par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 16 mai 2012, 11-18449
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
16 mai 2012, 11-18.449

Cette décision est visée dans la définition :
Vie privée




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Hachette Filipacchi et associés, société en nom collectif, dont le siège est 149 rue Anatole France, immeuble Europa, 92534 Levallois-Perret,

contre l'arrêt rendu le 3 mars 2011 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à M. Patrick X..., domicilié...

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 avril 2012, où étaient présents : M. Charruault, président, M. Gridel, conseiller rapporteur, M. Bargue, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Gridel, conseiller, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société Hachette Filipacchi et associés, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. X..., l'avis écrit de M. Sarcelet, avocat général, tel qu'il figure sur son rôle d'audience, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 mars 2011), que la société Hachette Filipacchi et associés (la société) a publié, dans le numéro 3299 du magazine Ici Paris daté du 23 au 29 septembre 2008, un article intitulé " PPDA et Anna-La tendre complicité ", annoncé dès la page de couverture, et illustré de quatre photographies représentant M. Patrick X... seul ou en compagnie de la femme ainsi concernée ; que la société a été condamnée à dommages-intérêts envers M. Patrick X... pour atteinte à l'intimité de sa vie privée et violation de son droit sur son image ;

Attendu que la cour d'appel, à partir des exergues ou commentaires relevés dans l'article litigieux et reproduits par elle, a considéré que le journal, au lieu de se contenter du constat objectif de faits ou clichés saisis lors d'événements médiatisés et concernant un journaliste jouissant d'une certaine notoriété, lui avait prêté des sentiments sur la nature desquels le lecteur ne pouvait se méprendre, spéculant sur sa vie sentimentale et s'immisçant dans l'intimité de sa vie privée, malgré sa constante opposition à toute divulgation à ce propos, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur un caractère prétendument anodin ou sur une absence de malveillance ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Et attendu, par ailleurs, que la publication de photographies représentant une personne pour illustrer des développements attentatoires à sa vie privée porte nécessairement atteinte à son droit au respect de son image ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Hachette Filipacchi et associés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Hachette Filipacchi et associés ; la condamne à payer à M. Patrick X... la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille douze et signé par M. Charruault, président, et par Mme Laumône, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Hachette Filipacchi et associés

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société HACHETTE FILIPACCHI ET ASSOCIES à verser à Monsieur Patrick X... la somme de 6. 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice du fait des atteintes portées à sa vie privée et à son droit à l'image ;

AUX MOTIFS QUE « l'article incriminé reprenant un titre identique à l'annonce de couverture, comporte les exergues suivantes : " Le journaliste a enchaîné les soirées people e n charmante compagnie " et " Il ne quitte plus ce jeune mannequin blond aux mensurations de rêve " ; que la légende suivante est apposée sur la photographie principale représentant le couple " Le chevalier blanc de l'information a le vent en poupe. Alors qu'il prend un nouveau départ professionnel, il s'est affiché la semaine dernière avec une jeune et jolie blonde... " ; que l'on peut lire : "... Le journaliste s'est affiché au coté d'une bombe blonde que le Tout Paris n'a pu ignorer. Anna Y..., ce tout jeune mannequin..... serait-elle la nouvelle princesse du roi de l'information ? Quoiqu'il en soit, Anna semble avoir trouvé une garde très rapprochée en la personne de Patrick X... et vice versa... Il fallait les voir s'effleurer discrètement, échanger des sourires un peu contenus mais ô combien complices, noyer ensemble leur regard un verre de champagne à la main ou bien encore se donner mutuellement un baiser sage et furtif sur la joue pour se rapprocher un peu plus... Anna et PPDA avaient l'air seul au monde ce soir-là. Et ça, c'est un signe qui ne trompe pas... " ; que toute personne quelle que soit sa notoriété a droit au respect de sa vie privée et peut s'opposer à la divulgation d'information d'ordre intime la concernant que celles-ci soient réelles ou supposées ; que la vie sentimentale de toute personne présente un caractère strictement privé ; qu'en l'espèce, le lecteur ne peut se méprendre sur la nature des sentiments que le magazine Ici-Paris prête à M. Patrick X... ; que le journal répand dans le public des informations relevant de la sphère étroite de l'intimité de la vie privée de l'appelant et spécule sur sa supposée vie sentimentale ce qui est manifestement contraire aux dispositions de l'article 9 du code civil et caractérise une atteinte à la vie privée de l'intéressé ; que vainement, la société éditrice fait état du caractère légitime du constat objectif dans la presse de la présence conjointe de M. Patrick X... et d'Anna Y...lors d'évènements mondains médiatisés puisque précisément, le magazine ne s'est pas contenté d'un " constat objectif'mais s'est immiscé dans la vie sentimentale du journaliste en faisant croire à la naissance d'une relation sentimentale et peu importe le caractère anodin du texte et l'absence de malveillance des propos tenus ; l'article est illustré de
quatre photographies lesquelles bien que prises à l'occasion d'une manifestation publique ont été détournées de leur contexte de fixation et reproduites sans autorisation pour accréditer les révélations de l'article ce qui contrevient au droit que toute personne dispose sur son image ; que la société SNC Hachette Filipacchi ne peut valablement soutenir qu'il s'agit que de l'illustration adéquate et pertinente du sujet traité alors qu'elles sont publiées pour accréditer un article portant atteinte à la vie privée de l'appelant » (cf. arrêt, p. 3 et 4) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE des propos anodins qui se rapportent à la participation de personnalités publiques à des manifestations officielles et à leur comportement au cours de celles-ci, ne caractérisent pas une atteinte au respect de la vie privée ; qu'en retenant, en l'espèce, que l'article publié dans le magazine ICI PARIS avait porté atteinte à la vie privée de Monsieur Patrick X..., dès lors qu'évoquant sa participation à diverses manifestations officielles au côté de Mademoiselle Anna Y..., et son comportement avec celle-ci au moment de ces manifestations, il se serait immiscé dans la vie privée de celui-ci, sans qu'« importe le caractère anodin du texte » de l'article, la Cour d'appel a violé ensemble l'article 9 du Code civil et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la liberté de communication et d'information autorise la publication de photographies de personnes impliquées dans un évènement public, particulièrement lorsqu'il s'agit de personnes publiques s'étant exposées sciemment aux objectifs des photographes, dès lors que cette diffusion est en relation directe avec l'évènement et ne constitue pas une dénaturation de l'image de ceux qui y sont représentés ; qu'en retenant que les quatre photographies publiées au sein de l'article litigieux porteraient atteinte au droit à l'image de Monsieur Patrick X..., aux motifs que tout en ayant été prises à l'occasion d'une manifestation publique à laquelle cet article se référait, elles auraient été détournées de leur contexte de fixation et reproduites sans autorisation pour accréditer les révélations de l'article litigieux, sans rechercher comme elle y était invitée si Monsieur Patrick X... n'avait pas accepté de poser en pleine connaissance de cause et ne pouvait ignorer que les photographies prises au cours de cette manifestation seraient publiées et commentées, la Cour d'appel a privé sa décision de bale légale au regard de l'article 9 du Code civil et de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.