par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 17 octobre 2012, 11-17999
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
17 octobre 2012, 11-17.999

Cette décision est visée dans la définition :
Bâtonnier




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, que M. X..., avocat, fait grief à arrêt attaqué (Papeete, 17 février 2011) de confirmer la décision rendue par le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Papeete ayant prononcé à son encontre une peine d'interdiction temporaire d'exercer pour une durée de deux ans dont un an avec sursis, alors, selon le moyen, que le conseil de l'ordre ne peut être partie à l'instance disciplinaire d'appel, dès lors qu'il participe à la juridiction disciplinaire du premier degré ; que l'intervention de l'ordre des avocats au barreau de Papeete, qui a présenté des observations devant la juridiction du second degré, en violation des dispositions de l'article 16, alinéa 3, du décret du 27 novembre 1991, ensemble des articles 22 de la loi du 31 décembre 1971, 180, 196 et 197 du décret du 27 novembre 1991 et des exigences d'équité, d'impartialité et du principe d'égalité des armes, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'il ne ressort pas de la décision que le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Papeete ait été partie à l'instance ; que le moyen manque en fait ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de l'enquête effectuée par M. Y... dans l'exercice des fonctions de suppléant du bâtonnier et plus généralement de l'enquête déontologique, alors selon le moyen :

1°/ qu'il ne rentre pas dans les pouvoirs du bâtonnier, en dehors de l'ouverture de toute procédure disciplinaire, de s'introduire au cabinet d'un avocat de son barreau et, sans avis préalable, sans son assentiment exprès et hors sa présence, d'y réaliser des opérations de contrôle et de renseignements s'apparentant à une véritable visite domiciliaire ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. Y..., qui exerçait les fonctions de bâtonnier par intérim, s'est rendu au cabinet de M. Richard X... sans l'avoir joint auparavant et en son absence, qu'il y a effectué divers contrôles sur des documents sociaux, fiscaux et comptables, et recueilli les déclarations de salariés et divers éléments qu'il a consignés dans un rapport au vu duquel le conseil de l'ordre a décidé, le 11 septembre 2008, de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de M. X... ; qu'en refusant cependant de prononcer la nullité de cette mesure d'instruction, excédant la simple mesure d'information au motif inopérant du silence de l'avocat, au cours de laquelle le bâtonnier par intérim a excédé ses pouvoirs, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les droits de la défense ;

2°/ qu'est nulle la procédure disciplinaire dont la mise en oeuvre est fondée sur les constatations faites par un bâtonnier au cours de contrôles réalisés dans le cadre d'une enquête irrégulière menée au cabinet d'un avocat de son barreau sans l'assentiment de celui-ci, sans avertissement et en dehors de sa présence ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la décision du 11 septembre 2008 du conseil de l'ordre d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre de M. Richard X... l'a été au vu du rapport établi par M. Y... à l'issue du contrôle irrégulier au cabinet de M. X... ; qu'en refusant d'annuler la procédure disciplinaire ouverte sur le fondement de constatations ainsi irrégulièrement recueillies par le bâtonnier, la cour d'appel a violé l'article 188 du décret du 27 novembre 1991 et les droits de la défense ;

Mais attendu que le bâtonnier tient des dispositions de l'article 187 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 la faculté de faire procéder ou de procéder lui-même, de sa propre initiative à une enquête sur le comportement d'un avocat de son barreau ; qu'après avoir constaté que la visite par M. Y... du cabinet de M. X... avait été motivée par diverses réclamations dont celle du bailleur du local professionnel de ce dernier se déclarant impayé de loyers et charges ainsi que par l'impossibilité de le joindre, la cour d'appel qui a relevé que cette visite constituait la seule manière d'obtenir une information sur la réalité du fonctionnement du cabinet faute de ligne téléphonique, a exactement retenu que cette mesure, loin d'être critiquable, constituait pour le bâtonnier un impérieux devoir ; que régulière, l'enquête déontologique n'a pu entacher la validité de la procédure disciplinaire ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Richard X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande tendant à voir prononcer la nullité de la décision déférée du 13 novembre 2009 et d'avoir confirmé la décision rendue par le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Papeete, statuant comme conseil de discipline, le 13 novembre 2009, ayant prononcé à l'encontre de Richard X..., avocat, l'interdiction temporaire d'exercer pour une durée de deux ans dont un an assorti de sursis, en toutes ses dispositions, en présence de l'ordre des avocats au Barreau de Papeete, représenté par Me Dominique Antz, avocat au barreau de Papeete, qui a présenté ses observations au nom de l'ordre des avocats ;

ALORS QUE le conseil de l'Ordre ne peut être partie à l'instance disciplinaire d'appel, dès lors qu'il participe à la juridiction disciplinaire du premier degré ; que l'intervention de l'ordre des avocats au barreau de Papeete, qui a présenté des observations devant la juridiction du second degré, en violation des dispositions de l'article 16 alinéa 3 du décret du 27 novembre 1991, ensemble des articles 22 de la loi du 31 décembre 1971, 180, 196 et 197 du décret du 27 novembre 1991 et des exigences d'équité, d'impartialité et du principe d'égalité des armes, au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes tendant à voir prononcer la nullité de l'enquête effectuée par Me Thierry Y... dans l'exercice des fonctions de suppléant du bâtonnier et plus généralement de l'enquête déontologique et d'avoir confirmé la décision rendue par le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Papeete, statuant comme conseil de discipline, le 13 novembre 2009, ayant prononcé à l'encontre de Richard X..., avocat, l'interdiction temporaire d'exercer pour une durée de deux ans dont un an assorti de sursis, en toutes ses dispositions ;

Aux motifs que Richard X... est avocat inscrit au barreau de Papeete depuis 1997 ; qu'il est aussi sénateur de la Polynésie française depuis le mois de septembre 2008 ; que courant août 2008, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Papeete a été alerté sur la situation du cabinet de Richard X..., notamment par l'absence de ligne téléphonique, par l'existence d'une procédure de recouvrement de charges de la part du bailleur des locaux professionnels, de nombreux appels téléphoniques à l'ordre des avocats de clients mécontents ; que cette situation a conduit Me Y..., qui exerçait les fonctions de bâtonnier par intérim, à se rendre le 22 août 2008 au cabinet, pour vérifier la réalité de l'existence même du cabinet et pour y effectuer un contrôle du compte Carpap et de la comptabilité ; qu'au cours de ce contrôle, effectué en l'absence de Richard X..., il a rencontré des salariés qui lui ont fait part de difficultés dans le fonctionnement du cabinet, en raison de l'absence de Richard X... ; que sur rapport de Me Y..., relevant une situation financière préoccupante au regard des obligations fiscales et sociales de l'avocat (TVA non réglée, retard de cotisations à la Caisse de Prévoyance Sociale, passif fiscal de 3. 579. 681 FCFP …) le conseil de l'ordre a pris, le 11 septembre 2008, la décision d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'égard de Richard X... et a désigné Me Y... comme rapporteur ; que celui-ci, confirmant les difficultés de fonctionnement du cabinet, a, dans un rapport sommaire du 26 septembre 2008, conclu à la convocation de Richard X... devant le conseil de l'ordre et à la désignation d'un suppléant ; (…) que le conseil de l'ordre a alors décidé le 16 octobre 2008 de désigner Me Z...comme rapporteur aux côtés de Me Thierry Y... ; que Me Z...a réalisé une enquête déontologique complète ; (…) que Richard X... conteste la manière dont Me Y..., assurant la suppléance du bâtonnier en l'absence de ce dernier, s'est « auto-saisi » et a procédé à une « perquisition » dans le cabinet de l'avocat en son absence ; que la procédure doit être examinée au regard du contexte ; qu'ainsi qu'il ressort du dossier, le bâtonnier a, au mois d'août 2008, eu connaissance de l'existence d'une procédure engagée par le propriétaire des locaux professionnels de Richard X... qui n'était pas payé de l'intégralité des loyers et des charges ; qu'ayant constaté que l'avocat ne possédait plus de ligne téléphonique, ni de fax et que des réclamations parvenaient au secrétariat de l'ordre, Me Y..., bâtonnier suppléant, s'est rendu au cabinet qu'il ne parvenait pas à joindre et trouvant sur place des employés qui lui faisaient part d'un fonctionnement préoccupant du cabinet, a procédé au contrôle du compte CARPAP ; qu'il a aussi sollicité la justification de la situation au regard de la réglementation sociale et fiscale ; que cette visite au cabinet, fondée sur le silence de l'avocat et la manifestation d'une situation pour le moins délicate, ne peut s'interpréter que comme la volonté, exprimée par le représentant de l'ordre, de recueillir des éléments d'information pour tenter de comprendre la situation et d'inviter l'avocat à y remédier ; qu'elle ne constitue en rien une visite domiciliaire à fin disciplinaire, ni une perquisition au sens commun ; qu'elle constituait même au moment où elle a eu lieu, la seule manière de s'informer de la réalité du fonctionnement du cabinet de l'avocat, dans la mesure où celui-ci ne répondait pas, faute de ligne téléphonique, et paraissait en voie de perdre l'usage des locaux ; que mesure d'information, liée au silence de l'avocat, la démarche de Me Y... n'est en rien critiquable ; qu'elle constituait même pour lui un impérieux devoir ; qu'il ne peut en tout cas être tiré de cette démarche une quelconque nullité de la procédure subséquente qui a été conduite de manière contradictoire, dans la mesure où Me Z...a procédé par la suite, dans le cadre de l'enquête déontologique, à l'audition de Richard X... en présence de son conseil, l'a informé de ses démarches et lui a communiqué régulièrement ainsi qu'à son conseil, pour observations, tous les éléments recueillis ; … qu'il doit être précisé que la décision de renvoi devant l'instance disciplinaire a été prise sur le rapport de Me Z...; que les moyens tirés de la nullité des enquêtes doivent, en conséquence, être écartées ;

ALORS D'UNE PART QU'il ne rentre pas dans les pouvoirs du bâtonnier, en dehors de l'ouverture de toute procédure disciplinaire, de s'introduire au cabinet d'un avocat de son barreau et, sans avis préalable, sans son assentiment exprès et hors sa présence, d'y réaliser des opérations de contrôle et de renseignements s'apparentant à une véritable visite domiciliaire ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Me Y..., qui exerçait les fonctions de bâtonnier par intérim, s'est rendu au cabinet de Me Richard X... sans l'avoir joint auparavant et en son absence, qu'il y a effectué divers contrôles sur des documents sociaux, fiscaux et comptables, et recueilli les déclarations de salariés et divers éléments qu'il a consignés dans un rapport au vu duquel le conseil de l'ordre a décidé, le 11 septembre 2008, de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de Me X... ; qu'en refusant cependant de prononcer la nullité de cette mesure d'instruction, excédant la simple mesure d'information au motif inopérant du silence de l'avocat, au cours de laquelle le bâtonnier par intérim a excédé ses pouvoirs, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme, et les droits de la défense ;

ALORS D'AUTRE PART QU'est nulle la procédure disciplinaire dont la mise en oeuvre est fondée sur les constatations faites par un bâtonnier au cours de contrôles réalisés dans le cadre d'une enquête irrégulière menée au cabinet d'un avocat de son barreau sans l'assentiment de celui-ci, sans avertissement et en dehors de sa présence ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la décision du 11 septembre 2008 du conseil de l'ordre d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre de Richard X... l'a été au vu du rapport établi par Me Y... à l'issue du contrôle irrégulier au cabinet de Me X... ; qu'en refusant d'annuler la procédure disciplinaire ouverte sur le fondement de constatations ainsi irrégulièrement recueillies par le bâtonnier, la cour d'appel a violé l'article 188 du décret du 27 novembre 1991 et les droits de la défense.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.