par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 12 juillet 2017, 16-12659
Dictionnaire Juridique
site réalisé avec Baumann Avocats Droit informatique |
Cour de cassation, chambre sociale
12 juillet 2017, 16-12.659
Cette décision est visée dans la définition :
Instruction (procédure civile)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 145 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Scop Seafrance, a été constituée fin 2011 à l'initiative d'anciens salariés de la société Seafrance qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 16 novembre 2011 ; que lors de cette procédure de liquidation judiciaire, la société Groupe Eurotunnel a fait une offre de reprise des actifs de la société Seafrance en vue de relancer l'activité de la Scop Seafrance ; que, par ordonnance du 11 juin 2012, le juge-commissaire a autorisé la cession des navires « Rodin », « Berlioz » et « Nord Pas-de-Calais » de la société Seafrance aux trois filiales du groupe Eurotunnel, et respectivement à la société Euro Transmanche, à la société Euro Transmanche 3BE et à la société Euro Transmanche 3NPC, et ce avec une clause d'inaliénabilité des navires pour une durée de cinq ans ; que ces sociétés ont alors donné ces navires en location à la Scop Seafrance pour leur exploitation maritime suivant des contrats d'affrètement coque nue le 29 juin 2012 pour trois ans renouvelables sauf dénonciation ; que la commercialisation des traversées étant assurée par la société Myferrylink, filiale détenue indirectement par la société Groupe Eurotunnel, un contrat de sous affrètement entre la Scop Seafrance et la société Myferrylink a été conclu le 18 juillet 2012, outre un contrat d'agent le 3 juillet 2013 entre la société Myferrylink et la société DCFL, filiale de la Scop Seafrance ; qu'en juin 2014, l'autorité britannique de la concurrence, a décidé que l'acquisition de ces navires était anti-concurrentielle et a interdit leur circulation au départ de Douvres ; que de ce fait en janvier 2015, la société Groupe Eurotunnel a décidé de se séparer de son activité maritime et a cherché un repreneur pour la société Myferrylink ; qu'à cet effet, la société Groupe Eurotunnel a retenu l'offre de la société danoise DFDS et lui a loué à compter du 2 juillet 2015 les deux navires « Berlioz » et « Rodin », la société DFDS consentant aux sociétés Euro Transmanche une option de vente ; que ces dernières ont alors notifié, le 27 mai 2015, à la société Scop Seafrance le non-renouvellement des contrats d'affrètement et la fin des relations contractuelles, la société Myferrylink procédant de même pour les contrats de sous-affrètement et d'agent ; que le 10 avril 2015, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la Scop Seafrance, convertie par jugement du 11 juin 2015 en redressement judiciaire, le tribunal de commerce ayant pris acte de l'arrivée à échéance des contrats d'affrètement au 1er juillet 2015 ; que la liquidation judiciaire a été prononcée le 31 juillet 2015, M. X... ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire ; que dès le 25 juin 2015, les administrateurs judiciaires de la Scop Seafrance ont saisi le tribunal de commerce en référé afin notamment d'obtenir de la société Groupe Eurotunnel et de ses filiales, la communication sous astreinte de l'ensemble des offres tendant à la reprise des navires ainsi que les documents échangés au cours du processus de vente des biens afférents à l'activité de transport des passagers et de fret au moyen des dits navires et des éventuels contrats conclus ;
Attendu que pour débouter le liquidateur judiciaire de la Scop France de sa demande de communication de pièces sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, l'arrêt relève d'abord que, les organes de la procédure sollicitent la communication de la part de la société Groupe Eurotunnel et de ses filiales des contrats passés avec la société DFDS avec effet au 2 juillet 2015 au motif notamment que la résiliation des divers contrats d'affrètement et de commercialisation conclus avec la Scop Seafrance et la reprise de l'exploitation maritime des navires par une autre entité est de nature à constituer un changement dans la situation juridique de l'employeur relevant de l'article L. 1224-1 du code du travail, que le liquidateur doit engager les responsabilités encourues dans la résolution et le non-renouvellement des contrats passés avec la Scop Seafrance, et que les licenciements des salariés ayant été effectués par le liquidateur pour « le compte de qui il appartiendra », son identification passe par la connaissance exacte des accords passés entre Eurotunnel et DFDS ; qu'il retient, ensuite, qu'on ne voit pas sur quel support pourrait être engagée une action en responsabilité dès lors que le non-renouvellement des contrats d'affrètement tient de leurs stipulations suivant lesquelles ils ont été conclus le 29 juin 2012 pour trois ans et non pas des contrats conclus avec la société DFDS, que les mesures sociales dépendent de la décision de non-renouvellement des contrats et des termes de l'offre présentée aux administrateurs par DFDS qui précisait le nombre de salariés qu'elle entendait reprendre, que la communication sollicitée n'avait au stade actuel de la procédure collective aucun impact, qu'enfin l'action fondée sur les dispositions de l'article L. 1224-1 précité dont la finalité consiste à faire reconnaître à un tiers la qualité d'employeur est une action qui appartient personnellement aux salariés et que le liquidateur, qui agit dans l'intérêt collectif des créanciers ne saurait représenter, qu' ainsi le liquidateur ne peut prétendre que sa demande de communication de pièces serait justifiée par la possibilité pour lui même de se prévaloir de ces dispositions, sachant qu'en outre l'action ne serait pas dirigée contre la société Groupe Eurotunnel ; qu'il en déduit que la demande de communication de pièces n'est justifiée par aucun motif légitime ;
Qu'en statuant ainsi, alors d'une part, que l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que la personne supportant la mesure soit le défendeur du futur procès en vue duquel la mesure est sollicitée, et d'autre part, que l'activité de la société en liquidation judiciaire ayant été reprise et poursuivie, le liquidateur judiciaire qui a procédé au licenciement des salariés dispose, pour le cas où les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail seraient applicables, d'un recours en garantie à l'encontre du repreneur ayant refusé de poursuivre les contrats de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Scop Seafrance de sa demande de communication de pièces, l'arrêt rendu le 17 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne les défenderesses au dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Groupe Eurotunnel, Myferrylink et Euro Transmanche SAS, 3 BE et 3 NPC à payer la somme de 3 000 euros à M. X..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que la prétention formulée sur la base de l'article 145 du code de procédure civile était mal fondée, et qu'elle était mal fondée sur la base de l'article 873 du code de procédure civile, d'AVOIR en conséquence infirmé l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné la communication de pièces sous astreinte, d'AVOIR débouté Maitre X... et la Scop Seafrance de l'ensemble de leurs demandes et d'AVOIR condamné Maitre X... ès qualité de liquidateur de la Scop Seafrance in solidum à payer aux appelantes la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ; AUX MOTIFS QUE «En juin 2014, la CMA, autorité britannique de la concurrence, a décidé que cette acquisition était anti concurrentielle et a interdit la circulation des navires au départ de Douvres, décision confirmée en appel. DE ce fait en janvier 2015, le groupe Eurotunnel décidait de se séparer de son activité maritime et cherchait un repreneur pour Myferrylink, mandatant un cabinet pour recevoir les offres dans le respect de l'inaliénabilité provisoire décidée par le Tribunal de Commerce de Paris, devant s'achever en juin 2017. [...] Le 30 juin 2015, par voie de presse, les administrateurs judiciaires ont indiqué qu'ils avaient pris la décision de demander la conversion en liquidation judiciaire, l'activité de la Scop cessant au 1 juillet 2015. Le 31 juillet 2015, est intervenue la liquidation judiciaire et un protocole de sortie de crise a été signé le 31 août 2015 comportant des engagements à la charge des parties. [...] La cour constate que le débat devant elle est sérié au problème de la communication de pièces, la résiliation des contrats au 1 juillet 2015 n'étant pas contestée, qualifiée par l'intimée de ' renvoi à une interprétation stricte des dispositions contractuelles'. L'assignation et l'ordonnance ont été établies au visa de l'article 873 du code de procédure civile ; s'il est exact que l'ordonnance déférée laisse planer une certaine confusion, au regard du fait qu'elle fait allusion à un intérêt légitime, elle justifie la décision par le danger que représenterait pour la SCOP le non renouvellement des contrats, par les mesures sociales induites que vont devoir prendre les administrateurs, par l'information la plus large dont doivent disposer les coadministrateurs, par l'illégitimité qui consiste à leur dissimuler la nature des négociations et accords propres à assurer le redéploiement de l'exploitation des navires. On croit y lire la référence au dommage imminent et au trouble manifestement illicite de l'article 873. Or, à ces deux égards, la solution parait contestable; en effet, par la même décision, le juge des référés a consacré que les contrats d'affrètement conclus entre les parties avaient, conformément à leur terme, valablement pris fin le 1 juillet 2015, qu'il n' y avait pas à cet égard de trouble illicite, que l'imminence du danger ne résultait pas d'un comportement illégitime de Groupe Eurotunnel. Par là même, il ne pouvait justifier sur ce même fondement sa décision d'ordonner communication des contrats régularisés sur les navires et de leurs avenants, de surcroît au visa d'un motif beaucoup plus large qui serait le droit à disposer de l'ensemble des informations nécessaires à l'instruction d'une solution conforme aux dispositions du livre VI du code de commerce, qui n'est certes pas un des motifs de l'article 873 visé. Le premier juge fait allusion au danger que représente le non renouvellement des contrats, qu'il reconnaît par ailleurs comme acquis, donc non susceptible de faire l'objet de mesures de prévention, et au trouble illicite, tout en consacrant la légitimité du comportement de Groupe Eurotunnel. Par ailleurs il vise les mesures sociales qui ne dépendent pas des offres et promesses d'achat des navires reçues par Eurotunnel non plus que des contrats conclus avec DFDS. En outre, la liquidation judiciaire est intervenue qui exclut la notion de dommage imminent et la notion d'urgence. L'intimée plaide que le refus de Groupe Eurotunnel d'associer les organes de la procédure de la SCOP au processus de transfert des navires aura eu pour effet de la mettre dans l'impossibilité de présenter un plan de redressement et le licenciement des salariés pour le compte de qui il appartiendra. Mais, il doit être souligné que les navires ne sont pas sa propriété, que la mise à disposition des contrats sollicités ne permet pas d'optimiser les solutions de sauvegarde des intérêts de la SCOP, d'autant que le 26 juin 2015, la liquidation était sinon engagée du moins envisagée. En ce qui concerne l'invocation en appel de l'article 145 du code de procédure civile, contestée par le Groupe Eurotunnel, il doit être considéré que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, et ce en vertu de l'article 565 du code de procédure civile; tout d'abord le texte de l'article 145 est un texte général applicable avant tout procès. Par ailleurs , s'il ne requière pas les mêmes conditions que l'article 873, il est plus large dans ses conditions d'ouverture et doit être considéré au cas d'espèce comme un moyen nouveau, conformément à l'article 563 d'obtenir la même fin, soit la communication de pièces. Il s'agit d'une mesure sollicitée en vertu d'un intérêt éventuel à agir qui ne peut que recouvrir la réalité de l'intérêt né et actuel de l'article 873. Il convient de déclarer cette demande recevable et de considérer celle-ci au regard des conditions d'application de ce texte. En vertu de l'article 145 du code de procédure civile le juge apprécie souverainement s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige; autrement dit, le demandeur doit avoir qualité à agir dans la perspective d'un litige à naître ou éventuel avec son adversaire et préciser le lien entre la mesure sollicitée et le procès, qui doit être plausible et déterminable, afin que la mesure suggérée présente une utilité. À cet égard, la SCOP plaide que plusieurs litiges à l'initiative de son liquidateur sont plausibles et crédibles en matière de responsabilité comme en matière de contrats de travail de salariés et que seule la connaissance précise des dates et des termes des accords passés entre Groupe Eurotunnel et DFDS permettent de contribuer à établir les faits dont pourra dépendre la solution. Pour étayer son argumentation, elle précise que les engagements à long terme en matière sociale pris par Groupe Eurotunnel devant le juge commissaire sont indivisibles de la cession des navires au prix proposé, prix dont la faiblesse aurait été soulignée dans l'ordonnance autorisant l'opération. Au regard des motifs adoptés par le juge des référés, la communication ordonnée n'est pas davantage justifiée sur la base de l'article 145 du code de procédure civile ; quant au danger de non renouvellement des contrats, il tient aux stipulations des contrats d'affrètement eux mêmes et pas aux contrats conclus avec DFDS; les mesures sociales dépendent de la décision de non renouvellement des contrats et des termes de l'offre présentée aux administrateurs par DFDS qui précisait le nombre de salariés que DFDS entendait reprendre, la communication sollicitée n'ayant au stade actuel de la procédure collective aucun impact et Groupe Eurotunnel ayant communiqué ses intentions en ce qui concerne l'exploitation d'un navire. Quant à la sauvegarde des intérêts de la SCOP, elle n'est en rien favorisée par l'information réclamée. La SCOP fait valoir qu'il appartient à Maître X... d'engager les responsabilités dans la résolution ou le non renouvellement des contrats, mais les contrats ont été conclus le 29 juin 2012 pour trois ans et la légitimé contractuelle de cette résiliation n'a pas été contestée; on ne voit pas sur quel support pourrait être engagée une action en responsabilité. Puis il est invoqué l'article L 1224-1 du code du travail en vertu duquel lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Or cette action dont la finalité consiste à faire reconnaître à un tiers la qualité d'employeur est une action qui appartient personnellement aux salariés, que le liquidateur, qui agit dans l'intérêt collectif des créanciers ne saurait représenter; ainsi le liquidateur ne peut prétendre que sa demande de communication de pièces serait justifiée par la possibilité pour lui même de se prévaloir de ces dispositions, sachant qu'en outre l'action ne serait pas dirigée contre Groupe Eurotunnel. En conséquence, la demande de communication de pièces n'est justifiée par aucun motif légitime et l'ordonnance doit être infirmée qui l'a ordonnée. Déboutés de leurs demandes, Maître X... es qualité de liquidateur et la Scop Seafrance seront condamnés in solidum à payer aux appelantes la somme de 5000euro sur la base de l'article 700 du code de procédure civile » ;
1°) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'il en découle que le juge doit motiver sa décision en des termes compatibles avec cette exigence d'impartialité ; qu'en énonçant que « quant au danger de non renouvellement des contrats, il tient aux stipulations des contrats d'affrètement eux mêmes et pas aux contrats conclu avec DFDS ; les mesures sociales dépendent de la décision de non renouvellement des contrats et des termes de l'offre présentée aux administrateurs par DFDS qui précisait le nombre de salariés que DFDS entendait reprendre, la communication sollicitée n'ayant au stade actuel de la procédure collective aucun impact et Groupe Eurotunnel ayant communiqué ses intentions en ce qui concerne l'exploitation d'un navire. Quant à la sauvegarde des intérêts de la SCOP, elle n'est en rien favorisée par l'intention réclamée (...) Puis il est invoqué l'article L. 1224-1 du code du travail en vertu duquel lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Or cette action dont la finalité consiste à faire reconnaître à un tiers la qualité d'employeur est une action qui appartient personnellement aux salariés, que le liquidateur, qui agit dans l'intérêt collectif des créanciers ne saurait représenter ; ainsi le liquidateur ne peut prétendre que sa demande de communication de pièces serait justifiée par la possibilité pour lui-même de se prévaloir de ces dispositions, sachant qu'en outre l'action ne serait pas dirigée contre Groupe Eurotunnel » (arrêt p.8), la cour d'appel s'est bornée, au titre de sa motivation, à reproduire, sans aucune autre motivation et à l'exception de quelques adaptations de style, les conclusions d'appel des sociétés GET, Euro-transmanche, Euro-transmanche 3BE, Euro-transmanche 3NPC et Myferrylink (conclusions d'appel adverses p.23 in fine à 29) ; qu'en statuant ainsi, par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) ALORS QUE pour prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état, le juge doit apprécier l'urgence et l'imminence du dommage au jour de sa saisine ; qu'en affirmant que la liquidation judiciaire intervenue après la saisine du juges des référés excluait la notion de dommage imminent et la notion d'urgence, la cour d'appel qui a méconnu la date à laquelle elle devait se placer pour apprécier l'urgence ou le trouble manifestement illicite a violé l'article 873 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la Scop Seafrance soutenait qu'elle pouvait engager la responsabilité contractuelle de la société GET puisque cette dernière n'avait pas respecté les engagements qu'elle avait pris à long terme en matière sociale devant le juge commissaire à la liquidation de la société Seafrance, indivisibles de la cession des navires au prix proposé, que la rupture des relations commerciales avec la Scop par le groupe Eurotunnel qui avait invoqué l'interdiction de navigation sur la liaison Douvres-Calais, était intervenue pour lui permettre de céder les navires et contourner leur inaliénabilité prononcée par le juge commissaire jusqu'en 2017, puisque le groupe Eurotunnel avait ainsi conclu un contrat d'affrètement avec option d'achat des navires avec la société concurrente de la Scop Seafrance, la société DFDS, laquelle avait été associée à l'autorité britannique de la concurrence (CMA) pour faire interdire au groupe Eurotunnel la circulation des navires entre Calais et Douvres (conclusions d'appel de l'exposante p.17 et 18 production n°2) ; que la Scop Seafrance soulignait en outre que le groupe Eurotunnel ne pouvait pas valablement invoquer l'interdiction de circulation des navires entre Calais et Douvres comme motif de rupture des contrats d'affrètement, de sous-affrètement et de commercialisation puisque la décision d'interdire la liaison Douvre Calais avait été infirmé et que le groupe Eurotunnel avait été autorisé à continuer ses relations avec la Scop Seafrance et à assurer la liaison maritime (note en délibéré, production n°3) ; que la Scop Seafrance contestait donc la légitimité de la résiliation des contrats d'affrètement, de sous affrètement et de commercialisation ; qu'en affirmant que la légitimité contractuelle de la résiliation des contrats conclus entre la Scop Seafrance et le groupe Eurotunnel par ce dernier n'avait pas été contestée, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la Scop Seafrance et partant a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient pour affirmer que la décision de la cour d'appel de Londres du 15 mai 2015 avait infirmé la décision du Competition Appeal Tribunal du 9 janvier 2015 ayant interdit la circulation des navires sur la liaison Calais-Douvres ; que les sociétés GET, Myferrylink, Euro-Transmanche, Euro-Transmanche 3BE et Euro-Transmanche 3NPC se bornaient à affirmer que la décision d'appel n'avait pas affecté la position du groupe Eurotunnel quant à la cession de la société Myferrylink et invoquait à ce titre la détermination de l'autorité de la concurrence britannique qui avait exercé un recours contre la décision litigieuse (conclusions d'appel adverses p.7) ; que la Scop Seafrance soutenait quant à elle que le cour d'appel britannique avait infirmé la décision d'interdire la liaison des navires sur la ligne Calais-Douvres, de sorte que l'interdiction invoquée par le groupe Eurotunnel pour rompre les relations contractuelles avec la Scop ne justifiait pas la résiliation des contrats (note en délibéré) ; qu'en affirmant que la décision d'interdire la circulation des navires au départ de Douvres avait été confirmée en appel (arrêt 4 § 6), la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé, et ce peu importe que la partie qui supporte la mesure soit ou non le défendeur du futur procès en vue duquel la mesure est sollicitée ; qu'en l'espèce, la Scop Seafrance faisait valoir et offrait de prouver que l'AGS avait refusé de prendre en charge les indemnités de rupture suite aux licenciements intervenus puisqu'il considérait que l'article L. 1224-1 du code du travail s'appliquait et soulignait que les termes des contrats conclus entre le groupe Eurotunnel et la société DFDS conditionnaient l'identification de l'entité devant supporter les coûts des licenciement des salariés, de sorte qu'un litige était plausible et que le liquidateur avait un intérêt à obtenir de tels documents ; qu'en écartant l'application de l'article 145 du code de procédure au motif inopérant que le liquidateur agit dans l'intérêt collectif des créanciers et ne saurait représenter les salariés qui seuls détiennent l'action consistant à voir reconnaître la qualité d'employeur à un tiers et que l'action ne serait pas dirigée contre le groupe Eurotunnel, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE toute partie intéressée peut invoquer le transfert des contrats de travail de salariés au profit d'un nouveau prestataire de marché en l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en relevant que le liquidateur de la Scop Seafrance ne pouvait pas prétendre que la communication de pièces était justifiée par la possibilité pour lui de se prévaloir des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail au prétexte que l'action sur le fondement de ce texte consistant à faire reconnaître à un tiers la qualité d'employeur était une action appartenant personnellement aux salariés, que le liquidateur ne pouvait représenter, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1165 du code civil et L. 1224-1 du code du travail ;
7°) ALORS QUE l'article L. 1224-1 du code du travail s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité et s'impose aux parties ; qu'en l'espèce, la Scop Seafrance faisait valoir que les termes des contrats d'affrètement et de sous-affrètement conclus entre le groupe Eurotunnel et la société DFDS étaient particulièrement importants pour déterminer le cas échéant si l'article L. 1224-1 du code du travail devait s'appliquer, et donc pour déterminer qui était l'employeur devant supporter les licenciements des salariés de la Scop ; qu'en affirmant que les mesures sociales ne dépendaient pas des contrats conclus avec la société DFDS et dépendaient des termes de l'offre présentée par cette dernière précisant le nombre de salariés que la société DFDS entendait reprendre, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble 145 et 873 du code de procédure civile.
site réalisé avec Baumann Avocats Droit informatique |
Cette décision est visée dans la définition :
Instruction (procédure civile)
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.