par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 30 septembre 2009, 08-17919
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
30 septembre 2009, 08-17.919
Cette décision est visée dans la définition :
Quotité disponible
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Georgette A...-B..., veuve X..., est décédée le 9 janvier 1997 en laissant pour lui succéder son fils unique Bernard ; que, par testament authentique du 7 novembre 1986, elle avait légué la quotité disponible de sa succession à l'association Ligue pour l'adaptation du diminué physique au travail (l'ADAPT) ; qu'assigné par l'ADAPT en délivrance du legs, M. X... a demandé reconventionnellement l'annulation du testament ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 29 mai 2008) d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 893 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, on peut faire une libéralité par donation entre vifs ou testament ; que la cause d'une libéralité est l'intention libérale en faveur du gratifié ; qu'en l'espèce, il avait insisté sur le fait que le testament litigieux était nul parce qu'il était dicté dans le but, non de gratifier une oeuvre de bienfaisance, mais de faire échec aux droits de son fils héritier réservataire ; qu'en refusant d'annuler le testament tout en constatant que la cause de la libéralité au profit de l'ADAPT consiste effectivement dans la volonté de Georgette X... d'exhéréder son fils, et non dans l'intention libérale en faveur de l'ADAPT, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Attendu que la volonté de priver un héritier réservataire de la quotité disponible n'exclut pas l'intention libérale du testateur vis-à-vis d'une tierce personne ; qu'ayant non seulement relevé que le motif déterminant du testament consistait dans la volonté de Georgette X... d'exhéréder son fils, mais également constaté que l'intéressée, qui disposait de sa pleine capacité juridique et dont le consentement n'était pas vicié, avait disposé de la quotité disponible de sa succession comme elle l'entendait au profit de cette association, la cour d'appel, appréciant souverainement l'existence de son intention libérale, a pu décider que le testament était valable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une indemnité de gestion de l'indivision ;
Attendu qu'ayant relevé que M. X... gérait l'indivision essentiellement pour son compte, la cour d'appel a pu en déduire qu'il ne pouvait prétendre à une indemnité ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association ADAPT ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de nullité du testament du 7 novembre 1986,
Aux motifs qu « il ressort des pièces du dossier, notamment de la lettre adressée par l'intermédiaire d'un huissier de justice à Madame X... par ses petitsenfants le 18 décembre 1984, et des courriers échangés entre la mère et le fils, notamment de la lettre adressée par l'intermédiaire d'un huissier de justice par Georgette X... à son fils le 25 juillet 1986, qu'il existait à tout le moins depuis 1984 une mésentente profonde entre, d'une part, Georgette X... et son compagnon Guy Y... qui s'était installé à son domicile en 1982 et, d'autre part, Monsieur Bernard X..., la mère et le fils n'ayant pu parvenir à un accord en vue du partage de la succession de Raymond X... décédé en 1980, le fils, qui craignait que le compagnon de sa mère, plus jeune qu'elle, abuse de sa faiblesse, ayant demandé sa mise sous tutelle en 1984, ce que celle-ci lui reprochait, étant observé que la demande de mise sous tutelle formée en 1984 n'a pas eu de suite et que, reprise en 1994, un jugement du 20 septembre 1994 a placé Georgette X..., alors âgée de 83 ans, sous le régime de la curatelle renforcée et désigné un curateur, ce jugement ayant donc été prononcé plus de huit ans après la rédaction du testament litigieux ; que dans sa lettre du 14 juin 1986, Georgette X... reproche à son fils, à l'encontre duquel elle avait engagé une action aux fins de partage de la succession de Raymond X..., ses injures, ses menaces, les desseins imaginaires qu'il lui prête, ses attaques contre son notaires et écrit notamment :
« Je constate maintenant que tu est allé trop loin, tu penses maintenant rester tout bonnement en position d'attente comme tu le dis si bien à Me Z..., comptant que je ne serai plus là pour arriver au terme de cette longue procédure que tu souhaites maintenant avec toute la hargne que dévoilent tes propres termes.
« Et bien mon garçon je juge, moi, ta mère, que tu ne mérites pas tout le « pactole » que tu attends si avidement
« Mais ce n'est pas tout, car par cette lettre tu reçois un ultimatum car : si avant cette date du 03 septembre 1986 tu ne m'as pas proposé un arrangement amiable (où je t'assure tu n'auras rien à prendre bien au contraire), je te prévis de façon formelle qu'avant le 15 septembre 1986, je me rendrai chez un notaire pour y déposer un testament aux termes duquel,
comme tel est mon droit, le léguerai l'intégralité de la quotité disponible devant me revenir sur la succession (soit la moitié) conformément à l'article 913 du Code civil à une des oeuvres de bienfaisance »,
ce qu'elle a fait, son testament, en la forme authentique ayant été reçu par le notaire le 7 novembre 1986 ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date de rédaction du testament, Georgette X... disposait de sa pleine capacité juridique, qu'elle n'était atteinte d'aucune maladie mentale et qu'elle était parfaitement apte à comprendre la portée de ses actes, l'action en nullité étant principalement fondée sur la cause illicite, laquelle serait constituée par l'esprit de vengeance ; que conformément aux articles 1131 et suivants du Code civil, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet, la cause étant illicite quand elle est prohibée par la loi ou contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public ; qu'il est suffisamment établi que le motif déterminant du testament, qui constitue la cause de la libéralité au profit de l'ADAPT, consiste effectivement dans la volonté de Georgette X... d'exhéréder son fils, étant observé qu'une telle cause n'est ni illicite, ni immorale, ni contraire aux bonnes moeurs et ne peut donc suffire à elle seule à entraîner la nullité du testament, Georgette X... ayant le droit de disposer de la quotité disponible de sa succession comme elle l'entend dès lors que les droits de l'héritier réservataire sont respectés ; qu'il n'est en outre pas rapporté la preuve que le désir de vengeance invoqué par Monsieur Bernard X... ait été inspiré par les sentiments de haine et de colère d'une telle intensité qu'ils ne peuvent s'expliquer que par une véritable insanité d'esprit engendrée par un état maladif, étant observé que le testament litigieux ne se limite pas à la désignation d'un légataire mais prévoit également la désignation d'un exécuteur testamentaire et les conditions d'inhumation du testateur et qu'il est suffisamment établi par les documents versés aux débats que si il existait une mésentente certaine et persistante entre la mère et son fils relative aux conditions du partage de la succession de Raymond X... et de la gestion de l'indivision, celle-ci ne relevait toutefois pas d'une haine aveugle qui aurait privé Georgette X... de sa faculté de disposer, celle-ci manifestant à la date du testament une parfaite lucidité ainsi qu'il ressort des correspondances versées aux débats et des constatations du notaire ayant reçu le testament, la demande de nullité du testament fondée sur l'article 901 du Code civil étant donc rejetée ; qu'il n'est pas non plus établi par les pièces versées aux débats que l'établissement par Georgette X... d'un testament au profit de l'ADAPT ait été provoqué par des manoeuvres frauduleuses de Monsieur Y..., manoeuvre que Monsieur Bernard X... ne décrit d'ailleurs pas et qui, pour vicier le consentement du testateur, doivent tendre au détournement de sa volonté ; qu'il s'ensuit que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du testament authentique du 7 novembre 1986 » (cf. arrêt, p. 5 et 6)
Alors qu'en vertu de l'article 893 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, on peut faire une libéralité par donation entre vifs ou testament ; que la cause d'une libéralité est l'intention libérale en faveur du gratifié ; qu'en l'espèce, M. Bernard X... avait insisté sur le fait que le testament litigieux était nul parce qu'il était dicté dans le but, non de gratifier une oeuvre de bienfaisance, mais de faire échec aux droits de son fils héritier réservataire ; qu'en refusant d'annuler le testament tout en constatant que la cause de la libéralité au profit de l'ADAPT consiste effectivement dans la volonté de Georgette X... d'exhéréder son fils, et non dans l'intention libérale en faveur d'ADAPT, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité de gestion de l'indivision,
Aux motifs qu'« Bernard X... gère l'indivision essentiellement pour son compte puisque d'une part, l'ADAPT n'a droit aux fruits et revenus qu'à compter du 14 novembre 2002 alors que le décès de la testatrice a eu lieu en janvier 1997 et, d'autre part, que selon lui, les droits de l'ADAPT dans l'indivision ne sont que de 2, 5 / 8èmes, et il ne justifie en outre pas en l'état des pièces versées aux débats de la qualité de sa gestion ni d'aptitudes particulières lui permettant de prétendre à la rémunération d'un professionnel, d'autant qu'il n'en supporte pas les charges ; qu'il sera donc, en l'état, débouté de ce chef de demande » (cf. arrêt, p. 8),
Alors qu'en vertu de l'article 815-12 du Code civil, l'indivisaire qui gère l'indivision a droit à la rémunération de son activité ; que dès lors, en l'espèce, en déniant à M. X..., gérant de l'indivision, tout droit à rémunération, la Cour d'appel a violé le teste susvisé.
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.