par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 3, 1er décembre 2010, 09-15282
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
1er décembre 2010, 09-15.282
Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Rejette les demandes de mise hors de cause ;
Sur le premier moyen du pourvoi provoqué :
Vu l'article 1792 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 mars 2009), que la société civile immobilière La Source (SCI La Source), maître de l'ouvrage, a, sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, assuré par la société Mutuelle des architectes français (la MAF) et avec le concours, pour le lot "gros-oeuvre - fondations", de la société Sopra bâtiment, en liquidation judiciaire, assurée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), fait construire un immeuble à usage d'école, vendu en l'état futur d'achèvement le 23 février 1991 à la société civile immobilière Isabelle (SCI Isabelle) ; que M. X... a sous-traité les études et plans de béton armé à la société Grif ingénierie, assurée par la société Axa France IARD (société Axa), venant aux droits de la société Union des assurances de Paris ; que la société Contrôle et prévention, aux droits de laquelle se trouve la société Bureau Véritas, a été chargée d'une mission de contrôle ; que la réception a été fixée au 17 juillet 1991 ; que des désordres ayant été constatés, la SCI Isabelle a obtenu en référé le 13 novembre 1991 la désignation d'un expert ; qu'après dépôt du rapport de l'expert le 29 février 1996, la SCI La Source a assigné en paiement du solde du prix de vente de l'immeuble la SCI Isabelle, qui, par voie reconventionnelle, a demandé la réparation des désordres ; que des recours en garantie ont été formés par la SCI La Source contre M. X..., la société MAF et le bureau de contrôle, et par M. X... contre la société Grif ingénierie et son assureur ;
Attendu que pour déclarer M. X... responsable, in solidum avec la SCI La Source, de la non-conformité de l'immeuble aux normes parasismiques, l'arrêt retient que le permis de construire a été déposé en 1990 et accordé le 2 janvier 1991, que le respect, auquel l'architecte est contractuellement tenu, des règles de l'art impliquait l'application, d'ailleurs envisagée dans le rapport préliminaire du contrôleur technique, des normes parasismiques référencées "PS69 modifiées en 1982" et qu'il est admis qu'une non-conformité aux stipulations du contrat d'architecte, non apparente à la réception, relève de l'article 1792 du code civil si elle provoque une atteinte à la destination ou à la solidité de l'immeuble ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les normes parasismiques n'avaient pas, à la date de la délivrance du permis de construire de caractère obligatoire, ce dont il résultait qu'elles n'entraient pas, en l'absence de stipulations contractuelles particulières, dans le domaine d'intervention de l'architecte, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi principal, examiné par la deuxième chambre civile, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission de ce pourvoi ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen subsidiaire du pourvoi provoqué :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré M. X... responsable, in solidum avec la SCI La Source, de la non-conformité de l'immeuble aux normes parasismiques sur le fondement de l'article 1792 du code civil, l'arrêt rendu le 17 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne, ensemble, la société Axa France IARD et la société Grif ingénierie aux dépens du pourvoi principal ;
Condamne, ensemble, la SCI Isabelle, la SMABTP et la société Bureau Véritas aux dépens du pourvoi provoqué ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, sur le pourvoi principal, rejette les demandes de la société Axa France IARD, de la société Grif ingénierie, de la SMABTP et de la société Bureau Véritas, condamne la société Axa France IARD et la société Grif ingénierie à payer à la SCI Isabelle la somme de 2 000 euros ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, sur le pourvoi provoqué, rejette la demande de la SCI Isabelle, la condamne à payer à la Mutuelle des architectes français la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD et la société Grif ingénierie.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir déclaré la SCI LA SOURCE et Monsieur X... responsables in solidum des conséquences pécuniaires du non-respect des règles parasismiques, d'AVOIR dit que la responsabilité au titre de ce désordre serait partagée à proportion de 60% à la charge de la SARL GRIF INGENIERIE et 40% à la charge de Monsieur X...,
AUX MOTIFS QUE « Il doit être observé en préalable que dans la mesure où le tribunal a sursis à statuer :
- sur la responsabilité de M. X..., du Bureau Veritas aux droits de CEP dans les désordres affectant la structure de l'immeuble et sur la demande d'indemnisation formée de ce chef à leur encontre par la SCI Isabelle.
- sur l'appel en garantie de la SCI la source formé à l'encontre de M. X..., du Bureau Veritas et de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics du chef des atteintes à la structure de l'immeuble, du montant des travaux nécessaires à la mise en conformité de l'immeuble aux règles parasismiques, du préjudice de jouissance, les dépens en ce compris les frais de première expertise et des frais irrépétibles résultant des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la SCI Isabelle,
- sur l'appel en garantie des intervenants à la construction et de leur compagnie d'assurance entre eux : M. X... et la MAF, la société Grif Ingenierie, le Bureau Veritas et Axa et la SMABTP du chef des désordres affectant la structure de l'immeuble, du non-respect des normes parasismiques, des dommages et intérêts réparateurs, des frais et dépens, il n'y a pas lieu de se prononcer sur ces points et il est nécessaire de renvoyer les parties devant le premier juge excepté en ce qui concerne le principe de la garantie du non-respect des nonnes parasismiques.
Il apparaît en effet à la lecture du dispositif que le tribunal a :
- d'une part « déclaré la SCI la source, M X... et le Bureau Veritas aux droits du bureau CEP responsables in solidum de la non-conformité de l'immeuble à la législation parasismique »" et
- d'autre part, "a dit que M X..., le Bureau Veritas et l'entreprise SOPRA bâtiment devaient garantir in solidum la SCI la source du non-respect des règles parasismiques et a fixé dans les rapports entre eux la responsabilité dans le non-respect de ces règles à hauteur de 50 %pour chacun de M. X... et du Bureau Veritas » ce qui nécessite d'examiner le principe de la garantie des intervenants à l'acte de construire en ce qui concerne la non-conformité aux normes parasismiques » ;
ET AUX MOTIFS QUE « Le bureau d'études GRIF INGENIERIE a été chargé par l'architecte d'une mission complète pour établir les plans bétons armés sur lesquels la Société SOPRA s'est fondée pour la réalisation des travaux de gros oeuvre. Il est intervenu en qualité de sous-traitant de sorte que l'architecte peut rechercher sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil. Il est constant que le bureau d'études n'a pas intégré pour l'élaboration des plans les normes parasismiques applicables à l'époque alors que sa mission lui imposait de réaliser des plans conformes à la législation et aux normes en vigueur de sorte qu'il a commis une faute »,
ALORS QUE la juridiction d'appel ne peut statuer sur une décision de sursis à statuer n'ayant pas tranché une partie du principal sans qu'une autorisation d'interjeter appel ait été accordée par le premier président de la Cour d'appel ; qu'en l'espèce, le jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON du 28 octobre 2003 avait sursis à statuer « sur l'appel en garantie des intervenants à la construction et de leurs compagnies d'assurance entre eux X... et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, GRIF INGENIERIE, bureau VERITAS et AXA, SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, du chef des désordres affectant la structure de l'immeuble, du non-respect des normes parasismiques, les dommages et intérêts réparateurs ( ) ; qu'il en résulte que ce chef de dispositif ne pouvait faire l'objet d'un appel sans autorisation du premier président de la Cour d'appel ; qu'en statuant néanmoins sur la responsabilité de la société GRIF INGENIERIE à l'égard de Monsieur X... au titre de la non-conformité de l'ouvrage aux normes parasismiques et en jugeant que la charge définitive de la dette du chef de ce désordre serait partagée à proportion de 60% pour la SARL GRIF INGENIERIE et 40% pour Monsieur X..., la Cour d'appel a violé les articles 125, 379, 380 et 568 du Code de procédure civile.Moyens produits AU POURVOI PROVOQUE par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X... et la Mutuelle des architectes français.
Le premier moyen de cassation du pourvoi provoqué fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Monsieur X... responsable, in solidum avec la SCI LA SOURCE, de la non-conformité de l'immeuble à la législation parasismique, aux motifs qu'« en ce qui concerne la non-conformité de l'immeuble à la législation parasismique qui a été révélée lors des opérations d'expertise, le tribunal a déclaré la SCI LA SOURCE, M. X... et le Bureau VERITAS aux droits du bureau CEP responsables in solidum de cette non-conformité sur le fondement de l'article 1147 du Code civil. Contrairement à ce que prétendent l'architecte et son assureur ainsi que le bureau Veritas, les dispositions méconnues résultent de normes AFNOR et de DTU contemporaines de la construction. Le courrier de l'association française du génie parasismique du 8 mars 2004 est inopérant puisqu'il se réfère exclusivement à la législation applicable postérieurement à la construction litigieuse. Il s'avère selon les pièces produites que le permis de construire a été déposé en 1990 et accordé le 2 janvier 1991 de sorte que les normes parasismiques s'appliquant à l'époque étaient référencées « PS69 modifiées en 1982 » et que l'absence de caractère obligatoire de ces normes ne fait pas obstacle à leur application dans le cadre du respect des règles de l'art. En tout état de cause, leur application a bien été envisagée puisqu'il est indiqué dans le rapport préliminaire relatif à la sécurité des personnes établi par le bureau de contrôle CEP du 25 février 1991 que les règles parasismiques sont applicables. Il est admis qu'une non-conformité par rapport aux stipulations du contrat non apparente à la réception relève de l'article 1792 si elle provoque une atteinte à la destination ou à la solidité de l'ouvrage. En l'occurrence, la non-conformité aux normes parasismiques relève de la garantie décennale en ce que ces défauts portent sur des éléments essentiels de la construction et constituent un facteur de perte certain de l'ouvrage en cas de séisme » (arrêt p. 12),
Alors que la responsabilité d'un maître d'oeuvre au titre de la non-conformité d'une construction à une norme ne peut être retenue que si cette norme était obligatoire à l'époque de la construction ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, M. X... et son assureur ont soutenu que les normes parasismiques applicables à l'époque du permis de construire étaient les normes PS 69 et qu'elles n'avaient pas de caractère obligatoire ; que la cour d'appel a admis que ces normes étaient alors applicables et n'étaient pas obligatoires ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité du maître d'oeuvre pour une non-conformité à ces normes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1792 du Code civil.
Le second moyen de cassation, subsidiaire, du pourvoi provoqué fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes dirigées contre le Bureau VERITAS, aux motifs que « selon les pièces produites, le permis de construire a été déposé en 1990 et accordé le 2 janvier 1991, de sorte que les normes parasismiques s'appliquant à l'époque étaient référencées « PS69 modifiées en 1982 » et que l'absence de caractère obligatoire de ces normes ne fait pas obstacle à leur application dans le cadre du respect des règles de l'art. En tout état de cause, leur application a bien été envisagée puisqu'il est indiqué dans le rapport préliminaire relatif à la sécurité des personnes établi par le bureau de contrôle CEP du 25 février 1991 que les règles parasismiques sont applicables » (arrêt p. 12), et que « le bureau Veritas aux droits de CEP n'est soumis à la présomption de responsabilité de l'article 1792 du Code civil que dans les limites de la mission qui lui a été confiée par le maître de l'ouvrage. L'examen de la convention signée le 21 janvier 1991 entre la SCI LES SOURCES et la société CEP, chargée du contrôle technique de la construction, enseigne que celle-ci a été chargée de la mission solidité type A et de la mission sécurité des personnes type S, étant précisé que le contrôle devait être réalisé selon les modalités et dans les limites précisées tant par les conditions générales d'intervention annexées à la convention faisant partie intégrante de celle-ci que par l'article 3 qui, formant conditions particulières, les complète ou les modifie éventuellement. Si le contrôle technique a bien pour objet de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation d'une construction, l'article 2 précise que les seuls aléas pris en compte par CEP sont ceux visés par la mission retenue par le maître de l'ouvrage et cités dans les conditions particulières du contrat. C'est ainsi que le bureau Veritas fait valoir à juste titre que le contrôleur technique n'a pas été saisi de la mission spécifique relative à la résistance aux séismes qui fait l'objet de l'article 4 des conditions générales d'intervention. Il ne peut lui être reproché un défaut de conseil ou d'information à l'égard du maître de l'ouvrage dans la non prise en compte des règles parasismiques alors que ce dernier a délibérément choisi de ne pas lui confier la mission relative au contrôle de l'application desdites règles et que cette mission est distincte de celle relative à la sécurité des personnes. Le fait qu'il ait pu approuver sans réserve les plans de béton armé établi par la société Grif Ingénierie ne saurait être considéré comme fautif, n'étant pas chargé dans le cadre de sa mission de s'assurer de l'existence et de l'application de ces règles, étant observé qu'il avait précisément communiqué au maître d'oeuvre un rapport préliminaire évoquant l'application de ces règles. Il s'ensuit qu'aucun manquement au devoir de conseil du contrôleur technique ne pouvant lui être reproché dans le cadre strict de sa mission, le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu in solidum sa responsabilité et condamné le bureau Veritas venant aux droits de CEP à garantir le maître de l'ouvrage des condamnations qui seraient éventuellement prononcées contre lui du chef de l'absence de prise en compte des règles parasismiques » (arrêt p. 14 &
15),
Alors que le contrôleur technique chargé d'une mission solidité et sécurité des personnes commet une faute en ne vérifiant pas le respect d'une norme parasismique impérative, dont le respect est précisément destiné à garantir la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ; qu'en outre, l'étendue des obligations contractuelles peut être précisée par la manière dont les parties ont appliqué la convention ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société CEP était chargée de la mission solidité type A et de la mission sécurité des personnes type S, et que ce contrôleur technique a indiqué que l'immeuble était assujetti à la réglementation parasismique ; qu'en décidant néanmoins que le CEP n'avait pas commis de faute en approuvant les plans ne prenant pas en compte cette réglementation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.
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Responsabilité civile
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.