par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 9 décembre 2010, 09-69490
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
9 décembre 2010, 09-69.490

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Dommage
Notaire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal et la première branche du moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que les époux X... ont acquis de M. Y..., au prix total de 310 234 euros, un bâtiment rénové, suivant acte reçu le 29 avril 2003 par M. Philippe Z..., notaire associé de la SCP C... et Z... avec la participation de M. Olivier A..., notaire ; que se plaignant notamment de la découverte de nombreux vices cachés de l'ouvrage, les époux X... ont assigné le vendeur, les notaires ainsi que Dominique B..., agent commercial intervenu en qualité de mandataire apparent de la société Tolosan immobilier, en responsabilité et réparation au titre d'un manquement à leur obligation d'information et de conseil concernant la réalisation hors toute assurance de la rénovation du bien préalablement à la vente ;

Attendu qu'après avoir retenu le manquement des intermédiaires à leur obligation d'information et de conseil concernant la réalisation hors toute assurance de cette rénovation et évalué à 94 064, 85 euros le coût de reprise des désordres décennaux, à 29 300 euros le montant du préjudice immatériel en résultant et à 5 000 euros celui du préjudice moral, l'arrêt condamne in solidum le vendeur, les notaires et l'agent commercial à payer aux acquéreurs le total de ces sommes ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater qu'il était certain que, mieux informés, les acquéreurs auraient pu obtenir un avantage équivalent au coût des travaux de réparation, la cour d'appel, qui, au demeurant, s'agissant le cas échéant de la réparation d'un préjudice né d'une perte de chance, ne pouvait allouer une indemnité égale au bénéfice que le demandeur aurait retiré de la réalisation de l'événement escompté, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen du pourvoi principal ni sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident qui, identiques, sont subsidiaires :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum M. Y..., M. Z..., la SCP C... et Z..., M. A..., et M. B..., à payer aux époux X... la somme de 128 364, 85 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des dommages subis à la suite de la vente du 29 avril 2003, l'arrêt rendu le 16 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne les époux X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour MM. Z... et A...et la SCP C... et Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR condamné Monsieur Z..., la SCP C... & Z... et Monsieur A..., in solidum avec Monsieur Y... et Monsieur B..., au paiement de la somme de 128. 364, 85 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des dommages subis à la suite de la vente du 29 avril 2003 ;

AUX MOTIFS QUE « sur le préjudice en relation de causalité avec les fautes des intermédiaires, qu'il est constitué de l'ensemble des pertes subies en lien direct avec celles-ci, ce qui n'exclut que la valeur des travaux auquel le vendeur s'était contractuellement engagé, soit, selon les chiffres ci-dessus examinés à concurrence de 94. 064, 6 + 85 euros, 29. 300 euros et 5. 000 euros, qui sont représentatifs de la réalisation du risque sur l'existence duquel les acquéreurs n'ont pas été conseillés et des conséquences immatérielles dommageables, soit au total 128. 364, 85 euros » ;

ALORS QUE les conséquences d'un manquement à un devoir d'information et de conseil ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance dès lors que la décision qu'aurait prise le créancier de l'obligation d'information, s'il avait été mieux informé, est incertaine ; qu'en se bornant à viser l'existence d'un lien direct entre les fautes reprochées aux notaires et les désordres pour indemniser les acquéreurs de l'intégralité des conséquences dommageables des désordres subis par eux, sans établir qu'il était certain que, mieux informés, ces derniers auraient pu souscrire une assurance couvrant les désordres en cause ou obtenir des vendeurs une diminution du prix équivalente au coût des travaux de réparation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR condamné Monsieur Z..., la SCP C... & Z... et Monsieur A..., in solidum avec Monsieur Y... et Monsieur B..., au paiement de la somme de 29. 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices immatériels consécutifs aux désordres décennaux subis à la suite de la vente du 29 avril 2003 ;

AUX MOTIFS QUE « sur le préjudice en relation de causalité avec les fautes des intermédiaires, qu'il est constitué de l'ensemble des pertes subies en lien direct avec celles-ci, ce qui n'exclut que la valeur des travaux auquel le vendeur s'était contractuellement engagé, soit, selon les chiffres ci-dessus examinés à concurrence de 94. 064, 6 + 85 euros, 29. 300 euros et 5. 000 euros, qui sont représentatifs de la réalisation du risque sur l'existence duquel les acquéreurs n'ont pas été conseillés et des conséquences immatérielles dommageables, soit au total 128. 364, 85 euros » ;

ALORS QUE les assurances obligatoires dommage ouvrage ou couvrant la garantie décennale des constructeurs ne garantissent pas l'indemnisation des conséquences immatérielles des désordres garantis ; qu'en condamnant les notaires à payer aux acquéreurs une certaine somme correspondant aux conséquences immatérielles des désordres subis par ces derniers, quand les assurances de construction obligatoires, qu'il est reproché aux notaires de ne pas avoir vérifié l'existence, n'auraient pu permettre, en tout état de cause, aux acquéreurs d'être indemnisés des conséquences immatérielles des désordres subis par eux, la Cour d'appel a violé les articles L. 243-2 et A 243-1 du Code des assurances et 1792 du Code civil, ensemble l'article 1382 du Code civil. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. B...et la société Tolosan immobilier.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. B...in solidum avec M. Y..., MM. Z... et A...et la SCP C...-Mathieu à payer aux époux X... la somme de 128 364, 85 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des dommages subis à la suite de la vente du 29 avril 200, et dit que cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2005, lesquels seront capitalisés dans les termes de l'article 1154 du code civil à compter de la demande de capitalisation ;

Aux motifs que Dominique B...ne peut discuter le principe de sa responsabilité au regard des circonstances précises de la cause ; qu'en effet, les acquéreurs ont été attirés par une publicité de l'agence pour laquelle il travaille et qui dispose d'un mandat de vente pour cet immeuble ; que c'est donc sa qualité de professionnel qui a conduit à lui les acquéreurs ; qu'il a mis les parties en relation, ce qui ressort de l'exercice de sa profession, qu'il a assisté à la visite de l'immeuble et a fourni un imprimé de son agence par lequel les acquéreurs ont formalisé le 17 février 2003 une offre d'achat au prix de. 327 793, 87 euros tous frais compris, et a donc de la sorte pris une part à la négociation ; qu'il est donc bien intervenu en sa qualité de professionnel et d'agent immobilier ; qu'il n'importe que comme il l'affirme encore que le prix figurant dans l'offre d'achat régularisée est stipulé par une mention manuscrite " commission comprise " outre frais de notaire ce qui n'est pas de nature à faire admettre comme il le prétend que les acquéreurs ne l'aient pas considéré en sa qualité d'agent immobilier, il n'ait pas eu l'intention d'en solliciter une rémunération, ce qui a en effet été le cas et rend compte de la portée réelle de la déclaration des parties à l'acte sous seing privé selon laquelle ils sont entrés en relation sans intermédiaire ; que cette circonstance n'est pas de nature à faire disparaître sa responsabilité, mais seulement et en principe à en atténuer l'appréciation ; mais qu'il indique lui-même que cette gratuité n'est que d'apparence puisqu'elle rémunérait en fait des services rendus antérieurement par le vendeur au professionnel de l'immobilier qu'il est ; que Dominique B...ne conteste donc pas utilement le principe du devoir de conseil et de renseignement dont, en sa qualité de professionnel, il était tenu envers l'acquéreur, bien que celui-ci soit un tiers au mandat dont son propre mandant était titulaire ; que, titulaire d'un mandat, l'agence pour laquelle il exerce est réputée connaître le bien et ses caractéristiques, parmi lesquelles le fait qu'il a fait récemment l'objet de travaux d'importance ; que la publicité qu'elle en affiche fait du reste expressément état de la rénovation ; qu'en sa qualité, elle avait l'obligation de se renseigner sur les conditions d'exécution de ces travaux et savait donc qu'ils avaient été réalisés hors de toute garantie, ce que Dominique B...savait donc pareillement, outre la connaissance personnelle qu'il déclare avoir eu du vendeur ; qu'il savait par conséquent, ce qu'il ne nie pas, que l'opération comportait un risque objectif pour l'acquéreur, lié à l'absence de possibilité de recours contre un tiers constructeur ou assureur ; que le fait de l'avoir tu aux acquéreurs constitue une faute quasi-délictuelle qui a privé ces derniers de la possibilité de mesurer les risques de l'opération par des moyens aisément accessibles telles qu'une visite des lieux avec un professionnel qualifié, et se trouve en lien direct de cause à effet avec le préjudice subi par les acquéreurs, dont il doit en conséquence réparation sans pouvoir objecter utilement de la circonstance qu'il n'aurait ensuite pas été mis en mesure par les époux X... de mettre en oeuvre les moyens dont il aurait pu disposer de rétablir la situation, ce que son comportement initial n'était pas de nature à leur faire envisager ; qu'en revanche l'expertise à laquelle il n'a pas été appelé lui est indiscutablement inopposable ainsi qu'il le fait valoir au visa suffisant de l'article 16 du code de procédure civile, et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge ; mais que la constatation des vices dont est affecté l'ouvrage ressort non seulement des multiples devis d'artisans que les époux X... se sont trouvés dans l'obligation de susciter lorsqu'ils se sont trouvés confrontés, soit à la carence du vendeur dans l'exécution de ses engagements, ainsi notamment des vices de la chaudière et ses évacuations, soit aux vices que révélait l'ouvrage au fur et à mesure de son occupation, mais également des constatations de l'architecte qu'ils ont sollicité avant toute procédure judiciaire pour faire un point sur l'ouvrage défectueux, dont le rapport est, tout comme les devis, versé aux débats et a donc été soumis au débat contradictoire ; que le jugement n'est donc pas utilement critiqué en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'agent immobilier et l'a condamné à réparation ; … que le préjudice en relation de causalité avec les fautes des intermédiaires est constitué de l'ensemble des pertes subies en lien direct avec celles-ci, ce qui n'exclut que la valeur des travaux auquel le vendeur s'était contractuellement engagé, soit, selon les chiffres ci-dessus examinés à concurrence de 94. 064, 85 €, 29. 300 € et 5. 000 €, qui sont représentatifs de la réalisation du risque sur l'existence duquel les acquéreurs n'ont pas été conseillés et de ses conséquences immatérielles dommageables, soit au total 128. 364, 85 € ;

Alors, d'une part, que la réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance ne peut être égale au bénéfice que le demandeur aurait retiré de la réalisation de l'événement escompté, qui est aléatoire ; qu'en condamnant M. B...à indemniser les époux X... à hauteur de l'intégralité des conséquences dommageables des désordres affectant le bien acquis par eux, cependant qu'elle avait retenu que le manquement de M. B...à son devoir de conseil quant à l'absence d'assurance de construction obligatoire avait seulement privé les époux X... de la possibilité de mesurer les risques de l'opération, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et ainsi violé l'article 1382 du code civil ;

Alors, d'autre part et en tout état de cause, que les assurances obligatoires dommage ouvrage ou couvrant la garantie décennale des constructeurs ne garantissent pas l'indemnisation des conséquences immatérielles des désordres garantis ; qu'en condamnant M. B..., faute pour lui d'avoir attirer l'attention des époux X... quant à l'absence d'assurance constructeur, à payer aux acquéreurs une certaine somme correspondant aux conséquences immatérielles des désordres subis par ces derniers, quand les assurances de construction obligatoires n'auraient pu permettre, en tout état de cause, aux acquéreurs d'être indemnisés des conséquences immatérielles des désordres subis par eux, la Cour d'appel a violé les articles L. 243-2 et A 243-1 du code des assurances et 1792 du code civil, ensemble l'article 1382 du code civil.



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