par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 28 janvier 2010, 08-21036
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
28 janvier 2010, 08-21.036

Cette décision est visée dans la définition :
Notaire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., notaire associé, qui avait manifesté son intention de se retirer de la SCP Y...-X... et de s'installer dans un office créé dans la même résidence en raison de sa mésentente avec son associé, a saisi le tribunal de grande instance aux fins de faire constater la réalité de la mésentente invoquée ; que l'arrêt attaqué (Rennes, 8 septembre 2008) l'a débouté de sa demande ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, en l'absence de comparution du président de la chambre départementale des notaires, alors, selon le moyen :

1° / que dans la procédure tendant à faire constater la réalité d'une mésentente entre associés de nature à paralyser le fonctionnement de la société ou d'en compromettre gravement les intérêts sociaux, l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 prévoit que le président de la chambre départementale des notaires doit être appelé à présenter ses observations à l'audience ; qu'il incombe au greffe de la juridiction d'aviser le président de la chambre départementale des notaires de l'audience en l'invitant à y formuler ses observations ; qu'en l'espèce l'arrêt attaqué s'est borné à viser un fax du 4 août 2008 adressé « à toutes fins utiles » au président de la chambre des notaires par l'avoué de M. X..., sans constater l'existence d'une convocation du greffe ; que la cour d'appel aurait ainsi violé l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 ;

2° / que le président de la chambre départementale des notaires doit être non seulement avisé mais encore appelé à présenter ses observations à l'audience ; qu'en l'espèce, le fax du 4 août 2008 adressé au président de la chambre départementale des notaires par l'avoué de M. X... se bornait à aviser ce dernier à toutes fins utiles, qu'à la suite de l'appel régularisé par M. Y... à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient le 21 mai 2008, l'affaire sera évoquée devant la cour d'appel à jour fixe à l'audience du 18 août 2008 à 10 heures sans nullement l'appeler à présenter ses observations à cette audience ; qu'en énonçant que le président de la chambre des notaires aurait été ainsi régulièrement avisé par ce fax, la cour d'appel aurait encore violé l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 ;

Mais attendu qu'ayant lui-même adressé un fax au président de la chambre départementale des notaires pour l'aviser de la date et de l'heure de l'audience, accompagné d'une copie de ses conclusions et de celles de la partie adverse et du ministère public, sans invoquer, devant la cour d'appel, l'absence de convocation par le greffe du président de la chambre aux fins de présenter ses observations, M. X..., qui a ainsi prévenu l'invocation de l'irrégularité susceptible de résulter de cette omission et dissuadé la juridiction d'envisager, d'office ou à la demande de l'une des parties, un renvoi aux fins de régularisation, a adopté un comportement procédural contraire à la thèse qu'il soutient pour la première fois devant la Cour de cassation ; que, dès lors, le moyen est irrecevable ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de statuer comme il le fait, alors, selon le moyen :

1° / que, lorsqu'un notaire entend se retirer de la société au sein de laquelle il est associé dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 18 de la loi du 29 novembre 1966, il doit au préalable faire constater par le tribunal de grande instance dans le ressort duquel la société a son siège la réalité de la mésentente invoquée qui doit être de nature à paralyser le fonctionnement de la société ou d'en compromettre gravement les intérêts sociaux ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait sur le fondement de l'exigence de la preuve d'une paralysie effective du fonctionnement de la société ou encore d'une atteinte effective aux intérêts sociaux, là où il lui appartenait simplement de rechercher si la mésentente entre les associés co-gérants en l'espèce n'était pas, par sa gravité, de nature à provoquer ces effets, la cour d'appel aurait violé l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 ;

2° / que l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 ne vise que l'existence d'une mésentente de nature à paralyser le fonctionnement de la société ou d'en compromettre gravement les intérêts sociaux sans nullement exiger que ce dysfonctionnement ou cette atteinte aux intérêts sociaux soient caractérisés par des plaintes de clients ou une baisse des bénéfices de la société ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel aurait encore violé l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 ;

3° / qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sur le fondement d'exigences inopérantes, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si l'absence de tout dialogue direct entre les associés co-gérants, la circonstance qu'aucun accord ne peut être trouvé sur les décisions importantes concernant la société et notamment celles qui ont permis l'embauche du personnel indispensable, la répartition des primes entre les salariés, l'adoption d'une ligne de défense dans le cadre des procédures prud'homales dirigées contre la société, sans la saisine du juge des référés, la désignation d'un mandataire ad hoc, ou l'intervention de la Chambre départementale des notaires, et la circonstance que cette mésentente a entraîné un climat détestable au sein de l'étude, voire même une grève et des démissions et la mise en oeuvre de procédures prud'homales à l'encontre de la SCP, ainsi que la diminution de la productivité par employé, souligné par l'audit réalisé, ne démontrent pas que la mésentente avait effectivement paralysé le fonctionnement de la société et compromis gravement ses intérêts sociaux, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 ;

Mais attendu qu'ayant examiné les différents incidents ou désaccords qui avaient opposé les deux associés et relevé qu'ils étaient soit surmontés, soit anodins, soit sans lien avec certains dysfonctionnements, la cour d'appel, qui s'est ainsi livrée à la recherche prétendument omise, sans subordonner son appréciation à l'existence de plaintes des clients ou à la baisse des bénéfices, a souverainement retenu que la mésentente invoquée n'était pas de nature à paralyser le fonctionnement de la société ou d'en compromettre gravement les intérêts sociaux ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à M. Y... la somme de 2 900 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X...


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, statuant en l'absence de comparution du Président de la chambre départementale des notaires, débouté Maître X... de sa demande tendant à voir constater qu'il existe entre Maître Y... et Maître X... une mésentente de nature à paralyser le fonctionnement de la SCP titulaire de l'office notarial « Loïc Y... et Gildas X..., notaires associés » et d'en compromettre gravement les intérêts sociaux ;

Alors d'une part, que dans la procédure tendant à faire constater la réalité d'une mésentente entre associés de nature à paralyser le fonctionnement de la société ou d'en compromettre gravement les intérêts sociaux, l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 prévoit que le Président de la chambre départementale des notaires doit être appelé à présenter ses observations à l'audience ; qu'il incombe au greffe de la juridiction d'aviser le Président de la chambre départementale des notaires de l'audience en l'invitant à y formuler ses observations ; qu'en l'espèce l'arrêt attaqué s'est borné à viser un fax du 4 août 2008 adressé « à toutes fins utiles » au Président de la chambre des notaires par l'avoué de Maître X..., sans constater l'existence d'une convocation du greffe ; la Cour d'appel a ainsi violé l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 ;

Alors d'autre part, et de surcroît que le Président de la chambre départementale des notaires doit être non seulement avisé mais encore appelé à présenter ses observations à l'audience ; qu'en l'espèce, le fax du 4 août 2008 adressé au Président de la chambre départementale des notaires par l'avoué de Maître X... se bornait à aviser ce dernier à toutes fins utiles, qu'à la suite de l'appel régularisé par Maître Y... à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Lorient le 21 mai 2008, l'affaire sera évoquée devant la Cour à jour fixe à l'audience du 18 août 2008 à 10h sans nullement l'appeler à présenter ses observations à cette audience ; qu'en énonçant que le Président de la chambre des notaires aurait été ainsi régulièrement avisé par ce fax, la Cour d'appel a encore violé l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Maître X... de sa demande tendant à voir constater qu'il existe entre Maître Y... et Maître X... une mésentente de nature à paralyser le fonctionnement de la SCP titulaire de l'office notarial « Loïc Y... et Gildas X..., notaires associés » et d'en compromettre gravement les intérêts sociaux ;

Aux motifs qu'en application de l'article 98-1 du décret du 20 janvier 1992, lorsqu'un notaire entend se retirer de la société au sein de laquelle il est associé dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 18 de la loi du 29 novembre 1966 et solliciter sa nomination à un office créé à son intention dans le ressort du Tribunal d'instance où la société a son siège, soit un bureau annexe, il doit au préalable faire constater par le Tribunal de grande instance dans le ressort duquel la société a son siège la réalité de la mésentente invoquée qui doit être de nature à paralyser le fonctionnement de la société ou à en compromettre gravement les intérêts sociaux ; qu'il résulte des pièces produites aux débats qu'en 2004 le produit réalisé par l'étude l'a été à concurrence de 67 % par Maître X... et de 33 % par Maître Y... et qu'un différend a opposé les associés sur les conséquences à en tirer, le premier préconisant une modification des statuts qui prévoient une répartition égalitaire des bénéfices ainsi que la recherche d'un associé, le second s'y opposant, proposant seulement pendant un temps, une rémunération exceptionnelle de 20. 000 euros avant partage ; que ce différend a entraîné des décisions contraires des associés relativement à la gestion du personnel ; qu'il n'est pas possible d'imputer à tort à l'un plutôt qu'à l'autre des associés la responsabilité de la situation conflictuelle et de ses conséquences, l'audit ordonné par le juge des référés le 16 août 2007 ayant en définitive démontré que chacun avait en partie raison et tort sur les embauches à effectuer ; que force est de constater que si la mésentente a provoqué un court mouvement de grève du personnel les résultats de l'étude ont été largement bénéficiaires pour l'exercice 2007 ;
que les associés se sont accordés en suite du rapport d'inspection de la Chambre départementale du 22 octobre 2007 préconisant un recrutement au service comptabilité pour passer le 15 janvier 2008, un contrat de prestation de services avec la société Micro France Auxilium aux termes duquel il est mis à disposition un caissier comptable taxateur ; que le tableau de bord au 30 juin 2008 ne révèle aucune anomalie, les résultats étant stables ; que les courriers récents invoqués par Maître X... sont insuffisants pour caractériser la paralysie de la société ou démontrer que ses intérêts sociaux sont gravement compromis dès lors que le Trésor Public a renoncé à réclamer des pénalités pour le retard dans l'envoi de la déclaration de TVA du mois de juin 2008, aucun élément n'établit que les retard ou dysfonctionnements dont se plaignent certains clients de l'étude, à l'égard du reste tant de l'un que de l'autre des associés, non plus que l'absence de réponse à un avis à tiers détenteur signalée par le Trésor Public soit dus à la mésentente existant entre eux ; que du reste cette analyse avait été partagée par le Président de la Chambre départementale des notaires qui avait indiqué au tribunal que l'ambiance déplorable régnant au sein de l'étude n'avait pas provoqué de plainte de clients ni porté atteinte à sa prospérité ; que dès lors Maître X... ne démontre pas que les conditions d'application de l'article 98-1 ci-dessus cité soient réunies ;

Alors d'une part, que lorsqu'un notaire entend se retirer de la société au sein de laquelle il est associé dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 18 de la loi du 29 novembre 1966, il doit au préalable faire constater par le tribunal de grande instance dans le ressort duquel la société a son siège la réalité de la mésentente invoquée qui doit être de nature à paralyser le fonctionnement de la société ou d'en compromettre gravement les intérêts sociaux ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait sur le fondement de l'exigence de la preuve d'une paralysie effective du fonctionnement de la société ou encore d'une atteinte effective aux intérêts sociaux, là où il lui appartenait simplement de rechercher si la mésentente entre les associés co-gérant en l'espèce n'était pas, par sa gravité, de nature à provoquer ces effets, la Cour d'appel a violé l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 ;

Alors d'autre part, et de surcroît, que l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 ne vise que l'existence d'une mésentente de nature à paralyser le fonctionnement de la société ou d'en compromettre gravement les intérêts sociaux sans nullement exiger que ce dysfonctionnement ou cette atteinte aux intérêts sociaux soient caractérisés par des plaintes de clients ou une baisse des bénéfices de la société ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a encore violé l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967 ;

Alors enfin, qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sur le fondement d'exigences inopérantes, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si l'absence de tout dialogue direct entre les associés co-gérants, la circonstance qu'aucun accord ne peut être trouvé sur les décisions importantes concernant la société et notamment celles qui ont permis l'embauche du personnel indispensable, la répartition des primes entre les salariés, l'adoption d'une ligne de défense dans le cadre des procédures prud'homales dirigées contre la société, sans la saisine du juge des référés, la désignation d'un mandataire ad hoc, ou l'intervention de la Chambre départementale des notaires, et la circonstance que cette mésentente a entraîné un climat détestable au sein de l'étude, voire même une grève et des démissions et la mise en oeuvre de procédures prud'homales à l'encontre de la SCP, ainsi que la diminution de la productivité par employé souligné par l'audit réalisé, ne démontrent pas que la mésentente avait effectivement paralysé le fonctionnement de la société et compromis gravement ses intérêts sociaux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 89-1 du décret du 2 octobre 1967.



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Cette décision est visée dans la définition :
Notaire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.