par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 7 juillet 2009, 08-17135
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Cour de cassation, chambre commerciale
7 juillet 2009, 08-17.135

Cette décision est visée dans la définition :
Marque de fabrique




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Périssé père et fils a réclamé l'annulation de sept marques, certaines nationales, d'autres communautaires, détenues par la société du Château Malartic La gravière ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la défense :

Attendu que la recevabilité du pourvoi immédiat est contestée par la défense au motif que l'arrêt attaqué n'a pas mis fin à l'instance et s'est borné, dans son dispositif, à trancher la question de compétence territoriale, sans se prononcer sur le fond du litige ;

Mais attendu que le pourvoi est immédiatement recevable en cas d'excès de pouvoir ;

Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société du Château Malartic Lagravière fait grief à l'arrêt d'avoir dit le tribunal de grande instance d'Auch territorialement compétent, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en énonçant que "l'action de l'EARL Périssé et fils, fondée sur le code de la propriété intellectuelle, tend à voir reconnaître la responsabilité délictuelle de la société du Château Malartic-Lagravière du fait du non respect de la législation sur les marques", et que l'action avait été engagée "par l'EARL Périssé père et fils à l'encontre de la société du Château Malartic Lagravière en responsabilité pour violation de son droit de propriété intellectuelle sur la marque "Malartic", la cour d'appel a dénaturé l'assignation qui, demandant exclusivement l'annulation et la déchéance des marques critiquées ainsi que l'interdiction de leur usage, ne vise ni l'existence d'une marque "Malartic" dont serait titulaire la demanderesse, ni la responsabilité délictuelle" de la défenderesse, et a par là même violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que la demande en annulation du dépôt d'une marque fondée sur des droits antérieurs auxquels elle porterait atteinte a nécessairement pour seul fondement juridique l'article L. 711 4 du code de la propriété intellectuelle interdisant ce dépôt, peu important que ce même dépôt puisse éventuellement s'analyser en une faute délictuelle ; qu'en décidant que l'annulation ne constituait qu'une forme d'indemnisation du préjudice, pour en déduire que cette demande devait être qualifiée d'action en responsabilité délictuelle ouvrant l'option de compétence territoriale prévue à l'article 46 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ensemble les deux textes précités ;

Mais attendu qu'en retenant que, s'agissant du non respect de la législation sur les marques, le fait dommageable, au sens de l'article 46 du code procédure civile, est subi dans l'ensemble des lieux dans lesquels la marque dont l'annulation est recherchée est diffusée et commercialisée, et qu'il est établi en l'espèce que les marques dont l'annulation est recherchée sont diffusées sur l'ensemble du territoire national par internet, la cour d'appel a pu en déduire que le dommage avait été subi dans le ressort du tribunal de grande instance d'Auch, peu important que le fait dommageable se soit également produit dans le ressort d'autres tribunaux, fût ce sur l'ensemble du territoire national ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles 51 et 52 du Règlement CE n° 40/94 du 20 décembre 1993, et l'article 92 du code de procédure civile ;

Attendu, selon les premiers textes cités, que la nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l'Office d'harmonisation du marché intérieur ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon ;

Attendu qu'en déclarant une juridiction nationale compétente pour connaître de la demande principale de la société Périssé père et fils, en tant qu'elle portait sur l'annulation de marques communautaires, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le tribunal de grande instance d'Auch compétent pour connaitre de la demande tendant à l'annulation de la marque verbale communautaire "Château Malartic Lagravrière", déposée le 28 septembre 2005, n° 4.657.805 de la marque verbale communautaire "Le Sillage de Malartic", déposée le 28 septembre 2005, n° 4.657.789, et de la marque semi figurative communautaire, "Château Malartic Lagravière", déposée le 9 octobre 2006, n° 5.398.805, l'arrêt rendu le 14 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi des chefs cassés ;

Dit que le tribunal de grande instance d'Auch incompétent de ces chefs, et renvoie la société Périssé père et fils à se mieux pourvoir ;

Condamne la société du Château Malartic Lagravrière aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Périssé père et fils la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille neuf.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat de la société du Château Malartic-Lagravière


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le Tribunal de Grande Instance d'AUCH, lieu du siège social de la demanderesse, territorialement compétent pour connaître de sa demande tendant exclusivement à l'annulation de sept marques appartenant à la défenderesse et à l'interdiction de leur usage ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 46 du nouveau Code de procédure civile dispose que le demandeur peut exercer son action, en matière délictuelle, devant la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; que pour saisir le Tribunal de Grande Instance d'AUCH par son assignation du 29 mai 2007, l'EARL PERISSE PERE ET FILS explique qu'elle est la légitime propriétaire de la marque « MALARTIC » et qu'elle demande qu'il soit fait défense à la Société Civile du CHATEAU MALARTIC-LAGRAVIERE, qui use illégalement de cette appellation, d'utiliser ce vocable dans ses produits qu'elle vend, notamment par Internet ; qu'en application du texte ci-dessus, le dommage s'étant produit sur tout le territoire national, elle a justement saisi le Tribunal de Grande Instance d'AUCH ; que la Société Civile du CHATEAU MALARTIC-LAGRAVIERE conteste ce moyen en expliquant que l'assignation ne demande aucune réparation pécuniaire et ne vise pas l'article 1382 du Code civil ; qu'il ne s'agit donc pas d'une action en responsabilité quasi-délictuelle et que l'article 46 invoqué est inapplicable ; mais que la responsabilité quasi-délictuelle suppose la démonstration d'une faute, d'un dommage et d'un préjudice ainsi que le lien de causalité entre les deux ; que si l'assignation délivrée ne sollicite aucune réparation par allocation d'une somme d'argent, la demande d'annulation de diverses marques et l'interdiction de les utiliser sous peine d'allocation de somme par infraction constatée constitue une forme d'indemnisation du préjudice allégué ; qu'en conséquence, même si les dispositions de l'article 1382 du Code civil ne sont pas formellement invoquées, c'est la responsabilité quasi-délictuelle de la Société Civile du CHATEAU MALARTIC-LAGRAVIERE qui est recherchée par l'EARL PERISSE PERE & FILS qui prétend que celle-ci a usé de marques qu'elle ne pouvait pas utiliser, que ces dépôts de marque lui ont causé un préjudice qui doit être réparé selon les formes qu'elle préconise ; qu'en conséquence, en application de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile, c'est à bon droit que le premier juge retenait la compétence du Tribunal de Grande Instance d'AUCH ; que son ordonnance sera confirmée » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le Tribunal de Grande Instance d'AUCH est compétent pour connaître de la demande de l'EARL PERISSE PERE & FILS ; qu'en effet, l'action de l'EARL PERISSE PERE & FILS, fondée sur le Code de la propriété intellectuelle, tend à voir reconnaître la responsabilité délictuelle de la Société Civile du CHATEAU MALARTICLAGRAVIERE du fait du non-respect de la législation sur les marques ; or, en matière de responsabilité délictuelle, l'article 46 du nouveau Code de procédure civile dispose que le demandeur peut saisir « la juridiction dans le ressort de laquelle le dommage a été subi » ; que s'agissant du nonrespect de la législation sur les marques, le fait dommageable au sens de l'article 46 susmentionné est subi dans l'ensemble des lieux dans lesquels la marque dont l'annulation est recherchée est diffusée et commercialisée ; qu'en effet, le dommage résulte de la confusion que la marque contrefaisante entretient auprès du consommateur ; qu'en l'espèce, l'EARL PERISSE PERE & FILS établit que les marques dont l'annulation est recherchée sont diffusées sur l'ensemble du territoire national par des moyens télématiques, et notamment par Internet ; qu'il n'est par ailleurs pas contestable que le Château MALARTICLAGRAVIERE, grand cru de Graves, est diffusé sur l'ensemble du territoire national ; que, dans ces conditions, le demandeur étant fondé à choisir l'un quelconque des lieux sur lesquels le dommage est subi, et notamment le lieu de son propre domicile, c'est sans violer l'article 46 du nouveau Code de procédure civile que l'EARL PERISSE PERE & FILS a pu choisir la compétence du Tribunal de Grande Instance d'AUCH » ;

ALORS QUE, D'UNE PART, en énonçant que « l'action de l'EARL PERISSE PERE & FILS, fondée sur le Code de la propriété intellectuelle, tend à voir reconnaître la responsabilité délictuelle de la Société Civile du CHATEAU MALARTIC-LAGRAVIERE du fait du non-respect de la législation sur les marques » (jugement p. 2) et que l'action avait été engagée « par l'EARL PERISSE PERE & FILS à l'encontre de la Société Civile du CHATEAU MALARTIC-LAGRAVIERE en responsabilité pour violation de son droit de propriété intellectuelle sur la marque « Malartic » » (arrêt p. 2 al. 1er), la Cour d'appel a dénaturé l'assignation qui, demandant exclusivement l'annulation et la déchéance des marques critiquées ainsi que l'interdiction de leur usage, ne vise ni l'existence d'une marque « Malartic » dont serait titulaire la demanderesse, ni la « responsabilité délictuelle » de la défenderesse, et a par là-même violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, la demande en annulation du dépôt d'une marque fondée sur des droits antérieurs auxquels elle porterait atteinte a nécessairement pour seul fondement juridique l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle interdisant ce dépôt, peu important que ce même dépôt puisse éventuellement s'analyser en une faute délictuelle ; qu'en décidant que l'annulation ne constituait qu'une forme d'indemnisation du préjudice, pour en déduire que cette demande devait être qualifiée d'action en responsabilité délictuelle ouvrant l'option de compétence territoriale prévue à l'article 46 du Code de procédure civile, la Cour d'appel a violé ensemble les deux textes précités ;

ALORS QU'ENFIN, il résultait des mentions mêmes de l'assignation (p. 8) que trois des sept marques dont l'annulation était demandée étaient des marques communautaires ; qu'il résulte des articles 51 et 52 du Règlement CE n° 40/94 du 20 décembre 1993, que les actions en nullité de marques communautaires ne sont portées que devant l'office d'harmonisation du marché intérieur (OHMI) ; que le respect de la norme supérieure constituée par ce Règlement imposait au Tribunal de Grande Instance d'AUCH et à la Cour d'appel d'AGEN de relever d'office l'incompétence qui en résultait ; qu'en ne le faisant pas, la Cour d'appel a violé ces textes.



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Cette décision est visée dans la définition :
Marque de fabrique


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.