par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 30 juin 2009, 08-11903
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, chambre commerciale
30 juin 2009, 08-11.903
Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société MD Sass Corporate Resurgence Partners III LP et à la société MD Sass Re/Enterprise Partners LP du désistement de leur pourvoi accepté expressément par la société SALAFA MJA, représentée par MM. Pierrel et Leloup-Thomas, ès qualités ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu le Règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 2 août 2006, le tribunal de commerce de Paris a ouvert la procédure de sauvegarde de la société Eurotunnel Services Limited, dont le siège social est situé au Royaume-Uni, en se fondant sur l'article 3 du règlement n°1346/2000 du 29 mai 2000 pour justifier sa compétence ; que des sociétés créancières domiciliées au Royaume-Uni et au Luxembourg ont fait tierce opposition au jugement d'ouverture ;
Attendu que pour dire irrecevable la tierce opposition, l'arrêt retient que cette voie n'est ouverte aux créanciers du débiteur que si leurs droits ont été atteints à raison d'une fraude ou s'ils ont un moyen propre et qu'il ne leur suffit donc pas d'être intéressés par la procédure ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les créanciers domiciliés dans un Etat membre autre que celui de la juridiction qui a ouvert une procédure principale d'insolvabilité ne peuvent être privés de la possibilité effective de contester la compétence assumée par cette juridiction, la cour d'appel, qui a méconnu le droit d'accès au juge, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il a dit irrecevable la tierce opposition des sociétés Elliott X..., The Liverpool Limited Partnership et Tompkins Square Park, l'arrêt n° 07/05764 rendu le 29 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Eurotunnel Services Limited, la société SELAFA MJA, représentée par MM. Pierrel et Leloup-Thomas, ès qualités, M. Y..., ès qualités, et M. Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour les sociétés Elliott X... LP, The Liverpool Limited Partnership et Tompkins Square Park.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la tierce opposition formée par les sociétés Elliott X... L.P., The Liverpool Limited Partnership et Tompkins Square Park contre le jugement du tribunal de commerce de Paris, du 2 août 2006, ouvrant une procédure de sauvegarde à l'égard de la société de droit anglais Eurotunnel Services Limited, dont le siège social est à Folkestone, Royaume Uni,
AUX MOTIFS QUE l'article L 661-2 du code du commerce énonce seulement que «Les décisions statuant sur l'ouverture d'une procédure de sauvegarde sont susceptibles de tierce opposition» ; que la tierce opposition, voie de recours extraordinaire visant à faire rétracter ou réformer un jugement au profit de celui qui n'a pas participé à la procédure ayant conduit à la décision lésant ses intérêts, est dès lors réglementée par les articles 582 et 583 du code de procédure civile ; que les deux premiers alinéas de l'article 583 du code de procédure civile disposent : «Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. Les créanciers et autres ayant cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leurs sont propres» ; que la voie de la tierce opposition apparaît ainsi fermée aux créanciers du débiteur, voie que leur ouvre l'alinéa 2 précité, par exception au principe, si leurs droits ont été atteints à raison d'une fraude ou s'ils ont un moyen propre à faire valoir, qu'il ne leur suffit donc pas d'être intéressés par la procédure ; qu'en l'espèce, les appelantes, qui ont ainsi un droit effectif au juge, discutent essentiellement la compétence du tribunal ; que cette question, à supposer qu'elles soient admises à la poser, a été examinée dans le jugement d'ouverture ; qu'il ne peut dès lors s'agir d'un moyen qui leur est personnel ou encore qu'elles seules auraient pu faire valoir ; que, s'agissant de la fraude, il ne leur suffit pas d'exciper de leurs documents contractuels, soumis au droit anglais et à la compétence des juridictions anglaises, pour que soit démontrée une fraude qu'elles ne sous-entendent d'ailleurs pas ; que le jugement déféré sera infirmé et la tierce opposition sera déclarée irrecevable ;
1) ALORS QUE le débiteur, qui saisit le juge, en application de l'article L 620-1 du code de commerce, en vue de bénéficier de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, ne représente, dans l'instance statuant sur cette demande, par définition, que lui-même ; qu'il s'en suit que tout créancier, qui n'a été ni partie ni représentée à cette instance, peut former tierce opposition à la décision qui en est résultée dès lors qu'il y a intérêt ;
qu'en jugeant autrement, partant, en déclarant irrecevable la tierce opposition formée par les sociétés créancières, la cour d'appel a violé le texte susvisé, l'article L 661-2 du code du commerce, ensemble et par fausse application, l'article 583 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE, subsidiairement, les créanciers d'une partie peuvent, en tout état de cause, former tierce opposition au jugement rendu, auquel ils n'avaient pas été parties, s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres ; que le caractère «propre» du moyen du créancier se détermine exclusivement au regard de ce que le débiteur, censé le représenter, pouvait ou non soutenir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les sociétés appelantes, sociétés de droit étranger, se fondant sur les termes précis des contrats conclus avec le débiteur, faisaient valoir le moyen tiré de la compétence exclusive des juridictions anglaises, en lieu et place de celle du juge français, lequel avait, à la demande expresse du débiteur qui l'avait saisi à cette fin, ouvert une procédure de sauvegarde à son égard ; qu'en retenant, pour dire que le moyen, ainsi invoqué, ne constituait pas un «moyen propre» aux sociétés appelantes, partant, juger irrecevable la tierce opposition qu'elles avaient formée à l'encontre du jugement d'ouverture, que la compétence du juge français avait d'ores et déjà été examinée dans le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel a statué par un motif purement inopérant, privant, ce faisant, sa décision de toute base légale au regard de l'article 583 alinéa 2 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE, subsidiairement, tout requérant doit jouir d'une possibilité claire, concrète et effective de contester en justice un acte qui constituerait une ingérence dans ses droits ; que, s'il est permis à un Etat de limiter le droit d'accès à un tribunal dans un but légitime, c'est à la condition que la substance même de ce droit n'en soit pas atteinte ; qu'en l'espèce, les sociétés appelantes, de droit étranger et dont la totalité des activités est exercée depuis l'étranger, se sont vu imposer, par une décision du juge français, rendue dans une instance où elles n'étaient ni parties, ni représentées, l'ouverture, à la demande de leur débiteur, d'une procédure de sauvegarde de ce dernier, partant, l'application du droit français ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable leur tierce opposition, la cour d'appel a privé les sociétés appelantes de toute possibilité de faire entendre en justice leurs propres moyens, tirés de la compétence du juge anglais et de l'application de la loi anglaise, en application des termes des contrats souscrits et du règlement CE n°1346/2006 relatif aux procédures d'insolvabilité, en violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Sauvegarde des entreprises
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.