par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 17 novembre 2009, 08-11198
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Cour de cassation, chambre commerciale
17 novembre 2009, 08-11.198
Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... ont été mis en redressement judiciaire le 28 juin 1995, la procédure étant ultérieurement convertie en liquidation judiciaire, puis clôturée le 2 novembre 2005 pour insuffisance d'actif ; que M. Z..., qui leur avait prêté une certaine somme antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, et dont les débiteurs avaient omis de signaler la créance au représentant des créanciers a recherché leur responsabilité à raison de leur comportement frauduleux ; que le tribunal, accueillant la demande, a condamné M. X... et Mme Y... à payer à M. Z..., à titre de dommages intérêts, l'équivalent de la créance non déclarée ; que la cour d'appel a confirmé le jugement ;
Sur le moyen unique pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés in solidum à verser à M. Z... la somme de 86 173, 38 euros avec intérêt au taux légal alors, selon le moyen :
1° / que la renaissance du droit de poursuite individuelle d'un créancier pour le recouvrement d'une créance ayant son origine antérieurement au jugement d'ouverture est subordonnée à la non-extinction de la créance ; que, partant, même en cas de fraude du débiteur, le créancier qui n'a pas déclaré sa créance et qui n'a pas été relevé de la forclusion ne retrouve pas son droit de poursuite individuelle et ne peut plus agir, pour faire sanctionner la faute du débiteur, que sur le fondement de l'article 1382 pour faire réparer son préjudice ; qu'en décidant le contraire, pour dire qu'en raison de la fraude commise par M. X... et Mme Y..., M. Z... avait recouvré son droit de poursuite individuelle et était fondé à réclamer l'équivalent de sa créance, tandis qu'à défaut d'avoir été déclarée et d'avoir bénéficié d'un relevé de forclusion, sa créance était éteinte, la cour d'appel a violé les articles L. 621 46 et L. 622-32 III du code de commerce, applicables aux faits de l'espèce et 1382 du code civil ;
2° / que seul le préjudice directement causé par la faute du débiteur peut être réparé sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; qu'en cas de procédure collective, l'extinction de la créance résulte du défaut de déclaration et non pas du silence gardé par le débiteur, fût-il fautif ; qu'en accueillant la demande de M. Z... tandis que ce dernier réclamait l'indemnisation du préjudice né de l'extinction de sa créance faute d'avoir été en mesure de la déclarer, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'un créancier n'ayant pas bénéficié de l'avertissement aux créanciers connus d'avoir à déclarer leur créance par suite de son omission de la liste certifiée des créanciers et du montant des dettes, est recevable à agir contre le débiteur, après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, en réparation du préjudice lié à l'extinction de sa créance sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à charge pour lui d'établir que ce dernier a commis une fraude en dissimulant intentionnellement sa dette ;
Et attendu qu'ayant retenu que M. X... et Mme Y... avaient commis une fraude la cour d'appel, se fondant sur l'article 1382 du code civil et abstraction faite de la référence erronée mais surabondante à l'article L. 622-32 du code de commerce, a, à bon droit, accueilli la demande de M. Z... en réparation du préjudice lié à l'extinction de sa créance ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la troisième branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner M. X... et Mme Y... à verser à M. Z... une certaine somme à titre de dommages intérêts, l'arrêt retient que le créancier peut réclamer l'équivalent de la totalité de sa créance impayée, et non pas seulement de la portion de sa créance qui aurait été susceptible de lui être réglée dans le cadre de la procédure collective et qu'il importe dès lors peu que M. Z..., simple créancier chirographaire, n'aurait rien perçu, ou seulement une partie de sa créance, s'il avait déclaré celle-ci ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice lié à l'extinction de la créance ne correspond pas nécessairement au montant de cette créance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour M. X... et Mme Y....
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné in solidum M. X... et Mme Y... à verser à M. Z... la somme de 86. 173, 38 euros avec intérêt au taux légal ;
AUX MOTIFS QU'« selon l'article 52 de la loi du 25 janvier 1985 en vigueur à la date du jugement d'ouverture (remplacé par l'article L. 621-45, puis L. 622-6 du Code de commerce), le débiteur remet au représentant des créanciers la liste certifiée des ses créanciers et du montant de ses dettes ; que les premiers juge ont à bon droit retenu que l'omission volontaire de cette formalité par le débiteur constituait la fraude visée par l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu l'article L. 622-32 du Code de commerce, aujourd'hui abrogé mais toujours en vigueur à la date de la clôture de la liquidation judiciaire) et faisait recouvrer au créancier son droit de poursuite individuelle pour obtenir, à titre de dommages et intérêts, en application de l'article 1382 du Code civil, le paiement de l'équivalent de la créance éteinte par la fraude du débiteur ; que Monsieur Didier X... et Madame Michèle Y... ne peuvent raisonnablement faire croire qu'en 1995, date à laquelle ils auraient dû informer le représentant des créanciers, ils ne se souvenaient plus avoir emprunté deux ans plus tôt la somme importante de 400. 000 francs à Monsieur François Z... ; que leur mauvaise foi est confirmée par leur attitude huit ans plus tard, alors même que la créance était déjà éteinte, lorsque, mis en demeure par M. François Z... qui ignorait leur situation, ils n'aviseront pas leur liquidateur qui n'avait pas encore établi la liste des créanciers, de ce qu'il existait une difficulté ; qu'ainsi, la fraude est manifeste ; que Monsieur Didier X... et Madame Michèle Y... ne sont pas admis à faire grief à Monsieur François Z... d'avoir omis de déclarer sa créance, alors qu'il ne pouvait être astreint à une surveillance régulière de la situation juridique de ses débiteurs, et encore moins à une lecture quotidienne du BODACC, et qu'il est évident qu'il aurait déclaré sa créance si le représentant des créanciers, informé de son existence par les débiteurs, l'avait invité à le faire, ainsi qu'il y était tenu par l'article 66 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ; qu'enfin, le créancier qui recouvre son droit de poursuite individuelle peut réclamer l'équivalent de la totalité de sa créance impayée, et non pas seulement de la portion de créance qui aurait été susceptible de lui être réglée dans le cadre de la procédure collective ; qu'il importe dès lors peu que Monsieur François Z..., simple créancier chirographaire, n'aurait rien perçu, ou seulement une partie de sa créance, s'il avait déclaré celle-ci » ;
ALORS QUE, premièrement, la renaissance du droit de poursuite individuelle d'un créancier pour le recouvrement d'une créance ayant son origine antérieurement au jugement d'ouverture est subordonnée à la non-extinction de la créance ; que, partant, même en cas de fraude du débiteur, le créancier qui n'a pas déclaré sa créance et qui n'a pas été relevé de la forclusion ne retrouve pas son droit de poursuite individuelle et ne peut plus agir, pour faire sanctionner la faute du débiteur, que sur le fondement de l'article 1382 pour faire réparer son préjudice ; qu'en décidant le contraire, pour dire qu'en raison de la fraude commise par M. X... et Mme Y..., M. Z... avait recouvrer son droit de poursuite individuelle et était fondé à réclamer l'équivalent de sa créance, tandis qu'à défaut d'avoir été déclarée et d'avoir bénéficié d'un relevé de forclusion, sa créance était éteinte, la Cour d'appel a violé les articles L. 621-46 et L. 622-32 III du Code de commerce, applicables aux faits de l'espèce et 1382 du Code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, seul le préjudice directement causé par la faute du débiteur peut être réparé sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; qu'en cas de procédure collective, l'extinction de la créance résulte du défaut de déclaration et non pas du silence gardé par le débiteur, fût-il fautif ; qu'en accueillant la demande de M. Z... tandis que ce dernier réclamait l'indemnisation du préjudice né de l'extinction de sa créance faute d'avoir été en mesure de la déclarer, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS QUE, troisièmement, le montant de la réparation doit être à l'exacte mesure du préjudice ; que s'agissant d'une action en responsabilité fondée sur la fraude du débiteur ayant empêché le créancier de déclarer régulièrement sa créance, le préjudice subi par ce dernier ne résulte pas dans la perte de sa créance, mais de son exclusion de la procédure de vérification puis de la répartition de sorte qu'en pareil cas, le juge, pour évaluer le montant du préjudice, doit rechercher dans quelles proportions, compte tenu de la nature de sa créance, le créancier aurait participé à la répartition ; qu'en refusant de procéder à cette recherche pour accorder à M. Z... l'intégralité du montant de sa créance, la Cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 1382 du Code civil.
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.