par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 29 avril 2009, 08-10944
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
29 avril 2009, 08-10.944

Cette décision est visée dans la définition :
Emphytéose




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 451-1 du code rural ;

Attendu que le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; que ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 24 octobre 2007), que, par acte notarié du 23 juin 1958, M. X..., aux droits duquel se trouve Mme Y..., a donné à bail à la société Corse Provence "Le Clos des amandiers" (la société Corse Provence) divers terrains pour une période de 40 ans à compter du 1er juillet 1958 ; que, par lettre du 1er décembre 1997, la société Corse Provence a sollicité le renouvellement du bail pour une durée de 20 ans ; que Mme Y... ayant refusé, la société Corse Provence l'a assignée pour faire qualifier le bail de bail commercial ;

Attendu que, pour dire que le bail conclu le 23 juin 1958 est un bail emphytéotique, l'arrêt retient que s'il est de principe que le preneur jouisse d'un libre droit de cession de ses droits, la disposition du contrat qui semble limiter ce droit par la nécessité d'un accord du bailleur, aussitôt corrigée par celle selon laquelle cette autorisation n'est pas requise dès lors que le cessionnaire est un "successeur dans l'exploitation commerciale", ne permet aucune limitation effective de ce droit ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le bail comportait une clause limitant la cession, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y..., la condamne à payer à la société Corse Provence la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille neuf.



MOYENS ANNEXES à l'arrêt n° 505 (CIV. III) ;

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, Avocat aux Conseils, pour la société Corse Provence ;

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement infirmatif, d'AVOIR dit que le bail passé le 23 juin 1958 était un bail emphytéotique et d'AVOIR débouté la société CORSE PROVENCE LE CLOS DES AMANDIERS de sa demande visant à lui faire reconnaître un droit au renouvellement du bail, en considération du caractère non commercial de celui-ci ;

AUX MOTIFS QUE par acte notarié du 23 juin 1958, Monsieur BARTHELEMY X..., ayant droit de Madame Marie-Josée Y..., a donné à bail à loyer à la SA CORSE PROVENCE LE CLOS DE AMANDIERS à compter du 1er juillet 1958, pour une période de 40 ans des terrains nues dénommés Chioso Longo et Mora, d'une superficie totale de 5 hectares situés sur la commune de CALVI ; que la convention prévoyait, notamment, que le bail était fait « aux conditions ordinaires des baux » ; que la société preneuse pouvait y construire des hôtels en vue de les louer ou d'y faire toute autre exploitation commerciale, lesquels restaient sa propriété en fin de bail sauf si le bailleur exigeait la remise en état des lieux ; que le loyer annuel de 300 000 anciens francs, payable à terme échu, pour la première fois le 1er octobre 1958 «pourrait être révisé tous les trois ans conformément aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 modifié auquel les parties déclaraient vouloir se référer…» ; que la société preneuse ne pouvait céder son droit au bail sans l'autorisation du bailleur, si ce n'est à un successeur dans l'exploitation commerciale ; qu'il résulte de la faculté donnée au preneur d'investir et de construire sur le terrain loué un immeuble susceptible de demeurer sa propriété en fin de bail, que le bailleur lui a conféré un droit réel immobilier ; que l'existence de ce droit réel immobilier conféré au preneur caractérise le bail emphytéotique, et le différencie du bail commercial qui n'institue pas un tel droit au profit du locataire ; que par lettre du 1er décembre 1997, la SA CORSE PROVENCE LE CLOS DES AMANDIERS demandait à la bailleresse de lui renouveler le bail pour 20 ans ; que Marie-Josée Y... répondait le 17 décembre 1997, qu'elle entendait donner congé pour le 30 juin 1998 terme du bail emphytéotique ; que cette chronologie confirme que les parties ont entendu à son terme appliquer à la convention le statut des baux emphytéotiques, la société preneuse ne se sentant aucunement investie d'un droit au renouvellement ; que s'il est de principe que le preneur jouisse d'un libre droit de cession de ses droits, la disposition du contrat qui semble limiter ce droit par la nécessité d'un accord du bailleur, aussitôt corrigée par celle selon laquelle cette autorisation n'est pas requise dès lors que le cessionnaire est un «successeur dans l'exploitation commerciale », ne permet aucune limitation effective de ce droit et ne peut remettre en cause cette analyse ; qu'en conséquence, au-delà du droit réel immobilier transféré à l'appelante, la dénomination du bail, l'intention des parties manifestée à son terme, la modicité de la redevance, et la longue durée de cette location confirment la qualification emphytéotique du bail litigieux ; que la qualification de bail emphytéotique est exclusive du statut des baux commerciaux sauf en ce qui concerne la révision du loyer par application des dispositions de l'article L. 145-3 du Code de commerce ; que la destination de l'immeuble donné à bail et l'activité qui y est exercée son indifférentes à la qualification emphytéotique de celui-ci ; que si c'est à bon droit que le premier juge a dit que l'appelante ne bénéficiait par d'un droit au renouvellement du bail en considération de l'absence de caractère commercial de celui-ci, c'est donc à tort que la qualification de bail emphytéotique a été écartée ; que le jugement sera donc dans cette mesure réformé ;

1°) ALORS QUE le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; que ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société preneuse ne pouvait céder son droit au bail sans l'autorisation du bailleur, si ce n'est à un successeur dans l'exploitation commerciale ; qu'en déniant toute portée à cette clause limitant le droit de cession du bail, caractère essentiel du bail emphytéotique, la Cour d'appel a violé l'article L. 451-1 du Code rural, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; que ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, et comme le Tribunal l'avait relevé, si le bail ne limitait pas l'usage que le preneur pouvait faire des lieux en ne l'autorisant à construire que des hôtels pavillonnaires en vue de leur location à des tiers ou toute autre exploitation commerciale ainsi que café, restaurant, mais devant répondre au but fixé dans les statuts, ce qui excluait la qualification de bail emphytéotique, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 451-1 du Code rural ;

3°) ALORS QU'en tout état de cause, en ne recherchant pas, comme il le lui était demandé, et comme le Tribunal l'avait constaté, si le bail ne limitait pas l'usage que la société preneuse pouvait faire des terrains loués en lui interdisant d'abattre aucun arbre, de réunir ou grouper plusieurs parcelles attenantes, et de faire disparaître dans les limites du fonds loué les talus, haies, rigoles qui les séparent ou les morcellent sans le consentement préalable du bailleur, ce qui excluait la qualification de bail emphytéotique, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 451-1 du Code rural ;

4°) ALORS QU'en toute hypothèse, le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; qu'à défaut de paiement de deux années consécutives, le bailleur est autorisé, après une sommation restée sans effet, à faire prononcer en justice la résolution de l'emphytéose ; qu'en affirmant que les parties avaient conclu un bail emphytéotique sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le bail ne comportait pas une clause aux termes de laquelle, à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de loyer, le contrat serait résilié de plein droit, à la discrétion du bailleur, un mois après un simple commandement de payer resté infructueux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 451-1 et L. 451-5 du Code rural.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait débouté la société CORSE PROVENCE LA CLOS DES AMANDIERS de sa demande visant à lui faire reconnaître un droit au renouvellement du bail, en considération du caractère non commercial de celui-ci ;

AUX MOTIFS, à la supposer adoptés, QUE les cocontractants de 1958 aujourd'hui décédés n'ont certes pas donné de titre à la convention mais ont eux-mêmes précisé en exergue des conditions que « le présent bail est fait aux conditions ordinaires et baux et en outre sous celles suivantes » ; qu'ils n'ont pas ainsi entendu se placer sous tel ou tel régime d'une type de bail particulier mais ont au contraire souhaité adopter les règles générales du contrat de louage de choses sauf à en préciser ou adapter certains points fondamentaux (…) ; qu'il ne peut être jugé que le bail est emphytéotique ; que ce bail n'est pas davantage un bail commercial car s'il est exact que son objet initial, à savoir la mise en location de terrains nus sur lesquels sont édifiées ensuite des constructions à usage commercial avec le consentement du bailleur, peut entrer dans le cadre de l'article L. 145-1 du Code de commerce, pour le reste la seule référence manifeste au statut édicté par le décret du 20/09/1953 consiste en l'adoption du système de révision triennale du prix du bail, élément très insuffisant pour juger que la commune intention des parties était de souscrire une location de ce type ;

ALORS QUE le statut des baux commerciaux est applicable, par le seul effet de la loi, aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées, soit avant, soit après le bail, des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire ; que la renonciation à un droit ne peut intervenir que postérieurement à la naissance de ce droit ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le bail portait sur des terrains nus, sur lesquels la société preneuse avait été expressément autorisée par le propriétaire à édifier des constructions à usage commercial ; qu'en refusant de qualifier le contrat de bail commercial et de reconnaître à la locataire le droit au renouvellement résultant de cette qualification, au motif inopérant que la commune intention des parties de conclure un tel bail n'aurait pas été établie, la Cour d'appel a violé l'article L. 145-1. I. 2° du Code de commerce, ensemble l'article 1134 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Emphytéose


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.