par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 8 juillet 2009, 08-15763
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
8 juillet 2009, 08-15.763

Cette décision est visée dans la définition :
Enclave




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 701 du code civil ;

Attendu que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode ; qu'ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée ; que cependant, si cette assignation primitive est devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits et celui ci ne pourrait pas le refuser ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix en Provence, 22 janvier 2008), que les époux X..., propriétaires de parcelles bénéficiant de servitudes conventionnelles de passage s'exerçant sur deux parcelles contiguës appartenant à la commune de Roquebrune et la SCA Les Platanes de Vaudois ont assigné celles-ci en rétablissement des servitudes de passage qu'elles ont supprimées par la création sur leurs parcelles d'un lac artificiel ;

Attendu que pour débouter les époux X... de leur demande l'arrêt retient que si la suppression d'une ou plusieurs servitudes conventionnelles constitue une violation des engagements contractuels, le rétablissement de la situation antérieure n'est pas justifié lorsque les conditions posées à l'article 701 du code civil pour un déplacement d'assiette sont réunies ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la double servitude avait été supprimée sans l'accord préalable des époux X..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la commune de Roquebrune-sur-Argens aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de Roquebrune-sur-Argens à payer aux époux X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la commune de Roquebrune-sur-Argens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils pour les époux X...

IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le désenclavement des parcelles BR 142 et 144 s'effectuera par le chemin qui passe par les points ABCDE fixés sur le plan en annexe VII du rapport d'expertise de Monsieur Y... déposé le 18 novembre 2003.

- AU MOTIF QUE la commune de ROQUEBRUNE considère que le Tribunal n'a pas fait une exacte application de l'article 701 du Code Civil en ordonnant le rétablissement des servitudes conventionnelles de passage alors que le tracé proposé par l'expert judiciaire était tout aussi commode que l'ancien, ce que contestent les époux X... qui font valoir que l'expert a proposé un chemin plus long et plus sinueux que l'ancien ; que l'article 701 du Code Civil prévoit que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rende plus incommode ; qu'ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée ; que cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti ou si elle l'empêchaient d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir du propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits et celui-ci ne pourrait le refuser ; que s'il est vrai que la suppression d'une ou plusieurs servitudes conventionnelles constitue une violation des engagements contractuels, le rétablissement de la situation antérieure n'est pas justifié lorsque les conditions posées à l'article 701 pour un déplacement d'assiette sont réunies ; qu'en l'espèce, l'expert judiciaire a proposé le tracé ABCDE qui permet un désenclavement des deux parcelles 142 et 144 qui tient compte des différences de niveau des terrains depuis la création du lac ; que les époux X... considèrent que ce tracé est plus long mais ils n'en justifient pas et ils n'ont pas interrogé l'expert judiciaire sur ce point ; qu'ils estiment que cette seule servitude les prive des trois autres accès et empêche leur projet futur sur leur propriété ; que le nouveau tracé correspond à l'utilité réelle du fond servant puisqu'il contourne le lac par le Nord et l'assiette de la nouvelle servitude d'une largeur de 4 mètres est aussi utilisable et commode que les servitudes anciennes et ne compromet ni l'existence ni le principe même de la servitude ; quant aux projets immobiliers futurs des époux X... aucune précision n'est donnée ni quant auxdits projets ni quant aux difficultés qui entraveraient leur développement et qui seraient en relation directe de causalité avec le tracé et l'assiette de la nouvelle servitude proposées par l'expert ; qu'enfin, le rétablissement des servitudes anciennes au travers des parcelles 89 et 143 impliquerait l'assèchement du lac qui s'étend sur trois parcelles et l'assignation primitive deviendrait plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti et l'empêcherait d'y faire des aménagements avantageux.

- ALORS QUE D'UNE PART la suppression par le fonds servant d'une ou plusieurs servitudes conventionnelles ne peut trouver de sanction que dans le rétablissement de celles-ci sans que le déplacement d'assiette puisse constituer a posteriori un moyen pour le propriétaire du fonds servant d'échapper à la sanction du droit réel transgressé ; qu'en décidant cependant que s'il est vrai que la suppression d'une ou plusieurs servitudes conventionnelles constitue une violation des engagements contractuels, le rétablissement de la situation antérieure n'est pas justifié lorsque les conditions posées à l'article 701 pour un déplacement d'assiette sont réunies, la Cour d'Appel a violé l'article susvisé

- ALORS QUE D'AUTRE PART dans leurs conclusions d'appel signifiées le 25 septembre 2007 (p 7 § 9), les époux X... avaient expressément fait valoir que la demande de la commune de ROQUEBRUNE revenir en réalité non pas à un simple déplacement de l'assiette initiale de la servitude mais à la substitution d'un nouveau droit de passage aux quatre servitudes conventionnelles qui bénéficiaient au fonds des époux X... et dont deux seulement s'exerçaient sur la parcelle cadastrée 89 propriété de la commune de ROQUEBRUNE SUR ARGENS et qui avaient été rendues inutilisables ; qu'en faisant cependant droit à la demande de la commune de ROQUEBRUNE SUR ARGENS sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée par les conclusions des exposants si la demande de modification de l'assiette des servitudes ne revenait pas en réalité à réclamer la suppression d'un passage existant conformément au titre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 701 du Code Civil ;

- ALORS QUE DE TROISIEME PART la faculté de demander le déplacement de l'assiette d'une servitude est offerte au seul propriétaire du fonds servant ; qu'il s'ensuit qu'un tel déplacement ne peut bénéficier au propriétaire d'un autre fonds servant qui n'en a pas fait la demande ; qu'en l'espèce, comme le rappelait les époux X... dans leurs conclusions d'appel signifiées le 25 septembre 2007 « la proposition de la commune de ROQUEBRUNE sur ARGENS (…) revient à supprimer trois servitudes sur quatre dont deux qui ne grèvent pas son fonds » ; qu'en l'espèce, en faisant droit à la commune de ROQUEBRUNE sur ARGENS et en homologuant le rapport d'expertise judiciaire qui remplaçait par le passage litigieux les servitudes conventionnelles qui s'exerçaient également sur la parcelle cadastrée 143 appartenant à la SCA LES PLATANES VAUDOIS, non comparante, et qui n'avait rien demandé la cour d'appel a violé l'article 701 du Code Civil ;

- ALORS QUE DE QUATRIEME PART et en tout état de cause, il résulte de la combinaison des articles 4 et 5 du Code de Procédure Civile que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il s'ensuit qu'une partie ne peut être condamnée au profit d'une autre qui n'a rien demandé contre elle, étant rappelé que nul ne plaide par procureur ; qu'ainsi en ordonnant une mesure que la SCA LES PLATANES VAUDOIS n'avait pas demandée et que la commune ne pouvait solliciter en ses lieu et place, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile, ensemble l'adage nul ne plaide par procureur.



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Cette décision est visée dans la définition :
Enclave


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.