par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 12 février 2014, 12-11554
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Cour de cassation, chambre sociale
12 février 2014, 12-11.554
Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué que M. X... a été employé par la société Dehan à compter du 15 août 2005 en qualité d'employé commercial, prospecteur, vendeur ; que par suite de la suspension de son permis de conduire pour excès de vitesse commis au volant de son véhicule de fonction durant un déplacement privé, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 22 mai 2008 au visa de l'article 10 du contrat de travail qui prévoit la rupture du contrat en cas de retrait de permis de conduire ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l' article L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la lettre de licenciement est motivée comme suit : "conformément à l' article 10 de votre contrat de travail, qui prévoit la rupture de celui-ci en cas de retrait du permis de conduire qui vous est nécessaire pour l'exercice de votre emploi, je considère que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement", que les faits invoqués comme constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel, et à raison des fonctions qui lui sont confiées, qu'en l'espèce le permis de conduire du salarié a été suspendu à la suite d'une infraction commise au volant du véhicule de l'entreprise mais durant un déplacement privé du salarié effectué le dimanche, que toutefois un fait de la vie privée peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement s'il est de nature à apporter un trouble objectif au fonctionnement de l'entreprise notamment parce qu'il aurait pour effet de rendre impossible l'exécution du contrat de travail aux conditions convenues, qu'il ressort des éléments du dossier que le comportement de M. X... a été à l'origine d'un trouble objectif et caractérisé au fonctionnement de l'entreprise dans la mesure où celui-ci s'est lui-même placé de par ce comportement dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution de son contrat de travail aux conditions et suivant les modalités convenues ;
Attendu, cependant, d'une part, que la lettre de licenciement fixe les termes et les limites du litige, d'autre part qu'aucune clause du contrat ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera en elle-même une cause de licenciement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait relevé qu'aux termes de la lettre de licenciement, le licenciement était motivé exclusivement par l' application de l'article 10 du contrat, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes au titre du licenciement, l'arrêt rendu le 8 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Dehan aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Dehan à payer à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et débouté en conséquence le salarié de sa demande de dommages et intérêts.
AUX MOTIFS propres QUE Monsieur Pierre X..., engagé à compter du 15 août 2005 suivant contrat à durée déterminée renouvelé puis contrat à durée indéterminée en qualité d'employé commercial, prospecteur, vendeur par la SARL Dehan, a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 mai 2008 par lettre du 9 mai précédent, puis licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 mai 2008, motivé comme suit : « Ainsi que je vous l'ai exposé lors de l'entretien, les motifs de licenciement sont les suivants : conformément à l'article 10 de votre contrat de travail, qui prévoit la rupture de celui-ci en cas de retrait du permis de conduire qui vous est nécessaire à l'exercice de votre emploi, je considère que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. Votre préavis de 2 mois débutera à la première présentation de la présente lettre. Nous avons décidé de vous dispenser de l'exécution de votre préavis qui vous sera toutefois payé » ; que contestant la légitimité de son licenciement, revendiquant le statut de VRP et enfin estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens qui, statuant par jugement du 26 novembre 2009, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment ; que les faits invoqués comme constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail ; qu'il ressort des éléments versés aux débats qu'à la suite d'un excès de vitesse au volant de son véhicule, Monsieur X... a vu son permis de conduire immédiatement suspendu à titre provisoire par l'autorité administrative à compter du 28 avril 2008 pour une durée de deux mois ; que le contrat à durée indéterminée régularisé le 11 août 2006 entre les parties contient un article 10 prévoyant qu' « en cas de retrait de permis de conduire, si ce dernier est nécessaire à l'exercice de son emploi et que le reclassement à un autre poste s'avère impossible, le salarié verra son contrat de travail rompu » ; qu'en l'espèce, le permis de conduire du salarié a été suspendu à la suite d'une infraction commise au volant du véhicule de l'entreprise mais durant un déplacement privé du salarié effectué le dimanche ; que toutefois un fait de la vie privée peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement s'il est de nature à apporter un trouble objectif au fonctionnement de l'entreprise, notamment parce qu'il aurait pour effet de rendre impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail aux conditions convenues ; qu'il ressort des éléments du dossier que les missions confiées à Monsieur X..., qui consistaient sur un secteur contractuellement défini par les deux départements de l'Oise et de la Somme principalement dans la prospection, la vente, le suivi de chantier, l'aide à l'encadrement de collaborateurs et à l'organisation des sites, l'aide à la commande et à la gestion des livraisons sur le site, nécessitaient des déplacements permanents du salarié, ce qu'il ne conteste au demeurant pas, et pour ce faire l'utilisation d'un véhicule automobile et donc la conduite de ce véhicule ; que le salarié conscient de son impossibilité de travailler autrement qu'en se déplaçant de manière autonome au moyen d'un véhicule a d'ailleurs obtenu de l'employeur de prendre des congés payés du 2 au 19 mai 2008 ; que le salarié ne justifie pas avoir mis en oeuvre ou même proposé à son employeur une solution alternative de nature à lui permettre de se rendre sur les divers lieux d'exécution de son contrat de travail de manière à accomplir les missions qui lui ont été contractuellement confiées à l'issue de ses congés et que cette solution aurait été refusée par l'employeur ; qu'à cet égard, le courrier daté du 9 ou 15 mai 2008 émanant de la société France Cars mentionnant sur demande de l'intéressé les conditions de location d'un véhicule sans permis ne peut à lui seul établir que ce dernier a antérieurement à la notification du licenciement proposé à son employeur cette solution alternative, étant observé que le salarié aurait pu néanmoins se voir confier un tel véhicule, les conditions du forfait étant conditionnées par un âge que l'intéressé avait atteint et le fait d'être titulaire d'un permis de conduire depuis 3 ans, ce qui était également le cas, une suspension administrative n'étant que temporaire et n'ayant pas pour effet d'entraîner une privation définitive du permis de conduire ; que le comportement de Monsieur X... a donc été à l'origine d'un trouble objectif et caractérisé apporté au bon fonctionnement de l'entreprise dans la mesure où celui-ci s'est lui même placé de par ce comportement dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution de son contrat de travail aux conditions et suivant les modalités convenues, peu important à cet égard les conditions du prononcé de l'avertissement daté du 28 avril 2009, sans rapport direct avec le grief unique énoncé à l'appui du licenciement, étant enfin et au surplus observé que le salarié ne forme aucune demande spécifique en rapport avec cet avertissement ; qu'en conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a considéré le licenciement comme justifié par une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime.
Et AUX MOTIFS adoptés QUE sur le licenciement et ses conséquences l'article 10 du contrat de travail prévoit qu'en cas de retrait de permis, sans préciser si il s'agit de suspension ou de retrait définitif, et si un reclassement s'avère impossible, le salarié verra son contrat rompu ; qu'en conséquence, le Conseil retiendra la rupture pour cause réelle et sérieuse et déboutera Monsieur Pierre X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
ALORS QU'aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera une cause de licenciement ; qu'une telle clause et nulle ; que pour dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel s'est fondée sur la clause aux termes de laquelle le retrait du permis de conduire, lorsqu'il est nécessaire à l'exercice de son emploi et en l'absence de possibilité de reclassement, entraine la rupture du contrat ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'apprécier, dans le cadre des pouvoirs qu'elle tient de l'article L1235-1 du Code du travail, si le fait invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement, la Cour d'appel a, par motifs adoptés, violé ledit article L 1235-1 du Code du travail.
ET ALORS encore QU'il ne peut être procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée que si celui-ci a crée un trouble caractérisé au sein de l'entreprise rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'après avoir retenu que le salarié, dont les fonctions exigeaient des déplacements, n'établissait pas avoir mis en oeuvre ou même proposé à son employeur une solution alternative de nature à lui permettre de se rendre sur les divers lieux d'exécution de son contrat de travail, la Cour d'appel a estimé que la mesure administrative de suspension du permis pour une période de deux mois a été à l'origine d'un trouble objectif et caractérisé apporté au bon fonctionnement de l'entreprise dans la mesure le salarié s'est lui même placé par ce comportement dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution de son contrat de travail aux conditions et suivant les modalités convenues ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le trouble objectif rendant impossible la poursuite du contrat de travail, et sans rechercher si l'employeur avait envisagé une solution temporaire, la Cour d'appel a, par motifs propres, privé sa décision de base légale au regard de l'article L1232-1 du Code du travail.
ET ALORS en outre QU'en retenant que la mesure administrative de suspension pour une période de deux mois du permis de conduire constitue un trouble caractérisé rendant impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail alors qu'elle a constaté que le salarié aurait pu se voir proposer un véhicule sans permis, ce dont il résultait que la poursuite du contrat n'était pas impossible, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a, par motifs propres, violé l'article L 1232-1 du Code du travail.
ET ALORS en tout état de cause QU'en estimant que le courrier « daté du 9 ou du 15 mai 2008 » d'une société de location mentionnant les conditions de location d'un véhicule sans permis ne peut à lui seul établir que le salarié a proposé à l'employeur une solution alternative antérieurement à son licenciement pour en déduire que la poursuite du contrat était impossible, alors qu'il n'est pas contesté que le licenciement a été notifié le 22 mai 2008 après entretien en date du 19 mai, la Cour d'appel a, par motifs propres, violé l'article L 1232-1 du Code du travail.
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Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.