par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, 12-35023
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
22 janvier 2014, 12-35.023
Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., hémophile depuis l'enfance, a été contaminé par le VIH et indemnisé par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles entre 1994 et 1998, qu'il a contracté mariage en 2000 et qu'en 2002, le diagnostic de contamination a été portée sur Mme X... et sa fille Taous, née la même année ; qu'en 2008, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) a adressé à M. et Mme X... une offre d'indemnisation de leurs préjudices, qu'ils ont partiellement acceptée, refusant la partie correspondant aux troubles dans leurs conditions d'existence ; que ceux-ci ayant saisi la cour d'appel de Paris, et l'ONIAM ayant fait savoir qu'il retirait l'offre faite à M. X... en réparation du préjudice moral qu'il prétendait avoir subi du fait de la contamination de son épouse et de leur fille, un arrêt du 11 mai 2009, au motif que l'ONIAM n'était pas délié des offres qu'il avait formulées pendant la phase non contentieuse de la procédure, a notamment alloué à M. X... les sommes de 9 150 et 7 620 euros du fait de la contamination de son épouse et de sa fille ; que, l'arrêt a été cassé de ce chef (Civ. 1re, 6 janvier 2011, pourvoi n° 09-71.201) ;
Sur les deux premières branches du moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles L. 1142-22 et L. 3122-1 du code de la santé publique ;
Attendu que, pour condamner l'ONIAM à payer à M. X..., en réparation du préjudice propre subi du fait de la contamination de son épouse et de sa fille, les sommes de 4 065,33 et 4 000 euros, l'arrêt retient, tout d'abord, qu'il est constant que, si M. X... n'avait pas été contaminé par le virus du sida, il n'aurait pas pu, lui-même contaminer son épouse et que, dès lors, la contamination qui constitue la source des obligations de l'ONIAM est bien en lien objectif avec le préjudice dont il sollicite la réparation, mais qu'ayant lui-même, sciemment, entretenu des relations sexuelles sans protection avec son épouse, ce comportement engage sa responsabilité ; que relevant, ensuite, l'importance de la contrainte que représente l'interdiction de rapports sexuels sans protection même avec son épouse tout au long de sa vie, il en déduit un partage de responsabilité laissant à la charge de l'ONIAM un tiers du préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'ONIAM, chargé, en vertu des textes susvisés et au titre de la solidarité nationale, de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine causée par une transfusion de produits sanguins, ne saurait être tenu, fût-ce partiellement, des préjudices propres invoqués par la personne contaminée du fait de la contamination de ses proches, lorsque cette contamination a été causée par des relations sexuelles non protégées auxquelles cette personne, qui s'était ainsi affranchie de la contrainte qu'elle prétendait avoir subie, a eu sciemment recours, la cour d'appel a violé ces textes ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi principal ni sur le moyen unique du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à 4 065,33 et 4 000 euros les sommes dues par l'ONIAM à M. X... pour le préjudice qu'il subit du fait de la contamination de son épouse et d'une de ses filles, l'arrêt rendu le 22 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande formée de ce chef par M. X... ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 4.065,33 et 4.000 euros les sommes dues par l'ONIAM à Monsieur Hamza X... pour le préjudice qu'il subit du fait de la contamination de son épouse et d'une de ses filles ;
Aux motifs que, le 6 janvier 2011, la Cour de cassation a statué ainsi sur un arrêt rendu par la présente Cour : ¿ « que M. X..., hémophile depuis l'enfance et contaminé par le VIH, a été indemnisé par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles entre 1994 et 1998 ; qu'il a épousé en 2000 Mme Y... ; que le diagnostic de contamination a été posé en 2002 sur la personne de celle-ci, ainsi que sur celle de sa fille, Taous, née la même année ; que M. et Mme X... ont sollicité auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) l'indemnisation des préjudices spécifiques de Mme X... et de sa fille et celle des troubles dans les conditions d'existence formulée au nom de chacun des membres de la famille ; qu'ils ont accepté les offres que l'ONIAM leur a adressées au titre des préjudices spécifiques mais ont contesté celles relatives aux troubles dans les conditions d'existence » ; ¿ ; que le préjudice dont M. Hamza X... demande réparation était celui résultant pour lui de la contamination de sa femme et de son enfant, étant acquis que c'est lui qui a contaminé son épouse en entretenant avec elle des rapports intimes sans protection ; que M. Hamza X... ajoute que son droit à indemnisation est incontestable et se dit choqué du reproche de faute formulé à son encontre en faisant remarquer la prégnance de ses convictions religieuses, difficilement compatibles avec des rapports sexuels protégés ; qu'il fait valoir ses angoisses et son soutien auprès de ses proches contaminés ; que l'ONIAM conclut au rejet des demandes en rappelant les indemnisations dont ont bénéficié M. Hamza X..., son épouse et sa fille contaminée et à la caducité de l'offre après le refus de son bénéficiaire ; qu'enfin, il conteste que le préjudice dont il est demandé réparation soit la conséquence directe de la contamination, cette contamination résultant des rapports sexuels non protégés qu'a entretenus M. Hamza X... avec son épouse ; ¿ que, sur le droit à indemnisation de M. Hamza X..., il est constant que si M. Hamza X... n'avait pas été contaminé par le virus du sida, il n'aurait pas pu, lui-même contaminer son épouse ; que la contamination qui constitue la source des obligations de l'ONIAM est donc bien en lien objectif avec le préjudice dont M. Hamza X... sollicite la réparation ; mais que Monsieur Hamza X... a lui-même, sciemment, entretenu des relations sexuelles sans protection avec son épouse ; que, même s'il invoque des traditions religieuses difficilement compatibles avec l'utilisation de protections, ce comportement engage sa responsabilité ; qu'en raison du caractère spécifique du préjudice de contamination, cette responsabilité de Monsieur Hamza X... ne signifie pas nécessairement que l'ONIAM soit dégagé de toute obligation à réparation ; que la contamination subie par M. Hamza X..., entraînant une interdiction de rapports sexuels sans protection même avec son épouse tout au long de sa vie, sans qu'une intention de nuire soit alléguée, constitue une contrainte telle qu'elle ne permet pas de retenir à sa charge toute la responsabilité de ce préjudice et l'exclusion de tout engagement de l'ONIAM ; que l'indemnisation dont il a bénéficié ne concernait pas le préjudice par ricochet résultant de la contamination de sa femme et de sa fille ; qu'il faut en conséquence retenir un partage de responsabilité laissant à la charge de l'ONIAM un tiers du préjudice ; que le montant des préjudices subis par Monsieur Hamza X... n'est pas autrement contesté ; qu'en considération des circonstances de l'espèce et de la présente décision, l'équité ne commande pas d'allouer une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Alors, de première part, que l'indemnisation des conséquences dommageables de la contamination par le VIH suppose que le préjudice soit causé directement par une transfusion ; que tel n'est pas le cas du préjudice par ricochet subi par la personne contaminée par la transfusion et constitué par la contamination de son épouse du fait des relations sexuelles qu'il a sciemment entretenues avec celle-ci de manière non protégée ; qu'en estimant que, si Monsieur X... n'avait pas été contaminé par le virus du sida, il n'aurait pas pu, lui-même contaminer son épouse, que la contamination qui constitue la source des obligations de l'ONIAM était donc bien en lien objectif avec le préjudice dont Monsieur X... sollicitait la réparation et que Monsieur X... avait sciemment entretenu des relations sexuelles sans protection avec son épouse, ce comportement engageant sa responsabilité, la Cour d'appel, qui en a déduit un partage de responsabilité laissant à la charge de l'ONIAM un tiers du préjudice, a violé les articles L. 1142-22 et L. 3122-1 du Code de la santé publique ;
Alors, de deuxième part, que la contrainte résultant, pour la victime d'une contamination transfusionnelle par le VIH, de ne pas pouvoir entretenir des relations sexuelles non protégées avec son conjoint est un préjudice réparable au titre de la contamination transfusionnelle par le VIH et ne peut exonérer celui qui la subit de son obligation de ne pas avoir de relations sexuelles non protégées et d'assumer l'ensemble des conséquences que la violation consciente de cette obligation pourrait avoir à son égard ; qu'en retenant que la faute ayant consisté pour Monsieur X... à violer sciemment cette obligation ne pouvait être regardée comme la cause exclusive du dommage subi par lui du fait de la contamination de son épouse et de sa fille, à raison de l'état de contrainte dans lequel il se trouvait de ne pouvoir entretenir des relations sexuelles non protégées même avec son épouse tout au long de sa vie, la Cour d'appel a violé les articles L.1142-22 et L. 3122-1 du Code de la santé publique ;
Alors, de troisième part, qu'en se fondant sur ce que Monsieur X... aurait sciemment entretenu des relations sexuelles sans protection avec son épouse, puis sur ce que la contamination transfusionnelle de Monsieur X... par le VIH aurait entraîné une interdiction de rapports sexuels sans protection et constitué une contrainte telle qu'elle ne permettait pas de retenir à sa charge toute la responsabilité du préjudice résultant de la contamination de son épouse et de sa fille, alors que Monsieur X... ne pouvait pas avoir à la fois entretenu des relations sexuelles sans protection avec son épouse et subi la contrainte d'une interdiction de telles relations, la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs de fait contradictoires, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors, de quatrième part, qu'en se fondant sur ce que l'interdiction de rapports sexuels sans protection, consécutive à la contamination par le VIH, aurait constitué une contrainte telle qu'elle ne permettait pas de retenir à la charge de Monsieur X... toute la responsabilité du préjudice allégué et l'exclusion de tout engagement de l'ONIAM, et en se déterminant ainsi au regard du caractère seulement partiellement exonératoire de la faute de la victime, la Cour d'appel a soulevé d'office un moyen nouveau, non discuté par les parties, sans appeler celles-ci à en débattre, en violation de l'article 16 du Code de procédure civile ;
Alors, de cinquième part, que, pour décider que la faute commise par Monsieur X... n'exonérait que partiellement l'ONIAM de son obligation d'indemnisation, la Cour d'appel s'est fondée sur ce que la contamination virale originelle de Monsieur X... lui interdisait les rapports sexuels non protégés, ce qui constituait une contrainte telle qu'elle ne permettait pas de retenir à sa charge toute la responsabilité des préjudices qu'il alléguait ; qu'en raisonnant de façon strictement identique pour ce qui concernait les préjudices consécutifs à la contamination tant de son épouse que de sa fille, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par l'ONIAM (conclusions p. 11 in fine et p. 12 in fine et p. 13), si le fait pour Monsieur X... d'avoir empêché l'administration d'un traitement prophylactique efficace à son épouse, en cours de grossesse, afin de protéger le foetus et donc la contamination de sa fille, était une faute de nature à exonérer en totalité ou même partiellement l'ONIAM de son obligation d'indemnisation, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard des articles L.1142-22 et L. 3122-1 du Code de la santé publique ;
Alors, de sixième part, que, dans l'exercice de la mission qui lui est confiée par l'article L.1142-22 du Code de la santé publique, l'ONIAM est tenu d'indemniser au titre de la solidarité nationale et non en qualité d'auteur responsable ; qu'en décidant de retenir un partage de responsabilité laissant à la charge de l'ONIAM un tiers du préjudice, la Cour d'appel a, implicitement, admis que l'ONIAM aurait été partiellement responsable des préjudices allégués par Monsieur X..., en violation des articles L. 1142-22 et L. 3122-1 du Code de la santé publique.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé à 4.065,33 et 4.000 euros les sommes dues par l'ONIAM à Monsieur Hamza X... pour le préjudice qu'il subit du fait de la contamination de son épouse et d'une de ses filles ;
AUX MOTIFS QUE sur le droit à indemnisation de Monsieur Hamza X..., il est constant que si Monsieur Hamza X... n'avait pas été contaminé par le virus du sida, il n'aurait pas pu, lui-même contaminer son épouse ; que la contamination qui constitue la source des obligations de l'ONIAM est donc bien en lien objectif avec le préjudice dont Monsieur Hamza X... sollicite la réparation ; mais que Monsieur Hamza X... a lui-même, sciemment, entretenu des relations sexuelles sans protection avec son épouse ; que, même s'il invoque des traditions religieuses difficilement compatibles avec l'utilisation de protections, ce comportement engage sa responsabilité ; qu'en raison du caractère spécifique du préjudice de contamination, cette responsabilité de Monsieur Hamza X... ne signifie pas nécessairement que l'ONIAM soit dégagé de toute obligation à réparation ; que la contamination subie par Monsieur Hamza X..., entraînant une interdiction de rapports sexuels sans protection même avec son épouse tout au long de sa vie, sans qu'une intention de nuire soit alléguée, constitue une contrainte telle qu'elle ne permet pas de retenir à sa charge toute la responsabilité de ce préjudice et l'exclusion de tout engagement de l'ONIAM ; que l'indemnisation dont il a bénéficié ne concernait pas le préjudice par ricochet résultant de la contamination de sa femme et de sa fille ; qu'il faut en conséquence retenir un partage de responsabilité laissant à la charge de l'ONIAM un tiers du préjudice ; que le montant des préjudices subis par Monsieur Hamza X... n'est pas autrement contesté ;
1°) ALORS QUE l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales assure, au titre de la solidarité nationale, la réparation intégrale des préjudices subis par les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine causée par une transfusion de produits sanguins ; qu'en limitant le droit à indemnisation de Monsieur X... après avoir constaté que « la contamination qui constitue la source des obligations de l'ONIAM est ¿ en lien objectif avec le préjudice dont M. Hamza X... sollicite la réparation » (arrêt p. 4, al. 7), au motif inopérant que Monsieur X... aurait une part de responsabilité dans la contamination de son épouse et de sa fille, la Cour d'appel a violé les articles L.1142-22 et L. 3122-1 du Code de la santé publique ;
2°) ALORS QUE, en tout état de cause, que le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe du contradictoire ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de ce que Monsieur X... aurait une part de responsabilité dans la contamination de son épouse et de sa fille pour limiter son droit à indemnisation quand aucune des parties n'avait conclu à un partage de responsabilité ou à la limitation du droit à réparation de la victime, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.