par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 3, 18 mai 2017, 16-11260
Dictionnaire Juridique
site réalisé avec Baumann Avocats Droit informatique |
Cour de cassation, 3ème chambre civile
18 mai 2017, 16-11.260
Cette décision est visée dans la définition :
Entreprise
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2015), qu'en 1999, Mme Y... a entrepris des travaux de restructuration de son appartement, comprenant l'allongement d'une mezzanine et la création d'une galerie et de deux salles de bains ; que M. E..., architecte d'intérieur, agissant au nom de l'EURL Marc E... , assurée auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF), a été chargé de la maîtrise d'oeuvre ; que les travaux de maçonnerie ont été confiés à la société Spiga, assurée auprès des sociétés Axa et SMABTP ; qu'après résiliation amiable des contrats, en octobre 1999, et paiement des travaux réalisés, Mme Y... a emménagé dans les lieux en l'état, a obtenu en référé le remboursement de sommes trop perçues par le maître d'oeuvre et a assigné en indemnisation l'EURL Marc E... , qui a appelé en garantie la MAF, la société Spiga et ses assureurs ;
Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal, ci-après annexés :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1792-6 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de constatation de la réception tacite, l'arrêt retient que Mme Y... a mis fin unilatéralement aux travaux, puis a décidé de vivre dans le chantier inachevé et dangereux pendant six ans, sans aval de l'architecte, et qu'il ne saurait être admis qu'une réception même tacite est intervenue, un tel acte se faisant de façon unique à la fin des travaux en présence de l'architecte, et que Mme Y... n'a jamais sollicité qu'un tel acte intervienne et n'a protesté que six ans après l'occupation par elle des locaux sans formuler aucune réserve ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que Mme Y... avait pris possession de son appartement, en octobre 1999, avant l'achèvement des travaux et qu'à cette date, elle avait payé le montant des travaux déjà réalisés, ce qui laissait présumer sa volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de l'EURL Marc E... de condamnation de Mme Y... à lui payer la somme de 23 986,80 euros en règlement des travaux de menuiserie réalisés, l'arrêt retient qu'il y a lieu de rejeter sa demande ;
Qu'en statuant ainsi, sans examiner, même succinctement, les éléments de preuve produits pour la première fois en appel par l'EURL Marc E... , la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il refuse de fixer au mois d'octobre 1999 la réception tacite des travaux relatifs à la mezzanine et à la douche et de retenir que la responsabilité de la société Spiga et de l'EURL Marc E... était engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil, que les sociétés Axa et MAF devaient garantir leurs assurés respectifs au titre de la police de responsabilité décennale, et condamne in solidum la société Spiga, l'EURL Marc E... et la MAF à payer à Mme Y... la seule somme de 5 888 euros au titre des désordres affectant la mezzanine et la douche, rejette la demande de l'EURL Marc E... de condamnation de Mme Y... à lui payer la somme de 23 986,80 euros en règlement des travaux de menuiserie réalisés, l'arrêt rendu le 2 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait fixé au mois d'octobre 1999 la réception tacite des travaux relatifs à la mezzanine et à la douche, dit que la responsabilité de la société SPIGA et de l'EURL MARC E... était engagée au titre des désordres relatifs à la mezzanine et à la douche sur le fondement de l'article 1792 du code civil, dit que les sociétés AXA FRANCE IARD et MAF devaient garantir leurs assurés respectifs au titre de la police de responsabilité décennale souscrite, et en ce qu'il avait condamné in solidum l'EURL MARC E... , la MAF, la société SPIGA et la société AXA France IARD à payer à Madame Y... au titre de la réparation des désordres matériels relatifs à la mezzanine et à la douche les sommes de 25.288 euros T.T.C. au titre des travaux de reprise et de mise en sécurité, de 3.449,85 euros T.T.C. au titre des frais annexes, et statuant à nouveau, d'AVOIR condamné in solidum la société SPIGA, l'EURL Marc E... et la MAF à payer à Madame Y... la seule somme de 5.888 euros au titre des désordres affectant la mezzanine et la douche ;
AUX MOTIFS QUE « 1) Sur le déroulement des travaux et l'interruption du chantier : il convient de rappeler que c'est Madame Y... qui a, par faute de moyens pécuniaires et pour des problèmes personnels, selon ses propres explications, décidé unilatéralement de mettre fin au chantier ; que les pièces et éléments en construction sont restés de ce fait inachevés et en l'état ; qu'aucun état des travaux réalisés et arrêtés n'a été dressé contradictoirement ; qu'il n'a pas été possible en conséquence, comme il est de règle, de faire le tour du chantier et de faire une réception assortie de réserves, puis de demander aux entreprises de reprendre celles-ci ; qu'il convient de rappeler, sur les dates, que les travaux ont démarré en juin 1999 et que dès septembre 1999 Madame Y... a, d'elle-même, mis fin au chantier, puis a pris possession des lieux pourtant inachevés dès octobre 1999 ; qu'il convient de relever qu'à cette date elle n'a formulé aucun grief contre les travaux ; qu'il était patent qu'elle ne pouvait ignorer que les travaux étaient inachevés ; que c'est pour la première fois le 12 avril 2006, soit plus de six ans après, qu'elle a saisi le juge des référés par assignation afin d'obtenir une expertise ; qu'il y a lieu de dire que Madame Y... ne saurait rechercher la responsabilité des constructeurs, architectes et assureurs pour des nonfinitions ou les désordres résultant de l'inachèvement des travaux, puisque ces nonfinitions et inachèvement sont le résultat de ses propres décisions de mettre fin unilatéralement aux travaux d'une part, puis d'occuper le chantier ainsi inachevé et dangereux pendant six ans ; qu'elle a en effet décidé de vivre dans ces locaux sans s'entourer de l'avis de quiconque et doit en supporter les responsabilités et inconvénients ; qu'elle n'allègue pas avoir obtenu l'aval de l'architecte pour cette occupation de locaux, sans cuisine, sans porte, même pour les toilettes, sans rampe, sans balustrades ni garde-corps, ce qui relève de l'inconséquence ; qu'il ne saurait être dans ces conditions considéré qu'une réception tacite est intervenue ; qu'un tel acte se fait de façon unique à la fin des travaux en présence de l'architecte ; que le maître de l'ouvrage, conseillé par ce dernier, opère un examen de l'ensemble de la construction, forme des réserves sur les travaux mal réalisés, et ces réserves doivent être levées ; qu'il s'agit là d'une des conditions de l'intervention des assureurs de police décennale, qui ne peuvent être condamnés à garantir des travaux dont il est évident pour tous qu'ils ne sont ni achevés ni contrôlés, et dont les points ayant fait objet de réserves n'ont pas été repris ; que d'ailleurs Madame Y... n'a jamais sollicité qu'un tel acte intervienne, et n'a protesté que six ans après l'occupation par elle de ses locaux sans formuler aucune réserve ; considérant que dès lors la responsabilité encourue relève du régime contractuel ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement qui a retenu l'existence d'une réception tacite et en a fixé la date » (arrêt p. 10) ;
1°) ALORS QUE l'ouvrage peut faire l'objet d'une réception tacite quand bien même les travaux n'auraient pas été achevés et quand bien même l'immeuble ne serait pas habitable ou en état d'être reçu ; qu'en énonçant, pour exclure la possibilité d'une réception tacite par Madame Y... des travaux au mois d'octobre 1999, qu'à cette date, l'appartement ne comprenait ni cuisine, ni portes, ni garde-corps et que la réception ne pouvait intervenir qu'à la fin des travaux, la cour d'appel a méconnu l'article 1792-6 du code civil ;
2°) ALORS QUE la réception peut être tacite et ne concerner qu'une partie de l'ouvrage; qu'elle est caractérisée lorsque le maître de l'ouvrage a manifesté sa volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage, sans opposition du maître d'oeuvre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Madame Y... avait pris possession des locaux au mois d'octobre 1999 et n'avait pas formulé de réserve; qu'il était par ailleurs constant que si Madame Y... avait pris la décision d'arrêter les travaux, la résiliation du marché était intervenue de manière amiable entre Madame Y... et l'EURL MARC E... et que Madame Y... avait réglé l'intégralité des factures qui lui avaient été présentées par l'EURL MARC E... ; qu'en considérant néanmoins que les travaux n'avaient pas fait l'objet d'une réception tacite par Madame Y..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792-6 du code civil ;
3°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, Madame Y... faisait valoir (ses conclusions d'appel, p. 13-14) que ses demandes indemnitaires portaient sur les désordres constatés par l'expert judiciaire sur la mezzanine et la salle de bains, ces parties d'ouvrage ayant été achevées au moment de la résiliation du marché de travaux en octobre 1999 ; qu'en jugeant néanmoins que Madame Y... ne pouvait rechercher la responsabilité des constructeurs, architectes et assureurs « pour des non-finitions ou les désordres résultant de l'inachèvement des travaux, puisque ces non-finitions et inachèvement sont le résultat de ses propres décisions de mettre fin unilatéralement aux travaux d'une part, puis d'occuper le chantier ainsi inachevé et dangereux pendant six ans », et en déduire qu'il ne pouvait dans ces conditions être considéré qu'une réception tacite était intervenue (arrêt, p. 10, 4ème et 5ème §), quand Madame Y... ne sollicitait pas seulement l'indemnisation d'ouvrages inachevés mais également celle des désordres affectant les parties d'ouvrage terminées lors de la résiliation du marché, dont elle avait pris possession et dont elle avait réglé le coût, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE la réception tacite d'un ouvrage est caractérisée par la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir ; qu'en se fondant, pour écarter la réception tacite des travaux, sur la circonstance inopérante que Madame Y... n'avait fait état de l'existence de désordres que six ans après la prise de possession des locaux sans réserve, la Cour d'appel a méconnu l'article 1792-6 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné in solidum la société SPIGA, l'EURL MARC E... et la MAF à payer à Madame Y... la seule somme de 5.888 euros au titre des désordres affectant la mezzanine et la douche ;
AUX MOTIFS QUE « 2) Sur les garde-corps de la mezzanine et de la passerelle : le garde-corps de la passerelle située à l'intérieur de l'appartement, a été posé de chaque côté de façon sommaire compte-tenu de l'interruption du chantier, ce qui représente un danger que révèlent les photographies produites aux débats ; qu'il n'a pas fait l'objet de réserves puisqu'il n'y a pas eu de réception et que Madame Y... a accepté de vivre ainsi sans remarque ; que l'EURL MARC E... , représentée par M. Marc E... , architecte d'intérieur, n'a jamais participé à cette installation qui relève du bricolage ; qu'elle ne saurait être appelée à en répondre ; que la société SPIGA ne conteste pas avoir installé ce matériel ; que cependant le maître de l'ouvrage ne saurait le lui reprocher aujourd'hui et obtenir par le jeu de la présente instance l'installation aux frais des intervenants d'une installation pérenne qu'il n'a jamais payée ; que les éléments de l'instance permettent de conclure que ces installations ont été arrangées de façon sommaire compte-tenu de l'impécuniosité du maître de l'ouvrage ; que son assureur la compagnie AXA ne couvre que la responsabilité décennale et ne saurait dès lors être condamné à garantie ; qu'il en va de même de l'absence de garde-corps dans la chambre, qui était, lors de la venue de l'expert, ouverte dans le vide ; que Madame Y..., qui a pris le risque d'occuper le chantier inachevé en raison de ses problèmes personnels, ne peut demander aujourd'hui aux entreprises et à l'architecte de lui payer cet équipement ; que les demandes seront rejetées et le jugement infirmé en ce sens ; 3) Sur la mezzanine : le BET a estimé que « la solidité de l'ouvrage était justifiée pour des surcharges d'exploitation correspondant à une occupation de logement » ; qu'il faut entendre de cette expression que la mezzanine était suffisamment étayée pour un bâtiment d'habitation ; qu'il existe cependant une fine fissure de mise en place, qui est actuellement stabilisée, due à des imperfections ; que ladite fissure, apparente sur la photographie produite aux débats, est située entre la dalle préexistante et la partie nouvelle de la dalle qui a été mise en place en prolongation ; qu'il s'agit d'un défaut esthétique sans conséquence qui n'est pas à l'origine d'un désordre réel ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; (
) Sur les frais de recherches des désordres : il y a lieu enfin de débouter Madame Y... de sa demande relative aux frais annexes de recherche des solutions, qu'elle a largement contribué à rendre nécessaires par l'arrêt du chantier, et qui lui sont indispensables pour mener à bien son achèvement ; que le jugement sera infirmé en ce sens ; (
) Sur les frais de maîtrise d'oeuvre : compte tenu du sens de la décision, cette demande relative à la seule question du ferraillage de la mezzanine sera rejetée ; que le jugement sera infirmé en ce sens » (arrêt p.11, p. 12 §3 et p. 13 §2) ;
1°) ALORS QUE le contrat conclu le 26 juin 1999 par Madame Y... avec l'EURL MARC E... stipulait que l'EURL MARC E... était chargée de concevoir et de " veiller à la bonne réalisation [des travaux]", "assist[ait] le maître d'ouvrage pour les opérations de travaux" et "met[tait] en oeuvre les moyens nécessaires à la réalisation de la mission qu'il accepte"; que l'EURL MARC E... était ainsi tenue d'une obligation de surveillance des travaux ; qu'en énonçant, pour considérer que l'EURL MARC E... ne pouvait répondre envers Madame Y... des désordres relatifs à la pose du garde-corps de la passerelle, que cette société n'avait pas personnellement participé à l'installation laquelle avait été réalisée par son soustraitant, la société SPIGA, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de Madame Y..., p 17) si les défauts affectant l'installation ne traduisaientt pas un manquement de l'EURL MARC E... à son obligation de surveillance des travaux, engageant sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil;
2°) ALORS QUE le juge doit observer et faire observer le principe de la contradiction; qu'il ne peut soulever un moyen d'office sans provoquer les observations des parties; que ni Madame Y... ni l'EURL E... ne soutenait que la somme correspondant à la pose et à la fixation du garde-corps de la passerelle n'aurait pas été réglée par Madame Y... ; qu'en relevant ce moyen d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile;
3°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté l'existence d'un trop perçu par l'EURL E... de 64.214,94 euros; que le devis du 26 juin 1999 signé par l'EURL MARC E... et Madame Y... et annexé au rapport d'expertise mentionnait la "fourniture et pose de carreaux de plâtre de 10 cm d'épaisseur pour réalisation des murets de la passerelle y compris raccords de plâtre sur rives et toutes finitions nécessaires" et évaluait cette prestation à 10.780 francs, soit 1643,40 euros; qu'en considérant que la prestation correspondant à l'installation du garde-corps n'avait pas été payée par Madame Y..., sans rechercher s'il ne résultait pas de ces éléments que Madame Y... avait bien réglé la prestation correspondant à l'installation du garde-corps de la passerelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil;
4°) ALORS QUE le maître d'oeuvre est tenu d'une obligation de conseil et de surveillance à l'égard du maître de l'ouvrage; qu'il doit s'assurer de la sécurité des travaux réalisés; que la cour d'appel a constaté que l'EURL MARC E... avait perçu lors de la résiliation du marché un excédent de rémunération de 64.214,94 euros au regard des travaux qu'elle avait effectués; qu'en énonçant, pour écarter la responsabilité de l'EURL MARC E... au titre des garde-corps non posés ou non scellés, que l'arrêt des travaux résultait de la décision de Madame Y..., sans s'interroger, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de l'exposante, p.17-18), sur le point de savoir si l'EURL MARC E... n'était pas tenue d'alerter Madame Y... sur les dangers présentés par les locaux et de prendre l'initiative, en l'état des somme qu'elle avait reçues, de réaliser les travaux nécessaires à lui assurer une sécurité minimale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil;
5°) ALORS QUE le maître d'oeuvre est responsable à l'égard du maître de l'ouvrage de la faute commise dans l'exécution des travaux qui lui ont été confiés ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté « l'absence de garde-corps dans la chambre, qui était, lors de la venue de l'expert, ouverte dans le vide » ; qu'en exonérant l'EURL MARC E... de toute responsabilité à raison de ce désordre, au motif inopérant que Madame Y... avait « pris le risque d'occuper le chantier inachevé en raison de ses problèmes personnels », la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 du code civil ;
6°) ALORS QUE le locateur d'ouvrage est tenu à une obligation de résultat ;
que les désordres esthétiques engagent la responsabilité du maître d'oeuvre à l'égard du maître de l'ouvrage; qu'en écartant la responsabilité de l'EURL MARC E... au motif que la fissure située entre la dalle préexistante et la partie nouvelle de la dalle n'était qu'un défaut esthétique, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil;
7°) ALORS QUE le maître d'oeuvre engage sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître de l'ouvrage en cas de malfaçons, quand bien même les désordres constatés ne compromettraient pas la solidité de l'ouvrage; que le rapport d'expertise constatait une "lézarde de 14 à 16 mm entre la dalle-béton du plancher de la mezzanine et la maçonnerie du garde-corps" et signalait que cet écart indiquait un "fléchissement du plancher"; qu'il indiquait encore que la liaison entre le plancher conservé et le plancher neuf n'était pas assurée par les armatures en acier et que le défaut d'ancrage du plancher dans le mur de façade côté escalier constituait un "défaut caractérisé de réalisation lors du coulage du béton", qu'il rapportait également les propos du BET ETANDEX, lequel signalait un déficit d'armatures inférieures de l'ordre de 30%, l'absence d'armatures supérieures, notamment sur appui et un défaut d'ancrage du plancher dans la façade à l'aplomb de l'escalier et concluait que les "déformations d'une telle dalle sont 5 fois plus importantes que la même dalle possédant des encastrements appropriés aux appuis" (rapport d'expertise p. 12 et 18); qu'en écartant la responsabilité contractuelle de l'EURL MARC E... au motif qu'il résultait d'une remarque du BET que la mezzanine était suffisamment étayée pour un bâtiment d'habitation, sans rechercher, comme elle y était invitée par l'exposante (conclusions p.14 et 17) si, quand bien même la solidité de la mezzanine n'aurait pas été compromise, les éléments constatés par le rapport d'expertise ne caractérisaient pas des malfaçons de nature à engager la responsabilité contractuelle de l'EURL MARC E... sur le fondement du droit commun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Y... tendant à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait condamné l'EURL MARC E... à lui verser la somme de 35.040 euros au titre de la réparation de ses troubles de jouissance occasionnés par les désordres relatifs à la mezzanine et à la douche;
AUX MOTIFS QUE " Sur la perte de jouissance du logement pendant dix années: compte tenu de l'historique du chantier rappelé ci-dessus, Madame Y... ne peut sérieusement demander la somme de 140.619 euros qu'elle réclame de ce chef; qu'en réalité pour des raisons personnelles elle a mis fin au chantier, puis a fait le choix d'habiter dans ce logement inachevé jusqu'à ce jour; que la cour relève d'ailleurs qu'elle a attendu sept années pour saisir la justice; qu'elle ne saurait donc imputer le moindre préjudice de jouissance aux constructeurs qui ne sont pas responsables du revers de fortune qu'elle allègue avoir rencontré; que le seul fait qu'elle ait continué à utiliser une douche italienne dont les carreaux se sont décollés à l'usage, au vu des photographies de l'installation produites aux débats, n'est pas sérieusement susceptible d'indemnisation; que sa demande sera rejetée et le jugement infirmé sur ce point" (arrêt p. 12);
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les écritures des parties; que devant la cour d'appel, Madame Y... énonçait expressément qu'elle acceptait le quantum de 35.040 euros retenu par le tribunal au titre de la réparation de ses troubles de jouissance et demandait confirmation du jugement sur ce point (conclusions p. 23); qu'en énonçant que Madame Y... ne pouvait sérieusement réclamer "la somme de 140.619 euros" au titre de son trouble de jouissance, la cour d'appel a dénaturé les écritures de l'exposante, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile;
2°) ALORS QUE devant la cour d'appel, Madame Y... faisait valoir qu'elle avait subi un trouble de jouissance résultant des dangers présentés par le plancher de la mezzanine, lesquels avaient rendu inutilisable, en raison du risque d'effondrement, une zone de 40m2 située en dessous et au dessus de celle-ci (conclusions p.22) ; qu'en la déboutant de sa demande au motif qu'elle avait elle même pris la décision d'habiter un logement inachevé, cependant que le trouble invoqué par Madame Y... ne trouvait pas sa cause dans les travaux qui n'avaient pas été réalisés mais dans les malfaçons affectant les travaux qui avaient été réalisés sur la mezzanine, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants au regard de la demande qui lui était soumise, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de Madame Y... tendant à la condamnation de l'EURL MARC E... à lui verser la somme de 72.000 euros au titre du trouble dans ses conditions d'existence entre décembre 1999 et 2012;
AUX MOTIFS PROPRES QUE "l'existence du préjudice moral n'est pas caractérisée; que Madame Y... sera déboutée de sa demande de 500 euros par mois de dommages-intérêts depuis le 1er janvier 2000 et le jugement confirmé"(arrêt p. 13);
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés des premiers juges QUE " s'agissant de la demande formée au titre de l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence de Madame Y... et son fils, le tribunal rejettera cette demande, au motif que l'indemnisation de ces troubles est prise en compte dans la perte partielle de jouissance d'une partie de l'appartement et que les autres troubles dont Madame Y... demande l'indemnisation (absence d'aménagement de la cuisine, absence de pose de la porte des toilettes, défauts de finitions
) résultent de la décision qu'elle a prise d'arrêter les travaux en octobre 1999 alors qu'ils n'étaient pas terminés dans leur ensemble" (jugement p. 20);
1°) ALORS QUE le juge doit motiver sa décision ; qu'en se contentant d'énoncer, pour débouter Madame Y... de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral résultant du trouble dans ses conditions d'existence, que l'existence de préjudice « n'[était] pas caractérisée », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS subsidiairement, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, QUE l'auteur d'une faute doit réparation des dommages en résultant ; que devant la cour d'appel, Madame Y... faisait valoir que si l'EURL E... avait satisfait à ses obligations contractuelles lors de la résiliation du marché en établissant des états d'avancements et des comptes, le trop-perçu par l'EURL E... de 64.214,94 euros serait apparu et lui aurait permis, s'il lui avait été restitué immédiatement, de réaliser les travaux de nature à rendre son appartement confortable et habitable (p.23-24) ; qu'en retenant que les troubles résultant de l'absence d'aménagement de la cuisine, de l'absence de pose de la porte des toilettes et de défauts de finitions résultaient de la décision de Madame Y... d'arrêter les travaux, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces travaux n'auraient pas pu être poursuivis si l'EURL MARC E... avait satisfait à ses obligations contractuelles lors de la résiliation du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Marc E....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'Eurl Marc E... de sa demande tendant à voir condamner Mme Y... à lui payer la somme de 23.986,80 € en règlement des travaux de menuiserie réalisés ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'Eurl Marc E... demande à titre reconventionnel la condamnation de Mme Y... à lui payer la somme de 23.986,80 € au titre de travaux de menuiseries réalisés et non pris en compte par l'expert ; que Mme Y... s'oppose à cette demande en paiement, au motif qu'elle est mal fondée ; qu'à l'examen des pièces versées au dossier et notamment du rapport d'expertise, le présent tribunal ne dispose pas d'éléments suffisants pour faire droit à la demande reconventionnelle en paiement de l'Eurl Marc E... ; qu'en effet, le tribunal considère que les pièces produites pour justifier qu'elle aurait commandé et payé à son fournisseur la porte coulissante motorisée ne sont pas suffisants à rapporter la preuve qu'elle aurait effectué des travaux à hauteur de 23.986,80 € au bénéfice de Mme Y..., en l'absence notamment de toute justification du coût payé à son fournisseur pour cette porte coulissante motorisée et de tout certificat de livraison ; que cette demande sera donc rejetée » ;
ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, même sommairement, les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'Eurl Marc E... ne rapportait pas la preuve d'avoir effectué des travaux à hauteur de 23.986,80 € au bénéfice de Mme Y... ; qu'en se déterminant ainsi, sans examiner, même sommairement, les talons de chèques, les relevés de compte, et les situations de travaux de la société Dennery communiqués par l'Eurl E..., de nature à établir qu'elle avait réglé à la société Dennery, responsable du lot « menuiserie-maçonnerie », la somme totale de 61.375 € incluant le montant de la porte coulissante motorisée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
site réalisé avec Baumann Avocat Droit informatique |
Cette décision est visée dans la définition :
Entreprise
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.