par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 8 octobre 2014, 13-13673
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Cour de cassation, chambre sociale
8 octobre 2014, 13-13.673
Cette décision est visée dans la définition :
Droit du Travail
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1331-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 3 mai 1988 par la Société nouvelle des transports de l'agglomération niçoise en qualité de conducteur receveur pour travailler à compter de janvier 2009 sur la ligne régulière comme agent à disposition avec des horaires fixes, a été interrogé le 1er octobre 2009 au cours d'un entretien avec un responsable d'exploitation sur le fait d'avoir procédé au débridage de l'autobus qu'il conduisait afin de pouvoir dépasser la vitesse de 50 km/h ; que le 2 octobre 2009, il a été affecté à un poste de conducteur « volant », non affecté à une ligne en particulier et sans horaires fixes ; que le 6 octobre 2009, il a été convoqué à un entretien préalable pour le 14 octobre 2009, le conseil de discipline étant saisi ; que le 8 décembre 2009, une sanction disciplinaire consistant à l'affecter désormais au poste d'ouvrier 02 avec changement de classification, de salaire et de lieu de travail lui a été notifiée, le salarié étant placé à compter du 9 décembre 2009 en service réservé ; qu'à la suite de son refus de cette sanction, il a été licencié pour faute grave par lettre du 25 janvier 2010 ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le retrait du salarié de son affectation à un poste d'agent à disposition, sur une ligne avec des horaires fixes répartis uniquement en semaine, affectation qui lui avait été attribuée en fonction de son ancienneté dans l'entreprise, et son affectation sur un poste de conducteur « volant », avec des horaires variables répartis tant sur la semaine que sur la fin de semaine, décidés en raison d'un comportement considéré par l'employeur comme fautif, plusieurs jours avant l'engagement d'une procédure disciplinaire et en l'absence de toute signification du caractère provisoire de la nouvelle affectation et d'un motif de sécurité des passagers et des usagers de la route constituent une sanction disciplinaire, de sorte que la société avait épuisé son pouvoir disciplinaire par sa décision d'affectation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ne constitue pas une sanction disciplinaire le changement d'affectation provisoire d'un salarié décidé dans l'attente de l'engagement d'une procédure disciplinaire dès lors qu'il a pour seul objet d'assurer la sécurité des usagers, du personnel d'exploitation et des tiers et qu'il n'emporte pas modification durable du contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes du salarié présentées au titre des heures supplémentaires, du travail dissimulé et du rappel de salaire au titre du solde de tout compte, l'arrêt rendu le 10 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Société nouvelle des transports de l'agglomération niçoise
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la Société ST2N à payer au salarié les sommes de 6.218 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 621,80 € de congés payés sur préavis, de 18.492 € à titre d'indemnité légale de licenciement, de 100.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de contrat de travail, d'AVOIR ordonné le remboursement par la Société ST2N au Pôle emploi PACA des indemnités de chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et d'AVOIR condamné la Société ST2N au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 de code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la Société ST2N ne peut prétendre que le changement d'affectation du salarié le 2 octobre 2009 était une simple mesure provisoire destinée à assurer la sécurité des passagers et des usagers de la route compte tenu qu'elle a décidé par la suite, pour le même motif de sécurité, dans le cadre de sa proposition de rétrogradation disciplinaire en date du 8 décembre 2009, de retirer au salarié ses fonctions de conducteur en considérant qu'il n'était plus en mesure d'assumer ses responsabilités « en particulier, assurer, en toute sécurité, la conduite des bus » et qu'elle a également décidé le 9 décembre 2009 de le placer en service réservés, c'est-àdire de le dispenser de travail dans l'attente de sa réponse à la proposition du 8 décembre et ce, afin d'éviter, toujours selon l'employeur, que le salarié réitère son comportement dangereux ; Qu'il ne résulte pas des pièces versées par les parties que l'employeur ait invoqué que sa décision de changement d'affectation du salarié à partir du 2 octobre 2009 répondait à un objectif de sécurité des passagers et des usagers de la route avant l'entretien préalable du 14 octobre 2009 ; Attendu que le changement d'affectation du salarié sur un poste de conducteur « volant » le 2 octobre 2009 a été décidé à la suite d'un entretien informel qui s'est tenu le 1er octobre 2009 entre Monsieur Charly Y..., responsable d'exploitation, et Monsieur Georges X... ; Que, selon la version de l'appelant, cinq agents de maîtrise participaient également à cet entretien du 1er octobre 2009 alors que le salarié n'était pas assisté, l'employeur ayant reconnu dans son compte rendu d'entretien préalable du 14 octobre 2009 la « présence d'agents de maîtrise... (lors de) l'entretien informel du 1er octobre... » ; Attendu que la décision d'affectation du salarié sur un poste volant n'a été suivie d'une convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement qu'à la date du 6 octobre 2009 ainsi que d'une convocation à un entretien avec le chef de service chargé de l'instruction du dossier disciplinaire qu'à la date du 19 octobre 2009 ; Que la décision d'affectation du salarié sur un poste de conducteur « volant » à partir du 2 octobre 2009 et le caractère provisoire de cette mesure n'ont pas été signifiés au salarié dans les courriers des 6 et 19 octobre 2009 ; Attendu que, si les horaires de travail de Monsieur Georges X... n'étaient pas contractualisés, il n'en reste pas moins que son affectation sur un poste d'agent à disposition avec des horaires fixes avait été décidée pour l'année 2009 selon des critères objectifs s'appliquant à l'ensemble des conducteurs (état de santé puis ancienneté) ; Que cette affectation du salarié était décidée pour toute l'année 2009 et que toute modification qui aurait pu intervenir pour l'année 2010 n'aurait pu être décidée qu'en application des mêmes critères objectifs de santé et d'ancienneté ; Attendu que l'affectation de Monsieur Georges X... sur un poste d'agent « volant » signifiait que le salarié n'était plus affecté sur une ligne fixe et qu'il travaillait selon des horaires variables connus au jour le jour ; Que, si l'employeur affirme que le salarié a travaillé selon des horaires aussi proches que possible des précédents, il ressort cependant des « fiches individuelles agent » annexées aux bulletins de paie d'octobre, de novembre et de décembre 2009 que Monsieur Georges X..., qui travaillait de janvier à septembre 2009 du lundi au vendredi, de 5 h 38 à 13 h 22 (en septembre, de 5 h 34 à 13 h 17), a travaillé à partir du 2 octobre 2009 selon des horaires variables, y compris l'après-midi (le 19/10 : 14 h 31 à 21 h 45, le 02/11 : 13 h 57 à 21 h 18, le 19/11 : 12 h 06 à 20 h 30, le 24/11 : 13 h 48 à 20 h 46, le 05/12 : 12 h 29 à 22 h) et y compris le week-end (les 3-4/10, le 10/10, les 14-15/11, le 21/11, les 28-29/11, le 05/12) ; Attendu que le retrait de Monsieur Georges X... de son affectation à un poste d'agent à disposition, sur la ligne nÂș 9/10 avec des horaires fixes répartis uniquement en semaine, affectation qui lui avait été attribuée en fonction de son ancienneté dans l'entreprise, et son affectation sur un poste de conducteur « volant », avec des horaires variables répartis tant sur la semaine que sur la fin de semaine, décidés en raison d'un comportement considéré par l'employeur comme fautif, plusieurs jours avant l'engagement d'une procédure disciplinaire et en l'absence de toute signification du caractère provisoire de la nouvelle affectation et d'un motif de sécurité des passagers et des usagers de la route constituent une sanction disciplinaire ; Attendu, en conséquence, que la Société ST2N avait épuisé son pouvoir disciplinaire par ce changement d'affectation du salarié ; Qu'il s'ensuit que le licenciement du salarié prononcé pour les mêmes faits fautifs est dénué de cause réelle et sérieuse » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'employeur, tenu d'une obligation de résultat en matière de protection de la santé physique et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'en sa qualité d'entreprise de transport public de voyageurs, l'employeur est également tenu à une obligation de sécurité à l'égard des usagers et des tiers ; que ces différentes obligations permettent à l'employeur de prendre des mesures conservatoires, préalablement à tout déclenchement de la procédure disciplinaire, à l'égard d'un salarié qui a délibérément adopté un comportement dangereux faisant courir un risque à lui-même et aux usagers ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que Monsieur X... avait volontairement débridé le moteur du véhicule de transport de voyageurs qui lui était confié, avec une clé spéciale, dans le but de pouvoir dépasser les limitations de vitesses, et qu'après avoir constaté ces faits, la société ST2N l'avait affecté sur un autre type de véhicule l'empêchant de réitérer ce comportement, une procédure disciplinaire ayant été engagée une semaine plus tard à l'issue de laquelle il a été proposé au salarié une modification de son contrat de travail consistant à l'affecter à un poste ne nécessitant pas d'opérations de conduite ; qu'en considérant que la mesure conservatoire consistant à affecter Monsieur X... au poste de conducteur « volant » sur un autre type de véhicule qui ne pouvait être débridé s'analysait en une sanction disciplinaire, qui épuisait le pouvoir de sanction de l'employeur, et non en une simple mesure conservatoire décidée en urgence pour mettre fin au comportement dangereux de Monsieur X... et préserver la sécurité des usagers et des tiers, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1331-1 et L. 4121-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant que le changement d'affectation du 2 octobre 2009 constituait une mesure disciplinaire sans constater que la Société ST2N ait à cette occasion fait part au salarié de quelconques réprimandes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L 1331-1 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le changement des conditions de travail décidé par l'employeur, notamment pour raison de sécurité, n'est soumis à aucun formalisme légal ; que dès lors en se fondant, pour déduire le caractère disciplinaire du changement d'affectation du salarié au poste de « conducteur volant », sur les circonstances selon lesquelles ce changement a été décidé à la suite d'un entretien informel durant lequel le salarié n'était pas représenté, que l'objectif de sécurité poursuivi par l'employeur n'a pas été notifié immédiatement au salarié, que la procédure disciplinaire n'a été engagée que quatre jours plus tard, ou encore que le changement d'affectation ainsi que son caractère provisoire n'ont été notifiés par écrit au salarié que dans les courriers des 6 et 19 octobre 2009 (arrêt p. 6 § 4 à 6), cependant que ces circonstances ne conféraient en rien un caractère disciplinaire à cette mesure, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L 1331-1 du code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la Société ST2N disposait, eu égard à son pouvoir de direction, de la liberté de changer les conditions de travail du salarié et de le réaffecter au poste de chauffeur « volant » sans avoir à obtenir son consentement préalable ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les horaires de Monsieur X... n'étaient pas «contractualisés» (arrêt p. 6 § 1) ; qu'en se fondant néanmoins, pour déduire le caractère disciplinaire du changement d'affectation du salarié, sur les motifs inopérants selon lesquels, d'une part, ce changement d'affectation avait entrainé une modification de ses horaires de travail et, d'autre part, l'ancienne affectation du salarié avait été décidée au début de l'année 2009 sur la base de critères objectifs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L 1331-1 du code du travail ;
ALORS, DE CINQUIEME PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'en admettant même que le changement de ligne de bus ait entrainé une modification unilatérale du contrat de travail de Monsieur X... et non un simple changement de ses conditions de travail, cette seule circonstance n'était pas de nature à requalifier cette décision en mesure disciplinaire ; qu'en se fondant sur un tel motif pour déduire le caractère disciplinaire du changement d'affectation, la cour d'appel n'a en toute hypothèse pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L 1331-1 du code du travail ;
ALORS, DE SIXIEME PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'en retenant qu'il n'avait été fait part au salarié de l'objectif de sécurité poursuivi par son affectation au poste de chauffeur «volant » qu'au cours de l'entretien préalable du 14 octobre 2009, sans analyser ni s'expliquer sur les termes du compte-rendu de cet entretien versé aux débats (pièce d'appel n° 7) duquel il ressortait au contraire qu'au cours de l'entretien informel du 1er octobre 2009 « il a été averti qu'il serait en conséquence convoqué en entretien officiel et, dans l'attente, affecté à une autre ligne que le 9/10, où il n'aurait plus la possibilité de débrider les autobus », ce dont il s'évinçait qu'il avait été informé dés le 1er octobre 2009 de l'objectif de sécurité poursuivi par son changement d'affectation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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Cette décision est visée dans la définition :
Droit du Travail
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.