par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 4 octobre 2011, 10-21862
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Cour de cassation, chambre commerciale
4 octobre 2011, 10-21.862

Cette décision est visée dans la définition :
Concurrence




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 410-2 du code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de ce texte, que sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence ;

Attendu que la société Hyper Saint-Aunès, exploitant une grande surface de distribution, sous l'enseigne Leclerc, a souhaité faire réaliser par ses salariés des relevés de prix de certains produits distribués dans un magasin Carrefour exploité dans la même zone de chalandise, par la société Carrefour hypermarchés ; qu'à la suite du refus opposé à ses salariés constaté par huissier de justice, elle a fait assigner la société Carrefour hypermarchés, afin qu'il lui soit ordonné sous astreinte de laisser pratiquer, par les salariés de la société Hyper Saint-Aunès, les relevés de prix de ses produits offerts à la vente, dans plusieurs de ses magasins situés sur la même zone de chalandise ;

Attendu que pour rejeter cette demande la cour d'appel retient qu'en vertu de son droit de propriété, la société Carrefour dispose de la faculté, sauf usage abusif de ce droit, de s'opposer à l'accès de ses magasins à des tiers, autres que des clients potentiels et donc d'interdire les relevés de prix par ses concurrents au moyen de lecteurs optiques, et que la société Hyper Saint-Aunès n'établit pas l'existence d'un usage commercial à ce sujet qui constituerait une restriction licite au droit de propriété ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence commande que les concurrents puissent comparer leurs prix et en conséquence en faire pratiquer des relevés par leurs salariés dans leurs magasins respectifs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 18 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 29 juin 2010 ;

Condamne la société Carrefour hypermarchés aux dépens et met, en outre, à sa charge ceux afférents à l'instance devant les juges du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Hyper Saint-Aunès la somme de 2 500 euros et rejette tant les demandes présentées devant la cour d'appel que celle formée par la société Carrefour hypermarchés devant la Cour de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour la société Hyper Saint-Aunès.

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la Société HYPER SAINT AUNES de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné, sous astreinte, à la Société CARREFOUR de laisser pratiquer par ses préposés les relevés de prix offerts à la vente, dans ses magasins de LATTES, SAINT CLEMENT DE RIVIERE et SAINT JEAN DE VEDAS ;

AUX MOTIFS QUE « le bien fondé de l'action : en vertu de son droit de propriété, la société CARREFOUR dispose de la faculté, sauf usage abusif de ce droit, d'interdire l'accès de ses magasins à des tiers, autres que ses clients potentiels ; qu'il reste à examiner si la société Hyper Saint-Aunès justifie d'un usage lui permettant, ainsi qu'elle le soutient, de faire effectuer, par ses salariés, des relevés de prix dans les locaux commerciaux de son concurrent, qui constituerait une restriction licite au droit de propriété de celui-ci ; que l'usage commercial résulte de l'existence d'une pratique, constante et ininterrompue, acceptée et suivie par une catégorie de professionnel déterminée, qui lui reconnaissent la valeur d'une règle de droit ; qu'il appartient à celui qui l'invoque, d'en rapporter la preuve ; que dans le cadre des travaux préparatoires à l'adoption de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, il a été proposé, lors des débats au Sénat, un amendement visant à insérer après l'article L. 441-1 du code de commerce, un article rendant possible, dans le respect de l'exercice d'une concurrence effective et loyale au bénéfice des consommateurs, les relevés de prix entre commerçants concurrents, y compris par les moyens informatiques ; que cet amendement, adopté au Sénat, n'a pas été retenu lors du vote définitif de la loi, mais le fait qu'a été évoqué, lors des travaux parlementaires, la possibilité d'effectuer des relevés de prix entre commerçants concurrents, n'est pas en soi de nature à établir l'existence d'un usage préexistant, nettement défini ; que si certaines juridictions, dont la cour d'appel de Rennes, ont reconnu l'existence d'un tel usage, les décisions rendues, qui n'ont autorité de chose jugée qu'entre parties au procès, ne sont pas suffisantes en soi pour en établir la preuve ; qu'il résulte d'ailleurs des pièces versées aux débats que certains magasins à l'enseigne « Intermarché », « Géant », « Hyper U », « Système U » « Carrefour Market » ou « Simply Market » refusent que des relevés de prix soient effectués dans leurs surfaces de vente ou ne consentent à ce que des relevés de prix soient pratiqués que s'ils le sont par des panélistes indépendants ou manuellement, sans recours à des lecteurs optiques, et sous réserve de réciprocité ; qu'il existe ainsi des pratiques disparates selon les enseignes de la grande distribution, allant du refus pur et simple des relevés de prix jusqu'à l'acceptation de ceux-ci sous certaines conditions, ce dont il ressort que la preuve, en la matière, d'un usage constant et général ne se trouve pas établie ; que les attestations de deux de ses salariés, que communique la société Hyper Saint-Aunès, affirmant que les relevés de prix ont pu être faits, sans difficulté, jusqu'au 14 novembre 2006, ne permettent pas de caractériser l'existence d'un usage, créateur de droit ; que les représentants des principales enseignes de la grande distribution, réunis le 16 mars 2009 sous l'égide de Luc CHATEL, alors secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, se sont engagés, afin d'améliorer l'exercice de la concurrence au bénéfice des consommateurs, à rétablir sans délai le libre accès à leurs magasins aux enquêteurs, ainsi qu'aux associations de consommateurs pour effectuer des relevés de prix ; que pour autant, les relevés de prix entre enseignes concurrentes, procèdent de simples tolérances, comme le fait, en l'espèce, pour la société CARREFOUR d'admettre la pratique des relevés de prix, non par les préposés de la société Hyper Saint-Aunès, mais par des sociétés panélistes indépendantes, seules susceptibles, selon elle, d'apporter aux relevés toute garantie quant à leurs sincérité et leur objectivité (sic.) ; qu'à cet égard, force est de constater que la société GALEC elle-même, dans la présentation du comparateur de prix consultable sur son site Internet, mentionne, au titre de la méthodologie employée, que les relevés de prix ont été effectués par une société d'études indépendante, Costa Etudes, spécialisée dans ce type d'enquête ; que la société Hyper Saint-Aunès, défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe de l'existence de l'usage allégué, ne peut en conséquence, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, qu'être déboutée de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné, sous astreinte, à la société CARREFOUR de laisser pratiquer par ses préposés les relevés de prix offerts à la vente dans ses magasins de Lattes, Saint-Clément-de-Rivière et Saint Jean-de-Vedas »


ALORS QUE 1°) la pratique du relevé de prix entre commerces concurrents découle d'une bonne gestion d'une activité commerciale et de la libre concurrence et ne porte pas atteinte à la propriété du commerçant ; que les modalités de cette pratique sont libres sauf abus de droit ; qu'en l'espèce, il était admis par la Société CARREFOUR l'existence d'une pratique de relevés de prix chez un concurrent, cette dernière indiquant expressément aux termes de ses écritures d'appel (p. 18, dernier alinéa) qu' « il échet de préciser que les magasins CARREFOUR marquent et ont toujours marqué leur accord quant à la réalisation de relevés de prix effectués par des sociétés panélistes indépendantes et qui sont reconnues puisqu'elle-même procède de la sorte par l'intermédiaire de la Société IRIFRANCE » ; que la Cour d'appel a reconnu cette réalité (p. 7, avant-dernier alinéa) en rappelant la reconnaissance par la Société CARREFOUR de la pratique de relevés de prix « par des sociétés panélistes indépendantes (…) » ; qu'il en résultait la caractérisation de l'usage en cause portant sur le droit au relevé de prix chez un concurrent de la grande distribution ; que la discussion soulevée par la Société CARREFOUR portant sur les seules modalités de relevés de prix, et tenant à ce que ceux-ci ne soient pas effectués par des préposés du concurrent ou par un système de lecteurs optiques, ne remettait nullement en question l'existence de l'usage en cause ; que tout au plus son exercice pouvait seulement être limité ou encadré en cas d'abus dûment justifié lors de sa mise en oeuvre, point non démontré ni même allégué en l'espèce par la Société CARREFOUR ; qu'en considérant que l'exposante était défaillante dans l'administration de la preuve de l'existence de l'usage allégué portant sur sa faculté de procéder à des relevés de prix dans les magasins de LATTES, SAINT CLEMENT DE RIVIERE et SAINT JEAN DE VEDAS de la Société CARREFOUR, la Cour d'appel a violé le principe de libre concurrence, l'article L 410-2 du Code de commerce ensemble, l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 544 du Code civil par fausse application.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.