par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 22 mai 2013, 11-20398
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Cour de cassation, chambre commerciale
22 mai 2013, 11-20.398
Cette décision est visée dans la définition :
Défaisance
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant, tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Expertises immobilières associés, Nouvelle société de réalisation de défaisance et Volney Fréjus, que sur les trois pourvois incidents relevés respectivement par le Crédit foncier de France, par Mmes Y..., Z... et A... et par M. B... :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que par acte authentique du 28 juin 1991, le Comptoir des entrepreneurs (CDE), aux droits duquel sont successivement venus la société Entenial puis le Crédit foncier de France (CFF), a consenti à la société en nom collectif Port-Fréjus investissement (SNC), un prêt destiné à financer l'acquisition, sous la forme d'une vente en l'état futur d'achèvement, d'un complexe immobilier d'hôtellerie-thalassothérapie, garanti par une inscription d'hypothèque, des promesses de nantissement ainsi que par des engagements de caution solidaire souscrits par les associés, par des personnes participant à des conventions de croupiers sans être associées et par les conjoints des associés ; que la SNC étant défaillante, la société Expertises immobilières associés (la société EIA), cessionnaire de la créance du CDE, après lui avoir notifié, le 29 mars 1995, la déchéance du terme, l'a assignée avec les associés cautions en exécution de leurs engagements ; que parallèlement, la société EIA ayant poursuivi la vente forcée de l'immeuble, ont été attraits à la procédure, la Nouvelle société de réalisation de défaisance (NSRD) venant successivement aux droits de la société Volney participations et de la société Hôtelière Volney, ainsi que la société Volney Fréjus, déclarée adjudicataire de l'immeuble ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident relevé par le CFF, sauf en ce qu'ils concernent M. C..., réunis :
Attendu que les sociétés EIA, NSRD, Volney Fréjus et le CFF font grief à l'arrêt d'avoir dit que le CDE a commis un dol à l'égard de MM. B..., D..., E..., F..., M. et Mme G..., Mmes I..., J..., A..., Y..., Z..., ensemble Mme K..., M. Loïc L..., venant aux droits de Luc L..., M. M..., venant aux droits de Franciane L... et d'avoir prononcé la nullité de leurs engagements de caution, alors, selon le moyen :
1°/ que le silence gardé par un contractant n'est constitutif d'une réticence dolosive que si ce contractant était tenu d'une obligation d'information au profit de l'autre partie ; que le banquier prêteur n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit de la caution lorsque son engagement ne crée pas un risque d'endettement excessif ; qu'en l'espèce, pour annuler pour réticence dolosive du CDE les cautionnements donnés par les associés de la SNC, la cour d'appel n'a pas recherché, comme il lui était demandé, si les cautionnements créaient un risque d'endettement excessif ; qu'en statuant ainsi, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
2°/ que le silence gardé par un contractant n'est constitutif d'une réticence dolosive que si ce contractant était tenu d'une obligation d'information au profit de l'autre partie ; que le prêteur n'est tenu d'une obligation d'information au profit de la caution avertie que si celle-ci établit que le créancier avait sur son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations qu'elle-même aurait ignorées à la suite de circonstances exceptionnelles ; que la caution associée de la société en nom collectif débitrice est nécessairement avertie dès lors qu'elle est en mesure d'obtenir sur la situation du débiteur principal toutes les informations propres à lui permettre d'apprécier l'opportunité des engagements qu'elle se propose de souscrire ; que tel était le cas des associés ayant cautionné la SNC, qui étaient nécessairement avertis de sorte qu'aucune information ne leur était due par le CDE, sauf à établir qu'il détenait des informations sur cette société que ses associés n'étaient pas en mesure d'obtenir eux-mêmes ; qu'en se bornant à annuler pour réticence dolosive du CDE les cautionnements donnés par les associés de la SNC, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la qualité d'associés de la SNC ne leur donnait pas la qualité de cautions averties, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
3°/ que le silence gardé par un contractant n'est constitutif d'une réticence dolosive que si ce contractant était tenu d'une obligation d'information au profit de l'autre partie ; que le prêteur n'est tenu d'une obligation d'information au profit de la caution avertie que si celle-ci établit que le créancier avait sur son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations qu'elle-même aurait ignorées à la suite de circonstances exceptionnelles ; que la caution ayant déjà participé à des opérations de défiscalisation du même type que celle qu'elle se propose de garantir est nécessairement avertie des risques inhérents à ces montages financiers ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de la cour d'appel que de nombreuses cautions, associées de la SNC, avaient déjà été clientes du CDE lors d'autres opérations de défiscalisation, ce dont il s'évinçait qu'elles étaient nécessairement averties des risques de l'opération envisagée ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher, comme il lui était demandé, si l'expérience des cautions ne leur donnait pas la qualité de cautions averties, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
4°/ que les sociétés demanderesses faisaient valoir dans leurs conclusions que de nombreux associés de la SNC étaient des cautions averties car ils étaient des professionnels du droit ou du chiffre ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que le dol par réticence n'est caractérisé que si l'élément dissimulé réside dans un fait objectif, et non dans un simple risque ou aléa, l'aléa ou le risque ne constituant pas une information susceptible de faire l'objet d'une obligation précontractuelle d'information ; qu'ainsi, l'absence de communication par la banque bénéficiaire d'un cautionnement d'un risque ou d'un aléa de l'opération cautionnée ne constitue pas, en soi, une réticence dolosive susceptible d'entraîner l'annulation du cautionnement, l'aléa potentiel non réalisé ne constituant pas un fait objectif ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la rétention imputée au CDE ne portait pas sur des informations objectives, mais sur le risque élevé de l'opération garantie, laquelle aurait été marquée par une fragilité économique et un aléa ; qu'en considérant que ce cautionnement, qui ne s'est noué sur la base d'aucune rétention d'informations objectives, serait exposé à la nullité pour dol, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;
6°/ que ne manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence au préjudice de la caution que la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est irrémédiablement compromise ou à tout le moins lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution afin d'inciter celle-ci à s'engager ; qu'au cas présent, en considérant que le cautionnement souscrit par certains associés de la SNC cautionnée devrait être annulé pour réticence dolosive, sans constater que ledit cautionnement aurait été souscrit à une date à laquelle la situation de la SNC aurait été irrémédiablement compromise ou lourdement obérée, et en relevant au contraire que cette opération n'était pas intrinsèquement dépourvue de toute viabilité et qu'elle était simplement aléatoire et risquée, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;
7°/ que dans ses conclusions d'appel le CFF faisait valoir que le risque de l'opération lié à la survenance possible d'un retard de construction avait été pris en compte et prévenu par la stipulation, dans le contrat de vente en l'état futur d'achèvement liant la SNC emprunteuse au groupe Pelège, d'indemnités de retard élevées, de nature à compenser toute perte qui pourrait être liée à une ouverture tardive de l'exploitation ; qu'en considérant que le risque de l'opération aurait été accru par la survenance d'un aléa, toujours présent, dans une opération de construction, venant différer la livraison de l'ouvrage et partant son exploitation commerciale, sans rechercher comme elle y était invitée, si ce risque n'avait pas été prévenu en amont, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
8°/ que la banque n'est pas tenue d'une obligation précontractuelle d'information à l'égard d'une caution qui, étant par ailleurs associée en nom de la société cautionnée, est ou doit être informée de la situation de la société, et des risques auxquels elle est exposée, au moment de son engagement ; qu'au cas présent, en retenant que les informations essentielles, selon l'expression de la cour d'appel, ne pouvaient être connues des cautions, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que les cautions en cause étaient par ailleurs associées de la SNC, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1116 du code civil ;
9°/ qu'aucune information n'est due à une personne avertie, qui connaît ou doit connaître une information ; qu'en particulier, les personnes lourdement imposées qui constituent entre elles une SNC à but de défiscalisation sont à même de connaître les risques de l'opération, y compris ceux tenant à la solvabilité de leurs co-associés sur lesquels elles doivent le cas échéant se renseigner ; qu'au cas présent, le CFF faisait valoir dans ses conclusions que les cautions étaient toutes associées de la SNC qu'elles avaient créée pour défiscaliser leurs revenus, de sorte qu'elles connaissaient ou devaient connaître les risques de l'opération cautionnée ; qu'en retenant que des informations essentielles ne pouvaient être connues des cautions, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, étant associés fondateurs d'une SNC à but fiscal, il n'était pas exclu que les associés cautions se prétendent créanciers d'une obligation d'information, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
10°/ que la banque n'est pas tenue d'aviser l'associé caution, au titre d'une obligation précontractuelle d'information, de risques qui apparaissent comme des traits caractéristiques inhérents au montage, nécessaires à l'obtention du résultat voulu ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le montage juridique élaboré prévoyait l'intervention d'une société en nom collectif, choisie pour sa transparence fiscale afin de permettre à des investisseurs lourdement imposés dont ils devaient devenir les associés de profiter des avantages fiscaux procurés par la déduction de leurs revenus des déficits d'exploitation des premières années, de sorte que le risque identifié, lié à la nécessité pour les associés de répondre aux appels de fonds d'une SNC endettée en cas de besoin, et à la solidarité entre associés, correspondait à un aléa inhérent à l'opération garantie, assumé par les cautions en tant qu'associés ; qu'en considérant malgré tout que le CDE aurait été tenu d'une obligation d'information à l'égard des cautions qui participaient comme associés audit montage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1116 du code civil ;
11°/ que la banque n'est pas tenue à une obligation d'information à l'égard de la caution qui dispose des moyens d'accéder à l'information ; qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée, si les associés en cause, qui étaient tous des personnes fortunées qui avaient pour la plupart l'expérience des opérations de défiscalisation, qui avaient la qualité de professionnels de l'immobilier (marchands de biens, notaires locaux instrumentaires des actes de l'opération), d'hommes de loi (notaires, avocats), de professionnels du chiffre (experts comptables) ou d'entrepreneurs, et qui étaient au surplus entourés de conseils, n'avaient pas les moyens de connaître par eux-mêmes la portée de leur engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
12°/ que l'obligation au secret professionnel à laquelle sont tenus les établissements de crédit leur interdit de fournir des renseignements autres que simplement commerciaux d'ordre général et économique sur la solvabilité d'une autre personne ; qu'en considérant, au cas présent, que le CDE aurait dû organiser la circulation entre les associés de la SNC d'informations portant sur leur seuil de revenus, leur endettement, ainsi que le degré de liquidité de leur fortune, cependant que cette transmission d'informations précises et détaillées sur l'état et la structure des revenus et du patrimoine, était prohibée par le secret bancaire, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil, ensemble l'article 57 de la loi du 24 janvier 1984, applicable en la cause ;
13°/ que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement, la réticence dolosive n'étant constituée que si elle avait pour objet de tromper la caution et de la déterminer à s'engager ; qu'au cas présent, en considérant que le CDE aurait commis un dol par réticence au préjudice des cautions associées de la SNC au motif que la banque aurait eu une conscience aiguë de la grande fragilité économique de l'opération et aurait été mue par son souci majeur de se prémunir, en cas d'échec, en multipliant les garanties, la cour d'appel n'a caractérisé que la conscience d'un risque qu'avait eue le CDE et la volonté légitime de se prémunir contre la survenance dudit risque, mais non l'intention d'amener une caution à couvrir une situation d'ores et déjà compromise ; qu'en déduisant de ces motifs que la banque aurait dissimulé délibérément le risque en cause et commis ainsi une réticence dolosive, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser une intention dolosive, violant ainsi l'article 1116 du code civil ;
14°/ que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation d'une erreur déterminante du consentement provoquée, dans l'esprit de la caution, par le manquement à l'obligation précontractuelle d'information ; qu'au cas présent, en considérant que le prétendu défaut d'information des cautions associées de la SNC sur les risques de l'opération les aurait conduites à s'engager, ce qu'elles n'auraient pas fait si elles avaient été informées desdits risques, et notamment de l'idée que la solidité de l'opération dépendait de la capacité de chacun des associés en nom collectif à respecter ses engagements et à répondre ainsi aux appels de fonds d'une SNC volontairement sous-capitalisée depuis l'origine, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'erreur déterminante, dès lors qu'en tant qu'associées de la SNC, les cautions supportaient déjà le risque décrit, de sorte qu'elles auraient souscrit pareillement leur engagement fidéjussoire si elles avaient été plus complètement informées dudit risque ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a ainsi violé l'article 1116 du code civil ;
15°/ que la délibération de l'assemblée générale constitutive que le CDE avait voulu voir adopter stipulait que en vertu des statuts de la SNC, chacun des associés est responsable solidairement et sans limitation de tous les engagements de la SNC et donc de la couverture de tous ses besoins de trésorerie, qu'ils s'engagent à couvrir. Les déficits d'exploitation sont déductibles des revenus de chacun après avoir été constatés dans leur comptabilité (sixième résolution) ; qu'en retenant que aucune référence n'a été faite dans cette délibération voulue par la banque aux aléas particuliers que la banque avait identifiés avant d'octroyer son concours, parmi lesquels figurait la solidarité entre associés, la cour d'appel a dénaturé ladite délibération, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments du débat, constaté que le CDE avait une conscience aigüe de la grande fragilité économique de l'opération en manifestant un souci majeur de se prémunir, en cas d'échec, en multipliant les garanties, puis relevé qu'il s'était abstenu d'informer les cautions de ses réserves sur la solvabilité de certains des participants qu'il connaissait et avait agréés, faisant ainsi ressortir que le CDE détenait des informations dont les cautions ne disposaient pas, l'arrêt déduit que ce dernier avait dissimulé délibérément le risque élevé de l'opération garantie et qu'en retenant des informations essentielles qui ne pouvaient être connues de ces cautions, quand celles-ci étaient de nature à leur permettre d'apprécier un aléa qui, excédant par son niveau, celui inhérent à toute activité économique, pouvait les conduire à renoncer à s'engager, et les avait conduites à s'obliger en se méprenant sur un élément déterminant de leur consentement ; que par ces seuls motifs, dont il résultait que le CDE avait délibérément dissimulé aux cautions des informations, indépendantes des seuls risques et aléas du montage, sans lesquelles elles n'auraient pas contracté, la cour d'appel, hors toute dénaturation, sans méconnaître le secret bancaire, ni être tenue de procéder aux recherches inopérantes demandées, ni de répondre au moyen inopérant de la quatrième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident relevé par Mmes Y..., Z... et A... :
Attendu que ces dernières font grief à l'arrêt d'avoir dit que, à la fois associées et cautions de la SNC, elles ne sont pas recevables à poursuivre la nullité pour dol du contrat de prêt conclu entre le CDE et la SNC, de les avoir condamnées en leur qualité d'associées, solidairement avec la SNC, à payer à la société EIA une certaine somme et dit n'y avoir lieu à mainlevée des mesures conservatoires prises par la société EIA, alors, selon le moyen :
1°/ que la caution qui demande à être déchargée de son engagement et qui peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette, peut faire constater la nullité du contrat principal pour dol ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 2313 du code civil ;
2°/ que les associés d'une société en nom collectif qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales peuvent, lorsqu'ils sont poursuivis en cette qualité par un créancier qui a consenti un prêt à la société, opposer à ce dernier la nullité du contrat de prêt, y compris pour dol ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1116 du code civil et L. 221-1 du code de commerce ;
3°/ que les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne ; que dès lors, les associées de la SNC, également créancières de cette société, peuvent invoquer sur le fondement de l'action oblique, la nullité du contrat de prêt conclu par cette société y compris pour dol ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1166 du code civil ;
4°/ qu'en excluant une carence du débiteur de nature à justifier l'exercice par ses associés et créanciers de l'action oblique, après avoir constaté que bien que présent à l'instance, le débiteur n'a pas fait valoir la nullité du contrat de prêt pour dol, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard de l'article 1166 du code civil qu'elle a violé ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que la nullité pour dol du contrat de prêt constitue une exception purement personnelle que seul le débiteur principal peut invoquer, puis constaté que ce dernier faisait valoir dans la présente instance ses droits et actions, c'est exactement que la cour d'appel a retenu que les associés de la SNC, tiers au contrat de prêt conclu entre cette dernière et le CDE, n'avaient pas qualité pour en poursuivre la nullité pour dol et qu'ils ne le pouvaient davantage par la voie de l'action oblique ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen de ce même pourvoi :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les contestations portant sur le montant de la créance invoquée par la société EIA, tirée de la dépossession du fonds de commerce, d'avoir dit que cette dernière n'a commis, postérieurement à la cession de créance, aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et d'avoir rejeté les actions en responsabilité formées à l'encontre des sociétés EIA, NSRD Volney Fréjus, Volney participations et Hôtelière Volney, alors, selon le moyen :
1°/ que quelle que soit son importance, le droit au bail ne constitue pas, de plein droit, un élément nécessaire du fonds de commerce, qui peut exister en dehors de lui ; qu'en se fondant pour exclure l'existence d'un fonds de commerce sur l'absence de droit au bail au profit de la SNC, qui était propriétaire des murs dans lesquels le fonds de commerce était exploité, la cour d'appel a violé les articles L. 141-1 et L. 141-5 du code de commerce ;
2°/ que les associés de la SNC faisaient valoir que la société EIA s'était purement et simplement appropriée le fonds de commerce de la SNC par l'intermédiaire de sa filiale, la société Volney Fréjus, laquelle a racheté cet immeuble dans lequel elle exploite une activité hôtelière et par conséquent précisément la clientèle attachée à cet immeuble ; qu'en se fondant pour exclure l'existence d'un fonds de commerce, sur la circonstance que la clientèle n'aurait pas de valeur marchande dès lors qu'elle est attachée à l'immeuble litigieux et à sa situation et non à l'exploitant, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1 et L. 141-5 du code de commerce ;
Mais attendu que contrairement aux allégations du moyen, la cour d'appel n'a pas exclu l'existence du fonds de commerce par suite de l'absence de droit au bail, mais a estimé dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments mis au débat, que le fonds de commerce, dont le seul élément était la clientèle exclusivement attachée à l'immeuble et à sa situation, ne pouvait présenter une valeur marchande ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le cinquième moyen de ce pourvoi :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les contestations de Mmes Y..., A... et Z... portant sur la non-conformité du taux d'intérêt appliqué par le CDE, alors, selon le moyen, que la prescription quinquennale de l'action en nullité des stipulations d'intérêts en raison de la mention dans l'acte de prêt d'un taux effectif global erroné, ne court du jour de la convention, que lorsque l'emprunteur a obtenu un concours pour les besoins de son activité professionnelle et qu'il est par conséquent un emprunteur averti ; que la prescription ne court à l'encontre d'un emprunteur profane qu'à compter de la date à laquelle il a effectivement découvert l'erreur affectant la stipulation d'intérêts ; qu'en faisant courir le point de départ de cette prescription à compter de la convention, après avoir pourtant constaté que la SNC ne pouvait être regardée comme un emprunteur averti, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles 1304 du code civil, L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation qu'elle a violés ;
Mais attendu que la prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel engagée, en raison d'une erreur affectant le taux effectif global, par un emprunteur qui contracte un prêt pour les besoins de son activité professionnelle, court à compter du jour du contrat, qui est celui où il a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident relevé par Mmes Y..., Z... et A... et le moyen unique du pourvoi incident relevé par M. B..., réunis :
Attendu que ces griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident relevé par le CFF, en ce qu'ils concernent M. C..., réunis :
Vu l'article 1116 du code civil ;
Attendu que pour dire que le CDE avait commis un dol à l'égard de M. C..., l'arrêt, après avoir relevé que celui-ci, ancien banquier, conseiller financier, disposant d'une compétence en matière d'ingénierie financière et ayant selon ses propres déclarations, une réelle expérience en matière de produits de défiscalisation, avait présenté au CDE dont il avait antérieurement sollicité le concours, une nouvelle opération de défiscalisation portant sur l'opération en cause, que le montage juridique prévoyait l'intervention d'une société en nom collectif, choisie pour sa transparence fiscale et le recours massif à l'endettement et, qu'ayant fait établir une étude de faisabilité par un professionnel de l'hôtellerie et un état prévisionnel des résultats d'exploitation, il avait réuni autour de lui un certain nombre d'investisseurs, séduits par une opération qualifiée d'« exceptionnelle » compte tenu de la qualité du site et d'un risque d'exploitation totalement « maîtrisé » et qu'il n'ignorait pas, comme l'atteste son courrier en réponse au refus de financement de la banque du 10 mai 1991, les importantes réserves émises par son préposé, suggérant un apport de fonds propres de 10 millions de francs et l'exploitation du centre de thalassothérapie par une chaîne spécialisée, retient que la banque avait une conscience aiguë de la grande fragilité économique de l'opération et que son souci majeur avait été de se prémunir, en cas d'échec, en multipliant les garanties lesquelles représentaient plus de cinq fois le montant de la part de chaque associé dans le montant des sommes empruntées, que se faisant elle a dissimulé délibérément le risque élevé de l'opération garantie et qu'en retenant des informations essentielles qui ne pouvaient être connues des cautions, lesquelles étaient de nature à leur permettre d'apprécier un aléa qui excédait par son niveau celui inhérent à toute activité économique, la banque les a conduites par là-même à s'obliger en se méprenant sur un élément déterminant de leur consentement ;
Attendu qu'en statuant par de tels motifs, dont il résultait que M. C... avait joué un rôle déterminant dans l'opération initiée et conduite jusqu'à son terme, étant le seul interlocuteur de la banque à laquelle il avait proposé le montage financier et réuni autour de lui un certain nombre d'investisseurs, sur lesquels il avait communiqué des informations supplémentaires et la justification d'engagements complémentaires à la banque, en raison de ses réticences initiales, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
Et, sur les seconds moyens des pourvois principal et incident, ce dernier relevé par le CFF, réunis, pris en leur deuxième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour dire que la SNC n'avait pas la qualité d'emprunteur averti, condamner le CFF, venant aux droits du CDE à payer à la SNC des dommages-intérêts et dire que la SNC est recevable à opposer à la société EIA l'exception de compensation de sa dette au titre du solde du prêt avec sa créance indemnitaire à l'encontre du CDE, l'arrêt, après avoir indiqué que le prêt a été sollicité par une société en nom collectif, société commerciale par sa forme, que son gérant, M. C... a été à l'origine de l'opération financée et que la souscription du prêt a été précédée à la demande de celui-ci d'études prévisionnelles établies par des professionnels de la finance et de l'hôtellerie qui concluaient à la faisabilité du projet, relève que l'acte de prêt a été reçu le 28 juin 1991, que la SNC n'a été constituée que le 5 juin 1991, que l'ensemble des pourparlers préalables à l'octroi du prêt ont été conduits par M. C..., agissant à titre personnel et non en qualité de gérant d'une société en formation, la création de la société n'étant envisagée qu'autant que le projet pouvait être finalisé par l'obtention des financements nécessaires à sa mise en oeuvre de sorte que la SNC, constituée a posteriori pour les seuls besoins d'une opération dont l'élaboration et la mise en oeuvre sont intervenues sans qu'elle y concoure, faute d'avoir été formée ni même d'avoir été en voie de l'être et d'avoir pu être représentée à ce titre par l'un ou plusieurs de ses associés fondateurs ; qu'il retient encore que le CDE en avait conscience puisque ce dernier indique avoir pris soin de demander que lors de l'assemblée générale constitutive de la SNC, l'attention des associés soit spécialement attirée sur les risques de l'opération ;
Attendu qu'en se déterminant par des motifs impropres à écarter le caractère averti de la SNC, dès lors qu'elle avait relevé que l'opération, qui impliquait la constitution d'une société en nom collectif, avait été initiée et conduite par M. C..., d'abord à titre personnel puis en qualité de gérant de la SNC, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le Comptoir des entrepreneurs a commis un dol à l'égard de M. C..., dit encore qu'il a manqué lors de l'octroi du prêt à son obligation de conseil et de mise en garde à l'égard de la SNC Port Fréjus investissement, que le dommage résultant du manquement à l'obligation de mise en garde consiste en une perte de chance de ne pas contracter, condamne le Crédit foncier de France, venant aux droits du Comptoir des entrepreneurs à payer à la SNC Port Fréjus investissement des dommages-intérêts d'un montant égal à 80 % des sommes dont la SNC Port Fréjus investissement demeure redevable en principal, intérêts, frais et accessoires au titre du prêt consenti, dit que la SNC Port Fréjus investissement est recevable à opposer à la société Expertises immobilières associés l'exception de compensation de sa dette au titre du solde du prêt avec sa créance indemnitaire à l'encontre du Crédit foncier de France et que le montant des sommes mises à la charge de ce dernier, sera réglé par compensation à concurrence de leurs quotités respectives avec le montant des sommes dues par la SNC Port Fréjus investissement au titre du remboursement du prêt réclamé par la société Expertises immobilières associés, l'arrêt rendu le 17 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Expertises immobilières associés, Nouvelle société de réalisation de défaisance et Volney Fréjus, demanderesses au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir :
- dit que Monsieur Marc C..., Monsieur Joseph B..., Madame Danielle O... épouse I..., Monsieur Christian D..., Madame Agnès P... épouse J..., Monsieur Gérard E..., Monsieur Philippe F..., Madame Annie Q... épouse A..., Madame Denise Y..., ensemble Madame Béatrice L... épouse H... et Monsieur Loïc L... venant aux droits de Luc L..., Monsieur Jean-Marin M... venant aux droits de Franciane L..., Madame Jocelyne R... épouse Z..., Madame Catherine S..., épouse G..., Monsieur Gérard G..., sont recevables en leur qualité de cautions solidaires de la SNC PFI à poursuivre la nullité de leurs cautionnements ;
- dit que la SA COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a commis un dol à l'égard des cautions précitées ;
- prononcé en conséquence la nullité desdits cautionnements ;
AUX MOTIFS QU'« ils les associés de la SNC sont recevables à se prévaloir, à l'égard de EIA, cessionnaire de la créance du CDE, de la nullité de leurs propres obligations de cautions pour dol imputable à ce dernier ; qu'il est constant que Monsieur C..., ancien banquier, conseil financier, qui reconnaît lui-même, dans ses écritures, qu'il avait acquis une compétence en matière d'ingénierie financière et « une réelle expertise en matière de produits de défiscalisation » a présenté au CDE dont il avait antérieurement sollicité le concours pour des opérations à visée identique dans le cadre de locations de meublés à titre professionnel, une nouvelle opération de défiscalisation portant sur la construction et l'exploitation d'un complexe comprenant un hôtel et un centre de thalassothérapie ; que le montage juridique élaboré prévoyait l'intervention d'une société en nom collectif, choisie pour sa transparence fiscale afin de permettre à des investisseurs lourdement imposés dont ils devaient devenir les associés ou à laquelle ils étaient intéressés au travers de sociétés en participation créées avec l'un des associés, de profiter des avantages fiscaux procurés par la déduction de leur revenu, des déficits d'exploitation des premières années ; que l'économie du projet reposait sur un recours massif à l'endettement puisque celui-ci était financé exclusivement par un emprunt bancaire de 120 000 000 de francs dont le montant devait couvrir, outre le prix d'acquisition de l'immeuble à construire, le coût des agencements et équipements intérieurs ainsi que le paiement d'intérêts, d'honoraires et frais d'acte, le remboursement du prêtrelais finançant la dette de TVA et le règlement de la commission bancaire d'engagement ; que c'est dans ces conditions, que Monsieur C... après avoir fait établir une étude de « faisabilité » par un professionnel de l'hôtellerie et un état prévisionnel des résultats d'exploitation, a réuni, autour de lui un certain nombre d'investisseurs, séduits par une opération qualifiée d'« exceptionnelle » compte tenu de la qualité du site et d'un risque d'exploitation « totalement maîtrisé » ; que pour autant, cette opération, pour être présentée par son promoteur, de manière extrêmement flatteuse, devait être nécessairement regardée par un établissement de crédit spécialisé, tenu au surplus à une particulière vigilance compte tenu de sa situation propre gravement obérée par des encours douteux consentis à des professionnels de l'immobilier qui devaient totaliser de son propre aveu, un an après le financement considéré, 119 % de ses fonds propres, comme présentant un risque excessif ; qu'en effet, cette opération, pour n'être pas intrinsèquement dépourvue de toute viabilité, présentait, toutefois, d'emblée, un aléa majeur découlant du montage financier mis en place à l'effet de la rendre particulièrement attractive ; qu'ainsi, indépendamment des réserves que devait nécessairement susciter l'étude de faisabilité qui établie par Monsieur T..., dont le CDE ne pouvait ignorer qu'il était intéressé lui-même à l'opération en qualité d'associé de la SNC et de gestionnaire pressenti de l'établissement hôtelier, ne contenait aucune donnée comparative tirée des normes d'exploitation d'un établissement du même type, la banque dont l'un des préposés avait d'ailleurs noté le 5 avril 1991 que le « CA thalasso était optimiste » (annexe 2 du rapport d'expertise) était nécessairement consciente que le succès du projet dépendait essentiellement de l'aptitude des associés à répondre par leurs apports de fonds aux importants besoins de trésorerie de la SNC lesquels pouvaient se trouver alourdis en cas de surestimation des résultats d'exploitation ou de survenance d'un aléa, toujours présent, dans une opération de construction, venant différer la livraison de l'ouvrage et partant son exploitation commerciale ; qu'il doit être relevé qu'ensuite de sa présentation à son comité de crédit, le CDE a notifié à Monsieur C... le 10 mai 1991 un refus catégorique de financement puis est finalement revenu sur sa position le 23 mai 1991 ; qu'il résulte en effet des termes mêmes du courrier adressé par Monsieur C... à la banque ensuite de la notification de la décision de refus du 10 mai 1991 que Monsieur U..., préposé de la banque en charge du dossier, avait émis d'importantes réserves en suggérant au comité de crédit de subordonner le concours sollicité à un apport de fonds propres de 10 millions de francs et à l'exploitation du centre de thalassothérapie par une chaîne spécialisée ; qu'il apparaît, par ailleurs, que Monsieur U... avait également, dans une note de présentation au comité de crédit, établie conjointement avec un autre cadre de la banque Monsieur V..., considéré que la surface financière de cinq des associés était « difficilement compatible avec l'opération » ; que dans ces conditions, il ne peut être retenu, comme il est soutenu, que c'est par suite de garanties insuffisantes apportées par les cautions que le concours de la banque aurait été initialement refusé et que c'est sur la communication d'informations supplémentaires sur les associés potentiels et sur la justification d'engagements complémentaires de ces derniers, qu'elle aurait révisé sa position première ; que d'ailleurs, il doit être souligné que la banque s'est refusé, malgré l'injonction qui lui avait été faite, de communiquer les renseignements utiles à permettre l'audition de Monsieur U..., son ancien préposé en charge de la présentation du dossier au comité de crédit, une telle attitude qui n'est justifiée par aucun motif légitime, ne pouvant que procéder de la crainte de voir dévoiler par celui-ci qui s'était montré hostile d'emblée à l'octroi du concours sollicité compte tenu du montage financier proposé par Monsieur C..., des informations contredisant sa position actuelle ; qu'enfin, les exigences relatives au niveau minimal de revenus annuels (750 000 francs ramené à 700 000 francs) des participants à l'opération et aux garanties réelles et personnelles à fournir qui ont accompagné le revirement de la banque lequel est intervenu dans un délai d'une brièveté remarquable et qui ne sont d'ailleurs pas significatives au regard de celles prévues dans le projet initial, témoignent précisément de la conscience aigüe de la banque de la grande fragilité économique de l'opération et de son souci majeur de se prémunir, en cas d'échec, en multipliant les garanties lesquelles représentaient plus de cinq fois le montant de la part de chaque associé dans le montant des sommes empruntées (rapport d'expertise page 79) ; que la banque s'est abstenue de faire part aux cautions de ses réserves sur la solvabilité de certains des participants alors qu'elle ne pouvait ignorer, au regard du montage financier mis en oeuvre, que le consentement de celles-ci était nécessairement déterminé par l'aptitude tant des autres cautions-associés que des cofidéjusseurs non-associés à faire échec à leurs engagements ; qu'elle a agréé des associés qui ne remplissaient pas la condition de seuil de revenu qu'elle avait elle-même fixé (rapport d'expertise § 5. 2) alors que ne pouvait être méconnu le risque qui s'est réalisé que la défaillance de certains des participants ne conduise les autres, par un effet de contamination, à cesser également leur concours ; qu'elle a apprécié la solvabilité des participants dont elle connaissait plusieurs d'entre eux pour avoir été ses clients lors d'autres opérations de défiscalisation, sans tenir compte de l'endettement en résultant (rapport d'expertise page 81) ; qu'elle savait que la fortune de plusieurs des participants était pour l'essentiel non liquide alors que d'importants apports en numéraires destinés à compenser les pertes élevées prévues les premières années conditionnaient le succès du projet ; que ce faisant, elle a dissimulé délibérément le risque élevé de l'opération garantie alors que le niveau d'endettement postulé par le recours excessif à l'emprunt, de même que le nombre, la diversité d'origine et de situation des participants accroissaient encore sa fragilité économique ; qu'en retenant des informations essentielles qui ne pouvaient être connues des cautions, alors que celles-ci étaient de nature à leur permettre d'apprécier un aléa qui excédant par son niveau, celui inhérent à toute activité économique, pouvait les conduire à renoncer à s'engager, la banque qui les a conduits par là à s'obliger en se méprenant sur un élément déterminant de leur consentement, a commis un dol par réticence qui justifie l'annulation des cautionnements ; qu'il ne peut, en effet, être considéré que les cautions concernées par la présente instance étant également associés, celles-ci auraient été informées lors de l'assemblée générale constitutive de la SNC PFI le 5 juin 1991, des risques élevés encourus alors qu'il résulte du procès-verbal de cette assemblée que les associés n'ont reçu à cette occasion qu'un avertissement général sur « les aléas de la conjoncture et de l'exploitation » susceptibles de « réduire ou augmenter » les déficits d'exploitation, générateurs de besoin en trésorerie « pouvant aller jusqu'à un montant de vingt millions l'an », cette somme ne tenant pas compte, au demeurant, des amortissements devant réduire l'effort financier de chaque associé et qu'aucune référence n'a été faite aux aléas particuliers que la banque avait identifiés avant d'octroyer son concours et qui rendaient incertain le succès de l'opération ; qu'il convient de confirmer de ce chef le jugement déféré » ;
1/ ALORS QUE le silence gardé par un contractant n'est constitutif d'une réticence dolosive que si ce contractant était tenu d'une obligation d'information au profit de l'autre partie ; que le banquier prêteur n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit de la caution lorsque son engagement ne crée pas un risque d'endettement excessif ; qu'en l'espèce, pour annuler pour réticence dolosive du CDE les cautionnements donnés par les associés de la société PFI, la Cour d'appel n'a pourtant pas recherché, comme il lui était demandé par les sociétés exposantes dans leurs conclusions (conclusions, p. 45 et 46), si les cautionnements créaient un risque d'endettement excessif ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
2/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QUE le silence gardé par un contractant n'est constitutif d'une réticence dolosive que si ce contractant était tenu d'une obligation d'information au profit de l'autre partie ; que le prêteur n'est tenu d'une obligation d'information au profit de la caution avertie que si celle-ci établit que le créancier avait sur son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations qu'elle-même aurait ignorées à la suite de circonstances exceptionnelles ; que la caution associée de la société en nom collectif débitrice est nécessairement avertie dès lors qu'elle est en mesure d'obtenir sur la situation du débiteur principal toutes les informations propres à lui permettre d'apprécier l'opportunité des engagements qu'elle se propose de souscrire ; que tel était le cas des associés ayant cautionné la société PFI qui étaient nécessairement avertis de sorte qu'aucune information ne leur était due par le CDE, sauf à établir qu'il détenait des informations sur la société PFI que ses associés n'étaient pas en mesure d'obtenir eux-mêmes ; qu'en se bornant à annuler pour réticence dolosive du CDE les cautionnements donnés par les associés de la société PFI, sans rechercher, comme il lui était demandé par les sociétés exposantes dans leurs conclusions (conclusions, p. 42 à 54 et p. 61 à 63), si la qualité d'associés de la société PFI ne leur donnait pas la qualité de cautions averties, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
3/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QUE le silence gardé par un contractant n'est constitutif d'une réticence dolosive que si ce contractant était tenu d'une obligation d'information au profit de l'autre partie ; que le prêteur n'est tenu d'une obligation d'information au profit de la caution avertie que si celle-ci établit que le créancier avait sur son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations qu'elle-même aurait ignorées à la suite de circonstances exceptionnelles ; que la caution ayant déjà participé à des opérations de défiscalisation du même type que celle qu'elle se propose de garantir est nécessairement avertie des risques inhérents à ces montages financiers ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de la Cour d'appel que de nombreuses cautions, associées de la société PFI débitrice, avaient déjà été clientes du CDE « lors d'autres opérations de défiscalisation » (arrêt, p. 13, alinéa7) ce dont il s'évinçait qu'elles étaient nécessairement averties des risques de l'opération envisagée ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher, comme il lui était pourtant demandé par les sociétés exposantes dans leurs conclusions (conclusions, p. 42 à 54 et p. 61 à 63), si l'expérience des cautions ne leur donnait pas la qualité de cautions averties, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
4/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QUE les sociétés exposantes faisaient valoir dans leurs conclusions (conclusions, p. 42 à 54 et p. 61 à 63) que de nombreux associés de la société PFI étaient des cautions averties car ils étaient des professionnels du droit ou du chiffre ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen décisif développé par les sociétés exposantes dans leurs conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir :
- dit que la SA COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a manqué lors de l'octroi du prêt à son obligation de conseil et de mise en garde à l'égard de la SNC PFI ;
- dit que le dommage résultant du manquement à l'obligation de mise en garde consiste en une perte de chance de ne pas contracter ;
- condamné la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE venant aux droits de la SA COMPTOIR DES ENTREPRENEURS à payer à la SNC des dommages-intérêts d'un montant égal à 80 % des sommes dont la SNC PFI demeure redevable en principal, intérêts, frais et accessoires au titre du prêt consenti ;
- dit que la SNC PFI est recevable à opposer à la SA EIA l'exception de compensation de sa dette au titre du solde du prêt avec sa créance indemnitaire à l'encontre de la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il est prétendu que le CDE qui, en sa qualité d'établissement bancaire, devait veiller à ne pas consentir un financement « inapproprié et inadéquat » a engagé sa responsabilité en apportant son concours à un « projet voué à l'échec et dépourvu de viabilité » dès l'origine, ce qui lui était apparu d'évidence puisqu'il avait opposé le 10 mai 1991 un refus définitif à la demande de crédit dont il avait été saisi ; qu'à cet égard le CDE oppose vainement qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir manqué à une obligation de mise en garde à laquelle il ne pouvait être tenu au regard du caractère averti de la SNC PFI ; que si de fait, le prêt a été sollicité par une société en nom collectif, société commerciale par sa forme, si son gérant, Monsieur C... a été à l'origine de l'opération financée et si la souscription du prêt a été précédée à la demande de celui-ci d'études prévisionnelles établies par des professionnels de la finance et de l'hôtellerie qui concluaient à la faisabilité du projet, il ne peut s'en déduire que la SNC doit nécessairement être regardée comme un emprunteur averti ; qu'il sera, en effet, observé que l'acte de prêt a été reçu le 28 juin 1991, que la SNC n'a été constituée que le 5 juin 1991, soit après que le CDE qui avait le 10 mai 1991 notifié à Monsieur Marc C... son refus d'accorder son concours, fût revenu le 23 mai 1991 sur sa décision en donnant un accord de principe, que l'ensemble des pourparlers préalables à l'octroi du prêt ont été conduits par Monsieur C..., agissant à titre personnel et non en qualité de gérant d'une société en formation, la création de la société n'étant envisagée qu'autant que le projet pouvait être finalisé par l'obtention des financements nécessaires à sa mise en oeuvre ; qu'il s'ensuit que la SNC, constituée a posteriori pour les seuls besoins d'une opération dont l'élaboration et la mise en oeuvre sont intervenues sans qu'elle y concoure, faute d'avoir été formée ni même d'avoir été en voie de l'être et d'avoir pu être représentée à ce titre par l'un ou plusieurs de ses associés fondateurs, n'était pas un emprunteur averti ; que d'ailleurs, le CDE en avait nécessairement conscience puisqu'il indique, sans toutefois démontrer, pour les motifs précédemment développés pour caractériser la réticence dolosive commise par lui à l'égard des cautions associés, y avoir satisfait, avoir pris soin de demander que lors de l'assemblée générale constitutive de la SNC, l'attention des associés soit spécialement attirée sur les risques de l'opération ; que le CDE qui, ainsi qu'il a été exposé précédemment aux termes de motifs qui sont tenus ici pour repris, avait conscience de l'aléa majeur auquel l'opération était exposée, découlant du montage financier mis en place pour inciter les investisseurs à y participer et qui a choisi de revenir sur une décision de refus catégorique de financement, sans que les réserves exprimées par ses préposés en charge de l'étude du dossier, sur la grande fragilité économique de l'opération, aient été levées, a manqué à son obligation de mise en garde en ne prévenant pas l'emprunteur lors de l'octroi du prêt contre les risques qu'elle avait précisément identifiés lesquels excédaient par leur caractère, le simple aléa inhérent à toute activité économique ; que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde consiste dans une perte de chance de ne pas contracter ; que le préjudice subi doit être mesuré à hauteur de la chance perdue en sorte que sa réparation ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'il s'ensuit que la SNC ne peut prétendre à des dommagesintérêts d'un montant équivalent au montant des sommes dont elle demeure redevable au titre du prêt qu'elle a souscrit ; que pour apprécier la perte de chance, il convient de tenir compte, en l'espèce, de la forte attraction exercée, à la période considérée, sur des investisseurs lourdement imposés, par les avantages procurés par les opérations de défiscalisation auxquels plusieurs des associés de la SNC avaient de fait déjà participé ; qu'il convient, en conséquence, de condamner le CDE à payer à la SNC des dommages-intérêts d'un montant égal à 80 % des sommes dont la SNC PFI demeure redevable en principal, intérêts, frais et accessoires au titre du prêt consenti » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur la responsabilité du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS au regard du manquement au devoir de conseil ; que le banquier est un professionnel qui à ce titre, se doit de conseiller, d'informer et éventuellement de mettre en garde son client ; qu'il est toutefois admis, que face à un client professionnel des affaires, la banque n'a pas à se faire juge de l'opportunité de l'opération, ni d'en analyser les risques ; que cette atténuation de la responsabilité du banquier, en ce qui concerne son obligation de conseil face à un emprunteur averti, ne le dispense pas de son obligation d'information dans la mesure où il dispose de renseignements ignorés par son client et en relation directe avec le projet de financement qui lui est soumis ; qu'au regard des informations qu'il possède, le banquier a l'obligation de mettre en garde son client sur les risques encourus ; que concernant le présent litige, il convient de prendre en considération d'une part la particularité d'une société en nom collectif dans laquelle les associés répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales et d'autre part de la nature particulière de l'investissement s'agissant d'une opération de défiscalisation ; qu'il convient donc d'examiner les conditions dans laquelle le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a accordé à la SNC PFI les prêts demandés et de déterminer, en tenant compte des observations qui précèdent, si la banque encourt une responsabilité pour défaut de conseil ;
A/ Analyse du refus de financement notifié par le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, le 10 mai 1991
que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS indique dans ses conclusions que Monsieur C..., le gérant de la SNC PFI, lui a présenté l'opération dans son ensemble le 25 mars 1991 ; qu'en remarque préliminaire, il convient de noter que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS avait une parfaite connaissance de l'investissement envisagé, avant cette date, comme le démontre le courrier de Monsieur W... en date du 12 mars 1991 (annexe I du rapport de l'expert) ; que Monsieur Michel W...indique d'ailleurs que son courrier a pour objet le « financement d'investissement dans un Centre de THALASSOTHERAPIE-HOTEL à PORT-FREJUS » et qu'en conséquence, l'octroi de la caution à Monsieur C..., pour l'acquisition du terrain, constitue sans équivoque la première étape du financement ultérieur de l'opération ; que contrairement aux affirmations du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, à cette date du 12 mars 1991, celle-ci avait une parfaite connaissance de l'ensemble du projet (estimation du prix de revient des chambres, estimation du chiffre d'affaires et description des emprunteurs
) ; qu'en réponse à la demande officielle de financement faite le 25 mars 1991, par Monsieur C..., le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, en date du 10 mai 1991, informe celui-ci de son refus de financement, en indiquant : « Nous avons le regret de vous faire connaître que notre établissement ne souhaite pas intervenir dans ce financement » ; que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a justifié cette prise de position, auprès de l'expert, en indiquant qu'à cette date il « estimait que son information n'était pas suffisamment complète pour octroyer à la société PFI le crédit sollicité » ; que cette explication, justifiée par aucune pièce, ne peut donner satisfaction, car le refus exprimé le 10 mai, exprime le rejet catégorique du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS de participer à cette opération et non le fait qu'elle pouvait envisager de poursuivre des discussions, en présence d'éléments complémentaires ; que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, organisme spécialisé dans le domaine concerné et qui a été tenu informé des caractéristiques propres au projet, a nécessairement eu conscience des risques élevés qu'il comportait ; que c'est en raison de ces risques, et non comme il est soutenu par le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, en raison de l'insuffisance des garanties offertes par les cautions, qu'il a dans un premier temps, refusé de financer l'opération en des termes catégoriques et définitifs ;
B/ Sur l'accord conditionnel, en date du 23 mai 1991, du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS
que le 23 mai 1991, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, sans aucune explication complémentaire, revient sur son premier refus et en informe Monsieur C... : « Nous vous informons que le Comptoir des Entrepreneurs est disposé à participer au financement de l'hôtel plus thalassothérapie sis à PORT FREJUS » ; qu'en indiquant toutefois : « Notre accord définitif reste cependant soumis à l'agrément de notre Comité des Engagements après réception de pièces complémentaires concernant d'une part la qualité de certains associés, d'autre part après examen des descriptifs concernant l'hôtel et la thalassothérapie ainsi que production d'un document du vendeur indiquant le coût définitif de l'opération ainsi comprise (hôtel plus thalassothérapie) » ; qu'ayant probablement obtenu les renseignements demandés, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, par un courrier du 11 juin 1991, informe Monsieur C... de l'accord du prêt pour un montant de 120 874 390 francs qui se subdivise ainsi :- acquisition de l'ensemble immobilier : 72 966 000 francs,- agencement et ameublement : 8 250 000 francs,- honoraires : 10 365 390 francs-intérêts : 14 000 000 francs,- TVA : 15 293 000 francs ; que concernant les garanties, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS précise qu'elles seront constituées par :- le privilège de prêteur de deniers sur les immeubles financés,- le nantissement des fonds de commerce de l'hôtel et de la thalassothérapie, le nantissement en premier rang des parts de la SNC, la caution personnelle et solidaire des associés et de leurs conjoints limitée à 5 fois leur quote-part dans la société rapportée aux capitaux empruntés ; que de plus, le courrier du 11 juin 1991, précise que « les prêts sont consentis sous l'expresse réserve de l'agrément par le prêteur des associés de la SNC et des cautions dans les prêts :- seront exclues les personnes dont les revenus annuels sont inférieurs à 700 000 francs et dont les patrimoines et ressources ne sont pas en relation avec les montants d'emprunts concernés,- par ailleurs, nous acceptons que Monsieur Marc C... porte temporairement une partie du capital de la société, sa quote-part ne doit cependant pas excéder 25 % de l'ensemble » ; qu'il apparaît donc, que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS conscient du caractère périlleux de ce projet, principalement au niveau de l'absence d'apport initial, n'a accordé les crédits demandés qu'en exigeant des garanties importantes et ceci sans attirer l'attention des porteurs de parts de la SNC pourtant responsables solidairement de l'ensemble des dettes ; qu'il découle de cette constatation que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS avait donc à l'égard des associés de la SNC, l'obligation de les mettre en garde, en attirant tout particulièrement leur attention sur les dangers de l'opération envisagée, au regard :- de l'absence de capitaux propres, ne leur permettant pas de faire face à des imprévus (toute opération de construction comportant des surcoûts, ce que ne pouvait ignorer le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS au regard de sa qualité de professionnel de ce type d'opération),- de la responsabilité solidaire des associés, sur l'ensemble des dettes de la SNC et en particulier d'avoir l'obligation de pallier à l'impossibilité pour certains associés de faire face à ces imprévus au regard de l'insuffisance (sic), au regard de leurs revenus annuels ou de l'importance de leur endettement,- de l'obligation de faire face au déficit de trésorerie, par des apports en compte courant,- du caractère optimiste du prévisionnel présenté en ce qui concerne les premières années d'exploitation, engendrant ici, un besoin de trésorerie obligatoirement couvert par les associés et ne pouvant faire l'objet de nouveaux emprunts en l'état de l'endettement de la SNC PFI ; que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS avait d'ailleurs conscience de cette obligation de mise en garde, au regard des termes de son courrier du 23 juin 1991 qui indiquait : « En outre, nous vous demandons de faire adopter et signer par chaque associé le projet de résolution dont nous avons mis conjointement au point le texte » ; que toutefois, cette information n'était que très partielle et ne mettait pas en garde les associés, du manque de trésorerie initiale, du risque de surcoût des travaux, des conséquences de la solidarité des associés entre eux et du caractère optimiste du prévisionnel de trésorerie pour les premières années de trésorerie ;
C/ Sur l'information faite aux associés de la SNC
que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS ainsi que la société EIA considèrent que les associés étaient totalement informés des risques de ce type de placement et produisent à cet effet une copie du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire de la SNC PF INVESTISSEMENTS, tenue le 5 juin 1991 ; que la deuxième partie de la sixième résolution dudit procès-verbal est ainsi libellée ; « Les comptes d'exploitation prévisionnels établis par le gérant de la SNC ont été présentés aux associés. Ils font ressortir des pertes d'exploitation de : 16 981 461 F (1er exercice de juin 1991 à décembre 1991), 18 288 441 F (exercice du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1992), Chiffres d'affaires hors taxe : 20 515 054 F. Ces données sont établies sur la base d'un taux d'occupation de 30 % pour la première année effective d'exploitation. Il est précisé dans la convention de compte courant que les besoins en trésorerie totaux de la société peuvent aller jusqu'à un montant de vingt millions de francs l'an. Les aléas de conjoncture ou d'exploitation peuvent réduire ou augmenter les déficits indiqués ci-dessus, générateurs de besoins de trésorerie. En vertu des statuts de la SNC, chacun des associés est responsable solidairement et sans limitation de tous les engagements de la SNC et donc de la couverture de tous ses besoins de trésorerie, qu'ils s'engagent à couvrir. Les déficits d'exploitation sont déductibles des revenus de chacun après avoir été constatés dans leur comptabilité. Le financement de l'acquisition de l'ensemble hôtelier et de thalassothérapie y compris frais annexes et intérêts pendant la période de construction est assuré par des prêts consentis par le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS pour un montant de CENT CINQ MILLIONS SIX CENT DIX HUIT MILLE FRANCS (105 618 000 F) MAXIMUM sur VINGT ANS MAXIMUM et un relais TVA de SEIZE MILLIONS DE FRANCS MAXIMUM sur VINGT QUATRE MOIS. Les charges des prêts seront facturées à la SNC trimestriellement dès l'origine. Les prêts du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS sont accordés à la SNC en fonction de l'engagement pris par les associés dans le cadre du statut de la SNC et en fonction des capacités contributives et des éléments justificatifs de leurs revenus et de leurs situations patrimoniales fournis par chacun des associés, ceux-ci se portent, ainsi que leurs conjoints, cautions dans ces prêts » ; qu'au regard de la particularité de ce type de placement, il n'est pas discutable que les associés étaient informés des risques encourus d'une part sur leur responsabilité solidaire et sans limitation et d'autre part sur les apports qu'ils étaient dans l'obligation d'effectuer ; qu'il convient toutefois de rappeler que le principe même de la défiscalisation repose sur l'existence d'un déficit fiscal, déductible des revenus des associés, entraînant une économie fiscale que ceux-ci s'engagent à reverser en compte courant à la société, pour financer les besoins en trésorerie ; qu'en conséquence, la constatation de déficits pour les années 1991 et 1992, ne constitue pas pour eux une information alarmante, puisqu'il s'agit du principe même sur lequel repose la défiscalisation ; que de plus, cette sixième résolution, si elle indique le montant de la perte d'exploitation, ne fait aucune allusion au besoin réel de trésorerie, ces deux notions n'étant pas nécessairement liées ; qu'enfin, il convient de noter, que les associés, par divers documents informatifs, ont été assurés que dans les pires hypothèses, les besoins en trésorerie de l'hôtel ne pouvaient excéder, leur économie d'impôt ; que par contre, le fait que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS accepte de financer à hauteur de 100 % l'acquisition de l'hôtel et y compris même les divers honoraires de cette opération, constitue pour les associés de la SNC PFI, une sorte de garantie de la fiabilité de placement et ceci au regard de l'image de spécialiste de cette banque dans le domaine de l'investissement immobilier ; qu'il n'est nullement démontré que les associés, responsables solidairement et sans limitation de tous les engagements de la SNC aient été informés d'une part du premier refus du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS et d'autre part des conditions émises pour accepter finalement d'accorder ledit prêt ; que les associés n'ont pas été informés qu'ils devraient supporter la défaillance de l'un d'eux, alors que certains n'avaient manifestement pas rempli les critères nécessaires pour participer à ce type de placement ; que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS n'a pas informé les associés de la difficulté rencontrée pour trouver tous les investisseurs et dans ces conditions d'avoir accepté des partenaires ne remplissant pas lesdits critères ; que la responsabilité du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS ne se situe donc pas au niveau du prévisionnel de fonctionnement, mais par le défaut de mise en garde des associés, sur la fragilité de l'opération qu'elle avait diagnostiquée à l'origine et formalisée en refusant de participer au financement ; que de même, le défaut de mise en garde des associés sur le risque que faisait courir l'arrivée d'associés dont la situation fiscale n'était pas compatible avec ce type d'investissement, constitue une faute dont le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a la responsabilité ; qu'il convient de constater que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS détenait des informations qu'il n'a pas communiquées aux associés et que de plus il a couvert son propre risque par des garanties très importantes à son seul profit ; que d'ailleurs, certains investisseurs qui ne remplissaient pas les conditions requises par la banque elle-même pour participer à cette opération et ceci principalement au niveau des revenus, disposaient par contre de biens immobiliers, garantissant ainsi que COMPTOIR DES ENTREPRENEURS un risque minimum pour ses propres intérêts, au détriment même de la fiabilité du projet ; qu'enfin et reprenant ici les écrits de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 2 février 2006, « le comportement des sociétés appelantes, qui ont refusé au cours des opérations d'expertise, malgré une injonction délivrée à cette fin par le président du tribunal de commerce, de communiquer les adresses de MM. V... et U..., anciens cadres de CDE en charge de ce dossier ne peut s'expliquer que par le souci de dissimuler la connaissance qu'avait l'organisme prêteur de la fragilité économique du projet ; qu'en effet, seule la crainte que ces deux personnes, qui ne sont plus au service des appelantes révèlent des éléments hautement défavorables à leur thèse pour expliquer la méconnaissance délibérée des dispositions de l'article 11 du nouveau Code de procédure civile, et ce d'autant que ces témoignages présentaient un caractère déterminant sur les motivations du revirement du CDE puisque les documents relatifs aux décisions prises par le comité de crédit sont établis en une forme d'une singulière opacité pour ne comporter ni date, ni nom des membres ayant délibéré, ni motivation, ni même décision » ; que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS ayant manqué à son devoir de mise en garde, il conviendra de condamner le CREDIT FONCIER venant aux droits du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS à relever et garantir la SNC PFI de toutes les condamnations prononcées au profit de la société EIA et mises à sa charge, au titre du remboursement du prêt » ;
1/ ALORS QUE la qualité d'emprunteur averti d'une société doit s'apprécier à la date d'obtention du prêt ; qu'en l'espèce, pour retenir que la société PFI n'avait pas la qualité d'emprunteur averti, la Cour d'appel a relevé qu'au moment des pourparlers précontractuels, antérieurs à l'obtention du prêt, la société PFI n'était qu'en formation et n'avait pu être représentée par les associés fondateurs ; qu'en statuant par un tel motif, inopérant à caractériser en quoi la société PFI n'avait pas la qualité d'emprunteur averti à la date d'obtention du prêt, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
2/ ALORS QUE la qualité d'emprunteur averti d'une société doit s'apprécier en la personne de ses dirigeants personnes physiques ; qu'est nécessairement averti le gérant, professionnel des opérations financières ;
qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la Cour d'appel qu'à la date du prêt le gérant de la société PFI était Monsieur C... et que celui-ci était un « ancien banquier, conseil financier, qui reconnaît luimême, dans ses écritures, qu'il avait acquis une compétence en matière d'ingénierie financière et « une réelle expertise en matière de produits de défiscalisation » (arrêt, p. 11, dernier alinéa) ; que pour engager la responsabilité du CDE à l'égard de la société PFI, la Cour d'appel a pourtant retenu que la société PFI n'avait pas la qualité d'emprunteur averti ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du Code civil.
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mmes Y..., Z... et A..., demanderesses au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Mmes Y..., Z... et Q... qui sont à la fois associées et cautions de la SNC PFI, ne sont pas recevables à poursuivre la nullité pour dol du contrat de prêt conclu entre la société CDE et la SNC PFI et de les avoir condamnées en leur qualité d'associées, solidairement avec la SNC PFI, à payer à la société EIA la somme de 26. 758. 374, 80 euros en capital et intérêts arrêtée au 31 décembre 2003, sous déduction de la somme totale de 172. 820, 27 euros en capital imputée à chacune des comptabilisations indues, le solde ainsi rétabli en capital et intérêts devant être augmentée des intérêts au taux conventionnel de 11, 50 % à compter du 31 décembre 2003, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter du 31 décembre 2009 et dit n'y avoir lieu à mainlevée des mesures conservatoires prises par la société EIA ;
Aux motifs qu'il est soutenu par les associés qui sont également poursuivis en leur qualité de cautions que l'action d'EIA doit être rejetée compte tenu de la nullité tant du contrat de prêt que de leurs engagements de caution par l'effet du dol commis à leur préjudice par le CDE ; que toutefois les associés de la SNC tiers au contrat de prêt conclu entre cette dernière et la banque n'ont pas qualité pour en poursuivre la nullité pour dol ; qu'ils ne le peuvent davantage par la voie de l'action oblique dès lors que le débiteur principal fait valoir dans la présente instance ses droits et actions et qu'ils ne peuvent en tout état de cause se substituer à ce dernier pour l'exercice d'un droit qui fondé sur un vice du consentement, est exclusivement attaché à la personne du débiteur ; que par ailleurs en leur qualité de caution ils ne peuvent d'avantage opposer au créancier la nullité pour dol du contrat de prêt qu'ils ont garanti dès lors qu'il s'agit d'une exception purement personnelle que seul le débiteur principal peut invoquer ce qu'il ne fait pas ;
Alors d'une part, que la caution qui demande à être déchargée de son engagement et qui peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette, peut faire constater la nullité du contrat principal pour dol ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1116 et 2313 du Code civil ;
Alors d'autre part que les associés d'une société en nom collectif qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales peuvent, lorsqu'ils sont poursuivis en cette qualité par un créancier qui a consenti un prêt à la société, opposer à ce dernier la nullité du contrat de prêt, y compris pour dol ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1116 du Code civil et L 221-1 du Code de commerce ;
Alors en outre, que les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne ; que dès lors, les associées de la SNC PFI, également créancières de cette société, peuvent invoquer sur le fondement de l'action oblique, la nullité du contrat de prêt conclu par cette société y compris pour dol ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1116 et 1166 du Code civil ;
Alors enfin, qu'en excluant une carence du débiteur de nature à justifier l'exercice par ses associés et créanciers de l'action oblique, après avoir constaté que bien que présent à l'instance, le débiteur n'a pas fait valoir la nullité du contrat de prêt pour dol, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard de l'article 1166 du Code civil qu'elle a violé.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'en l'absence de préjudice distinct de celui subi par la SNC PFI, Mme Y..., Mme Q... et Mme Z... ne sont pas recevables en leur qualité d'associées à rechercher la responsabilité de la société Crédit Foncier de France qui vient aux droits de la société CDE, d'avoir débouté Mmes Y..., Q... et Z... de leurs demandes de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier complémentaire et de leur préjudice moral et de les avoir condamnées en leur qualité d'associées, solidairement avec la SNC PFI, à payer à la société EIA la somme de 26. 758. 374, 80 euros en capital et intérêts arrêtée au 31 décembre 2003, sous déduction de la somme totale de 172. 820, 27 euros en capital imputée à chacune des comptabilisations indues, le solde ainsi rétabli en capital et intérêts devant être augmentée des intérêts au taux conventionnel de 11, 50 % à compter du 31 décembre 2003, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter du 31 décembre 2009 ;
Aux motifs que si la faute commise dans l'exécution d'un contrat est susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de son auteur à l'égard des tiers, en l'espèce, les associés de la SNC, tiers au contrat de prêt, tenus aux termes de l'article L 221-1 alinéa 2 du Code de commerce, solidairement et indéfiniment des dettes de la SNC et dont l'obligation n'est que subsidiaire, ne justifient pas d'un préjudice distinct de celui subi par la SNC qui, présente à l'instance, fait valoir ses droits ; que dès lors faute d'un intérêt personnel à agir en responsabilité à l'encontre du CDE, l'action des associés doit être déclarée irrecevable de ce chef ; que les préjudices financiers dont les associés poursuivent la réparation découlent de leur obligation légale de contribuer aux dettes de la SNC PFI et ne sont pas dès lors distincts de celui subi par la SNC PFI et précédemment indemnisé ;
Alors d'une part, que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'il importe peu que ce dommage ait la même nature que le dommage subi par le cocontractant lui-même ou qu'il en constitue une conséquence, dès lors qu'il est néanmoins personnellement subi par le tiers ; qu'en l'espèce, dès lors qu'ils sont condamnés à rembourser le prêt conclu par la SNC, les associés de la SNC subissent un préjudice personnel, résultant de la faute de la banque qui a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde à l'égard de la SNC lors de la souscription de ce prêt et peuvent en demander la réparation sur le fondement délictuel ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L 221-1 du Code de commerce, 1165 et 1382 du Code civil ;
Alors d'autre part qu'en statuant comme elle l'a fait sans s'expliquer sur les préjudices financiers personnels résultant de la perte de l'avantage attendu par l'opération de défiscalisation, de la perte de leur compte courant d'associé, des conséquences des pertes cumulées de la SNC, qui ne découlent pas de l'obligation légale de contribuer aux dettes sociale et constituent des préjudices distincts du préjudice subi par la SNC, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1165 et 1382 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué qui a dit que la SNC PFI était recevable à opposer à la société EIA l'exception de compensation de sa dette au titre du solde du prêt avec sa créance indemnitaire à l'encontre de la société CDE, d'avoir néanmoins condamné Mme Y..., Mme Q... et Mme Z... en leur qualité d'associées, solidairement avec la SNC PFI, à payer à la société EIA la somme de 26. 758. 374, 80 euros en capital et intérêts arrêtée au 31 décembre 2003, sous déduction de la somme totale de 172. 820, 27 euros en capital imputée à chacune des comptabilisations indues, le solde ainsi rétabli en capital et intérêts devant être augmentée des intérêts au taux conventionnel de 11, 50 % à compter du 31 décembre 2003, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter du 31 décembre 2009, sans tenir compte de la compensation opérée au profit de la SNC PFI à hauteur de 80 % des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires au titre du prêt ;
Aux motifs que la société PFI est recevable à rechercher la responsabilité contractuelle du CDE pour manquement à ses obligations professionnelles lors de l'octroi du prêt ; qu'il y a lieu de condamner le CDE à payer à la SNC des dommages et intérêts d'un montant égal à 80 % des sommes dont la SNC PFI demeure redevable ; que la créance de dommages et intérêts découlant d'un manquement commis lors de la souscription du prêt est connexe à celle réciproque de EIA née de l'exécution du même contrat de sorte que la SNC PFI est fondée à opposer à EIA la compensation entre les créances respectives ; que si la faute commise dans l'exécution d'un contrat est susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de son auteur à l'égard des tiers, en l'espèce, les associés de la SNC, tiers au contrat de prêt, tenus aux termes de l'article L 221-1 alinéa 2 du Code de commerce, solidairement et indéfiniment des dettes de la SNC et dont l'obligation n'est que subsidiaire, ne justifient pas d'un préjudice distinct de celui subi par la SNC qui, présente à l'instance, fait valoir ses droits ; que dès lors faute d'un intérêt personnel à agir en responsabilité à l'encontre du CDE, l'action des associés doit être déclarée irrecevable de ce chef ;
Alors d'une part, que la compensation opère extinction réciproque des dettes jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ; qu'en condamnant Mmes Y..., Q... et Z..., à payer à la société EIA des dettes dont elle avait constaté l'extinction par compensation avec la dette réciproque du créancier, la Cour d'appel a violé les articles 1289 et suivants et 1234 du Code civil ;
Alors d'autre part, que les associés d'une société en nom collectif tenus d'une obligation subsidiaire, ne peuvent être poursuivis par les créanciers de la société que pour le paiement des sommes qui leur restent effectivement dues par la société ; qu'en condamnant Mmes Y..., Q... et Z..., à payer à la société EIA des dettes dont elle avait constaté l'extinction par compensation dans le patrimoine de la société PFI, la Cour d'appel a violé l'article L 221-1 du Code de commerce.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les contestations portant sur le montant de la créance invoquée par la société EIA et tirée de la dépossession du fonds de commerce, d'avoir dit que la société EIA n'a commis postérieurement à la cession de créance, aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et d'avoir rejeté les actions en responsabilité formées à l'encontre de EIA, NSRD Volney Fréjus, Volney Participations et Hôtelière Volney ;
Aux motifs que sur la demande de déduction de la valeur du fonds de commerce et du résultat brut d'exploitation, il est soutenu qu'au travers de l'opération de défaisance des actifs douteux du CDE, les structures qui ont été créées à cet effet se sont appropriées, sans contrepartie, le fonds de commerce de la SNC PFI estimé par l'expert à la somme de 16. 860. 205, 79 euros et valorisé dans son bilan par la société Volney Fréjus à 19. 774. 000 euros ; mais que sur les poursuites engagées par EIA, l'immeuble acquis par la SNC PFI a été adjugé au profit de Volney pour la somme de 4. 000. 000 euros ; qu'il a été définitivement jugé par un arrêt de cette cour du 2 février 2000 que la SNC PFI n'étant pas titulaire d'un bail commercial occupait l'immeuble du fait de sa seule qualité de propriétaire exploitant un fonds de commerce dans les lieux en sorte que l'adjudicataire était fondé à poursuivre son expulsion comme occupant sans droit ni titre ; que par ailleurs le mobilier garnissant les lieux a été vendu dans le cadre d'une procédure de saisie-vente pour le prix de 680. 000 euros ; que par suite il ne peut être soutenu que la SNC PFI aurait été dépossédée sans contrepartie d'un fonds de commerce dont, en l'absence de droit au bail, le seul élément était la clientèle dont il a été justement retenu par le premier juge que devant être regardée en l'espèce comme exclusivement attachée à l'immeuble et à sa situation, ne pouvait présenter une valeur marchande ; qu'à cet égard la référence faite par l'expert pour fonder son estimation, au rapport Horwath sollicité en 1993 par le CDE et au rapport Crest établi en 1998 est dépourvue de pertinence dès lors que ces avis ont été donnés en considération de l'existence d'un droit au bail qui postérieurement devait être refusé à la SNC PFI ; que dès lors les réclamations fondées sur la contrevaleur du fonds de commerce et la perte de résultat brut d'exploitation ainsi que les demande en responsabilité doivent être rejetées ;
Et aux motifs adoptés du jugement que concernant la particularité d'une exploitation hôtelière et plus spécialement un centre de thalassothérapie, il convient de considérer que la clientèle est plus attachée à l'immeuble et à sa situation qu'à la personnalité de l'exploitant surtout si celui-ci ne dispose d'aucun autre établissement ; qu'ainsi pourrait-on envisager de mettre sur le marché des biens professionnels la seule cession de la clientèle dont bénéficierait la SNC PFI et ceci sans droit d'occupation du local ! ; que le fonds de commerce n'a donc de valeur qu'autant qu'existe un droit au bail inexistant en l'espèce ;
Alors d'une part, que quelle que soit son importance, le droit au bail ne constitue pas, de plein droit, un élément nécessaire du fonds de commerce, qui peut exister en dehors de lui ; qu'en se fondant pour exclure l'existence d'un fonds de commerce sur l'absence de droit au bail au profit de la société PFI qui était propriétaire des murs dans lesquels le fonds de commerce était exploité, la Cour d'appel a violé les articles L 141-1 et L 141-5 du Code de commerce ;
Alors d'autre part, que les associés de la SNC PFI faisaient valoir que la société EIA s'était purement et simplement appropriée le fonds de commerce de la société PFI par l'intermédiaire de sa filiale, la société Volney Fréjus, laquelle a racheté l'immeuble de la société PFI dans lequel elle exploite une activité hôtelière et par conséquent précisément la clientèle attachée à cet immeuble ; qu'en se fondant pour exclure l'existence d'un fonds de commerce, sur la circonstance que la clientèle n'aurait pas de valeur marchande dès lors qu'elle est attachée à l'immeuble litigieux et à sa situation et non à l'exploitant, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant, et privé sa décision de base légale au regard des articles L 141-1 et L 141-5 du Code de commerce.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les contestations de Mmes Y..., Q... et Z... portant sur la non-conformité du taux d'intérêt appliqué par le CDE ;
Aux motifs qu'il est soutenu que le taux effectif global mentionné à l'acte serait erroné pour avoir été calculé sans inclure la totalité des frais devant être pris en compte pour sa détermination tels que la commission d'engagement et les frais de prise de garanties mobilières et immobilières ;
mais que le moyen tiré de l'application d'un TEG prétendument erroné pour n'avoir pas tenu compte pour son calcul de différents frais et commissions, sous-tend nécessairement, fut-il opposé par voie de défense passive, la nullité de la stipulation d'intérêts ; que s'agissant d'un prêt consenti le 29 juin 1991 à une société commerciale pour les besoins de son activité professionnelle, la prescription de l'action en nullité court à compter de la date de la convention ; que par suite c'est à bon droit que EIA oppose à cette action, la prescription quinquennale qui, invoquée pour la première fois le 28 février 2008 était acquise depuis le 29 juin 1996 ;
Alors que la prescription quinquennale de l'action en nullité des stipulations d'intérêts en raison de la mention dans l'acte de prêt d'un taux effectif global erroné, ne court du jour de la convention, que lorsque l'emprunteur a obtenu un concours pour les besoins de son activité professionnelle et qu'il est par conséquent un emprunteur averti ; que la prescription ne court à l'encontre d'un emprunteur profane qu'à compter de la date à laquelle il a effectivement découvert l'erreur affectant la stipulation d'intérêts ; qu'en faisant courir le point de départ de cette prescription à compter de la convention, après avoir pourtant constaté (arrêt p. 17 et s.) que la SNC PFI ne pouvait être regardée comme un emprunteur averti, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles 1304 du Code civil, L 313-1 et L 313-2 du Code de la consommation qu'elle a violés.
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Crédit foncier de France, demanderesse au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la SA COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a commis un dol à l'égard des associés cautions, et d'avoir prononcé en conséquence la nullité desdits cautionnements ;
Aux motifs propres que « les associés de la SNC PFI qui sont poursuivis également en leur qualité de caution sont recevables à se prévaloir à l'égard de EIA, cessionnaire de la créance du CDE, de la nullité de leurs propres obligations de cautions pour dol imputable à ce dernier ; qu'il est constant que M. C..., ancien banquier, conseil financier, qui reconnaît lui-même, dans ses écritures, qu'il avait acquis une compétence en matière d'ingénierie financière et « une réelle expertise en matière de produits de défiscalisation » a présenté au CDE dont il avait antérieurement sollicité le concours pour des opérations à visée identique dans le cadre de locations de meublés à titre professionnel, une nouvelle opération de défiscalisation portant sur la construction et l'exploitation d'un complexe comprenant un hôtel et un centre de thalassothérapie ; que le montage juridique élaboré prévoyait l'intervention d'une société en nom collectif, choisie pour sa transparence fiscale afin de permettre à des investisseurs lourdement imposés dont ils devaient devenir les associés ou à laquelle ils étaient intéressés au travers de sociétés en participation créées avec l'un des associés, de profiter des avantages fiscaux procurés par la déduction de leur revenu, des déficits d'exploitation des premières années ; que l'économie du projet reposait sur un recours massif à l'endettement puisque celui-ci était financé exclusivement par un emprunt bancaire de 120. 000. 000 francs soit 18, 3 millions d'euros dont le montant devait couvrir, outre le prix d'acquisition de l'immeuble à construire, le coût des agencements et équipements intérieurs ainsi que le paiement d'intérêts, d'honoraires et frais d'acte, le remboursement du prêt-relais finançant la dette de TVA et le règlement de la commission bancaire d'engagement ; que c'est dans ces conditions que M. C..., après avoir fait établir une étude de faisabilité par un professionnel de l'hôtellerie et un état prévisionnel des résultats d'exploitation, a réuni autour de lui un certain nombre d'investisseurs, séduits par une opération qualifiée d'« exceptionnelle » compte tenu de la qualité du site et d'un risque d'exploitation « totalement maîtrisé » ; que pour autant, cette opération, pour être présentée par son promoteur de manière extrêmement flatteuse, devait être nécessairement regardée par un établissement de crédit spécialisé, tenu au surplus à une particulière vigilance compte tenu de sa situation propre gravement obérée par des encours douteux consentis à des professionnels de l'immobilier qui devaient totaliser de son propre aveu, après le financement considéré, 119 % des fonds propres, comme présentant un risque excessif ; qu'en effet, cette opération, pour n'être pas intrinsèquement dépourvue de toute viabilité, présentait toutefois, d'emblée, un aléa majeur découlant du montage financier mis en place à l'effet de la rendre particulièrement attractive ; qu'ainsi, indépendamment des réserves que devait nécessairement susciter l'étude de faisabilité qui, établie par M. T..., dont le CDE ne pouvait ignorer qu'il était intéressé lui-même à l'opération en qualité d'associé de la SNC et de gestionnaire pressenti de l'établissement hôtelier, ne contenait aucune donnée comparative tirée des normes d'exploitation d'un établissement du même type, la banque, dont l'un des préposés avait d'ailleurs noté le 5 avril 1991 que le « CA Thalasso était optimiste » (annexe 2 du rapport d'expertise), était nécessairement consciente que le succès du projet dépendait essentiellement de l'aptitude des associés à répondre par leurs apports de fonds aux importants besoins de trésorerie de la SNC, lesquels pouvaient se trouver alourdis en cas de surestimation des résultats d'exploitation ou de survenance d'un aléa, toujours présent, dans une opération de construction, venant différer la livraison de l'ouvrage et partant son exploitation commerciale ; qu'il doit être relevé qu'ensuite de sa présentation à son comité de crédit, le CDE a notifié à M. C... le 10 mai 1991 un refus catégorique de financement puis est finalement revenu sur sa position le 23 mai 1991 ; qu'il résulte en effet des termes mêmes du courrier adressé par M. C... à la banque ensuite de la notification de la décision de refus du 10 mai 1991 que M. U..., préposé de la banque en charge du dossier, avait émis d'importantes réserves en suggérant au comité de crédit de subordonner le concours sollicité à un apport de fonds propres de 10 millions de francs et à l'exploitation du centre de thalassothérapie par une chaîne spécialisée ; qu'il apparaît, par ailleurs, que M. U... avait également, dans une note de présentation au comité de crédit, établie conjointement avec un autre cadre de la banque, M. V..., considéré que la surface financière de cinq des associés était « difficilement compatible avec l'opération » ; que dans ces conditions, il ne peut être retenu, comme il est soutenu, que c'est par suite des garanties insuffisantes apportées par les cautions que le concours de la banque aurait été initialement refusé et que c'est sur la communication d'informations supplémentaires sur les associés potentiels et sur la justification d'engagements complémentaires de ces derniers, qu'elle aurait révisé sa position première ; que d'ailleurs, il doit être souligné que la banque s'est refusé, malgré l'injonction qui lui avait été faite, à communiquer les renseignements utiles à permettre l'audition de M. U..., son ancien préposé en charge de la présentation du dossier au comité de crédit, une telle attitude, qui n'est justifiée par aucun motif légitime, ne pouvant que procéder de la crainte de voir dévoiler par celui-ci qui s'était montré hostile d'emblée à l'octroi du concours sollicité, compte tenu du montage financier proposé par M. C..., des informations contredisant sa position actuelle ; qu'enfin, les exigences relatives au niveau minimal des revenus annuels (750. 000 francs ramenés à 700. 000 francs) des participants à l'opération et aux garanties réelles et personnelles à fournir qui ont accompagné le revirement de la banque, lequel est intervenu dans un délai d'une brièveté remarquable, et qui ne sont d'ailleurs pas significatives au regard de celles prévues dans le projet initial, témoignent précisément de la conscience aiguë de la banque de la grande fragilité économique de l'opération et de son souci majeur de se prémunir, en cas d'échec, en multipliant les garanties lesquelles représentaient plus de cinq fois le montant de la part de chaque associé dans le montant des sommes empruntées (rapport d'expertise, p. 79) ; que la banque s'est abstenue de faire part aux cautions de ses réserves sur la solvabilité de certains des participants, alors qu'elle ne pouvait ignorer, au regard du montage financier mis en oeuvre, que le consentement de celles-ci était nécessairement déterminé par l'aptitude tant des autres cautions associés que des cofidéjusseurs non-associés à faire face à leurs engagements ; qu'elle a agréé des associés qui ne remplissaient pas la condition de seuil de revenu qu'elle avait elle-même fixé (rapport d'expertise, § 5. 2) alors que ne pouvait être méconnu le risque qui s'est réalisé que la défaillance de certains des participants ne conduise les autres, par un effet de contamination, à cesser également leur concours ; qu'elle a apprécié la solvabilité des participants dont elle connaissait plusieurs d'entre eux pour avoir été ses clients lors d'autres opérations de défiscalisation, sans tenir compte de l'endettement en résultant (rapport d'expertise, p. 81) ; qu'elle savait que la fortune de plusieurs des participants était, pour l'essentiel, non liquide alors que d'importants apports en numéraires destinés à compenser les pertes élevées prévues les premières années conditionnaient le succès du projet ; que ce faisant, elle a dissimulé délibérément le risque élevé de l'opération garantie alors que le niveau d'endettement postulé par le recours exclusif à l'emprunt de même que le nombre, la diversité d'origine et de situation des participants accroissaient encore sa fragilité économique ; qu'en retenant des informations essentielles qui ne pouvaient être connues des cautions, alors que celles-ci étaient de nature à leur permettre d'apprécier un aléa qui excédant, par son niveau, celui inhérent à toute activité économique, pouvait les conduire à renonce à s'engager, la banque qui les a conduits par là à s'obliger en se méprenant sur un élément déterminant de leur consentement, a commis un dol par réticence qui justifie l'annulation des cautionnements ; qu'il ne peut en effet être considéré que les cautions concernées par la présente instance étant également associées, celles-ci auraient été informées lors de l'assemblée générales constitutive de la SNC PFI le 5 juin 1991, des risques élevés encourus, alors qu'il résulte du procès-verbal de cette assemblée que les associés n'ont reçu à cette occasion qu'un avertissement général sur « les aléas de la conjoncture et de l'exploitation » susceptibles de « réduire ou d'augmenter » les déficits d'exploitation, générateurs de besoins de trésorerie « pouvant aller jusqu'à un montant de vingt millions l'an », cette somme ne tenant pas compte, au demeurant, des amortissements devant réduire l'effort financier de chaque associé, et qu'aucune référence n'a été faite aux aléas particuliers que la banque avait identifiés avant d'octroyer son concours et qui rendaient incertain le succès de l'opération » (arrêt p. 11 à 14) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « par un jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 8 juin 2004, puis par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 2 février 2006, une partie des actes de caution, donnés au bénéfice du Comptoir des entrepreneurs, ont été annulés ; que dans ses motivations, la cour d'appel précise : « attendu qu'il suit des motifs qui précèdent qu'en s'abstenant intentionnellement de porter à la connaissance des cautions qu'il a sollicitées les risques élevés que comportait l'opération, alors qu'il savait qu'elles n'en étaient pas informées, le CDE les a incitées à s'engager en se méprenant sur un élément déterminant de leur consentement ; qu'il en résulte que le CDE a manqué à son obligation de contracter de bonne foi et commis un dol par réticence » ; que la société EIA formule des condamnations à l'encontre des cautions qui n'étaient pas parties aux instances citées ci-dessus ; que reprenant l'ensemble des motivations développées par la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sans qu'il soit besoin ici de les reformuler dans le détail, il convient d'étendre l'annulation des actes de caution à l'ensemble des cautions signées au bénéfice du Comptoir des entrepreneurs et concernant le prêt attribué à la SNC PFI en date du 28 juin 1991 » (jugement p. 39) ;
1° Alors que le dol par réticence n'est caractérisé que si l'élément dissimulé réside dans un fait objectif, et non dans un simple risque ou aléa, l'aléa ou le risque ne constituant pas une information susceptible de faire l'objet d'une obligation précontractuelle d'information ; qu'ainsi, l'absence de communication par la banque bénéficiaire d'un cautionnement d'un risque ou d'un aléa de l'opération cautionnée ne constitue pas, en soi, une réticence dolosive susceptible d'entraîner l'annulation du cautionnement, l'aléa potentiel non réalisé ne constituant pas un fait objectif ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la rétention imputée au Comptoir des entrepreneurs ne portait pas sur des informations objectives, mais sur « le risque élevé de l'opération garantie », laquelle aurait été marquée par une « fragilité économique » (p. 13, avantdernier alinéa) et un « aléa » (p. 13, dernier alinéa, et p. 14, alinéa 1er) ; qu'en considérant que ce cautionnement, qui ne s'est noué sur la base d'aucune rétention d'informations objectives, serait exposé à la nullité pour dol, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;
2° Alors que ne manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence au préjudice de la caution que la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est irrémédiablement compromise ou à tout le moins lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution afin d'inciter celle-ci à s'engager ; qu'au cas présent, en considérant que le cautionnement souscrit par certains associés de la SNC cautionnée devrait être annulé pour réticence dolosive, sans constater que ledit cautionnement aurait été souscrit à une date à laquelle la situation de la SNC aurait été irrémédiablement compromise ou lourdement obérée, et en relevant au contraire que « cette opération n'était pas intrinsèquement dépourvue de toute viabilité » (p. 12, al. 5), et qu'elle était simplement aléatoire et risquée, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;
3° Alors subsidiairement que dans ses conclusions d'appel (p. 25 et 104), l'exposante faisait valoir que le risque de l'opération lié à la survenance possible d'un retard de construction avait été pris en compte et prévenu par la stipulation, dans le contrat de vente en l'état futur d'achèvement liant la SNC emprunteuse au groupe Pelège, d'indemnités de retard élevées, de nature à compenser toute perte qui pourrait être liée à une ouverture tardive de l'exploitation ; qu'en considérant que le risque de l'opération aurait été accru par « la survenance d'un aléa, toujours présent, dans une opération de construction, venant différer la livraison de l'ouvrage et partant son exploitation commerciale » (p. 12, alinéa 6), sans rechercher comme elle y était invitée, si ce risque n'avait pas été prévenu en amont, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
4° Alors plus subsidiairement que la banque n'est pas tenue d'une obligation précontractuelle d'information à l'égard d'une caution qui, étant par ailleurs associée en nom de la société cautionnée, est ou doit être informée de la situation de la société, et des risques auxquels elle est exposée, au moment de son engagement ; qu'au cas présent, en retenant que les « informations essentielles », selon l'expression de la cour (p. 13, dernier alinéa), « ne pouvaient être connues des cautions » (id. loc.), cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que les cautions en cause étaient par ailleurs associées de la société en nom collectif emprunteuse (ainsi p. 14, alinéa 3), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1116 du code civil ;
5° Alors de la même manière qu'aucune information n'est due à une personne avertie, qui connaît ou doit connaître une information ; qu'en particulier, les personnes lourdement imposées qui constituent entre elles une SNC à but de défiscalisation sont à même de connaître les risques de l'opération, y compris ceux tenant à la solvabilité de leurs co-associés sur lesquels elles doivent le cas échéant se renseigner ; qu'au cas présent, l'exposante faisait valoir dans ses conclusions (p. 12, 71, 73 et 83) que les cautions étaient toutes associées de la SNC PFI qu'elles avaient créée pour défiscaliser leurs revenus, de sorte qu'elles connaissaient ou devaient connaître les risques de l'opération cautionnée ; qu'en retenant que des « informations essentielles », selon l'expression de la cour, « ne pouvaient être connues des cautions » (p. 13, dernier alinéa), sans rechercher, comme elle y était invitée, si, étant associés fondateurs d'une SNC à but fiscal, il n'était pas exclu que les associés cautions se prétendent créanciers d'une obligation d'information, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
6° Alors de la même manière que la banque n'est pas tenue d'aviser l'associé caution, au titre d'une obligation précontractuelle d'information, de risques qui apparaissent comme des traits caractéristiques inhérents au montage, nécessaires à l'obtention du résultat voulu ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que « le montage juridique élaboré prévoyait l'intervention d'une société en nom collectif, choisie pour sa transparence fiscale afin de permettre à des investisseurs lourdement imposés dont ils devaient devenir les associés de profiter des avantages fiscaux procurés par la déduction de leurs revenus des déficits d'exploitation des premières années » (p. 12, alinéa 1er), de sorte que le risque identifié, lié à la nécessité pour les associés de répondre aux appels de fonds d'une SNC endettée en cas de besoin, et à la solidarité entre associés, correspondait à un aléa inhérent à l'opération garantie, assumé par les cautions en tant qu'associés ; qu'en considérant malgré tout que le Comptoir des entrepreneurs aurait été tenu d'une obligation d'information à l'égard des cautions qui participaient comme associés audit montage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1116 du code civil ;
7° Alors de la même manière que la banque n'est pas tenue à une obligation d'information à l'égard de la caution qui dispose des moyens d'accéder à l'information ; qu'en ne recherchant pas comme elle y était pourtant invitée (conclusions p. 72-73), si les associés en cause, qui étaient tous des personnes fortunées qui avaient pour la plupart l'expérience des opérations de défiscalisation, qui avaient la qualité de professionnels de l'immobilier (marchands de biens, notaires locaux instrumentaires des actes de l'opération), d'hommes de loi (notaires, avocats), de professionnels du chiffre (experts comptables) ou d'entrepreneurs, et qui étaient au surplus entourés de conseils, n'avaient pas les moyens de connaître par eux-mêmes la portée de leur engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
8° Alors très subsidiairement que l'obligation au secret professionnel à laquelle sont tenus les établissements de crédit leur interdit de fournir des renseignements autres que simplement commerciaux d'ordre général et économique sur la solvabilité d'une autre personne ; qu'en considérant, au cas présent, que le Comptoir des entrepreneurs aurait dû organiser la circulation entre les associés de la SNC d'informations portant sur leur « seuil de revenus » (p. 13, alinéa 6), leur « endettement » (p. 13, alinéa 7), ainsi que le degré de « liquidité » de leur « fortune » (p. 13, alinéa 8), cependant que cette transmission d'informations précises et détaillées sur l'état et la structure des revenus et du patrimoine, était prohibée par le secret bancaire, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil, ensemble l'article 57 de la loi du 24 janvier 1984, applicable en la cause ;
9° Alors plus subsidiairement encore que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement, la réticence dolosive n'étant constituée que si elle avait pour objet de tromper la caution et de la déterminer à s'engager ; qu'au cas présent, en considérant que le Comptoir des entrepreneurs aurait commis un dol par réticence au préjudice des cautions associées de la SNC emprunteuse au motif que la banque aurait eu une « conscience aiguë de la grande fragilité économique de l'opération » et aurait été mue par « son souci majeur de se prémunir, en cas d'échec, en multipliant les garanties » (p. 13, alinéa 4), la cour d'appel n'a caractérisé que la conscience d'un risque qu'avaient eue le Comptoir des entrepreneurs et la volonté légitime de se prémunir contre la survenance dudit risque, mais non l'intention d'amener une caution à couvrir une situation d'ores et déjà compromise ; qu'en déduisant de ces motifs que la banque aurait « dissimulé délibérément » (p. 13, avant-dernier alinéa) le risque en cause et commis ainsi une réticence dolosive, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser une intention dolosive, violant ainsi l'article 1116 du code civil ;
10° Alors de la même façon que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation d'une erreur déterminante du consentement provoquée, dans l'esprit de la caution, par le manquement à l'obligation précontractuelle d'information ; qu'au cas présent, en considérant que le prétendu défaut d'information des cautions associées de la SNC emprunteuse sur les risques de l'opération les aurait conduites à s'engager, ce qu'elles n'auraient pas fait si elles avaient été informées desdits risques, et notamment de l'idée que la solidité de l'opération dépendait de la capacité de chacun des associés en nom collectif à respecter ses engagements et à répondre ainsi aux appels de fonds d'une SNC volontairement sous-capitalisée depuis l'origine, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'erreur déterminante, dès lors qu'en tant qu'associées de la SNC, les cautions supportaient déjà le risque décrit, de sorte qu'elles auraient souscrit pareillement leur engagement fidéjussoire si elles avaient été plus complètement informées dudit risque ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a ainsi violé l'article 1116 du code civil ;
11° Alors enfin et en tout état de cause que la délibération de l'assemblée générale constitutive que le Comptoir des entrepreneurs avait voulu voir adopter stipulait que « en vertu des statuts de la SNC, chacun des associés est responsable solidairement et sans limitation de tous les engagements de la SNC et donc de la couverture de tous ses besoins de trésorerie, qu'ils s'engagent à couvrir. Les déficits d'exploitation sont déductibles des revenus de chacun après avoir été constatés dans leur comptabilité » (sixième résolution) ; qu'en retenant que « aucune référence n'a été faite » dans cette délibération voulue par la banque « aux aléas particuliers que la banque avait identifiés avant d'octroyer son concours », parmi lesquels figurait la solidarité entre associés, la cour d'appel a dénaturé ladite délibération, en violation de l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la SA COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a manqué lors de l'octroi du prêt à son obligation de conseil et de mise en garde à l'égard de la SNC PFI, d'avoir dit que le dommage résultant du manquement à l'obligation de mise en garde consiste en une perte de chance de ne pas contracter, et d'avoir ensuite condamné la SA CREDIT FONCIER DE France venant aux droits du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS à payer à la SNC PFI des dommages-intérêts d'un montant égal à 80 % des sommes dont la SNC PFI demeure redevable en principal, intérêts, frais et accessoires au titre du prêt consenti ;
Aux motifs que « il est prétendu que le CDE qui, en sa qualité d'établissement bancaire, devait veiller à ne pas consentir un financement « inapproprié et inadéquat », a engagé sa responsabilité en apportant son concours à un « projet voué à l'échec et dépourvu de viabilité » dès l'origine, ce qui lui était apparu d'évidence puisqu'il avait opposé le 10 mai 1991 un refus définitif à la demande de crédit dont il avait été saisi ; qu'à cet égard, le CDE oppose vainement qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir manqué à une obligation de mise en garde à laquelle il ne pouvait être tenu au regard du caractère averti de la SNC PFI ; que si de fait, le prêt a été sollicité par une société en nom collectif, société commerciale par la forme, si son gérant, M. C..., a été à l'origine de l'opération financée et si la souscription du prêt a été précédée à la demande de celui-ci d'études prévisionnelles établies par des professionnels de la finance et de l'hôtellerie qui concluaient à la faisabilité du projet, il ne peut s'en déduire que la SNC doit, nécessairement, être regardée comme un emprunteur averti ; qu'il sera en effet observé que l'acte de prêt a été reçu le 28 juin 1991, que la SNC n'a été constituée que le 5 juin 1991, soit après que le CDE qui avait le 10 mai 1991 notifié à M. C... son refus d'accorder son concours, fût revenu le 23 mai 1991 sur sa décision en donnant un accord de principe, que l'ensemble des pourparlers préalables à l'octroi du prêt ont été conduits par M. C..., agissant à titre personnel et non en qualité de gérant d'une société en formation, la création de la société n'étant envisagée qu'autant que le projet pouvait être finalisé par l'obtention des financements nécessaires à sa mise en oeuvre ; qu'il s'ensuit que la SNC, constituée a posteriori pour les seuls besoins d'une opération dont l'élaboration et la mise en oeuvre sont intervenues sans qu'elle y concoure, faute d'avoir été formée ni même d'avoir été en voie de l'être et d'avoir pu être représentée à ce titre par l'un ou plusieurs de ses associés fondateurs, n'était pas un emprunteur averti ; que d'ailleurs le CDE en avait nécessairement conscience puisqu'il indique, sans toutefois démontrer, pour les motifs précédemment développés pour caractériser la réticence dolosive commise par lui à l'égard des cautions associés, y avoir satisfait, avoir pris soin de demander que lors de l'assemblée générale constitutive de la SNC, l'attention des associés soit spécialement attirée sur les risques de l'opération ; que le CDE qui, ainsi qu'il a été exposé précédemment aux termes de motifs qui sont tenus ici pour repris, avait conscience de l'aléa majeur auquel l'opération était exposée, découlant du montage financier mis en place pour inciter les investisseurs à y participer et qui a choisi de revenir sur une décision de refus catégorique de financement, sans que les réserves exprimées par ses préposés en charge de l'étude du dossier, sur la grande fragilité économique de l'opération, aient été levées, a manqué à son obligation de mise en garde en ne prévenant pas l'emprunteur lors de l'octroi du prêt contre les risques qu'elle avait précisément identifiés, lesquels excédaient par leur caractère, le simple aléa inhérent à toute activité économique ; que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde consiste dans une perte de chance de ne pas contracter ; que le préjudice subi doit être mesuré à hauteur de la chance perdue en sorte que sa réparation ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'il s'ensuit que la SNC ne peut prétendre à des dommages-intérêts d'un montant équivalent au montant des sommes dont elle demeure redevable au titre du prêt qu'elle a souscrit ; que pour apprécier la perte de chance, il convient de tenir compte, en l'espèce, de la forte attraction exercée, à la période considérée, sur des investisseurs lourdement imposés, par les avantages procurés par des opérations de défiscalisation auxquels plusieurs des associés de la SNC avaient de fait déjà participé ; qu'il convient, en conséquence, de condamner le CDE à payer à la SNC des dommages-intérêts d'un montant égal à 80 % des sommes dont la SNC PFI demeure redevable en principal, intérêts, frais et accessoires au titre du prêt consenti » (arrêt p. 17 et 18) ;
1° Alors que dans ses conclusions d'appel, la SNC PFI, consciente qu'elle était par nature un opérateur averti, n'avait pas développé de moyen sur le fondement du devoir de mise en garde, mais s'était bornée, sous la bannière inexacte du « manquement à l'obligation de conseil », à soutenir en réalité que le Comptoir des entrepreneurs se serait rendu coupable de soutien abusif à son égard ; que la SNC PFI invoquait ainsi, comme l'arrêt attaqué le relève lui-même (p. 17, antépénultième alinéa), « un financement inapproprié et inadéquat » finançant « un projet voué à l'échec et donc dépourvu de viabilité » (conclusions p. 14, § 22), et réclamait la condamnation de la banque au paiement de « l'insuffisance d'actif final » (conclusions p. 13, § 20) ; qu'en retenant que le Comptoir des entrepreneurs aurait manqué à son devoir de mise en garde à l'égard de la SNC PFI, quand ce fondement n'était pas invoqué ni développé par la SNC emprunteuse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2° Alors que dans ses conclusions d'appel, la SNC PFI n'avait a fortiori pas soutenu être un opérateur non averti, créancier d'un devoir de mise en garde ; de sorte qu'en retenant que la société emprunteuse n'aurait pas été avertie à la date du prêt pour, selon l'arrêt, avoir été créée à cette occasion et n'avoir prétendument pas été représentée dans les négociations précontractuelles, la cour d'appel a statué par un moyen relevé d'office, sans appeler les parties à formuler des observations, violant ainsi l'article 16 du code de procédure civile ;
3° Alors subsidiairement que le caractère averti, ou non, d'une société de personnes ne peut être apprécié en la seule personne de la société, en faisant abstraction de son entourage, et en particulier de ses associés, de son gérant et de leurs conseils ; qu'au cas présent, pour retenir que la SNC PFI n'aurait pas été avertie, la cour d'appel a relevé que cette entité avait été créée pour l'occasion, de sorte qu'elle n'avait pu acquérir une conscience des risques de l'opération financée avant l'octroi du prêt en cause (arrêt p. 18, alinéa 2) ; qu'en se focalisant ainsi sur la société, cependant que, s'agissant d'une société de personnes, il ne pouvait être fait abstraction de ses associés fondateurs, de son gérant et de leurs conseils, dont il est relevé par ailleurs qu'ils avaient l'expérience des montages défiscalisants, et qu'ils étaient ainsi manifestement avertis (p. 17, dernier alinéa et p. 11, dernier alinéa), la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
4° Alors également subsidiairement que la société commerciale utilisée dans un but de défiscalisation, comme une technique de gestion de patrimoine, est nécessairement un emprunteur averti ; qu'en retenant au contraire qu'elle devrait être considérée comme profane eu égard à sa date de naissance, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé l'article 1147 du code civil ;
5° Alors plus subsidiairement que la banque n'est tenue de mettre en garde un emprunteur qu'en présence d'un risque d'endettement qui serait né de l'octroi du prêt, ce risque devant être établi par comparaison des charges de remboursement de l'emprunt avec les revenus de l'emprunteur ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que le Comptoir des entrepreneurs aurait manqué à son devoir de mise en garde, en n'avisant pas la SNC PFI de la « fragilité économique de l'opération » (arrêt p. 13, aliéna 4), due à la circonstance que « le succès du projet dépendait essentiellement de l'aptitude des associés à répondre par leurs apports de fonds aux importants besoins de trésorerie de la SNC, lesquels pouvaient se trouver alourdis en cas de surestimation des résultats d'exploitation ou de survenance d'un aléa, toujours présent dans une opération de construction, venant différer la livraison de l'ouvrage et partant son exploitation commerciale » (arrêt p. 12, alinéa 6) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que le prêt consenti par la banque aurait fait naître un risque d'endettement, au vu d'une confrontation, non effectuée par l'arrêt attaqué, entre les caractéristiques du prêt en cause et les revenus escomptés par l'emprunteur, la cour d'appel, qui n'a dès lors pas caractérisé la condition préalable à l'apparition d'un devoir de mise en garde de la banque, a violé l'article 1147 du code civil ;
6° Alors de la même manière que la banque n'est pas tenue d'alerter son client sur des risques attachés non à l'endettement mais au projet financé, l'appréciation des risques du projet relevant de la seule responsabilité de l'emprunteur ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que les risques dont le Comptoir des entrepreneurs aurait dû alerter la SNC PFI résidaient dans le prévisionnel, qui pouvait s'avérer optimiste, dans la date d'ouverture de l'hôtel-thalassothérapie, qui pouvait être différée en cas de retard de construction, ainsi que dans le montage financier, qui pouvait être mis sous tension en cas de difficulté des associés à répondre aux appels de fonds (p. 12, alinéa 6) ; que cette « fragilité économique de l'opération » p. 18, alinéa 4) ne résidant pas dans un défaut d'adaptation des charges de remboursement de l'emprunt par rapport aux revenus attendus de l'opération, les risques ainsi identifiés n'avaient pas à faire l'objet d'une mise en garde du Comptoir des entrepreneurs à la SNC emprunteuse, de sorte qu'en retenant, malgré tout, la responsabilité de la banque, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
7° Alors très subsidiairement qu'une banque n'a pas à mettre en garde un emprunteur contre des risques dont il est conscient ; qu'à considérer les risques énoncés par l'arrêt attaqué, inhérents au projet luimême ou à la composition du tour de table, la SNC PFI en était par hypothèse consciente puisqu'elle était la mieux à même de connaître son projet ainsi que ses associés, de sorte qu'en retenant un manquement au devoir de mise en garde de la banque de ce chef, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. B..., demandeur au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'en l'absence de préjudice distinct de celui subi par la SNC « PFI », Monsieur Joseph B... n'était pas recevable à rechercher la responsabilité de la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE, qui vient aux droits de la SA COMPTOIR DES ENTREPRENEURS.
AUX MOTIFS QU'il est soutenu par les associés de PFI qui sont poursuivis également en leur qualité de cautions que l'action de EIA doit être rejetée compte tenu de la nullité tant du contrat de prêt que de leurs engagements de caution, par l'effet du dol commis à leur préjudice par le CDE ; qu'ils font valoir, à cet égard que le CDE, institution spécialisée, s'est abstenue délibérément, au mépris de son devoir de mise en garde, de les informer des difficultés rencontrées dans le montage du dossier et les a volontairement trompés en les incitant à se méprendre sur les risques réels de leurs engagements ; que toutefois les associés de la SNC, tiers au contrat de prêt conclu entre cette dernière et la banque, n'ont pas qualité pour en poursuivre la nullité pour dol ; qu'ils ne le peuvent davantage par la voie de l'action oblique dès lors que le débiteur principal fait valoir dans la présente instance ses droits et actions et qu'ils ne peuvent, en tout état de cause, se substituer à ce dernier pour l'exercice d'un droit qui fondé sur un vice du consentement, est exclusivement attaché à la personne du débiteur ; que par ailleurs, en leur qualité de cautions, ils ne peuvent davantage opposer au créancier la nullité pour dol du contrat de prêt qu'ils ont garanti dès lors qu'il s'agit d'une exception purement personnelle que seul le débiteur principal peut invoquer, ce qu'il ne fait pas ;
ET QUE si la faute commise dans l'exécution d'un contrat est susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de son auteur à l'égard des tiers, en l'espèce les associés de la SNC, tiers au contrat de prêt, tenus, aux termes de l'article L 221-1 alinéa 2 du Code de commerce solidairement et indéfiniment des dettes de la SNC et dont l'obligation n'est que subsidiaire, ne justifient pas d'un préjudice distinct de celui subi par la SNC qui, présente à l'instance, fait valoir ses droits ; que dès lors faute d'intérêt personnel à agir en responsabilité à l'encontre du CDE, l'action des associés doit être déclarée irrecevable de ce chef ;
ALORS QUE les associés d'une société en nom collectif peuvent agir en responsabilité délictuelle à l'encontre des contractants de la SNC en réparation du préjudice propre causé par des manoeuvres dolosives perpétrés à leur égard particulier ; qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que si le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS avait manqué à son devoir de mise en garde à l'égard de la SNC « PFI », il avait commis une dissimulation délibérée et donc dolosive d'éléments essentiels et substantiels du consentement au préjudice des associés caution ; que ce dol caractérisait l'existence d'une faute lourde du CDE à l'égard de Monsieur Joseph B..., de nature à conduire celui-ci à s'engager, en tant qu'associé, dans une opération extrêmement risquée, et à subir en conséquence un préjudice financier et moral très important, indépendant de la simple perte de chance de ne pas renoncer au prêt ; qu'ainsi, en refusant sur le principe à Monsieur Joseph B... le droit d'agir par voie délictuelle contre le CREDIT FONCIER, aux droits du CDE, en réparation des conséquences des dissimulations dolosives subies spécifiquement par les associés caution, la Cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision, au regard de l'article 1382 du Code civil et de l'article 31 du code de procédure civile.
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Cette décision est visée dans la définition :
Défaisance
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.