par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 26 novembre 2013, 12-11740
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Cour de cassation, chambre sociale
26 novembre 2013, 12-11.740

Cette décision est visée dans la définition :
Privilège de juridiction




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le premier moyen, après avis de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 30 mai 2013 :

Vu l'article 47 du code de procédure civile ;

Attendu qu'au sens de l'article précité, le ressort dans lequel un conseiller prud'homme exerce ses fonctions est celui de la cour d'appel dont dépend sa juridiction ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., salariée de la société Idex depuis 1997 et titulaire de divers mandats représentatifs, a saisi la juridiction prud'homale en 2010 pour obtenir des dommages-intérêts au titre de la discrimination dont elle affirmait avoir été victime ; qu'en raison de son mandat de conseiller prud'homme exercé au sein du conseil de prud'hommes d'Annecy, elle a saisi la juridiction prud'homale limitrophe d'Albertville ; que devant la cour d'appel de Chambéry, la société Idex énergies a demandé le renvoi du dossier devant une cour d'appel limitrophe sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter cette demande, la cour d'appel retient que les conditions d'application de l'article 47 du code de procédure civile ne sont pas réunies dans la mesure où la salariée n'exerçait pas de fonctions juridictionnelles au sein de la cour d'appel ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui, ayant constaté que la salariée exerçait des fonctions de conseiller prud'homme au sein d'une juridiction de son ressort, était tenue de faire droit à la demande de renvoi formée en application de l'article 47, alinéa 2, du code de procédure civile, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Idex énergies.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société IDEX ENERGIES de sa demande de renvoi de l'affaire devant une juridiction située dans un ressort limitrophe en application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'« estimant que, devant la cour d'appel, les conditions d'application de l'article 47 du code de procédure civile n'étaient pas réunies dans la mesure où Michèle X... n'exerçait pas de fonctions juridictionnelles au sein de ladite juridiction, la cour a rejeté la demande de renvoi devant une cour limitrophe » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu de l'article 47 du code de procédure civile, lorsqu'un magistrat est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le juge doit, si le défendeur ou le demandeur le demande, ordonner le renvoi devant une juridiction située dans un ressort limitrophe ; que les conseillers prud'hommes sont des magistrats au sens de l'article 47 du code de procédure civile ; qu'il n'est pas contesté que Madame X... exerce des fonctions de conseiller prud'hommes au sein du conseil de Prud'hommes d'ANNECY, juridiction située dans le ressort de la cour d'appel de CHAMBERY ; qu'en déboutant néanmoins la société IDEX ENERGIES de sa demande de renvoi de l'affaire devant une cour d'appel située dans un ressort limitrophe, la cour d'appel a violé l'article 47 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la notion de ressort au sens de l'article 47 du code de procédure civile est celui de la juridiction saisie ; que le conseil de Prud'hommes d'ANNECY, dans lequel la salariée exerce son mandat de conseiller prud'hommes, se trouvant dans le ressort de juridiction de la cour d'appel de CHAMBERY, celle-ci ne pouvait refuser de faire droit à la demande de renvoi de l'affaire devant une cour d'appel d'un ressort limitrophe ; qu'en décidant au contraire que « les conditions d'application de l'article 47 du code de procédure civile n'étaient pas réunies dans la mesure où Michèle X... n'exerçait pas de fonctions juridictionnelles au sein de ladite juridiction », la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 47 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (à titre subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société IDEX ENERGIES à verser à Madame X... la somme de 30.000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour traitement discriminatoire en raison de ses mandats représentatifs, ainsi que la somme de 2.000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L 2141-5 du code du travail dispose qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ; que l'article L 1132-1 du code du travail dispose 'qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi nº 2008-497 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distributions d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son appartenance physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.' ; que l'article L 1134-1 du même code dispose que 'lorsque survient un litige relatif à l'application des dispositions en matière de non discrimination, le salarié présente les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.' ; que l'article L 1134-5 du code du travail dispose que 'l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination' ; que cependant que si la date de la révélation tient lieu de dies a quo, les dommages et intérêts doivent réparer l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée ; Qu'ainsi, si la prescription interdit la prise en compte de faits de discrimination couverts par elle, elle n'interdit pas au juge, pour apprécier la réalité de la discrimination subie au cours de la période non prescrite, de procéder à des comparaisons avec d'autres salariés engagés dans des conditions identiques de diplôme et de qualification à la même date que l'intéressé, celle ci fût elle antérieure à la période non prescrite ; qu'en l'espèce, Madame X... dénonce plusieurs faits discriminatoires: - une absence d'évolution de carrière, avec stagnation du niveau de sa classification et de sa rémunération et affectation à des postes sous qualifiés - une absence d'entretien d'évaluation, - une absence de formation, - une mise à l'écart de la société notamment dans ses conditions de travail, - des difficultés relatives à l'exercice et au paiement des heures de délégation ;

1. Sur l'absence d'évolution de carrière et de rémunération ; qu'en vertu des principes ci-avant rappelés, sont jugées discriminatoires des mesures d'attribution ou retrait d'une fonction, et de répartition du travail, prises en considération de l'exercice de fonctions représentatives, et qui font donc de l'activité syndicale un critère d'application d'un régime d'organisation du travail et de rémunération propre ; que loin de le contester, la société IDEX FRANCE revendique au contraire (pièces appelante nº 4 à 16) le fait d'avoir tout mis en oeuvre entre 2001 et 2002, pour créer, à l'intention de Mme X..., un poste de travail spécifiquement adapté à l'exercice de ses mandats représentatifs et syndicaux ; que c'est ainsi que, au lieu d'aménager son poste de travail de secrétaire de la cellule technique, au besoin en lui adjoignant un collègue à temps partiel, sa démarche a consisté à l'écarter de son poste au motif qu'il requérait 'une présence constante, une disponibilité totale et une réactivité en temps réel, et ne pouvait donc être assuré de manière satisfaisante par une personne présente à 2/3 de temps', et à lui adapter un poste spécial au sein d'un autre service, le service comptabilité, ne nécessitant pas une présence permanente et consistant de fait à assumer diverses tâches telles que : relances clients, enregistrement des écritures bancaires, suivi des dossiers contractuels et cautions, état des rapprochements bancaires, relevés d'opération sur Excel..., c'est à dire des tâches subalternes et diverses, n'exigeant plus la mise en oeuvre des compétences techniques qui étaient les siennes dans l'élaboration des dossiers techniques (présentation des offres de travaux, élaboration des actes d'engagement...) et n'impliquant pas le même investissement personnel au sein du service ; que si, après avoir refusé cette proposition qui s'analysait en une modification de son contrat de travail, et qui la maintenait à un coefficient (290), inférieur à celui de ses collègues, Mme X... a fini par l'accepter suivant avenant du 8 octobre 2002 après avoir obtenu un reclassement au coefficient 370 en qualité de 'secrétaire de direction', niveau 4 position 1, sa situation a été à nouveau modifiée unilatéralement par la direction de l'entreprise ; qu'il s'avère en effet que celle-ci a publié le 23 juillet 2003 une note de service relative à la nouvelle organisation du service comptabilité aux termes de laquelle Mme X... se voyait affectée, à effet du 1er septembre 2003, au service 'fournisseurs' avec pour tâches d'assurer le paiement des fournisseurs, d'établir les états de rapprochements bancaires, les notes de frais, le suivi des caisses, des stocks et des immobilisations ; qu'il ressort des pièces du dossier (pièce 17 de l'appelante) que cette nouvelle organisation n'ayant pas été précédée de la consultation du comité d'entreprise, les représentants du personnel ont sollicité une réunion extraordinaire dudit comité, à la suite de laquelle l'employeur a confirmé les mesures de réorganisation du service et imposé en conséquence à Mme X... la modification de son contrat de travail, et ce en dépit des termes de l'ordonnance rendue le 18 novembre 2003 par la formation des référés du conseil de prud'hommes d'ALBERTVILLE ayant ordonné à la société IDEX ENERGIE de remettre en état le contrat de Michèle X... dans les clauses et conditions de l'avenant du 8 octobre 2002 (pièce 38 de l'appelant) ; qu'après avoir vainement sollicité le respect de cette ordonnance par courrier de son conseil du 19 décembre 2003, elle a fini, suite au refus que la société lui a adressé par courrier du décembre 2003 et, sous la menace d'un licenciement pour motif économique, par accepter cette nouvelle affectation à un poste manifestement sans rapport avec son emploi de secrétaire de direction ; qu'au cours de l'année 2005, suite à diverses nouvelles mesures de restructuration au sein de la société IDEX ENERGIE, Michèle X... était affectée, par lettre du 3 mars 2005, à un poste de travail dont l'objet était limité au règlement des créances de l'agence 400 ; qu'en 2007, suite à un transfert de son activité dans de nouveaux locaux au Bourget du Lac, la société a proposé à Michèle X..., qui avait refusé ce transfert en raison de la distance entre son domicile et le Bourget-du-Lac, son reclassement au sein de l'antenne exploitation, à Meythet, sur le poste qu'occupait Madame Y..., secrétaire d'agence ; qu'il s'avère cependant que l'emploi de 'comptable fournisseur' que la société lui a imposé en arguant encore de la nécessité d'adapter le poste à l'exercice de son mandat, (pièce nº 57-29), consistant à enregistrer les factures fournisseurs, ne relevait pas des fonctions de secrétaire d'agence occupées précédemment par Hélène Y..., dans le cadre, d'ailleurs, d'un temps partiel de 31 heures, mais correspondait en fait à l'emploi d'agent de recouvrement qu'occupaient mesdames Z... et A... (pièce 57-30) ce que Michèle X... a immédiatement dénoncé dans un courrier du 12 juillet 2007 (pièce nº 57-32) en soulignant que cette affectation constituait encore une nouvelle disqualification volontaire dans ses attributions ; qu'il est donc avéré, qu'alors qu'elle était légalement tenue d'aménager le poste de travail qu'elle occupait de façon à lui permettre d'exercer ses mandats de représentation, la société a non seulement privé Mme X... de l'évolution de carrière à laquelle elle pouvait prétendre en raison de son ancienneté et des compétences qu'elle avait acquises, mais l'a progressivement cantonnée à des tâches subalternes, disqualifiées par rapport à celles de secrétaire commerciale puis de secrétaire de la cellule technique qu'elle occupait jusqu'en 2001, en arguant ouvertement de l'absence de disponibilité qu'elle présentait du fait précisément de l'exécution de ces mandats, de sorte que cette politique volontairement discriminatoire, que la société IDEX FRANCE a poursuivi et même intensifié postérieurement à l'année 2005, soit au cours de la période non couverte par la prescription, est très largement caractérisée ; que parallèlement, ce cantonnement de Michèle X... à des tâches d'agent de recouvrement, ne correspondant pas à son emploi théorique, l'a privée de toute possibilité d'évoluer dans la classification hiérarchique, notamment à l'occasion de la mise en place en 2006 d'une nouvelle classification conventionnelle au sein de l'entreprise ; que les tableaux comparatifs de carrière qu'elle a versés aux débats démontrent en effet (pièces nº 61-6 à 61-13 de l'appelante) que le reclassement de ses collègues de travail s'est opéré à un niveau supérieur au sien, en raison précisément de la nature des tâches auxquelles elle s'est vue progressivement cantonnée ; que ce traitement discriminatoire se retrouve encore au niveau de sa rémunération ainsi qu'il en résulte des tableaux représentatifs du salaire moyen des salariés occupant un emploi aux services et support de niveau 5 de l'UO 41 (année 2008) dont il résulte que Michèle X..., qui perçoit 1.743 ¿, a le salaire le moins élevé en dépit d'une ancienneté supérieure à celles de ses collègues (pièce 41 de l'intimée) ; que ce traitement discriminatoire au niveau de la rémunération ressort également du tableau représentatif du salaire moyen des salariés de niveau 5 toutes unités opérationnelles - année 2009-, émanant de la direction de la société, (pièce 6 de l'intimée), si l'on se réfère notamment à la situation de deux autres salariés : - Madame B..., cat. ETAM, niveau 5 échelon 2, secrétaire de secteur, date d'ancienneté : 03/06/1991 qui perçoit un salaire de 1 931,50 ¿, - Madame C..., cat. EMPL, niveau 5 échelon 2, technicien administratif, date d'ancienneté : 30/07/2007, qui perçoit un salaire de 1 841 ¿, discrimination salariale aggravée encore par le fait que Michèle X... n'a perçu aucune prime ni bénéficié d'une augmentation individuelle de salaire depuis l'année 2000 et que c'est à la seule faveur des augmentations générales que son salaire mensuel a été valorisé dans la limite de 85 ¿ entre 2002 et 2006 ;

2. Sur l'absence d'entretien d'évaluation, l'absence d'entretien d'évaluation peut être considéré comme un indice de discrimination si des salariés, placés dans une situation identique, en bénéficient ; que l'article 4 de l'avenant 26 à la convention collective nationale des ouvriers, employés, techniciens, agents de maîtrise, de l'exploitation d'équipement thermique et de génie climatique prévoit que les entreprises de la branche mettront en place avec chaque salarié un entretien professionnel spécifique au minimum tous les 2 ans ; qu'il n'est pas contesté que Michèle X..., lors de l'introduction de l'instance, n'avait plus bénéficié d'entretien d'évaluation depuis le 12 mars 2002 ; que si la société IDEX ENERGIES soutient que l'audit qualité réalisé en juin 2009 a relevé que plusieurs Unités Opérationnelles D'IDEX ENERGIES ne réalisaient pas d'entretiens individuels (pièce 7 de l'intimé), l'UO 41 d'Annecy ne figure pas parmi les unités ciblées comme carentielles en la matière, ce dont justifie d'ailleurs Michèle X... en produisant aux débats plusieurs fiches d'entretiens d'évaluations de deux de ses collègues, Madame D... pour les années 2002, 2003 et 2004 et Madame Z... pour les années 2004 et 2007 (pièce 90 de l'appelante) ; qu'il s'ensuit qu'en n'appliquant pas à Mme X... cette procédure d'évaluation prévue par la convention collective, la société a sciemment privé Mme X... d'une possibilité de promotion professionnelle offerte aux autres salariés du service, ce qui constitue un traitement discriminatoire qui ne peut trouver sa cause, en l'absence de toute cause objective démontrée, que dans l'exercice de ses mandats ;

3.Sur l'absence de formation, qu'en vertu des dispositions de l'article L 6321-1 du code du travail, l'employeur est tenu d'assurer l'adaptation et la formation de ses salariés ; que l'accès à la formation constituant donc un vecteur de progression et de promotion professionnelles, le fait d'en priver un salarié, alors que d'autres salariés placés dans une situation comparable en bénéficient, constitue un traitement discriminatoire ; que Mme X... reproche à la société IDEX ENERGIES de ne pas avoir pu bénéficier de formations qualifiantes lui permettant de valoriser ses compétences professionnelles, ce que celle-ci ne conteste pas mais qu'elle justifie par le choix qu'elle a fait de privilégier des formations de type industriel, en relation avec son coeur de métier, c'est à dire des stages combustion, climatisation, brûleurs gaz, production frigorifique, électricité, ventilation, soudure acier.. ; qu'il s'ensuit que si Michèle X... est en droit de se prévaloir du non respect par l'employeur de son obligation de formation qui s'étend à l'ensemble du personnel, elle ne justifie pas avoir fait à ce titre l'objet d'un traitement spécifique distinct des autres membres du personnel administratif, susceptible de caractériser une discrimination pour motif syndical ;

5. Sur la mise à l'écart et les conditions de travail, que Mme X... rapporte la preuve par la production de témoignages recueillis sous forme d'attestations auprès de trois membres du personnel de la société: Karine E..., responsable des ressources humaines et juridiques, Alexia F... et Catherine G... toutes deux comptables, qui décrivent, de façon précise et circonstanciée, les mesures de surveillance dont elle faisait spécifiquement l'objet en termes de contrôle de son temps de travail, de vérification de ses emplois du temps, d'exigence de reddition de compte sous forme de compte-rendu journaliers, de rétention volontaire d'informations même obligatoires, de mise à l'écart et à l'index afin de la discréditer auprès du personnel, que la direction avait institué et imposé un mode de traitement discriminatoire à son égard destiné à entraver le libre exercice de ses mandats, à l'isoler des autres salariés et à la discréditer à leurs yeux ; que ces témoignages, auxquels aucun démenti sérieux n'a été apporté, et qui pourraient fonder un grief de harcèlement moral, constituent un nouvel élément de preuve du traitement volontairement discriminatoire dont Mme X... a été l'objet en raison de son engagement syndical ;

6. Sur l'indemnisation de son préjudice, qu'outre le préjudice moral subi depuis 2002 au moins, en raison du caractère vexatoire et dévalorisant de la disqualification progressive des tâches qui lui ont été confiées à la faveur d'affectations à des tâches subalternes, et de la politique de mise à l'écart dont elle a été l'objet, Michèle X... est fondée à invoquer un préjudice d'ordre financier, lié à l'absence d'évolution de sa carrière et de sa rémunération, et de la perte de chance d'une promotion professionnelle ; que compte tenu du niveau moyen de rémunération des collègues de son service et de son ancienneté, ce préjudice dont l'assiette n'est pas limitée à la seule période non prescrite, sera justement réparé par l'allocation d'une indemnité de 30 000 ¿ » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par 5 ans à compter de la révélation de la discrimination ; que, pour décider que la discrimination syndicale de Madame X... était étayée, la cour d'appel s'est fondée sur l'intention de la société IDEX ENERGIES de créer un poste spécifique pour la salariée protégée entre 2001 et 2002, sur son affectation à effet du 1er septembre 2003 au service fournisseur en dépit de son refus initial et sur son cantonnement en 2001 à des tâches subalternes ; qu'en se fondant sur de tels événements couverts par la prescription au jour de la saisine du conseil de Prud'hommes le 24 décembre 2008 pour retenir que la discrimination syndicale était caractérisée, la cour d'appel a violé l'article L. 1134-5 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'une différence de traitement, quant à l'évolution de leurs fonctions, entre des salariés placés dans une même situation ne saurait être constitutive de discrimination syndicale si elle s'explique par des raisons objectives ; qu'en retenant que la moindre évolution de carrière de la salariée par rapport à certains de ses collègues et son affectation à des tâches subalternes par rapport à ces derniers permettaient de caractériser sa discrimination syndicale, sans vérifier si, comme le soutenait l'exposante, cette différence de traitement n'était pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination compte tenu de sa « productivité au regard de son temps de travail effectif inférieure à celle de ses collègues de travail » et à son « faible rythme de travail », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
Privilège de juridiction


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.