par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 9 juillet 2014, 13-13598
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
9 juillet 2014, 13-13.598
Cette décision est visée dans la définition :
Avocat
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses diverses branches :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2013), que M. X..., après avoir rejoint la société anglaise d'avocats Le Partnership Thomas Y... en qualité d'associé à Paris, a, à la suite de dissensions sur sa rémunération, saisi le bâtonnier de Paris d'une demande d'arbitrage contre M. Z... qui lui avait succédé au sein du Cabinet à Paris et le Cabinet Thomas Y... alors que ce dernier avait engagé une procédure d'arbitrage à Londres en application de la clause compromissoire des statuts du Cabinet ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer la sentence du 12 avril 2011 par laquelle M. A..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le bâtonnier du barreau de Paris, s'est déclaré incompétent et l'a renvoyé à mieux se pourvoir, alors, selon le moyen :
1°/ que la clause compromissoire qui n'offre pas les garanties d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre est contraire à l'ordre public international ; que la validité d'une clause s'apprécie au moment de la formation du contrat ; qu'en jugeant que la clause compromissoire stipulée à l'article 16 du Partnership Agreement n'était pas contraire à l'ordre public international au motif inopérant que la partialité de l'expert désigné en exécution de cette clause, M. B..., n'était pas démontrée cependant qu'elle constatait elle-même que la clause compromissoire litigieuse permettait à Thomas Y... de désigner l'un de ses propres associés comme arbitre au mépris des principes d'impartialité et d'indépendance de l'arbitre, ce dont il résultait que cette clause était entachée d'une nullité manifeste, peu important les conditions dans lesquelles elle avait été exécutée, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil, les principes généraux du droit international privé, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le principe de l'égalité des parties dans la désignation des arbitres est d'ordre public international ; que la validité d'une clause s'apprécie au moment de la formation du contrat ; qu'en jugeant que la clause compromissoire stipulée à l'article 16 du Partnership Agreement n'était pas contraire à l'ordre public international au motif inopérant que la partialité de l'expert désigné en exécution de cette clause, M. B..., n'était pas démontrée cependant qu'elle constatait elle-même que la clause compromissoire stipulait que l'arbitre serait désigné, en cas de désaccord, par les seuls comptables de l'une des parties au mépris du principe d'égalité dans la désignation des arbitres, ce dont il résultait que cette clause était entachée d'une nullité manifeste, peu important les conditions dans lesquelles elle avait été exécutée, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil, ensemble les principes généraux du droit international privé ;
3°/ qu'est dépourvue d'autorité de chose jugée la sentence arbitrale rendue en violation de l'ordre public international ; qu'en jugeant que le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris n'était pas compétent aux motifs que M. X... « n'a vait exercé aucune des voies de recours à l'encontre des sentences statuant spécifiquement sur la compétence de M. B... » quand cette sentence avait été rendue en application d'une clause compromissoire contraire à l'ordre public international, la cour d'appel a violé les articles 1476 et 1498 du code de procédure civile, dans leur version applicable aux faits de la cause, l'article 3 du code civil, ensemble les principes généraux du droit international privé ;
4°/ que tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est soumis au bâtonnier ; que l'avocat européen qui exerce de manière permanente au sein d'un barreau sous son titre professionnel d'origine est soumis aux règles déontologiques de ce barreau ; qu'en jugeant que « rien ne permet tait de retenir en l'espèce la compétence légale du bâtonnier de Paris » aux motifs que Thomas Y... n'avait pas procédé à son inscription au barreau de Paris, quand le seul exercice effectif de l'activité d'avocat à Paris, par Thomas Y..., soumettait ce cabinet aux règles de ce barreau et ainsi à l'arbitrage de son bâtonnier, indépendamment de son inscription à ce barreau, la cour d'appel a violé les article 21 et 83 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article 179-1 du décret du 27 novembre 1991 ;
5°/ qu'en toute hypothèse, la fraude corrompt tout ; qu'en jugeant que « rien ne permet tait de retenir en l'espèce la compétence légale du bâtonnier de Paris » aux motifs que Thomas Y... n'avait pas procédé à son inscription à un barreau français sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si ce cabinet n'avait pas tardé à procéder à son inscription à l'ordre des avocats du barreau de Paris quand il exerçait pourtant l'activité d'avocat de manière permanente près la cour d'appel de Paris, afin d'échapper à la compétence de son bâtonnier qui avait précisément attiré son attention sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article 179-1 du décret du 27 novembre 1991 ;
Mais attendu que les prétendues irrégularités affectant les modalités de désignation de l'arbitre sont sans incidence sur la validité de la clause compromissoire elle-même ; que s'agissant d'un litige entre avocats, une telle clause est exclusive de l'application des dispositions de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 attribuant compétence au bâtonnier ; que le moyen est inopérant en ses diverses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR confirmé la sentence du 12 avril 2011 par laquelle Monsieur A..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du barreau de PARIS, s'est déclaré incompétent et a renvoyé Monsieur X... à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS Qu'en premier lieu, étant non contesté par les parties que le différend entre elles est daté du 12 février 2010, c'est pertinemment que le Bâtonnier s'est référé aux règles régissant les relations entre les parties à cette date, ce qui excluait de prendre en compte la situation de Novembre 2010, date à laquelle la succursale du Partnership Thomas Y... a été immatriculée en qualité d'avocat au Barreau de Paris et a modifié la clause relative au règlement des différends au sein du partnership ; que dès lors, la référence de M. X... aux dispositions de l'article P 71 du RlBP aux termes duquel « tout litige entre avocats inscrits au Barreau de Paris à raison de leur relation professionnelle est soumis aux dispositions ci-après » qui traitent de la compétence du Bâtonnier n'est pas pertinente ; que s'agissant de la compétence légale du Bâtonnier prévue par la loi du décembre 1971 modijîée, les textes qui déterminent les modalités de cette procédure d'arbitrage, qui sont fiées par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil National des Barreaux, notamment l'article 6 du décret n° 2009-1544 du 11 décembre 2009 portant rédaction des articles 179-1 à 7 du décret du 27 novembre 1991, confirment que cette compétence est prévue pour le Bâtonnier du Barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits lorsque les parties au dzférend sont soumises au même Barreau ; que notamment le décret ne fixe pas la règle de compétence applicable dans l'hypothèse où l'une des parties à l'arbitrage n'appartiendrait pas à un barreau français ; qu'il s'infere des textes sus-visés que rien ne permet de retenir en l'espèce la compétence légale du Bâtonnier de Paris ; que partant de ce constat, la sentence examine dès lors la clause 16 du Partnership Agreement, auquel a adhéré Monsieur X..., qui dispose : « tout différend, ou question, quel qu'il soit entre les associés ou l'un d'entre eux ou leur représentant personnel, en ce qui concerne le partnership ou les comptes, ou la résiliation ou la dissolution de celui-ci ou l'interprétation de cet accord ou les droits et obligations des associés en vertu de celui-ci, seront soumis à un arbitre unique conformément à l'Arbitration Act de 1996, ou toute modification légale ultérieure de celui-ci et en cas de différend, un arbitre sera choisi par les comptables du cabinet et pourra être l'un des associés senior de ce cabinet » ; que cet article est une clause compromissoire, au sens de l'article 1442 du code de procédure civile et qu'elle lie les parties sauf à ce qu'elle soit contraire à l'ordre public ; que la validité de ladite clause suppose de définir la nature interne ou internationale de l'arbitrage, point qui oppose les parties ; qu'ainsi la sentence relève que le partnership agreement est un contrat de droit anglais, rédigé en langue anglaise et soumis à l'application de la loi anglaise, qu'au surplus la clause compromissoire qui y est insérée fait référence à l'Arbitration Act de 1996, ainsi qu'aux lois subséquentes, c'est-à-dire à des dispositions de l'ordre juridique interne britannique ; qu'elle relève encore que Thomas Y... est, pour le présent arbitrage, domicilié à son siège à Londres et représenté par ses représentant légaux domiciliés à ce siège, M. X... étant, outre avocat inscrit au Barreau de Paris, solicitor à Londres et exerçant le métier d'avocat à Paris au sein du partnership, alors non immatriculé à Paris ; que la sentence au vu de ces éléments d'extranéité, conclut pertinemment à un arbitrage international ; que s'agissant de l'ordre public international français, invoqué par M. X... qui soutient, pour l'essentiel, reprenant à cet égard l'argumentation par lui développée devant le premier juge, que la clause compromissoire y serait contraire en ce qu'elle prévoit les conditions de nomination d'un arbitre qui n'offre pas les garanties d'indépendance requises, c'est encore justement que la sentence écarte dans une motivation non critiquable cette thèse ; que le texte même de l'article 16 et le déroulement factuel de la procédure anglaise mise en oeuvre, ci-dessus rappelée, excluent une atteinte aux principes d'impartialité et d'indépendance de l'arbitre ; qu'en particulier, il est constant que l'expert-comptable du cabinet, régulièrement saisi, a désigné, non pas un associé senior du partnership mais un tiers ; que quand bien même ce dernier, M. B... aurait travaillé sur un projet de sentence, qui lui a été soumis par l'une des parties, le recours à ce procédé strictement matériel ne saurait signijier, à lui seul et à défaut d'autres éléments dont M. X... n'a jamais fait état, ni devant M. B..., ni depuis, un manque d'indépendance ou d'impartialité dudit arbitre ; qu'en particulier, M. X..., non seulement n'a pas participé à la procédure d'arbitrage mise en oeuvre en Angleterre mais encore n'a exercé aucune voie de recours à l'encontre des sentences statuant spécz3quement sur la compétence de M. B... ; que la sentence ne peut qu'être approuvée en ce qu'elle a constaté que ni la clause compromissoire, ni le déroulement de la procédure britannique n'étaient contraires à l'ordre public international français ; qu'elle sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions, et le premier ayant retenu son incompétence, il n'y a pas lieu de statuer sur le surplus des demandes touchant au fond présentées soit par l'appelant soit par les parties intimées ;
l° ALORS QUE la clause compromissoire qui n'offie pas les garanties d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre est contraire à l'ordre public international ; que la validité d'une clause s'apprécie au moment de la formation du contrat ; qu'en jugeant que la clause compromissoire stipulée à l'article 16 du Partnership Agreement n'était pas contraire à l'ordre public international au motif inopérant que la partialité de l'expert désigné en exécution de cette clause, Monsieur
B...
, n'était pas démontrée (arrêt, p. 6, $ 4) cependant qu'elle constatait elle-même que la clause compromissoire litigieuse permettait à THOMAS Y... de désigner l'un de ses propres associés comme arbitre au mépris des principes d'impartialité et d'indépendance de l'arbitre, ce dont il résultait que cette clause était entachée d'une nullité manifeste, peu important les conditions dans lesquelles elle avait été exécutée, la Cour d'appel a violé l'article 3 du Code civil, les principes généraux du droit international privé, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2° ALORS QUE le principe de l'égalité des parties dans la désignation des arbitres est d'ordre public international ; que la validité d'une clause s'apprécie au moment de la formation du contrat ; qu'en jugeant que la clause compromissoire stipulée à l'article 16 du Partnership Agreement n'était pas contraire à l'ordre public international au motif inopérant que la partialité de l'expert désigné en exécution de cette clause, Monsieur B..., n'était pas démontrée (arrêt, p. 6, 94) cependant qu'elle constatait elle-même que la clause compromissoire stipulait que l'arbitre serait désigné, en cas de désaccord, par les seuls comptables de l'une des parties au mépris du principe d'égalité dans la désignation des arbitres, ce dont il résultait que cette clause était entachée d'une nullité manifeste, peu important les conditions dans lesquelles elle avait été exécutée, la Cour d'appel a violé l'article 3 du Code civil, ensemble les principes généraux du droit international privé ;
3° ALORS Qu'est dépourvue d'autorité de chose jugée la sentence arbitrale rendue en violation de l'ordre public international ; qu'en jugeant que le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de PARIS n'était pas compétent aux motifs que Monsieur X... « n'a vait exercé aucune des voies de recours à l'encontre des sentences statuant spécifiquement sur la compétence de M. B... » quand cette sentence avait été rendue en application d'un clause compromissoire contraire à l'ordre public international, la Cour d'appel a violé les articles 1476 et 1498 du Code de procédure civile, dans leur version applicable aux faits de la cause, l'article 3 du Code civil, ensemble les principes généraux du droit international privé ;
4° ALORS QUE tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est soumis au Bâtonnier ; que l'avocat européen qui exerce de manière permanente au sein d'un barreau sous son titre professionnel d'origine est soumis aux règles déontologiques de ce barreau ; qu'en jugeant que « rien ne permet tait de retenir en 1'espèce la compétence légale du Bâtonnier de Paris » (arrêt, p. 5, infine) aux motifs que THOMAS Y... n'avait pas procédé à son inscription au barreau de PARIS, quand le seul exercice effectif de l'activité d'avocat à PARIS, par THOMAS Y..., soumettait ce cabinet aux règles de ce barreau et ainsi à l'arbitrage de son Bâtonnier, indépendamment de son inscription à ce barreau, la Cour d'appel a violé les article 21 et 83 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article 179-1 du décret du 27 novembre 1991 ;
5° ALORS Qu'en toute hypothèse, la fraude corrompt tout ; qu'en jugeant que « rien ne permet tait de retenir en l'espèce la compétence légale du Bâtonnier de Paris » (arrêt, p. 5, in fine) aux motifs que THOMAS Y... n'avait pas procédé à son inscription à un barreau français sans rechercher, comme elle y était expressément invitée (conclusions, p. 8, $ 6 à $ 10) si ce cabinet n'avait pas tardé à procéder à son inscription à l'Ordre des avocats du barreau de PARIS quand il exerçait pourtant l'activité d'avocat de manière permanente près la Cour d'appel de PARIS, afin d'échapper à la compétence de son Bâtonnier qui avait précisément attiré son attention sur ce point, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article 179-1 du décret du 27 novembre 1991.
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Avocat
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.