par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 10 mai 2012, 09-12642
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Cour de cassation, chambre commerciale
10 mai 2012, 09-12.642

Cette décision est visée dans la définition :
Europe / Droit communautaire




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'arrêt du 13 avril 2010 rendu par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Bull. Civ. IV, n° 81) ;

Vu l'article 3 § 1er du Règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société Médiasucre international (société Médiasucre) par jugement du 7 mai 2007 du tribunal de commerce de Marseille, le liquidateur a assigné devant ce tribunal la société de droit italien Rastelli Davide et C. (la société Rastelli) aux fins d'extension à celle-ci de la procédure collective de la société Médiasucre, en invoquant la confusion de leurs patrimoines ; que le tribunal s'est déclaré incompétent après avoir relevé que la société Rastelli avait son siège social en Italie et n'avait aucun établissement sur le territoire français ; que la cour d'appel, statuant sur contredit, a dit que le tribunal de commerce de Marseille était compétent aux motifs que la demande ne tendait pas à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société de droit italien Rastelli, mais à l'extension à celle-ci de la liquidation judiciaire de la société Médiasucre et que selon l'article L. 621-2 du code de commerce, qui fonde cette demande, le tribunal compétent pour statuer sur la demande d'extension est celui de l'ouverture de la procédure initiale ; que l'arrêt a encore retenu que le principe de l'universalité de la faillite, selon lequel un seul tribunal est compétent concernant tous les actifs et les passifs du débiteur en liquidation judiciaire, quelle que soit leur localisation, doit prévaloir sur le Règlement européen, qui ne concerne, en ses articles invoqués par la société Rastelli, que l'ouverture de la procédure, et non son extension ; que, par arrêt du 13 avril 2010, la Cour de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi de la société Rastelli et interrogé à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne ;

Attendu que par arrêt du 15 décembre 2011 (C-191/10), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit :

1°) Le règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, doit être interprété en ce sens qu'une juridiction d'un Etat membre qui a ouvert une procédure principale d'insolvabilité à l'encontre d'une société, en retenant que le centre des intérêts principaux de celle-ci est situé sur le territoire de cet Etat, ne peut étendre, en application d'une règle de son droit national, cette procédure à une deuxième société, dont le siège statutaire est situé dans un autre État membre, qu'à la condition qu'il soit démontré que le centre des intérêts principaux de cette dernière se trouve dans le premier Etat membre ;

2°) Le règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que dans l'hypothèse où une société, dont le siège statutaire est situé sur le territoire d'un Etat membre, est visée par une action tendant à lui étendre les effets d'une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre Etat membre à l'encontre d'une autre société établie sur le territoire de ce dernier Etat, la seule constatation de la confusion des patrimoines de ces sociétés ne suffit pas à démontrer que le centre des intérêts principaux de la société visée par ladite action se trouve également dans ce dernier Etat. Il est nécessaire, pour renverser la présomption selon laquelle ce centre se trouve au lieu du siège statutaire, qu'une appréciation globale de l'ensemble des éléments pertinents permette d'établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de la société visée par l'action aux fins d'extension se situe dans l'Etat membre où a été ouverte la procédure d'insolvabilité initiale ;

Attendu que l'arrêt a retenu la compétence du tribunal de commerce de Marseille par les motifs précités ;

Attendu qu'en se déterminant par ces motifs inopérants, sans rechercher si le centre des intérêts principaux de la société Rastelli se trouvait situé sur le territoire français, ce qu'elle ne pouvait déduire de la seule constatation de la confusion de son patrimoine avec celui de la société Médiasucre, mais exclusivement d'une appréciation globale de l'ensemble des éléments pertinents permettant d'établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de la société Rastelli se situait en France et non au lieu de son siège statutaire en Italie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour la société Rastelli Davide et C.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré fondé le contredit de compétence et d'AVOIR dit en conséquence que le tribunal de commerce de Marseille est compétent pour statuer sur la demande du liquidateur en extension de procédure à l'encontre de la société Rastelli Davide et C. ;

AUX MOTIFS QUE le liquidateur ne demande pas l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société de droit italien Rastelli Davide et C., mais l'extension à celle-ci de la liquidation judiciaire de la société Médiasucre International, sur le fondement de l'article L 621-2 du code de commerce ; que la procédure d'extension ne crée pas une nouvelle procédure ; que selon l'article L 621-2 du code de commerce, le tribunal compétent pour statuer sur la demande d'extension est celui de l'ouverture de la procédure initiale qui « reste compétent » ; que le principe de l'universalité de la faillite, selon lequel un seul tribunal est compétent concernant tous les actifs et les passifs du débiteur en liquidation judiciaire, quelle que soit leur localisation, doit prévaloir sur le règlement européen, qui ne concerne, en ses articles invoqués par la société Rastelli, que l'ouverture de la procédure, et non son extension ; qu'il y a lieu, en conséquence de déclarer bien fondé le contredit, et de renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Marseille compétent ;

1°/ ALORS QUE la juridiction compétente pour prononcer une procédure principale d'insolvabilité est celle de l'État membre sur le territoire duquel le débiteur a le centre de ses intérêts principaux ; qu'en jugeant que le tribunal de commerce de Marseille était compétent pour prononcer la liquidation judiciaire de la société de droit italien Rastelli Davide et C., au motif inopérant qu'il statuerait ainsi en vertu du principe d'universalité de la faillite par extension d'une procédure collective qu'il a déjà prononcé, tandis qu'une telle mesure d'extension aurait, à l'égard de la société Rastelli Davide et C., l'effet d'une ouverture de procédure collective, de sorte que le tribunal français sur le territoire duquel cette société n'a aucun actif ni établissement est incompétent, la cour d'appel a violé l'article 3 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, ensemble l'article L 621-2 du code de commerce ;


2°/ ALORS, subsidiairement, QUE l'extension de procédure collective est justifiée par la confusion de patrimoines ou la fictivité d'une des personnes en cause ; qu'il incombe à la juridiction d'un Etat membre qui déroge aux principes de compétence pour prononcer une telle extension à l'encontre d'une personne qui n'a pas son centre d'intérêts principaux sur le territoire de cet Etat, de caractériser particulièrement l'existence d'un de ces deux cas ; qu'en se contentant d'affirmer que le tribunal compétent pour statuer sur la demande d'extension à l'encontre de la société de droit italien Rastelli Davide et C. est celui de l'ouverture de la procédure initiale, soit le tribunal de commerce de Marseille, sans caractériser particulièrement l'un des deux cas d'extension de procédure collective pour retenir la compétence de cette juridiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 624-2 du code de commerce et 3 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 ma i 2000, ensemble l'article L 621-2 du code de commerce.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.