par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 15 septembre 2009, 08-19200
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Cour de cassation, chambre commerciale
15 septembre 2009, 08-19.200
Cette décision est visée dans la définition :
Concurrence
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 juin 2008), que la société Christian Carbonnières, qui exerce une activité principale de négociant en vin, commercialise une importante partie de ses produits lors des foires et des salons ; qu'elle a participé depuis plusieurs années dans le cadre de la Foire de Paris au salon intitulé "Vins et Gastronomie", auquel a succédé le salon "Terres de France et d'Europe", organisé par la société Comexpo Paris, venue aux droits du Comité des Expositions de Paris ; que la société Comexpo Paris décide des conditions d'accès aux salons qu'elle organise et alloue les différents emplacements aux candidats exposants ; que faisant valoir que dans le cadre de sa stratégie d'élargissement à l'ensemble des patrimoines de France et d'Europe, et de sa volonté de privilégier leurs intérêts culturels et patrimoniaux, elle se trouvait obligée de réduire le secteur viticole du salon "Terres de France et d'Europe", la société Comexpo Paris a, par lettre du 21 septembre 2004, informé la société Christian Carbonnières ainsi que d'autres exposants en vin que ce salon serait réservé, pour l'édition du 12 mai au 22 mai 2005, aux producteurs, producteurs négociants, caves coopératives et importateurs de vins étrangers, les négociants en vin ne pouvant plus y participer ; qu'estimant la décision de la société Comexpo Paris abusive et considérant qu'elle lui causait un grave préjudice la société Christian Carbonnières a assigné la société Comexpo Paris pour rupture brutale des relations commerciales établies ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Comexpo Paris reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Christian Carbonnières, la somme de 25 000 euros pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en affirmant que l'organisateur aurait dû respecter un délai de préavis de douze mois, quand le contrat de réservation de stands prenait fin au terme de la manifestation annuelle et ne pouvait faire l'objet d'une reconduction tacite, de sorte que la notification des nouvelles conditions de participation ne pouvait valoir rupture des relations contractuelles, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 442 6 I 5° du code de commerce, et, par refus d'application, l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'une succession de contrats ponctuels, n'impliquant aucun courant d'affaires entre les intéressés ni aucun droit à la réitération du contrat, ne peut être qualifiée de relation commerciale établie ; qu'en affirmant qu'une succession de contrats de réservation de stands était de nature à caractériser une relation commerciale établie pour l'unique raison que le candidat justifiait avoir participé pendant plusieurs années à la manifestation commerciale, bien que l'objet même du contrat, c'est à dire la location ponctuelle et limitée dans le temps d'un stand, eût exclu toute possibilité de courant d'affaires entre les intéressés, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 442 6 I 5° du code de commerce, et, par refus d'application, l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'une relation commerciale à durée déterminée est nécessairement précaire et incertaine quand elle dépend entièrement des conditions d'éligibilité unilatéralement arrêtées par une seule des parties ; qu'en retenant que la participation du négociant pendant quinze ans caractérisait l'existence d'une relation commerciale établie, quand l'organisateur déterminait seul les catégories d'entreprises admises à exposer ainsi que la nomenclature des produits présentés, l'admission n'emportant aucun droit d'admissibilité pour une manifestation ultérieure, de sorte que, à l'occasion de chaque manifestation, le participant était tenu de justifier de son éligibilité, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 442 6 1 5° du code de commerce, et, par refus d'application, l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'en reprochant à l'organisateur de n'avoir pas respecté un délai de préavis de douze mois de nature seul à permettre au négociant de réorganiser ses activités, quand ce dernier, sauf à contester la légitimité des nouvelles conditions d'admission, ne pouvait se plaindre d'une rupture soudaine et imprévisible du seul fait que l'organisateur avait décidé de les modifier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que par motifs propres et adoptés l'arrêt retient que la qualification de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442 6 I 5° du code de commerce n'est pas conditionnée par l'existence d'un échange permanent et continu entre les parties et qu'une succession de contrats ponctuels peut être suffisante pour caractériser une relation commerciale établie ; que la société Comexpo, en contrepartie du paiement de diverses sommes, fournissait aux exposants la réservation d'un stand, un pack de l'exposant comportant des services de communication, des services internet à l'année, des prestations promotionnelles telles que la fourniture de cartes d'invitation ainsi qu'une assurance également obligatoire ; que la Foire de Paris ne se tenant que pendant quelques jours une fois par an, les relations entre les parties ne pouvaient matériellement se poursuivre en dehors de cette période mise à part les services Internet fournis à l'année ; que ces prestations ou une partie d'entre elles ont été fournies à la société Christian Carbonnières chaque année depuis son immatriculation au registre du commerce en mars 1991 et que des entreprises qui exposaient depuis plus de 10 ans avaient fondé leur stratégie commerciale sur cet événement majeur ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir, par une appréciation souveraine de la portée des éléments de preuve, la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale entre la société Comexpo Paris et la société Christian Carbonnières, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Comexpo Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, la condamne à payer à la société Christian Carbonnières la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour la société Comexpo Paris.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un organisateur de manifestations commerciales (la société COMEXPO PARIS, l'exposante) à payer à un négociant en vins (la société CHRISTIAN CARBONNIERES), la somme de 25.000 pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ;
AUX MOTIFS propres et éventuellement adoptés QUE la société COMEXPO fournissait aux participants la réservation d'un stand ainsi qu'un ensemble de prestations ; que la qualification de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce n'était pas conditionnée par l'existence d'un échange permanent et continu entre les parties ; que la foire de Paris ne se tenant que pendant quelques jours une fois par an, les relations entre les parties ne pouvaient matériellement se poursuivre en dehors de cette période mise à part les services Internet fournis à l'année si on se rapportait au bulletin de participation ; qu'il suffisait que le négociant en vins démontrât que pendant plusieurs années il avait participé à cette foire ; que même si, en vertu du règlement général des foires et salons de France, il ne bénéficiait pas d'un droit à réitération chaque année à la location d'un stand à la foire de Paris, il demeurait qu'il avait régulièrement participé à ladite foire depuis près de quinze ans ; que si le droit de modifier son règlement ne lui était pas contesté, la société COMEXPO se devait d'accorder au négociant un préavis raisonnable et suffisant, lui permettant de trouver d'autres moyens de commercialiser ses produits ou d'être à même de remplir les nouveaux critères posés par l'organisateur ; qu'en informant l'intéressé huit mois avant la tenue annuelle de la foire de Paris qu'il ne pourrait pas y participer en tant que négociant, la société COMEXPO avait rompu les relations commerciales de manière brutale ; qu'elle aurait dû respecter un préavis de douze mois pour permettre au négociant de réorganiser ses activités (arrêt attaqué, p. 9, alinéas 3 à 6 ; p. 10, alinéa 2 ; p. 11, alinéa 2) ; qu'une succession de contrats ponctuels était suffisante pour caractériser une relation commerciale établie ; que si le droit de modifier son règlement ne lui était pas contesté, la société COMEXPO aurait dû négocier un préavis et des dispositions permettant une sauvegarde des intérêts de chacune des parties ; que l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ne sanctionnait pas la résiliation d'un contrat mais bien l'arrêt brutal d'une relation commerciale, en l'espèce l'impossibilité pour le négociant de participer à la foire de Paris du fait des nouvelles règles édictées par la société COMEXPO ; que l'intéressé ne pouvait anticiper ou prévoir la décision de la société COMEXPO, en particulier la mise en place de nouveaux critères de participation, cela caractérisant la brutalité de la rupture (jugement entrepris, p. 6, alinéas 2, 6, 9 et 10) ;
ALORS QUE, de première part, en affirmant que l'organisateur aurait dû respecter un délai de préavis de douze mois, quand le contrat de réservation de stands prenait fin au terme de la manifestation annuelle et ne pouvait faire l'objet d'une reconduction tacite, de sorte que la notification des nouvelles conditions de participation ne pouvait valoir rupture des relations contractuelles, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, et, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QUE, de deuxième part, une succession de contrats ponctuels, n'impliquant aucun courant d'affaires entre les intéressés ni aucun droit à la réitération du contrat, ne peut être qualifiée de relation commerciale établie ; qu'en affirmant qu'une succession de contrats de réservation de stands était de nature à caractériser une relation commerciale établie pour l'unique raison que le candidat justifiait avoir participé pendant plusieurs années à la manifestation commerciale, bien que l'objet même du contrat, c'est-à-dire la location ponctuelle et limitée dans le temps d'un stand, eût exclu toute possibilité de courant d'affaires entre les intéressés, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, et, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QUE, de troisième part, une relation commerciale à durée déterminée est nécessairement précaire et incertaine quand elle dépend entièrement des conditions d'éligibilité unilatéralement arrêtées par une seule des parties ; qu'en retenant que la participation du négociant pendant quinze ans caractérisait l'existence d'une relation commerciale établie, quand l'organisateur déterminait seul les catégories d'entreprises admises à exposer ainsi que la nomenclature des produits présentés, l'admission n'emportant aucun droit d'admissibilité pour une manifestation ultérieure, de sorte que, à l'occasion de chaque manifestation, le participant était tenu de justifier de son éligibilité, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, et, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QUE, enfin, en reprochant à l'organisateur de n'avoir pas respecté un délai de préavis de douze mois de nature seul à permettre au négociant de réorganiser ses activités, quand ce dernier, sauf à contester la légitimité des nouvelles conditions d'admission, ne pouvait se plaindre d'une rupture soudaine et imprévisible du seul fait que l'organisateur avait décidé de les modifier, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un organisateur de manifestations commerciales (la société COMEXPO PARIS, l'exposante) à payer à un négociant en vins (la société CHRISTIAN CARBONNIERES) la somme de 25.000 pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ;
AUX MOTIFS QUE devait être indemnisé le préjudice réel subi par le négociant du fait du caractère brutal de la rupture, lequel devait être calculé en fonction de la perte de marge bénéficiaire qu'il pouvait escompter tirer de sa participation au salon 2005 et des conséquences dommageables que cette absence avait pu entraîner sur son image de marque ; qu'il résultait des chiffres communiqués que le chiffre d'affaires du négociant en vins pour l'exercice clos le 28 février 2006 22 avait été légèrement inférieur à celui clos le 28 février 2005 (exercice prenant en compte le chiffre d'affaires réalisé sur l'édition 2004 de la foire de Paris qui se tenait en mai) (410.670 de chiffres d'affaires pour l'exercice clos le 28 février 2006 contre 452.774 selon les chiffres publiés au registre du commerce) ; qu'il avait dégagé pour l'exercice clos le 28 février 2006 un résultat négatif de -23.078 tandis que, pour l'exercice précédent, son résultat était de +132 ; que, pour l'exercice clos le 29 février 2004, son chiffre d'affaires avait été de 542.266 mais que son résultat était négatif de -2.021 alors même qu'il avait participé à la foire de Paris ; qu'il apparaissait donc qu'il rencontrait déjà des difficultés ; que, selon ses propres chiffres (pièce 9), le chiffre d'affaires qu'il réalisait à la foire de Paris avait diminué de près de 50% entre 2003 et 2004 ; que les éléments susvisés établissaient que sa non-participation au salon 2005 l'avait privé d'une partie de sa marge et que, par ailleurs, son absence à un événement de l'importance de la foire de Paris avait eu nécessairement des conséquences négatives sur son image de marque, d'autant qu'il y était présent depuis près de quinze ans ; que les préjudices qu'il avait subis de ces chefs seraient réparés à hauteur de la somme de 25.000 (arrêt attaqué, p. 16, 3ème et 4ème considérants ; p. 17, alinéa 1) ;
ALORS QUE, d'une part, en affirmant que la non participation du négociant à la foire de 2005 l'aurait privé d'une partie de sa marge en 2006, tout en constatant que depuis l'année 2003 son chiffre d'affaires n'avait cessé de décroître et que, depuis 2004, il rencontrait des difficultés, omettant ainsi de caractériser une quelconque perte de bénéfices consécutive à la brutalité de la rupture, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, en se bornant à retenir que l'absence du négociant à un événement aussi important avait nécessairement eu des conséquences négatives sur son image commerciale, quand sa non-participation à l'édition 2005 tenait à sa seule qualité de négociant non producteur, sans mettre en cause les qualités subjectives des produits qu'il commercialisait en tant que négociant, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
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Concurrence
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.