par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 29 juin 2011, 10-17168
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
29 juin 2011, 10-17.168
Cette décision est visée dans la définition :
Testament
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 971 et 972 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que le testament authentique est nul si le testateur ne l'a pas dicté au notaire en présence de témoins ;
Attendu que Christiane X...- A... est décédée le 2 mars 2006 en laissant pour unique héritière Mme Françoise Y..., sa nièce, et en l'état d'un testament authentique dressé par Mme Z..., notaire, le 11 janvier 2006, par lequel elle a institué la Fondation des Orphelins Apprentis d'Auteuil (La Fondation) légataire universelle ; que, par acte du 11 avril 2006, Mme Y... s'est inscrite en faux contre ce testament et en a demandé l'annulation ;
Attendu que, pour rejeter ces prétentions, l'arrêt retient, d'une part, qu'il est établi par les témoignages des deux témoins instrumentaires que, si le notaire avait préparé un projet dactylographié de testament, Christiane X...- A... a fait part de vive voix de ses dernières volontés au notaire en leur présence à tous deux, et que le notaire a relu le testament manifestant sa volonté, déjà exprimée dans des actes antérieurs, d'instituer pour légataire la Fondation, de sorte que les formalités de l'article 972 du code civil ont été respectées, d'autre part, que M. B..., témoin instrumentaire, explique, dans son attestation datée du 2 mars 2007, que " Mme Z... lisait une phrase, Mme A... la répétait et acquiesçait et en faisait des commentaires pour expliquer ses motivations, puis Mme Z... lui présentait le testament pour qu'elle le lise, et, elle le lisait et acquiesçait et le signait " ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que le notaire avait, en présence des témoins et sous la dictée de la testatrice, transcrit les volontés de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés, par fausse application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen unique :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la Fondation les orphelins apprentis d'Auteuil et Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour Mme Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué, D'AVOIR débouté Mademoiselle Y... de sa demande en inscription de faux contre le testament en date du 11 janvier 2006 et les testaments en date des 27 novembre 1990, 29 novembre 1996, 9 mars 1999, 16 octobre 2003, 3 octobre 2000 et 9 avril 2004 ainsi que de sa demande d'annulation de ces testaments ;
AUX MOTIFS, propres, QU'aux termes de I'article 972, alinéa 2, du code civil, si le testament est reçu par un notaire en présence de deux témoins, il doit lui être dicté par le testateur ; que le notaire l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement ; qu'il doit en être donné lecture au testateur ; qu'il est fait du tout mention expresse ; qu'il n'est pas contesté que Me Elisabeth Z... s'est rendue le 11 janvier 2006 au château de Vandecourt où demeurait Mme Christiane X...- A..., pour recevoir le testament de celle-- ci en présence de deux témoins, M. Jacques B... et Mme Christiane D..., sans avoir apporté d'ordinateur et d'imprimante, mais munie d'un projet dactylographié, ce que confirment les réponses lapidaires et identiques des deux témoins faites le 11 mars 2006, quelques jours après le décès, aux questions très orientées posées par I'huissier de justice mandaté par l'appelante ; que, cependant, les témoins ont précisé dans des attestations postérieures les conditions dans lesquelles Me Elisabeth Z... a recueilli les dernières volontés de Mme Christiane X...- A... ; qu'ainsi, M. Jacques B..., témoin instrumentaire du testament du 11 janvier 2006, mais aussi témoin des testaments antérieurs des 16 octobre 2003 et 9 avril 2004, explique dans son attestation datée du 2 mars 2007 : " Me Z... me téléphonait à la demande de Mme A... pour être témoin de son testament. Elle me disait s'être entretenue avec Mme A..., avoir fait avec elle un brouillon, lui avoir lu et l'avoir tapé à la machine à écrire en son étude pour éviter toute erreur. Puis j'allais avec elle et l'autre témoin au château. Me Z... lisait une phrase, Mmc A... la répétait, et acquiesçait et en faisait des commentaires pour expliquer ses motivations. Puis Me Z... lui présentait le testament pour qu'elle le lise, et elle le lisait et acquiesçait, et, le signait. " ; que Mme Christiane D..., deuxième témoin lors de l'établissement du testament du 11 janvier 2006, mais également témoin de six testaments reçus antérieurement, explique également dans son attestation datée de 2007 : " Je connais Mme A... depuis longtemps, elle me faisait toute confiance et c'est pour cela qu'elle m'a demandé d'être témoin pour son testament. Elle avait vu auparavant Me Z... pour bien rédiger changer quelquefois certaines choses mais sa principale idée était toujours de léguer le château à la Fondation d'Auteuil. Nous arrivons chez Mme A..., Me Z... commençait à lire, Mme A... intervenait pour répéter et confirmer et donner des explications sur ses intentions disait que c'était d'accord et elle le signait. " ; qu'il est donc établi par les témoignages des deux témoins instrumentaires que si le notaire avait préparé un projet dactylographié de testament, Mme Christiane X...- A... a fait part de vive voix de ses dernières volontés au notaire en leur présence à tous deux, et que le notaire a relu le testament exprimant sa volonté libre et consciente, déjà exprimée d'ailleurs dans des actes antérieurs, d'instituer pour légataire universel la Fondation les Apprentis Orphelins d'Auteuil, de sorte que les formalités de l'article 972 du code civil ont été respectées ; que la cour relève par ailleurs que Mme Christiane X...- A... a signé les huit testaments de son nom patronymique " X... " précédé de l'initiale de son prénom, et suivi de son nom d'épouse seulement pour les testaments des 18 avril 1984 et 16 octobre 2003 ; que dès lors qu'il est établi que ces formalités ont été accomplies ainsi qu'il en est fait mention sur l'acte signé par la testatrice, le notaire et les témoins, l'authenticité de l'acte argué de faux par Mme Françoise Y... ne peut être remise en cause d'une part ; que la demande de Mme Françoise Y... tendant à l'annulation du testament authentique reçu le 11 janvier 2006 n'est en conséquence pas fondée ; que dans la mesure où le testament de Mme Christiane X...- A... reçu le 11 janvier 2006 qui révoque les testaments antérieurs est valable, la demande tendant à l'annulation des testaments antérieurs devient sans objet, de même que l'action en responsabilité de la Fondation dirigée contre Me Elisabeth Z.... (arrêt attaqué, p. 5-6) ;
ET AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QUE l'article 1319 du Code civil prévoit que l'acte authentique fait foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leur héritier ou ayant cause ; que néanmoins, en cas de plainte en faux principal, l'exécution de l'acte argué de faux sera suspendue par la mise en accusation, et, en cas d'inscription de faux faite incidemment, les tribunaux pourront suivant les circonstances, suspendre provisoirement l'exécution de l'acte ; que l'article 971 du Code civil mentionne que le testament par acte public est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins ; que l'article 972 du Code civil dispose que « si le testament est reçu par deux notaires, il leur est dicté par le testateur ; l'un de ces notaires l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement. S'il n'y a qu'un notaire, il doit également être dicté par le testateur ; le notaire l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement. Dans l'un et l'autre cas, il doit en être donné lecture au testateur. Il est fait du tout mention expresse " ; qu'en l'espèce, il est constant que Maître Elisabeth Z... a établi pour le compte de Madame Christiane X... veuve de Monsieur A... 7 testaments authentiques respectivement en date du 27 novembre 1990, 29 novembre 1996, 9 mars 1999, 3 octobre 2000, 9 avril 2004, 16 octobre 2003 et 11 janvier 2006 ; que dès lors que le notaire était seul pour recevoir les actes, il a systématiquement été assisté de deux témoins, conformément aux dispositions de l'article 971 du Code civil ; que dans chacun des actes incriminés, le notaire a fait état des capacités mentales de la testatrice en précisant à propos de celle-ci : « Laquelle saine d'esprit ainsi qu'il est apparu au notaire et aux témoins a requis Maître Z... de recevoir son testament qu'elle a dicté ainsi qu'il suit en présence des témoins soussignés » ; qu'il apparaît également que chaque testament comportait la mention précédant la signature des témoins : « ce testament a été dicté par la testatrice au notaire soussigné qui l'a dactylographié et l'a lu ensuite à la testatrice. Cette dernière a déclaré le bien comprendre et a reconnu qu'il est l'expression exacte de ses dernières volontés. Le tout a eu lieu en la présence réelle des témoins soussignés et chacun de déclarer sur l'interpellation que leur a faite le notaire soussigné être français, majeur, savoir signer, avoir la jouissance de ses droits civils et n'être ni parents ni alliés de la testatrice et des légataires institués " ; que dans la mesure où les témoins ont réellement participé à l'établissement des testaments authentiques, ainsi que cela résulte de l'apposition de leur signature sur ces actes authentiques, ils ne peuvent sérieusement attester postérieurement à l'établissement des actes que ceux-ci n'ont pas été dressés dans les conditions qu'ils ont reconnues et approuvées précédemment sans ambiguïté ; que le témoignage de Monsieur B... permet de décrire le mécanisme selon lequel le notaire a établi ses actes ; que celui-ci indique en effet que « Madame Z... lisait une phrase ; Madame Christiane A... la répétait et acquiesçait et en faisait des commentaires pour nous expliquer ses motivations. Puis Madame Z... lui présentait le testament pour qu'elle le lise, et, elle le lisait et acquiesçait et le signait » ; que le témoin précise également : « je certifie que cela s'est passé ainsi à chaque fois qu'elle désirait léguer à la fondation d'Auteuil, mais elle ne voulait pas déshériter totalement sa nièce, elle voulait qu'elle ait certains biens et argent, mais elle voulait que le château revienne à la fondation d'Auteuil » ; que dès lors que la légèreté des déclarations contradictoires des témoins instrumentaires ne peut servir de fondement à la procédure d'inscription de faux, il appartient à la demanderesse de démontrer, notamment au moyen d'éléments intrinsèques aux actes litigieux que ces derniers n'ont pas été établis conformément à la volonté de la défunte ; que Madame Françoise Y... ne produit aucun élément en ce sens, et il apparaît au contraire à la lecture du témoignage établi par Monsieur B... que Madame Christiane X... veuve de Monsieur A... désirait effectivement léguer son château à la fondation les orphelins apprentis d'Auteuil sans pour autant déshériter sa nièce à qui elle laissait certains biens ; que les dires de ce témoin sont confirmés par deux autres témoignages établis par Mademoiselle G... et par Madame D... ; que de ce qui précède, il découle que Madame Françoise Y... ne rapporte pas la preuve des faux qu'elle allègue ; qu'elle sera donc déboutée de l'intégralité de ses demandes (jugement entrepris, p. 6-8).
1°) ALORS QUE la dictée du testament reçu par un notaire doit, à peine de nullité de l'acte, se dérouler en présence des témoins instrumentaires, ainsi qu'il ressort de la combinaison des articles 971 et 972 du Code civil, cette assistance effective des témoins à l'ensemble des opérations, du début de la dictée à la clôture du testament, étant le seul moyen de mettre les témoins en mesure d'attester la sincérité et la spontanéité des déclarations du testateur ; qu'au cas présent, il ressortait des sommations interpellatives des 9 et 11 mars 2006 que le testament du 11 janvier 2006 n'avait pas été dicté par la testatrice ni rédigé en présence des témoins instrumentaires ; qu'il ressortait également des attestations de 2007 des témoins que ceux-ci n'avaient assisté le notaire qu'au moment de la lecture du testament du 11 janvier 2006 ; qu'il résultait de ces éléments que les formalités énoncées aux articles 971 et 972 du Code civil n'avaient pas été respectées ; que la cour d'appel a pourtant décidé que la seule énonciation verbale des volontés par la testatrice au notaire en présence des témoins, au moment de la lecture du testament par le notaire, suffisait au respect des formalités légales ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'absence des témoins lors de la dictée du testament les plaçait dans l'impossibilité d'attester que les volontés exprimées par la testatrice devant eux ne lui avaient pas été précédemment inspirées par le notaire à l'occasion de la rédaction de l'acte, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 971 et 972 du Code civil ;
2°) ALORS QU'il ressort de la combinaison des articles 971 et 972 du Code civil que le testament reçu par un notaire doit être dicté par le testateur en présence de deux témoins ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté qu'il n'était pas contesté que le notaire s'était rendu au domicile de la testatrice pour recevoir son testament en présence de deux témoins, sans avoir apporté d'ordinateur et d'imprimante, mais muni d'un projet dactylographié (arrêt attaqué, p. 5, § 4) ; que le testament ayant été rédigé avant qu'il ne soit procédé à sa lecture en présence des témoins instrumentaires, il aurait dû en être déduit qu'en l'absence des témoins lors de la dictée et de la rédaction du testament, les formalités légales n'avaient pas été respectées ; que la cour d'appel a pourtant estimé que les formalités légales avaient été accomplies ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé, derechef, les articles 971 et 972 du Code civil ;
3°) ALORS QU'il appartient aux juges d'analyser les pièces soumises à leur examen ; qu'au cas présent, l'exposante avait visé dans ses conclusions d'appel et versé aux débats un procès-verbal d'huissier en date du 17 mars 2006 dont il ressortait que Madame X...-A..., testatrice, était sous l'influence de Maître Z... et avait exprimé la volonté de donner son château à Mademoiselle Y... ; qu'en estimant néanmoins que Madame X...- A... avait exprimé sa volonté libre et consciente d'instituer pour légataire universel la FONDATION LES ORPHELINS APPRENTIS D'AUTEUIL, sans examiner ce document qui lui avait été soumis et dont il ressortait que la volonté de la testatrice avait été influencée par le notaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
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Testament
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.