par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 10 février 2010, 08-18885
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Cour de cassation, chambre sociale
10 février 2010, 08-18.885

Cette décision est visée dans la définition :
Prud'hommes (Conseil de - )




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique pris en ses première et cinquième branche après avis donné aux parties :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 juin 2008) que M. X... engagé par la société l'Epargne de France, a, en sa qualité d'inspecteur départemental ouvert un compte auprès de la Société Générale sur lequel transitaient les fonds de l'établissement destinés aux clients ainsi que ceux remis par ceux-ci ; qu'il a été licencié pour faute lourde le 13 avril 1994 et a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes ; que, statuant sur la demande de la Société Générale, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne l'a, par jugement du 22 octobre 1996, condamné au paiement du solde débiteur du compte professionnel, a sursis à statuer sur l'appel en garantie qu'il a formé à l'encontre de son employeur et a invité M. X... et la société Epargne de France à s'expliquer sur des points spécifiés dans les motifs ; que par jugement du 12 mars 2003, le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Abeille vie venant aux droits de la société l'Epargne de France à payer à M. X..., les indemnités de rupture et des dommages-intérêts ; que l'appel à l'encontre de cette décision a été jugé irrecevable par arrêt du 25 novembre 2003 ; que le 1er octobre 2004, M. X... a repris la procédure devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne toujours saisi de l'appel en garantie à l'encontre de la société Abeille vie ; que par jugement du 28 février 2007, le tribunal de grande instance a condamné la société Aviva vie venant aux droits de la société Abeille vie à lui payer une somme au titre du solde débiteur du compte et une somme à titre de dommages et intérêts ; que devant la cour d'appel, la société Aviva vie a soulevé la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du conseil de prud'hommes ;


Attendu que la société Aviva vie fait grief à l'arrêt attaqué de dire qu'elle a commis une faute à l'égard de M. X... et de la condamner à payer une somme au titre du solde du compte ouvert dans les livres de la Société Générale et une somme en réparation du préjudice moral et de la perte de chance subis alors, selon le moyen :

1°/ que la compétence d'attribution des juridictions de l'ordre judiciaire est d'ordre public et ne peut faire l'objet d'une prorogation conventionnelle de compétence ; qu'en l'espèce les juges du fond ont affirmé que la société Aviva avait pu valablement renoncer à la compétence d'attribution des juridictions prud'homales de sorte qu'elle ne pouvait plus en cause d'appel s'en prévaloir ; qu'ainsi la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du code de travail et 33 à 41 du code de procédure civile ;

2°/ que toute demande dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doit faire l'objet d'une seule instance, si bien que toute demande liée au contrat de travail entre les mêmes parties qui n'a pas été formulée en temps utile, se heurte à l'autorité de chose jugée du jugement prud'homal ; qu'en l'espèce, le jugement prud'homal rendu le 12 mars 2003, revêtu de l'autorité de chose jugée, a définitivement statué sur toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre M. X... et son employeur, la société l'Epargne de France ; qu'en retenant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de ce jugement et accueillir une demande relative au solde professionnel de M. X..., que le conseil de prud'hommes ne s'était pas prononcé sur la question du solde du compte professionnel, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et R 1452-6 du code du travail ;

Mais attendu d'abord que, selon l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent à peine d'irrecevabilité être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir et ce, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public ; que la cour d'appel qui a constaté que la société Aviva vie n'avait pas soulevé l'exception d'incompétence en temps utile, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, a légalement justifié sa décision ;

Attendu ensuite, que lorsqu'un salarié est attrait par un tiers au contrat de travail devant une juridiction autre qu'une juridiction prud'homale, la règle de l'unicité de l'instance, qui n'est applicable que devant les juridictions statuant en matière prud'homale, ne peut faire échec à son droit d'appeler en garantie son employeur devant cette juridiction conformément aux dispositions de l'article 331 du code de procédure civile, ni permettre à ce dernier d'opposer l'autorité de la chose jugée d'une décision prud'homale qui ne concernait pas les mêmes parties et n'avait pas le même objet ; que par ce motif substitué à ceux de l'arrêt, la cour d'appel qui a déclaré recevable l'appel en garantie formé à l'encontre de son employeur par M. X..., a fait une juste application de la loi ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Aviva vie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aviva vie à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille dix.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Aviva vie

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société AVIVA VIE venant aux droits de la société ABEILLE VIE venant elle-même aux droits de l'Epargne de France a commis une faute à l'égard de M. X... et en conséquence de l'AVOIR condamnée à payer à Pierre X... la somme de 34 413, 55 euros au titre du compte ouvert dans les livres de la société générale à compter du 4 décembre 2000, 50 000 € en réparation de l'ensemble du préjudice moral et de la parte de chance subis par Pierre X... outre intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande en annulation du jugement pour défaut de motivation ; que cette demande n'est pas fondée, le premier juge ne s'étant pas contenté de dire que l'analyse de la société AVIVA selon laquelle le contentieux réglé par le conseil de prud'hommes aurait définitivement rempli de ses droits Pierre X... était erronée, mais a au contraire expliqué dans les paragraphes suivants pourquoi le litige relatif au compte professionnel était indépendant du contrat de travail et ne pouvait donc être soumis à la juridiction prud'homale ; qu'il n'y a donc pas absence de motivation quelle qu'en soit la pertinence ; que sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée par le conseil de prud'hommes ; à l'appui de sa fin de non recevoir, l'Epargne de France persiste à soutenir que le litige relatif au compte professionnel découlait du contrat de travail et aurait dû être soumis à la juridiction prud'homale ; cette argumentation est celle qu'elle aurait ûd exposer à l‘appui de l'exception d'incompétence qu'elle a renoncé à soulever en temps utile ; que par conséquence, elle n'est fondée à se prévaloir ni de la règle de l'unicité de l'instance, qui n'est applicable que devant la juridiction prud'homale, ni de la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée par le Conseil de prud'hommes, qui ne s'est pas prononcé sur la question du solde du compte professionnel ; que l'acceptation par la compagnie AVIVA de la compétence de la juridiction civile de droit commun, lui interdit également de se prévaloir de la règle du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, au motif que sa responsabilité ne peut être recherchée par Pierre X... que sur le fondement du contrat de travail ; que l'expertise comptable diligentée dans le cadre de la procédure pénale a permis d'établir que l'Epargne de France imposait à ses salariés, comme Pierre X..., d'ouvrir un compte personnel par lequel transitaient tous les échanges de fonds entre elle-même et ses clients ; que c'est l'opacité de ces flux financiers jointe à la brusque rupture des relations de travail qui ont généré l'apparition du découvert litigieux ; que l'assureur est par conséquent seul responsable des dysfonctionnements du système qu'il a mis en place et a donc commis une faute en refusant de couvrir immédiatement le découvert du compte et en invoquant de prétendues indélicatesses commises par son salarié susceptibles de constituer des infractions pénales, qui finalement ne seront pas établies ; que Pierre X... a été condamné le 26 octobre 1996 à payer à la société Générale ce solde débiteur ; qu'il est donc fondé à réclamer la réparation du préjudice qui lui a été causé ; que ce préjudice comprend tout d'abord le paiement à la place de son employeur du solde débiteur du compte soit la somme de 34 413, 44 euros outre intérêts au taux légal à compter du paiement de celle-ci, à titre de dommages intérêts complémentaires ; que Pierre X... a subi un préjudice moral considérable en se retrouvant par la faute de son employeur dans une situation financière particulièrement difficile qui l'a conduit à vendre sa maison au cours de l'année 2000 perdant ainsi la chance de la plus value que connaîtra l'immobilier dans les années suivantes ; qu'il a été contraint de vivre autant d'années avec le souci de cette procédure judiciaire dont la longueur est pour une très large part imputable à la société AVIVA ; que c'est pourquoi la cour estime devoir allouer à l'intimé en réparation de l'ensemble de ce préjudice une indemnité de 50 000 € à laquelle il convient d'ajouter celle de 3 000 € de l'article 700 du Code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'exception de procédure n'est plus soutenue dans les ultimes conclusions de la société AVIVA VIE ; qu'en toute hypothèse, elle ne pouvait être débattue que devant le juge de la mise en état ; que la société AVIVA VIE avait renoncé à sa saisine ; que le défendeur soutient par ailleurs que le contentieux réglé au conseil des prud'hommes aurait définitivement rempli M. X... de ses droits ; que c'est une analyse erronée à laquelle se livre la société défenderesse ; que ce compte a en fait été ouvert « au nom » de l'employeur afin de faire transiter des sommes encaissées en espèces ou par chèques à l'occasion de contrats souscrits par les clients de M. X... ou encore en paiement de primes afférentes à des contrats ; que ces sommes étaient immédiatement créditées sur les comptes d'Epargne de France sous forme d'assurance-vie, de bons du trésor ou autres ; que de la même façon, ce compte pouvait être amené à recevoir des sommes en provenance d'Epargne de France pour être reversées aux clients de M. X... ; que ce compte pouvait donc être soit créditeur soit débiteur en fonction de l'activité de M. X... et des aléas de l'application des contrats ; qu'en conséquence, il n'était en rien lié au contrat de travail de monsieur X..., celui-ci ayant d'ailleurs pris le soin à l'origine de libeller l'intitulé du compte ainsi « Pierre XEPARGNE DE France » ; qu'en conséquence le découvert que pouvait présenter ce compte à certaines dates était en fait un débit à mettre à la charge d'Epargne de France et non pas à la charge de M. X... ; qu'il est intéressant de rappeler les conclusions de l'expert judiciaire désigné dans le cadre d'une autre procédure opposant les mêmes parties : ce système incluait en lui-même « le ferment d'un dysfonctionnement » ; qu'en refusant de régler ou de garantir le demandeur lorsque celui-ci fut actionné par la société générale, le défendeur a commis une faute qui a généré un grave préjudice pour M. X..., préjudice en lien direct avec la faute ; qu'il convient donc de condamner la société AVIVA VIE à payer à M. X... la somme de 34 413, 44 euros outre intérêts de droit à compter du 4 décembre 2000, sans qu'il y ait lieu de faire application de l'article 1154 du Code civil ;

1. ALORS QUE la compétence d'attribution des juridictions de l'ordre judiciaire est d'ordre public et ne peut faire l'objet d'une prorogation conventionnelle de compétence ; qu'en l'espèce les juges du fond ont affirmé que la société AVIVA avait pu valablement renoncer à la compétence d'attribution des juridictions prud'homales de sorte qu'elle ne pouvait plus en cause d'appel s'en prévaloir ; qu'ainsi la Cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du Code de travail et 33 à 41 du Code de procédure civile ;

2. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas relever d'office un moyen, fut-il de pur droit sans appeler les parties à s'en expliquer ; qu'en l'espèce M. X... dans ses conclusions d'appel s'était borné à invoquer l'indépendance du litige civil relatif au compte bancaire avec le litige purement prud'homal qui l'avait opposé à la Société AVIVA ; qu'il n'avait pas soutenu l'irrecevabilité du moyen pris de l'autorité de la chose jugée par la juridiction prud'homale ; qu'en relevant d'office ce moyen sans inviter la société AVIVA à s'en expliquer, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.

3. ALORS QUE la fin de non recevoir prise de la chose jugée peut être soulevée en tout état de cause ; qu'en refusant d'examiner le moyen pris de la chose jugée par le Conseil de Prud'hommes au prétexte que la société AVIVA aurait dû soulever cette exception en temps utile devant le juge de la mise en état, la Cour d'appel a violé les articles 122 et 123 du Code de procédure civile et 1351 du Code civil.

4. ALORS QUE la contradiction équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'Epargne de France avait commis une faute en refusant de couvrir immédiatement le découvert du compte ouvert par M. X... dans les livres de la Société Générale dès lors que « l'expertise comptable diligentée dans le cadre de la procédure pénale a permis d'établir que l'Epargne de France imposait à ses salariés, comme Pierre X..., d'ouvrir un compte personnel par lequel transitaient tous les échanges de fonds elle-même et ses clients et que c'est l'opacité de ces flux financiers jointes à la brusque rupture des relations de travail qui ont généré l'apparition du découvert litigieux » ; qu'en affirmant néanmoins que le compte bancaire litigieux « n'était en rien lié au contrat de travail de M. X... » et que le litige relatif au compte professionnel était indépendant du contrat de travail, quand elle avait expressément relevé le contraire, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

5. ALORS QUE toute demande dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties, doit faire l'objet d'une seule instance, si bien que toute demande liée au contrat de travail entre les mêmes parties qui n'a pas été formulée en temps utile, se heurte à l'autorité de chose jugée du jugement prud'homal ; qu'en l'espèce, le jugement prud'homal rendu le 12 mars 2003, revêtu de l'autorité de chose jugée, a définitivement statué sur toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre M. X... et son employeur, la société L'Epargne de France ; qu'en retenant, pour écarter la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de ce jugement et accueillir une demande relative au solde professionnel de M. X..., que le conseil de prud'hommes ne s'était pas prononcé sur la question du solde du compte professionnel, la cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil et R 1452-6 (anciennement R 516-1) du Code du travail ;

6. ALORS subsidiairement QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société AVIVA soutenait n'avoir commis aucune faute en ne réglant pas immédiatement le solde du compte débiteur ouvert par son salarié M. X... au sein des livres de la Société Générale, dès lors qu'une procédure pénale était en cours ayant conduit à la condamnation de M. X... par un tribunal correctionnel en 1998 et que seule une expertise diligentée en cause d'appel avait conduit à infirmer partiellement en 2002, de sorte que c'était seulement à cette date que la créance de M. X... avait été établie (cf. conclusions p. 9) ; qu'en affirmant péremptoirement qu' « en refusant de régler ou de garantir le demandeur lorsque celui-ci fut actionné par la société Générale, le défendeur a commis une faute » sans rechercher si l'employeur n'avait pu légitiment attendre l'issue de la procédure pénale en cours, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

7. ALORS EN OUTRE QU' une faute n'engage la responsabilité de son auteur que si elle est la cause du dommage ; qu'en l'espèce, la société AVIVA soutenait que la vente par M. X... de sa maison en 2000 n'était nullement la conséquence de sa condamnation avec exécution provisoire en 1996 à solder le compte ouvert dans les livres de la société générale, ce dernier n'ayant nullement justifié n'avoir pas été en possession en 1996 de la somme à laquelle il avait été condamné (cf. conclusions p. 10) ; qu'en se contentant d'affirmer péremptoirement que « Pierre X... a subi un préjudice moral considérable en se retrouvant par la faute de son employeur dans une situation financière particulièrement difficile qui l'a conduit à vendre sa maison au cours de l'année 2000 » sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si en 1996, M. X... ne disposait pas des sommes réclamées, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un lien de causalité direct et certain, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.



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Prud'hommes (Conseil de - )


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.