par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 23 septembre 2014, 13-25708
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Cour de cassation, chambre commerciale
23 septembre 2014, 13-25.708
Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° W 13-19. 713 et N 13-25. 708 qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., gérant de la SARL Francky-Matic (la société débitrice), ayant pour activité la conception de jeux automatiques à installer dans des débits de boissons, a été poursuivi pour infraction à la législation sur les jeux de hasard et, par décision du 18 novembre 2011 du juge des libertés et de la détention mis sous contrôle judiciaire avec interdiction de diriger la société débitrice ; qu'il a été remplacé dans ses fonctions par M. Y...à compter du 8 décembre 2011, le nouveau gérant déclarant la cessation des paiements de la société débitrice le 16 décembre 2011 ; qu'après ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, le 20 décembre 2011, deux offres de reprise ont été reçues dont une présentée par M. X...; qu'après avoir déclaré celle-ci irrecevable et rejeté l'autre, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire ;
Sur la recevabilité des pourvois :
Attendu que deux pourvois ont été formés par la société débitrice et M. X..., le premier par déclaration du 17 juin 2013, le second le 31 octobre 2013 ; que celui-ci indique que l'arrêt a été rendu par défaut et qu'à la date du premier recours en cassation, le délai d'opposition n'était pas expiré, la signification le faisant courir n'ayant eu lieu que le 26 septembre 2013 ;
Mais attendu que l'arrêt est réputé contradictoire, de sorte que le premier pourvoi formé avant la signification du 26 septembre 2013 était recevable et qu'il y a lieu de lui joindre le second qui attaque l'arrêt par le même moyen ;
Sur les moyens uniques, pris en leurs deux premières branches, de chaque pourvoi, rédigés en termes identiques, réunis :
Vu l'article L. 642-3, alinéa 1er, du code de commerce, rendu applicable, par l'article L. 631-22, alinéa 1er, du même code, à la cession de l'entreprise en redressement judiciaire ;
Attendu qu'il ne résulte pas de ce texte que l'ancien dirigeant de droit de la personne morale débitrice serait frappé d'une interdiction de présenter une offre d'acquisition de l'entreprise, sauf en cas de fraude ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'offre de M. X..., l'arrêt retient que si, à l'ouverture de la procédure collective, il n'avait plus la qualité de dirigeant de droit, la cessation de ses fonctions n'était pas le résultat d'un choix délibéré, mais s'imposait à lui et à la société et que son remplacement par M. Y...n'était pas la conséquence d'un fonctionnement normal de celle-ci, de sorte que M. X...ne peut s'en prévaloir et doit être considéré comme le seul dirigeant sortant atteint par l'interdiction d'acquérir ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas relevé l'existence d'une fraude, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;
Et sur les moyens, pris en leur troisième branche, rédigés en termes identiques, réunis :
Vu l'article L. 642-3, alinéa 1er, du code de commerce ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'offre de M. X..., l'arrêt retient encore, par motifs propres, que quelques jours seulement séparant l'entrée en fonctions de M. Y...de la déclaration de cessation des paiements, il est démontré qu'il n'a pu exercer la direction de la société débitrice et, par motifs adoptés, que M. X...étant, par personne morale interposée, l'associé majoritaire de celle-ci, il doit en être présumé gérant de fait ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que M. X...aurait été le dirigeant de fait de la société débitrice après la nomination de son successeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne M. Z..., en qualité de mandataire judiciaire puis liquidateur de la société Francky-Matic, et la société A...et B..., en qualité d'administrateur judiciaire de celle-ci, aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen identique produit aux pourvois n° W 13-19. 713 et N 13-25. 708 par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Francky-matic, Joe-Anim'jeux et M. X....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'offre de reprise présentée par Monsieur David X..., agissant au nom et pour le compte de la société Joe en cours de formation, puis par la société Joe qui s'est substituée dans l'offre, et d'avoir prononcé la liquidation judiciaire de la société Francky-Matic ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« en application des dispositions de l'article L642-3 du code de commerce les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire ne peuvent être admis directement ou indirectement à présenter une offre de reprise de cette même société ;
qu'en l'espèce, si à la date de l'ouverture de la procédure collective de la SARL Francky-Matic soit par jugement du 20 décembre 2011, monsieur David X..., auteur de l'offre en date du 13 novembre 2012 pour le compte de la SARL JOE en cours de formation n'a plus la qualité de dirigeant de droit, la cessation de cette fonction n'est pas la conséquence d'un choix délibéré de ce dernier mais d'une mesure de sûreté soit une interdiction de gérer prononcée à son encontre dans le cadre d'un contrôle judiciaire et s'imposant à lui, cette interdiction ne peut lui permettre de se prévaloir de la cessation de cette fonction en vue de la présentation de l'offre contestée ; que la désignation de Monsieur Marc Y...en qualité de dirigeant de la SARL Francky-Matic le 8 décembre 2011 soit en remplacement de monsieur David X...n'est pas la conséquence d'un fonctionnement normal de la dite société ; que Monsieur Marc Y...a dès le 16 décembre 2011 procédé au dépôt de bilan de la SARL Francky-Matic et le redressement judiciaire a été prononcé par jugement du 20 décembre 2011 ; que les quelques jours entre la prise de fonction de Monsieur Marc Y..., le dépôt de bilan et l'ouverture de la procédure collective démontrent que ce dernier n'a pu effectivement exercer les fonctions de dirigeant de droit et monsieur David X...doit dès lors être considéré comme le seul dirigeant sortant ne lui permettant pas par conséquent d'être admis à présenter une offre de reprise de cette même société au sens de l'article susvisé ; que le jugement contesté déclarant cette offre irrecevable et prononçant l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SARL Francky-Matic sera confirmé en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS ENVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Monsieur David X..., fils du fondateur de la société FRANCKY MATIC, a exercé les fonctions de gérant de ladite société pendant sept ans ; que son remplacement par Monsieur Marc Y...en fin d'année 2011 n'est dû qu'à son placement sous contrôle judiciaire dans le cadre de la procédure pénale diligentée par le ministère public de Vienne pour infraction à la législation sur les jeux de hasard et peut de ce fait être considéré comme de pure circonstance et d'opportunité ; Attendu en outre que Monsieur David X...est actionnaire de la société MELODYAN, elle-même actionnaire très largement majoritaire de la société FRANCKY MATIC ; que ces éléments démontrent le lien très étroit et de longue date existant entre le candidat repreneur et la société débitrice ; qu'en effet, le premier peut être présumé gérant de fait de la seconde et qu'en tout état de cause, ses fonctions officielles de gérant n'ont pris fin que récemment et du seul fait de poursuites pénales à son encontre ; qu'il ne peut se prévaloir de la qualité de tiers que la jurisprudence exige de la part du cessionnaire ; que dans ces conditions l'offre ainsi présentée tombe sous le coup de l'interdiction posée par les dispositions de l'article L. 642-3 alinéa 1er du code de commerce ; que de ce fait, elle ne peut être retenue que sur requête du ministère public ; que, le ministère public n'ayant pas présenté de réquisitions aux fins de cession au profit de Monsieur David X..., il convient pour le tribunal de déclarer son offre irrecevable ; que l'offre présentée par la société SODIVA n'est pas satisfaisante tant sur les volets social que financier ; qu'elle ne s'accompagne pas d'un véritable projet d'entreprise permettant de rassurer le tribunal sur la pérennité de la société ; qu'au regard de ces éléments, il convient de rejeter cette offre ; que par ailleurs il ressort des informations communiquées au tribunal que l'entreprise n'est pas en mesure de présenter un projet de plan de redressement ; qu'il appartient de ce fait au tribunal de prononcer la liquidation judiciaire conformément aux dispositions de l'article L. 631-15 II du code de commerce » ;
1°) ALORS QUE les dispositions édictant des interdictions sont d'interprétation stricte ; qu'il n'est pas interdit à l'ancien dirigeant, expressément visé par les dispositions de l'article L. 642-3 du code de commerce, de présenter une offre de reprise dans le cadre d'un plan de cession de la personne morale en liquidation judiciaire ; qu'en considérant que Monsieur X...ne pouvait présenter d'offre de reprise à raison de sa qualité d'ancien dirigeant de la société Francky-Matic, la cour d'appel a violé l'article L. 642-3 du Code de commerce ;
2°) ALORS QU'en considérant que Monsieur David X..., qui n'avait plus la qualité de dirigeant de droit, ne pouvait se prévaloir de la cessation de cette fonction dans la mesure où elle n'était pas la conséquence d'un choix délibéré mais elle s'était imposée à lui compte tenu de l'interdiction de gérer dont il avait fait l'objet, la cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas, en violation de l'article L. 642-3 du Code de commerce ;
3°) ALORS QUE la qualité de dirigeant de fait, auquel il est interdit de présenter une offre de reprise, ne peut se déduire de la seule existence d'une participation, fut-elle majoritaire, dans la société en liquidation judiciaire ; qu'en déduisant la qualité de dirigeant de fait de Monsieur David X...de la société Francky-Matic de la seule constatation qu'il était actionnaire de la société Melodyan, elle-même actionnaire majoritaire de la société Francky-Matic, sans même rechercher s'il avait exercé des responsabilités ou fonctions par l'intermédiaire de cette société dans la gestion de la société Francky-Matic après la cessation de ses fonctions de dirigeant de droit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 642-3 du code de commerce.
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Sauvegarde des entreprises
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.