par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 30 septembre 2009, 08-19793
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, 1ère chambre civile
30 septembre 2009, 08-19.793

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Divorce / séparation de corps
Privilège de juridiction




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Vu l'article 7 du Règlement (CE) du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis), ensemble les articles 1070 du code de procédure civile et 14 du code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, lorsqu'aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en vertu des articles 3, 4 et 5 du Règlement, la compétence est, dans chaque Etat, réglée par la loi de cet Etat ; que cette compétence est, en droit français, énoncée aux articles 1070 du code de procédure civile et 14 du code civil ; que ce dernier texte, qui donne compétence à la juridiction française du demandeur de nationalité française, s'applique lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence n'est réalisé en France ;

Attendu que Mme X..., de nationalité française, et M. Y..., de nationalité américaine, résidaient aux Etats-Unis ; qu'ils ont deux enfants, Emma, née le 12 janvier 2005 dans le Michigan, et Arthur ; né le 10 février 2008 à Lyon ; que Mme X... a quitté les Etats-Unis avec sa fille le 12 novembre 2007 ; qu'elle a déposé une requête en divorce le 15 février 2008 devant le tribunal de grande instance de Lyon ; que M. Y... a déposé une requête en divorce auprès du tribunal du comté d'Oakland (Michigan), le 13 mars 2008 ;

Attendu qu'après avoir constaté qu'aucune juridiction française n'était compétente en application des articles 3 du Règlement Bruxelles II bis et 1070 du code de procédure civile, la cour d'appel a écarté la compétence de la juridiction française fondée sur l'article 14 du code civil au motif que cet article ne consacre qu'une compétence facultative impropre à exclure la compétence du juge étranger, dès lors que le litige se rattache de manière caractérisée à l'Etat dont la juridiction est saisie et que le choix de celle-ci n'est pas frauduleux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la juridiction française avait été valablement saisie en application de l'article 14 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille neuf.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit que le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Lyon était territorialement incompétent pour connaître de la demande en divorce formulée par Madame X...;

AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE le règlement européen n°2201/2003 du 27 novembre 1993 – 2003 – dit "règlement Bruxelles Il bis", relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale qui constitue le droit commun de la compétence internationale des juridictions françaises est applicable en l'espèce, la procédure de divorce ayant été intentée postérieurement au 1er mars 2005, date d'entrée en vigueur du règlement ; que l'article 3 de ce règlement retient notamment la compétence des juridictions françaises en matière de divorce lorsque le demandeur réside sur le territoire français depuis au moins six mois avant l'introduction de la demande et qu'il est ressortissant français depuis une durée d'au moins six mois avant l'introduction de la demande ; que Madame X..., de nationalité française mais résidant avec son mari et sa fille dans le Michigan depuis plusieurs années, a déposé sa requête en divorce le 15 février 2008 alors qu'elle séjournait en France depuis le 12 novembre 2007 ; qu'ainsi le juge français n'est pas compétent sur le fondement de l'article 3 du règlement susvisé ; que l'article 7 paragraphe 1er du même règlement dispose que lorsqu'aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en vertu de l'article 3, la compétence est réglée par la loi de cet Etat ; qu'aux termes de l'article 1070 du Code de procédure civile le juge aux affaires familiales compétent est : le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ou, si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d'exercice en commun de l'autorité parentale ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité et, dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n'a pas pris l'initiative de la procédure ; que la compétence territoriale est déterminée par la résidence au jour de la demande ou, en matière de divorce, au jour où la requête initiale est présentée ; qu'en l'espèce Madame X... a quitté les Etats-Unis avec l'accord de son mari pour se rendre en France avec l'enfant commun, Emma, munie d'une autorisation de sortie du territoire de l'enfant mineure signée par Monsieur Y... le 9 novembre 2007 et valable du 11 novembre 2007 au 11 février 2008, dans le but de rendre visite à son père mourant (pièce 7 de l'appelante) ; qu'elle ne conteste pas que son mari s'est rendu en France à la suite du décès de son père intervenu le 16 novembre 2007 puis a regagné seul les USA; qu'elle s'est ensuite maintenue sur le territoire français avec l'enfant sans informer son époux de ses véritables intentions ; qu'elle ne justifie pas de la nécessité d'accoucher en France alors que son premier enfant est né aux Etats-Unis ; que si elle pouvait prétendre ne plus pouvoir rentrer aux USA en fin de grossesse, rien ne l'obligeait à se maintenir ultérieurement en France ; qu'elle ne conteste d'ailleurs pas que par ordonnance du 14 février 2008, le juge aux affaires familiales ne l'avait pas autorisée, en application de l'article 257 du Code civil, à résider séparément avec les enfants, à constater que sa résidence était à Lyon et à interdire aux enfants de quitter la France sans son consentement ; qu'ayant déposé sa requête en divorce le lendemain de cette décision, soit trois mois après son arrivée en France, elle ne saurait prétendre qu'elle a établi avec les enfants sa résidence habituelle sur le territoire français ; qu'elle ne conteste d'ailleurs pas dans ses écritures que la résidence habituelle de la famille était établie depuis le mariage des époux en 2000, dans le Michigan; que dès lors la juridiction française est incompétente au regard de l'article 1070 du Code de procédure civile ; que l'appelante invoque l'article 14 du Code civil du fait de sa nationalité française à l'appui de sa demande en déclaration de compétence du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon; qu'elle soutient que seule la renonciation à ce privilège ou les dispositions issues d'un traité peuvent évincer l'application du privilège de juridiction ; que, toutefois, l'article 14 du Code civil ne consacre qu'une compétence facultative de la juridiction française impropre à exclure la compétence d'un tribunal étranger, dès lors que le litige se rattache de manière caractérisée à l'Etat dont la juridiction est saisie et que le choix de la juridiction est frauduleux ; que Monsieur Y..., qui avait déjà saisi la juridiction américaine d'une procédure de divorce il y a quelques années, se soldant par une réconciliation du couple, a à nouveau déposé une requête en divorce auprès du tribunal du comté d'Oakland (Michigan)le 13 mars 2008 (pièce 57 de l'intimé); qu'au regard de ces éléments, le lieu du mariage et de la résidence de la famille, la nationalité américaine du mari et la double nationalité de l'épouse et des enfants constituent un lien de rattachement suffisant avec les Etats-Unis; qu'en outre le caractère frauduleux de la saisine du juge américain par Monsieur Y... n'est ni allégué, ni établi par l'appelante ; qu'en revanche celle-ci qui prétend s'être installée en France pour fuir les violences et l'alcoolisme de son mari n'en rapporte pas la preuve, ses pièces 11, 12,15,16,17,18 et 28 étant contredites par les pièces 10,42 à 49, 51 à 56, 81 et 83 de Monsieur Y... ; qu'ainsi la décision unilatérale de l'épouse de résider en France avec les enfants et de saisir le juge français ne se justifie pas par la nécessité de mettre fin à une situation intolérable ; que comme l'a indiqué à juste titre le premier juge, Madame X..., en modifiant intentionnellement le facteur de rattachement tiré de son lieu de résidence américain dans le but d'évincer la règle de compétence normalement applicable, a commis une fraude ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer la décision querellée en toute ses dispositions ;

1°) ALORS QUE quand bien même le juge américain saisi par Monsieur Y... était compétent, le juge français saisi par Madame X... l'était aussi en vertu de l'article 14 du Code civil dès lors que la demanderesse était française; qu'en se déclarant ainsi incompétent alors que, parfaitement compétent, le juge français était en réalité confronté à un cas de litispendance internationale imposant le dessaisissement du juge compétent saisi en second lieu, la Cour a violé l'article 14 du Code civil;

2°) ALORS QUE si l'article 14 du Code civil n'ouvre au demandeur français qu'une simple faculté et n'édicte pas à son profit une compétence impérative, exclusive de la compétence indirecte d'un tribunal étranger déjà saisi et dont le choix n'est pas frauduleux, la litispendance internationale imposant le dessaisissement du juge français est caractérisée dès lors qu'il est constaté que le tribunal étranger, internationalement compétent, a été saisi avant la juridiction française ; que la Cour a constaté que la saisine du juge américain par Monsieur Y... datait du 13 mars 2008 et était donc postérieure à la saisine du juge français, qui datait du 15 février 2008; que cette saisine n'était donc pas de nature à justifier le dessaisissement du juge français; qu'en statuant ainsi, la Cour a violé l'article 14 du Code civil, ensemble l'article 100 du Code de procédure civile transposé dans l'ordre international;

3°) ALORS QUE le privilège de juridiction édicté par l'article 14 du Code civil a pour seul fondement la nationalité française du demandeur; que le lieu de résidence n'a pas d'incidence sur l'application de ce texte si bien que le changement de lieu de résidence du demandeur ne peut tendre à créer frauduleusement ses conditions d'application; qu'à supposer que la Cour ait décidé qu'en changeant de lieu de résidence, Madame X... aurait commis une fraude de nature à écarter le bénéfice du privilège édicté par le texte susvisé, ce dernier aurait été derechef violé.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Divorce / séparation de corps
Privilège de juridiction


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.