par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 2, 14 décembre 2017, 16-25666
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
14 décembre 2017, 16-25.666
Cette décision est visée dans la définition :
Fonds d'indemnisation des victimes de l'Amiante
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 20 septembre 2016), que Mimouna X..., dont l'époux était atteint d'une pathologie liée à l'amiante, et qui était au contact des vêtements de travail de celui-ci, qu'elle nettoyait, a présenté des plaques pleurales péricardiques, dont la présence a été diagnostiquée le 4 juin 2013 ; qu'une pathologie tumorale thoracique ayant été décelée au mois de janvier 2014, elle a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) afin d'être indemnisée de ses préjudices résultant de ces pathologies ; que celles-ci n'étant pas prises en charge au titre de la législation professionnelle, le FIVA a sollicité l'avis de la commission d'examen des circonstances d'exposition à l'amiante, qui n'a pas retenu le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire primitif ; que le FIVA, se fondant sur cet avis, a transmis à Mimouna X... une offre d'indemnisation en date du 17 juillet 2015 au titre des seules plaques pleurales ; que cette dernière, soutenant que la maladie tumorale thoracique qui lui avait été diagnostiquée avait été provoquée par son exposition à l'amiante, a contesté cette offre devant la cour d'appel de Paris ; qu'à la suite de son décès, survenu le 11 novembre 2015, son époux et ses sept enfants (les consorts X...) ont repris l'instance en leur qualité d'ayants droit ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen, que le lien direct et certain admis par les juges du fond entre des plaques pleurales et l'exposition à l'amiante de victime fait nécessairement présumer le lien de causalité entre le cancer broncho-pulmonaire dont souffre par ailleurs cette dernière et son exposition à l'amiante ; qu'en considérant que la preuve n'était pas rapportée par les ayants droit de la victime d'un lien direct et certain entre le cancer broncho-pulmonaire de celle-ci et son exposition à l'amiante, cependant qu'elle constatait qu'un lien direct et certain était en revanche établi entre ses plaques pleurales et son exposition à l'amiante, ce dont résultait nécessairement l'existence d'une présomption de lien entre le cancer broncho-pulmonaire et l'exposition à l'amiante de la victime, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 53, III, alinéa 4, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, 15, III, et 17 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 ;
Mais attendu que l'existence d'un lien direct et certain entre la présence, chez une victime non prise en charge au titre d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante, de plaques pleurales et son exposition à l'amiante ne permet pas de présumer l'existence d'un lien de causalité entre cette exposition et le cancer broncho-pulmonaire dont cette victime souffre par ailleurs ;
Qu'ainsi, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel, ayant exactement retenu qu'il incombait aux ayants droit de Mimouna X... de démontrer que cette maladie était en relation directe et certaine avec l'exposition de la victime à l'amiante, et relevé que la commission d'examen des circonstances de l'exposition à l'amiante avait conclu, au vu du dossier médical de l'intéressée, « que les pièces communiquées ne permettent pas de retenir un lien entre la pathologie présentée par Mme X... et l'exposition à l'amiante, autre que les plaques pleurales pour lesquelles le Fonds a formulé une proposition », a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, qu'en l'absence de pièce nouvelle de nature à remettre en cause ces conclusions, la preuve n'était pas rapportée d'un lien de causalité entre cette affection et l'exposition de Mimouna X... à l'amiante, de sorte qu'il y avait lieu de débouter les consorts X... de leur demande ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. Ahmed, Aziz, Hassane, Driss, Youssef, Elmamoun et Mohamed X... et Mme Sabrina X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour MM. Ahmed, Aziz, Hassane, Driss, Youssef, Elmamoun et Mohamed X... et Mme Sabrina X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le caractère primitif du cancer-broncho pulmonaire dont était atteint Mimouna X... n'était pas établi et d'avoir en conséquence débouté ses ayants-droit de leur demande tendant à ce qu'il soit dit et jugé que le refus d'indemnisation du cancer broncho-pulmonaire de Mimouna X... n'était pas fondé ;
AUX MOTIFS QU'en vertu des dispositions de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, « il appartient au demandeur de justifier de l'exposition à l'amiante et de l'atteinte à l'état de santé de la victime » et que selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, la charge de la preuve incombe au demandeur ; qu'au cas d'espèce, les consorts X... qui contestent la décision de rejet de l'indemnisation du cancer dont était affectée leur mère, ont la charge de rapporter la preuve que cette pathologie est en relation directe et certaine à l'exposition de l'amiante ; qu'il résulte de la combinaison de l'article 53 III du le loi du 23 décembre 2000 et des dispositions des article 7 et 17 du décret du 23 octobre 2001, qu'il existe trois catégories de victimes : celles qui ont été exposées lors de leur activité professionnelle à l'amiante, les victimes atteintes de pathologies dont le constat vaut justification de l'exposition à l'amiante et dont la pathologie est énumérée par l'arrêté du 5 mai 2002 (le mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde et les plaques pleurales, lorsqu'elles sont confirmées par un scanner), et celles dont le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante n'est pas supposé et pour lesquelles le dossier est transmis à la commission d'examen des circonstances de l'exposition à l'amiante qui se réunit pour examiner les circonstances de l'exposition à l'amiante, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'il ressort des pièces versées aux débats et notamment des scanners thoracique et cervical des 4 juin 2013 et 19 décembre 2013 que Mme X... est atteinte notamment, d'une pathologie tumorale thoracique ; que la copie du dossier médical de Mme X..., avec des certificats médicaux un en date du 7 novembre 2014, constituant la pièce 16 de Maître Y... mentionnant « un épaississement pécardique évocateur de plaques péricardiques liées à l'amiante » figurent au dossier mais qu'aucune pièce ne permet de rapporter la preuve d'un lien de causalité entre cette affection et l'exposition à l'amiante ; que le dossier a été examiné par la commission d'examen des circonstances de l'exposition à l'amiante, composée de quatre spécialistes en pneumologie et risque du travail, qui présentent des garanties professionnelles et d'indépendance, qui a conclu « que les pièces communiquées ne permettent pas de retenir un lien entre la pathologie présentée par Mme X... et l'exposition à l'amiante, autre que les plaques pleurales pour lesquelles le Fonds a formulé une proposition » ; qu'en l'absence de pièce nouvelle de nature à remettre en cause ces conclusions, la cour, qui n'a pas à suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve d'un lien direct et certain entre l'affection dont souffrait Mme X... et l'amiante, rejettera la demande d'expertise ;
ALORS QUE le lien direct et certain admis par les juges du fond entre des plaques pleurales et l'exposition à l'amiante de victime fait nécessairement présumer le lien de causalité entre le cancer broncho-pulmonaire dont souffre par ailleurs cette dernière et son exposition à l'amiante ; qu'en considérant que la preuve n'était pas rapportée par les ayants-droit de la victime d'un lien direct et certain entre le cancer broncho-pulmonaire de celle-ci et son exposition à l'amiante, cependant qu'elle constatait qu'un lien direct et certain était en revanche établi entre ses plaques pleurales et son exposition à l'amiante, ce dont résultait nécessairement l'existence d'une présomption de lien entre le cancer broncho-pulmonaire et l'exposition à l'amiante de la victime, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 53 III, alinéa 4, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, 15 III et 17 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001.
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Cette décision est visée dans la définition :
Fonds d'indemnisation des victimes de l'Amiante
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.