou qui l'évoquent clairement. C'est ainsi qu'il a écrit, le 24 février 2005, à M. Régis G..., apiculteur à AUBIERE (63170) pour lui rappeler qu'il était propriétaire de la marque " Buckfast ", et lui demander de cesser de l'utiliser, et que l'intéressé a répondu, le 3 mars 2005, pour lui indiquer qu'il s'engageait à ne plus vendre de reines sous les appellations " Buckfast " ou " Buck " ; qu'il avait précédemment écrit dans le même sens, le 18 février 2005, à M. H..., apiculteur à BOLLENE (84500) ; que plus anciennement, le 21 mars 2002, il avait écrit à l'A. N. E. R. C. A. pour rappeler à cette association que le terme " Buckfast " était une marque déposée pour la FRANCE dont il était l'unique propriétaire de sorte qu'il était interdit à toutes autres personnes, françaises ou étrangères, de s'en servir à des fins commerciales ou publicitaires ; que plus anciennement encore, dans la revue française d'apiculture du mois de mars 1997, il avait publié un encart intitulé " Marque déposée " qui rappelait l'interdiction d'utiliser le mot « Buckfast » à des fins commerciales, petites annonces, publicités... M. Y... produit encore :- un projet de " convention de renonciation à poursuites juridiques " du 30 juillet 2013 aux termes de laquelle la société API DISTRIBUTION ayant son siège à BORDEAUX, prévenue qu'elle ne pouvait utiliser le tenue " Buckfast " sans porter atteinte à la propriété intellectuelle de M. Y..., s'engageait à transmettre un erratum aux personnes qui avaient reçu son catalogue à leur domicile,- cet erratum lui-même dans lequel la société API DISTRIBUTION indiquait : " Nous souhaitons faire une précision suite à la parution de notre catalogue 2013-2014. Sur la page 51, concernant la commande d'essaims, il est important de préciser que le terme « Buckfast » est une marque déposée auprès de l'I. N. P. I. par M. Dominique Y..., éleveur de reines à CHÂTELLERAULT (86100) ". Il résulte de ces éléments que si les termes " Buckfast " et " Buck " sont devenus au fur et à mesure du temps des termes usuels pour désigner un type d'abeilles issu d'un travail de sélection et de croisement entres des individus appartenant à des races d'abeilles, ce phénomène ne peut être considéré comme le fait de M. Y..., titulaire de la marque déposée " Buckfast " dans la mesure où il a régulièrement effectué des actes propres à la défendre et à empêcher qu'elle soit utilisée par d'autres apiculteurs. Le moyen tiré de la dégénérescence de la marque sera aussi rejeté. 3) Le bien-fondé de la demande en contrefaçon. L'article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés. L'article L. 713-2 du même code énonce que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : formule, façon, système, imitation, genre, méthode, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement. En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que M. X... a publié dans les revues spécialisées " Abeilles et Fleurs " d'une part, " L'abeille de France et l'apiculteur " d'autre part, des mois de juillet et août 2003, des annonces en vue de la vente de ruches peuplées " Buckfast ", ainsi que d'essaims et de reines sélectionnées issus des élevages " Buck " de Paul F...(LUXEMBOURG). L'utilisation de la marque déposée " Buckfast'sans l'autorisation de son titulaire, et de l'appellation proche " Buck " pour désigner et proposer à la vente des produits identiques à ceux énumérés dans l'enregistrement de marque déposée par M. Z..., et cédée par celui-ci à M. Y..., puis à la société BUCKFAST est constitutive d'actes de contrefaçon. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que M. X... avait commis de tels actes et en a tiré les conséquences en lui interdisant de faire usage des termes " Buckfast " ou " Buck " pour commercialiser des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque " Buckfast ", en ordonnant la confiscation des produits portant les termes " Buckfast " ou " Buck " mis dans le commerce par M. X... et identiques ou similaires à ceux désignés dans ce même enregistrement, et en ordonnant aux frais de M. X... la publication de son dispositif dans les revues spécialisées " L'abeille de France et l'apiculture " et " Abeilles et Fleurs ". Eu égard à l'importance et au nombre des actes de contrefaçon commis par M. X..., le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a condamné M. X... à payer à M. Y..., aux droits duquel se trouve aujourd'hui la S. A. S. BUCKFAST FRANCE, la somme de 5. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice. 4) La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'indemnité de procédure et les dépens. M. Y... obtenant la satisfaction de ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. X... à lui payer la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et une somme de 5. 000 € sera allouée sur le même fondement à la S. A. S. BUCKFAST venant aux droits de M. Y..., en cause d'appel » (arrêt pp. 5 à 10) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la demande tendant à voir constater la commission par M. X... d'actes de contrefaçon de la marque Buckfast, il résulte des pièces versées aux débats que le 8 avril 1981, l'Institut National de la Propriété Intellectuelle (I. N. P. I.) a enregistré, au nom de M. Raymond Z..., le dépôt de la marque Buckfast correspondant aux produits ou services désignés suivants : Elevage de reines, d'abeilles et plus généralement d'animaux. Reines, abeilles et plus généralement des animaux vivants. Ruches, appareils pour l'élevage des abeilles. Miel, pollen, gelée royale, propolis. Cire d'abeille. Livres apicoles et plus généralement livres, imprimés, journaux et périodiques. et aux classes de " produits ou services 4, 16, 20, 30, 31 et 42. Selon l'I. N. P. I., ce dépôt a été renouvelé le 5 avril 1991. Le 11 mai 1995, l'I. N. P. I. a enregistré la transmission totale de la propriété de la marque Buckfast au bénéfice de M. Y... qui l'a acquise directement de M. Z.... Il est constant qu'un nouveau renouvellement du dépôt de la marque est régulièrement intervenu en 2001 à l'initiative de M. Y... de sorte que ce dernier justifie bien de l'enregistrement de la marque à son nom à la date des actes incriminés. Or, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle, l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services désignés, droit qui lui permet de s'opposer à toute exploitation de sa marque à laquelle il n'aurait pas consenti. En l'occurrence, M. X... conteste ce droit à M. Y... en soutenant que le terme Buckfast est le nom d'une race d'abeilles. Il en déduit qu'une race ne peut être constitutive d'une marque au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle qui énonce les signes ou dénominations dépourvus de caractère distinctif et que la protection d'me race contrevient également à l'article L. 611-17 du même code selon lequel les races animales ne sont pas brevetables. Outre que l'article L. 611-7 susvisé est inapplicable en l'espèce dès lors que le débat porte sur une marque et non sur un brevet, il sera fait observer que l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4. Il apparaît ainsi que le défaut de conformité d'une marque aux articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ne peut être invoqué qu'au soutien d'me demande tendant à voir déclarer nul l'enregistrement d'une marque, la déclaration de nullité pouvant être sollicitée par voie d'action ou d'exception, et qu'en l'absence d'une telle demande ou d'une nullité déclarée par un précédent jugement, la validité d'une marque ne saurait être contestée et résulte de son seul enregistrement. En l'espèce, force est de constater que ni dans le dispositif de ses conclusions, ni même dans le corps de celles-ci, M. X... ne demande au tribunal de déclarer nul l'enregistrement de la marque Buckfast, Il s'ensuit que ledit enregistrement est valable et qu'il n'y a pas lieu, par conséquent, d'examiner la question soulevée par M. X... tenant au caractère distinctif ou non du terme Buckfast. Il résulte des pièces versées aux débats que la revue Abeilles et Fleurs de juillet-août 2003 a publié les annonces suivantes :- vends extracteur Fritz Universal AF 20, bac décanteur, bac à désoperculer, ruches Voirnot peuplées Buckfast Luxembourg ;- vends essaims, reines sélectionnées, issus des élevages Buck de Paul F...(LUXEMBOURG) ; et que la revue Abeille de France et l'apiculteur de juillet-août 2003 a publié la seconde de ces annonces. M. X..., qui est apiculteur, ne conteste pas être l'auteur de ces annonces. L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle prohibe la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement. Quant à l'article L. 713-3 du même code, il interdit l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement, dès lors qu'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public. Or, en l'espèce, la première des annonces contient la reproduction à l'identique de la marque Buckfast pour des abeilles, l'abeille étant un produit désigné dans l'enregistrement de ladite marque. Quant à l'usage du terme Buck, il génère, en raison de sa ressemblance avec le tenue Buckfast, un risque de confusion dans l'esprit du public avec la marque litigieuse, étant observé que son usage concerne des élevages d'abeilles, produit précisément visé dans l'enregistrement de la marque Buckfast. Ainsi, il convient de dire et juger que M. X... a commis des actes de contrefaçon de cette marque, engageant sa responsabilité civile à l'égard du titulaire de la marque, à savoir M. Y.... Sur la demande de dommages et intérêts. Il n'est pas contestable que l'usage de la marque Buckfast par un autre apiculteur dans des revues spécialisées, destinées aux membres de cette profession, a causé à M. Y... un préjudice moral résultant de l'inquiétude suscitée chez lui quant à l'étendue de la protection dont il bénéficiait à l'égard de cette marque et l'a nécessairement troublé dans ses activités commerciales. Il sera toutefois observé, s'agissant du trouble commercial dont il se plaint, que M. Y... ne prouve, ni même n'invoque de faits précis, telle qu'une perte de clientèle, pour justifier du quantum de sa demande de telle sorte que seule une réparation de principe lui sera accordée de ce chef. Ainsi, M. X... sera globalement condamné à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation tant de son préjudice moral que de son trouble commercial. Sur la demande visant à voir condamner M. X... à mettre fin à l'utilisation des termes Buckfast ou Buck. Il sera fait interdiction à M. X... de faire usage des termes Buckfast ou Buck pour les produits ou services désignés dans l'enregistrement de la marque Buckfast. [...] Sur la demande de confiscation des objets portant les termes Buckfast ou Buck. Cette demande sera accueillie, sous réserve qu'il s'agisse de produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque Buckfast et mis dans le commerce par M. X.... Sur la demande de publication d'un extrait de la décision dans les revues " L'abeille de France et l'apiculteur " ainsi qu'" Abeilles et fleurs " aux frais de M, X.... Il sera également fait droit à cette demande, l'extrait en question étant le dispositif de la présente décision » (jugement pp. 2 à 5) ;
ALORS QUE 1°), encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ; que la cour d'appel constate que, dans des revues spécialisées, destinées aux professionnels de l'apiculture, en 2008 et 2012, « Monsieur Y... a fait paraître des annonces ainsi libellées : « D. Y..., éleveur sélectionneur de l'abeille Buckfast, vend à partir de juin ESSAIMS sur cadres Dadant avec jeunes reines 2008 » ; « Dominique Y... éleveur sélectionneur de l'abeille Buckfast vend ruches peuplées Dadant 12 C. Fabrication soignée », et que d'autres extraits démontraient qu'au cours de l'année 2013, il avait continué à diffuser des annonces de même nature (arrêt p. 6, § 2) ; qu'en relevant que les termes Buckfast et Buck étaient certes devenus des termes usuels pour désigner le type d'abeilles litigieux, et en retenant néanmoins que ce phénomène ne pouvait être considéré comme le fait de Monsieur Y..., quand elle constatait que celui-ci avait, lui-même, fait paraître des annonces, dans des journaux spécialisés du monde apicole, désignant les abeilles Buckfast par ces termes génériques et usuels, et sans faire aucune référence à la marque dont il était titulaire et qu'il était tenu de protéger, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé l'article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS QUE 2°), encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ; que Monsieur X... faisait valoir, dans ses conclusions (p. 6), que Monsieur Y... s'était lui-même présenté comme éleveur « de la souche Buckfast » (cf. conclusions de Monsieur Y...,, p. 16, § 2), ce dont il se déduisait que le titulaire de la marque utilisait, comme le reste de la profession, le terme Buckfast pour désigner la race d'abeilles, et non la marque elle-même ; qu'en affirmant que les termes Buckfast et Buck étaient certes devenus des termes usuels pour désigner le type d'abeilles litigieux, mais que ce phénomène ne pouvait être considéré comme le fait de Monsieur Y..., sans rechercher, comme l'y invitait Monsieur X..., s'il ne résultait pas de l'usage que Monsieur Y... faisait lui-même du terme Buckfast, dans ses conclusions, pour désigner la souche d'abeilles, et non sa marque, que les termes Buckfast et Buck étaient, de son fait, devenus des termes usuels pour désigner ce type d'abeilles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS QUE 3°), encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ; que la cour d'appel constate qu'à seulement six occasions, entre 1997 et 2013, Monsieur Y... a effectué des actes ponctuels propres à défendre la marque dont il était titulaire, pour empêcher qu'elle soit utilisée par d'autres apiculteurs (arrêt pp. 8 et 9) ; qu'elle constate, en revanche, que les abeilles litigieuses étaient dénommées usuellement Buckfast dans la littérature apicole (extraits du livre intitulé « L'abeille Buckfast en question », paru en 1987 et réédité par la suite, et extrait de l'article d'octobre 2005 intitulé « Analyse de la biodiversité de l'abeille en FRANCE), sur les sites consacrés à l'apiculture, dans de nombreux pays d'EUROPE, et que le président de l'association ANERCEA attestait, en 2008, après consultation du bureau de cette association, et malgré un avertissement de Monsieur Y... en 2002, que le mot « Buckfast » était employé communément dans le milieu apicole pour désigner une race d'abeille, au même titre que la Caucasienne, l'Arnica ou l'Italienne (arrêt pp. 7 et 8) ; qu'en se bornant, pour affirmer que la désignation de l'abeille litigieuse par le terme Buckfast n'était pas le fait de Monsieur Y..., à retenir que celui-ci était intervenu à six occasions, isolées et limitées, pour s'opposer à l'utilisation de sa marque pour définir la race des abeilles litigieuses, sans constater aucune action de sa part face à l'emploi généralisé et répété du terme Buckfast, qu'elle constatait, pour désigner ces abeilles litigieuses dans la littérature et le monde apicoles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que Monsieur X... avait commis des actes de contrefaçon de la marque Buckfast, D'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à Monsieur Y..., aux droits duquel se trouve aujourd'hui la S. A. S. BUCKFAST FRANCE, la somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts, D'AVOIR ordonné la confiscation des produits portant les termes Buckfast ou Buck mis dans le commerce par Monsieur X..., et identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque Buckfast, D'AVOIR ordonné, aux frais de Monsieur X..., la publication du dispositif du jugement dans les revues « L'abeille de France et l'apiculteur » et « Abeilles et Fleurs », et D'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « 1) Le moyen tiré de la déchéance de la marque. L'article 1. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose en son premier alinéa qu'encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. S'agissant de la règle de preuve applicable, le même texte précise en son avant-dernier alinéa que la preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée, et qu'elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance de la marque litigieuse " buckfast " déposée pour les produits et services relatifs à l'élevage des abeilles ainsi qu'au miel, pollen et autres produits de la niche a été soulevée pour la première fois le 25 janvier 2012. Il convient donc de rechercher si durant les cinq années qui ont précédé cette date, M. Y... a fait un usage sérieux de cette marque. Pour illustrer cet usage, il est versé aux débats, pour l'ensemble de cette période de nombreuses factures établies par M. Y... au nom de divers clients dans toute la France qui lui achetaient, sous la marque " Buckfast ", soit des essaims dont le nombre variait entre un et cent, soit des reines fécondées dont le nombre variait entre un et cent cinquante. Ces factures sont au nombre de cinquante-deux pour l'année 2007, cinquante-trois pour l'année 2008, cinquante-quatre pour l'année 2009, cinquante-cinq pour l'année 2010, cinquante-six pour l'année 2011, et cinquante-sept pour l'année 2012. Parmi ces factures, plusieurs sont aussi relatives à la vente de ruches peuplées, de miel et de propolis, substance recueillie par les abeilles à partir de certains végétaux, et utilisée par elles comme mortier et anti-infectieux pour assainir la ruche. Il est aussi produit des extraits de revues spécialisées, destinées aux apiculteurs, qui établissent qu'en 2008 et 2012, M. Y... a fait paraître des annonces ainsi libellées : « D. Y..., éleveur sélectionneur de l'abeille Buckfast, vend à partir de juin ESSAIMS sur cadres Dadant avec jeunes reines 2008 » ; « Dominique Y... éleveur sélectionneur de l'abeille Buckfast vend ruches peuplées Dadant 12 C. Fabrication soignée ». D'autres extraits démontrent qu'au cours de l'année 2013, il a continué à diffuser des annonces de même nature. A l'encontre de ces pièces, M. X... produit six attestations selon lesquelles leurs auteurs avaient acquis pendant plusieurs années des reines " Buckfast " auprès de M. Y..., puis, à partir de 1999, chez d'autres éleveurs, parce qu'il leur avait déclaré son intention d'arrêter l'élevage de reines. M. X... fournit également le numéro du mois de janvier'2000 de la revue " L'abeille de France et l'apiculteur " dans lequel est insérée l'annonce suivante : Vends marque déposée Buckfast avec clientèle pour commerce de reines ». Y... D. Tél. 05 49 93 02 44 ». Toutefois, en 2005, M. Denis A..., M. Daniel B..., M. Richard C...et M. Jean-Claude D...ont attesté que depuis plusieurs années, les deux premiers depuis les années 1988 et 1989, le dernier depuis environ vingt ans, ils achetaient régulièrement des essaims et des reines d'abeilles''Buckfast''auprès de M. Y.... Il résulte de ces éléments que si, à un moment donné, ce dernier a envisagé la perspective de ne plus exploiter la marque " Buckfast ", et même de la céder, il n'a pas persisté dans cette intention, et qu'il a fait au contraire, auprès de nombreux clients en France un usage régulier de la marque déposée " Buckfast ", c'est-à-dire un usage sérieux au sens de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle. Le moyen tiré de la déchéance de la marque " Buckfast " doit donc être rejeté. 2) Le moyen tiré de la dégénérescence de la marque. L'article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle dispose : « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait : a) La désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ». L'article 12 paragraphe 2 de la directive européenne n° 89/ 104 précise qu'encourt la déchéance la marque devenue usuelle par le fait de l'activité ou de l'inactivité de son titulaire. La partie appelante verse aux débats des extraits du livre intitulé " L'abeille Buckfast en question ", paru pour la première fois en 1987, puis réédité par la suite, dont il ressort que l'abeille ainsi dénommée n'existe pas naturellement, mais est le fruit d'un croisement de races et d'un travail de sélection qui lui confèrent certaines qualités, notamment celle principalement recherchée initialement par le frère ADAM, à savoir la résistance à la maladie qu'est l'acariose, mais aussi d'autres qualités telles que l'absence d'agressivité. Il résulte aussi des extraits de ce livre que le frère ADAM n'ayant jamais pu élever dans les conditions climatiques de sa région les reines qui lui étaient commandées, il a demandé à quelques éleveurs, dans plusieurs pays, d'assurer la multiplication à partir des géniteurs fournis par lui, et de livrer les reines produites à des distributeurs dans les différents pays ; qu'ainsi, en FRANCE, il a placé sa confiance en M. Z..., puis en M. Y..., et leur a réservé la vente exclusive de reines " Buckfast " issues d'une fécondation pure ; que toutefois, dans de nombreux autres pays en EUROPE, s'est développée toute une gamme d'éleveurs de l'abeille " Buckfast ", et que cette tendance va en s'accentuant au point que M. Olivier E..., président de l'association des éleveurs de reines et des centres d'élevages apicoles (A. N. E. R. C. E. A.) a attesté, le 4 février 2008, après consultation du bureau de cette association, que le mot " Buckfast " est employé communément dans le milieu apicole pour désigner une race d'abeilles, au même titre que la Caucasienne, l'Arnica ou l'Italienne. Cette attestation est confirmée par des échanges recueillis au cours des années 2012 et 2013 sur des sites consacrés à l'apiculture, et dont les termes permettent de constater que les termes " Buckfast " et " Buck " sont employés de manière usuelle et courante par les amateurs qui s'intéressent à l'apiculture pour désigner un type d'abeilles qui présentent des qualités propres. Dans l'extrait de l'article du mois d'octobre 2005, intitulé " Analyse de la biodiversité de l'abeille en FRANCE ", il est indiqué que des abeilles de la souche synthétique Buckfast sont également présentes en grand nombre en SUISSE et au LUXEMBOURG, et que cette souche résulte de croisements entre plusieurs races avec une forte prédominance de races appartenant à la lignée C (centre et nord de l'EUROPE). Par ailleurs, des extraits d'annonces parues dans des revues spécialisées durant les années 2003 et 2004 révèlent que des apiculteurs exerçant au DANEMARK ou au LUXEMBOURG vendaient des ruches peuplées Buckfast ou des reines Buckfast. Pour démontrer que ce phénomène n'est pas de son fait, M. Y... produit des pièces tendant à établir qu'il a toujours défendu sa marque et réagi face à cette vulgarisation des termes qui en constituent le support, ou qui l'évoquent clairement. C'est ainsi qu'il a écrit, le 24 février 2005, à M. Régis G..., apiculteur à AUBIERE (63170) pour lui rappeler qu'il était propriétaire de la marque " Buckfast ", et lui demander de cesser de l'utiliser, et que l'intéressé a répondu, le 3 mars 2005, pour lui indiquer qu'il s'engageait à ne plus vendre de reines sous les appellations " Buckfast " ou " Buck " ; qu'il avait précédemment écrit dans le même sens, le 18 février 2005, à M. H..., apiculteur à BOLLENE (84500) ; que plus anciennement, le 21 mars 2002, il avait écrit à l'A. N. E. R. C. A. pour rappeler à cette association que le terme " Buckfast " était une marque déposée pour la FRANCE dont il était l'unique propriétaire de sorte qu'il était interdit à toutes autres personnes, françaises ou étrangères, de s'en servir à des fins commerciales ou publicitaires ; que plus anciennement encore, dans la revue française d'apiculture du mois de mars 1997, il avait publié un encart intitulé " Marque déposée " qui rappelait l'interdiction d'utiliser le mot « Buckfast » à des fins commerciales, petites annonces, publicités... M. Y... produit encore :- un projet de " convention de renonciation à poursuites juridiques " du 30 juillet 2013 aux termes de laquelle la société API DISTRIBUTION ayant son siège à BORDEAUX, prévenue qu'elle ne pouvait utiliser le tenue " Buckfast " sans porter atteinte à la propriété intellectuelle de M. Y..., s'engageait à transmettre un erratum aux personnes qui avaient reçu son catalogue à leur domicile,- cet erratum lui-même dans lequel la société API DISTRIBUTION indiquait : " Nous souhaitons faire une précision suite à la parution de notre catalogue 2013-2014. Sur la page 51, concernant la commande d'essaims, il est important de préciser que le terme « Buckfast » est une marque déposée auprès de l'I. N. P. I. par M. Dominique Y..., éleveur de reines à CHÂTELLERAULT (86100) ". Il résulte de ces éléments que si les termes " Buckfast " et " Buck " sont devenus au fur et à mesure du temps des termes usuels pour désigner un type d'abeilles issu d'un travail de sélection et de croisement entres des individus appartenant à des races d'abeilles, ce phénomène ne peut être considéré comme le fait de M. Y..., titulaire de la marque déposée " Buckfast " dans la mesure où il a régulièrement effectué des actes propres à la défendre et à empêcher qu'elle soit utilisée par d'autres apiculteurs. Le moyen tiré de la dégénérescence de la marque sera aussi rejeté. 3) Le bien-fondé de la demande en contrefaçon. L'article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés. L'article L. 713-2 du même code énonce que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : formule, façon, système, imitation, genre, méthode, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement. En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que M. X... a publié dans les revues spécialisées " Abeilles et Fleurs " d'une part, " L'abeille de France et l'apiculteur " d'autre part, des mois de juillet et août 2003, des annonces en vue de la vente de ruches peuplées " Buckfast ", ainsi que d'essaims et de reines sélectionnées issus des élevages " Buck " de Paul F...(LUXEMBOURG). L'utilisation de la marque déposée " Buckfast'sans l'autorisation de son titulaire, et de l'appellation proche " Buck " pour désigner et proposer à la vente des produits identiques à ceux énumérés dans l'enregistrement de marque déposée par M. Z..., et cédée par celui-ci à M. Y..., puis à la société BUCKFAST est constitutive d'actes de contrefaçon. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que M. X... avait commis de tels actes et en a tiré les conséquences en lui interdisant de faire usage des termes " Buckfast " ou " Buck " pour commercialiser des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque " Buckfast ", en ordonnant la confiscation des produits portant les termes " Buckfast " ou " Buck " mis dans le commerce par M. X... et identiques ou similaires à ceux désignés dans ce même enregistrement, et en ordonnant aux frais de M. X... la publication de son dispositif dans les revues spécialisées " L'abeille de France et l'apiculture " et " Abeilles et Fleurs ". Eu égard à l'importance et au nombre des actes de contrefaçon commis par M. X..., le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a condamné M. X... à payer à M. Y..., aux droits duquel se trouve aujourd'hui la S. A. S. BUCKFAST FRANCE, la somme de 5. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice. 4) La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'indemnité de procédure et les dépens. M. Y... obtenant la satisfaction de ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. X... à lui payer la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et une somme de 5. 000 € sera allouée sur le même fondement à la S. A. S. BUCKFAST venant aux droits de M. Y..., en cause d'appel » (arrêt pp. 5 à 10) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la demande tendant à voir constater la commission par M. X... d'actes de contrefaçon de la marque Buckfast, il résulte des pièces versées aux débats que le 8 avril 1981, l'Institut National de la Propriété Intellectuelle (I. N. P. I.) a enregistré, au nom de M. Raymond Z..., le dépôt de la marque Buckfast correspondant aux produits ou services désignés suivants : Elevage de reines, d'abeilles et plus généralement d'animaux. Reines, abeilles et plus généralement des animaux vivants. Ruches, appareils pour l'élevage des abeilles. Miel, pollen, gelée royale, propolis. Cire d'abeille. Livres apicoles et plus généralement livres, imprimés, journaux et périodiques. et aux classes de " produits ou services 4, 16, 20, 30, 31 et 42. Selon l'I. N. P. I., ce dépôt a été renouvelé le 5 avril 1991. Le 11 mai 1995, l'I. N. P. I. a enregistré la transmission totale de la propriété de la marque Buckfast au bénéfice de M. Y... qui l'a acquise directement de M. Z.... Il est constant qu'un nouveau renouvellement du dépôt de la marque est régulièrement intervenu en 2001 à l'initiative de M. Y... de sorte que ce dernier justifie bien de l'enregistrement de la marque à son nom à la date des actes incriminés. Or, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle, l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services désignés, droit qui lui permet de s'opposer à toute exploitation de sa marque à laquelle il n'aurait pas consenti. En l'occurrence, M. X... conteste ce droit à M. Y... en soutenant que le terme Buckfast est le nom d'une race d'abeilles. Il en déduit qu'une race ne peut être constitutive d'une marque au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle qui énonce les signes ou dénominations dépourvus de caractère distinctif et que la protection d'me race contrevient également à l'article L. 611-17 du même code selon lequel les races animales ne sont pas brevetables. Outre que l'article L. 611-7 susvisé est inapplicable en l'espèce dès lors que le débat porte sur une marque et non sur un brevet, il sera fait observer que l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4. Il apparaît ainsi que le défaut de conformité d'une marque aux articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ne peut être invoqué qu'au soutien d'me demande tendant à voir déclarer nul l'enregistrement d'une marque, la déclaration de nullité pouvant être sollicitée par voie d'action ou d'exception, et qu'en l'absence d'une telle demande ou d'une nullité déclarée par un précédent jugement, la validité d'une marque ne saurait être contestée et résulte de son seul enregistrement. En l'espèce, force est de constater que ni dans le dispositif de ses conclusions, ni même dans le corps de celles-ci, M. X... ne demande au tribunal de déclarer nul l'enregistrement de la marque Buckfast, Il s'ensuit que ledit enregistrement est valable et qu'il n'y a pas lieu, par conséquent, d'examiner la question soulevée par M. X... tenant au caractère distinctif ou non du terme Buckfast. Il résulte des pièces versées aux débats que la revue Abeilles et Fleurs de juillet-août 2003 a publié les annonces suivantes :- vends extracteur Fritz Universal AF 20, bac décanteur, bac à désoperculer, ruches Voirnot peuplées Buckfast Luxembourg ;- vends essaims, reines sélectionnées, issus des élevages Buck de Paul F...(LUXEMBOURG) ; et que la revue Abeille de France et l'apiculteur de juillet-août 2003 a publié la seconde de ces annonces. M. X..., qui est apiculteur, ne conteste pas être l'auteur de ces annonces. L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle prohibe la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement. Quant à l'article L. 713-3 du même code, il interdit l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement, dès lors qu'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public. Or, en l'espèce, la première des annonces contient la reproduction à l'identique de la marque Buckfast pour des abeilles, l'abeille étant un produit désigné dans l'enregistrement de ladite marque. Quant à l'usage du terme Buck, il génère, en raison de sa ressemblance avec le tenue Buckfast, un risque de confusion dans l'esprit du public avec la marque litigieuse, étant observé que son usage concerne des élevages d'abeilles, produit précisément visé dans l'enregistrement de la marque Buckfast. Ainsi, il convient de dire et juger que M. X... a commis des actes de contrefaçon de cette marque, engageant sa responsabilité civile à l'égard du titulaire de la marque, à savoir M. Y.... Sur la demande de dommages et intérêts. Il n'est pas contestable que l'usage de la marque Buckfast par un autre apiculteur dans des revues spécialisées, destinées aux membres de cette profession, a causé à M. Y... un préjudice moral résultant de l'inquiétude suscitée chez lui quant à l'étendue de la protection dont il bénéficiait à l'égard de cette marque et l'a nécessairement troublé dans ses activités commerciales. Il sera toutefois observé, s'agissant du trouble commercial dont il se plaint, que M. Y... ne prouve, ni même n'invoque de faits précis, telle qu'une perte de clientèle, pour justifier du quantum de sa demande de telle sorte que seule une réparation de principe lui sera accordée de ce chef. Ainsi, M. X... sera globalement condamné à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation tant de son préjudice moral que de son trouble commercial. Sur la demande visant à voir condamner M. X... à mettre fin à l'utilisation des termes Buckfast ou Buck. Il sera fait interdiction à M. X... de faire usage des termes Buckfast ou Buck pour les produits ou services désignés dans l'enregistrement de la marque Buckfast. [...] Sur la demande de confiscation des objets portant les termes Buckfast ou Buck. Cette demande sera accueillie, sous réserve qu'il s'agisse de produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque Buckfast et mis dans le commerce par M. X.... Sur la demande de publication d'un extrait de la décision dans les revues " L'abeille de France et l'apiculteur " ainsi qu'" Abeilles et fleurs " aux frais de M, X.... Il sera également fait droit à cette demande, l'extrait en question étant le dispositif de la présente décision » (jugement pp. 2 à 5) ;
ALORS QUE 1°), l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation d'une dénomination qui, à l'époque de la prétendue contrefaçon, constitue, dans le langage courant ou professionnel, la désignation nécessaire ou usuelle d'un produit ou d'un service ; que la cour d'appel constate que, dans « un livre intitulé « L'abeille Buckfast en question », paru pour la première fois en 1987, puis réédité par la suite, l'abeille ainsi dénommée n'existe pas naturellement, mais est le fruit d'un croisement de races et d'un travail de sélection qui lui confèrent certaines qualités » (arrêt p. 7) ; qu'elle constate encore que « des extraits d'annonces parues dans des revues spécialisées durant les années 2003 et 2004 révèlent que des apiculteurs exerçant au DANEMARK ou au LUXEMBOURG vendaient des ruches peuplées Buckfast ou des reines Buckfast » (arrêt p. 8) ; que « les termes " Buckfast " et " Buck " sont devenus au fur et à mesure du temps des termes usuels pour désigner un type d'abeilles issu d'un travail de sélection et de croisement entres des individus appartenant à des races d'abeilles » (arrêt p. 9) ; qu'en jugeant néanmoins que Monsieur X... aurait commis une contrefaçon de la marque « Buckfast » en ayant employé les termes « Buck » ou « Buckfast », pour désigner et proposer à la vente des produits identiques à ceux énumérés dans l'enregistrement de marque déposée par Monsieur Z..., et cédée par celui-ci à Monsieur Y..., quand il ressortait de ses propres constatations qu'en 2003, date à laquelle Monsieur X... avait publié les annonces litigieuses dans les revues spécialisées « Abeilles et fleurs » et « L'abeille de FRANCE et l'apiculteur », les termes Buckfast et Buck étaient devenus, dans le langage courant ou professionnel, nécessaires ou usuels pour désigner un certain type d'abeille, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS QUE 2°), subsidiairement, l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation d'une dénomination qui, à l'époque de la prétendue contrefaçon, constitue, dans le langage courant ou professionnel, la désignation nécessaire ou usuelle d'un produit ou d'un service ; qu'en jugeant que Monsieur X... aurait commis une contrefaçon de la marque « Buckfast » en ayant employé les termes « Buck » ou « Buckfast », pour désigner et proposer à la vente des produits identiques à ceux énumérés dans l'enregistrement de marque déposée par Monsieur Z..., et cédée par celui-ci à Monsieur Y..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par Monsieur X... (conclusions, pp. 4 à 7), si, à l'époque des faits reprochés, ces termes étaient, dans le langage courant ou professionnel, la désignation nécessaire ou usuelle d'un certain type d'abeille, et si Monsieur X... avait employé ces termes dans leur signification habituelle et courante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle.
site réalisé avec Baumann Avocats Contrats informatiques |
Cette décision est visée dans la définition :
Marque de fabrique
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.